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04/11/2021 | FRANCE | N°20/006461

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 04 novembre 2021, 20/006461


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 04/11/2021
Me Céline TOULET
la SCP HERVOUET-CHEVALLIER-GODEAU
ARRÊT du : 04 NOVEMBRE 2021

No : 217 - 21
No RG 20/00646
No Portalis DBVN-V-B7E-GEAN

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BLOIS en date du 06 Février 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265246193548826

Monsieur [I] [C]
né le [Date naissance 2] 1948 à
[Adresse 6]
[Localité 4]

M

adame [W] [C] NEE [S]
née le [Date naissance 1] 1954 à
[Adresse 6]
[Localité 4]

Ayant tout deux pour avocat Me Céline TOULET, avoca...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 04/11/2021
Me Céline TOULET
la SCP HERVOUET-CHEVALLIER-GODEAU
ARRÊT du : 04 NOVEMBRE 2021

No : 217 - 21
No RG 20/00646
No Portalis DBVN-V-B7E-GEAN

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BLOIS en date du 06 Février 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265246193548826

Monsieur [I] [C]
né le [Date naissance 2] 1948 à
[Adresse 6]
[Localité 4]

Madame [W] [C] NEE [S]
née le [Date naissance 1] 1954 à
[Adresse 6]
[Localité 4]

Ayant tout deux pour avocat Me Céline TOULET, avocat au barreau de BLOIS

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265257159975394

La Société Coopérative à Responsabilité Limitée CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL MEDITERRANEEN
[Adresse 5]
[Localité 3]

Ayant pour avocat Me Alexandre GODEAU, membre de la SCP D'AVOCATS HERVOUËT-CHEVALLIER-GODEAU, avocat au barreau de BLOIS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 16 Mars 2020
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 26 Août 2021

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du JEUDI 23 SEPTEMBRE 2021, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Ferrerole DELONS, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 04 NOVEMBRE 2021 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Selon acte sous seing privé du 21 décembre 2012, la caisse de Crédit mutuel de Salon de Provence (la caisse de Crédit mutuel) a consenti à la société Ex Aequo, représentée par Mme [Y] [X], un prêt de 25 000 euros remboursable en soixante mensualités de 462,75 euros incluant les intérêts au taux conventionnel de 3,5 % l'an et les primes d'assurances.

Par actes sous seing privé du même jour, chacun de Mme [Y] [X], M. [I] [C] et Mme [W] [S] épouse [C] s'est porté caution solidaire des engagements souscrits par la société Ex Aequo, dans la limite de 30 000 euros, pour une durée de quatre-vingt quatre mois.

Le tribunal de commerce de Salon de Provence a ouvert le 16 octobre 2014 à l'égard de la société Ex Aequo une procédure de sauvegarde qui a été convertie le 30 juillet 2015 en procédure de liquidation judiciaire.

La caisse de Crédit mutuel a déclaré au passif de la procédure collective de la société Ex Aequo une créance qui a été admise par le juge-commissaire à hauteur de 18 389,20 euros.

Après avoir vainement mis en demeure M. et Mme [C] de lui régler une somme de 17 924,37 euros en exécution de leurs engagements de caution, par courrier recommandé du 14 mars 2017 réceptionné le 17 mars suivant, l'établissement de crédit a fait assigner M. et Mme [C] en paiement devant le tribunal de grande instance de Blois par actes du 18 septembre 2017.

Par jugement du 6 février 2020, le tribunal judiciaire de Blois a :

-débouté M. et Mme [C] de leur demande de nullité de leur engagement de caution pour cause de disproportion
-condamné M. et Mme [C] à payer à la caisse de Crédit mutuel la somme de 17 186,17 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2017
-déclaré irrecevable la demande de délais de paiement de M. et Mme [C]
-condamné M. et Mme [C] à payer à la caisse de Crédit mutuel la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
-condamné M. et Mme [C] aux entiers dépens
-débouté la caisse de Crédit mutuel de sa demande tendant à ce que les frais et honoraires de l'huissier chargé de l'exécution forcée de la décision soient d'ores et déjà mis à la charge de M. et Mme [C]

Pour statuer comme il l'a fait, le premier juge a retenu que le fait que M. et Mme [C] ne disposent d'aucun patrimoine ne suffisait pas à caractériser la disproportion de leur engagement, et que les cautions ne démontraient pas que leur engagement était excessif au regard du montant des échéances mensuelles du prêt contracté par la société Ex Aequo.

Le tribunal a ensuite considéré que la Caisse de crédit mutuel ne justifiait pas avoir satisfait à son obligation d'information à l'endroit des cautions, et a en conséquence condamné M. et Mme [C] à régler à ladite caisse une somme de 17 186,17 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation en paiement.

M. et Mme [C] ont relevé appel de cette décision par déclaration en date du 16 mars 2020, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 11 août 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de leurs moyens, M. et Mme [C] demandent à la cour, au visa des articles L. 341-1, L. 341-4 et L. 341-6 anciens du code de la consommation, L. 332-1, L. 332-2 et L. 333-1 du code de la consommation, et 1244-1 du code civil, de :

-infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Blois le 6 février 2020 en toutes ses dispositions

En conséquence

A titre principal :

-dire et juger que les engagements de caution dont se prévaut le Crédit mutuel sont manifestement excessifs et disproportionnés
En conséquence,
-dire et juger que le Crédit mutuel ne peut se prévaloir des actes de cautionnement solidaire qui auraient été consentis par les époux [C]
-débouter le Crédit mutuel de toutes demandes fins et prétentions

A titre subsidiaire :

-dire et juger que les époux [C] ne peuvent être tenus au paiement des intérêts et pénalités de retard
En conséquence,
-surseoir à statuer jusqu'à la production d'un décompte de créance ne mentionnant pas les intérêts et pénalités de retard

A titre infiniment subsidiaire
-leur accorder les plus larges délais de paiement prévus par la loi
-condamner le Crédit mutuel à leur verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
-condamner le Crédit mutuel aux entiers dépens

Dans ses dernières conclusions notifiées le 25 août 2020, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l'exposé de ses moyens, la caisse de Crédit mutuel demande à la cour, au visa des articles 2288 du code civil et L. 332-1 du code de la consommation, de :

-confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Blois le 6 février 2020 en ce qu'il a
débouté M. et Mme [C] de leurs demandes tendant à voir juger manifestement excessif et disproportionné leur engagement de caution
-confirmer purement et simplement le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Blois le 6 février 2020 en ce qu'il a condamné solidairement M. et Mme [C] à lui verser la somme de 17 186,17 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2017
-débouter M. et Mme [C] de toute demande de délais de paiement
-condamner solidairement M. et Mme [C] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
-condamner solidairement M. et Mme [C] aux entiers dépens

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 26 août 2021, pour l'affaire être plaidée le 23 septembre suivant et mise en délibéré à ce jour.

SUR CE, LA COUR :

La cour observe à titre liminaire que si, dans ses motifs, le jugement déféré a prononcé des condamnations solidaires contre M. et Mme [C], aucune condamnation solidaire n'a en revanche été prononcée dans le dispositif de la décision en cause.

Sur la demande en paiement de l'établissement de crédit

Selon l'article L. 341-4 du code de la consommation, devenu l'article L. 332-1 même code, dans sa rédaction antérieure à son abrogation issue de l'ordonnance no 2021-1192 du 15 septembre 2021, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Au sens de ces dispositions, qui bénéficient tant aux cautions profanes qu'aux cautions averties, la disproportion s'apprécie à la date de conclusion du contrat de cautionnement au regard du montant de l'engagement ainsi souscrit et des biens et revenus de la caution, en prenant en considération son endettement global, y compris celui résultant d'autres engagements de caution, dès lors que le créancier avait ou pouvait avoir connaissance de cet endettement.

C'est à la caution qui se prévaut des dispositions de l'article L. 332-1 de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle invoque.

Si le code de la consommation n'impose pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, il est en droit, s'il le fait, de se fier aux renseignements communiqués par la caution, sauf existence d'anomalies apparentes.

Le créancier peut en outre démontrer que le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation au moment où il l'a appelée en paiement.

En l'espèce, sur la fiche patrimoniale qu'ils ont l'un et l'autre signée et certifiée exacte le 17 décembre 2012, M. et Mme [C] ont indiqué être mariés sans contrat, ne pas avoir de personne à charge, et ne disposer d'aucun patrimoine, mobilier ou immobilier.

Ils ont indiqué que M. [C], retraité, percevait mensuellement une pension de 2 146,21 euros et que son épouse, salariée à temps partiel, percevait un salaire mensuel de 1 265,90 euros.

M. et Mme [C] ont enfin précisé supporter un loyer de 836 euros, et avoir souscrit un crédit automobile de 28 500 euros, dont l'encours, à rembourser sur 48 mois, s'élevait à 23 882 euros à l'époque de leurs engagements de caution.

S'il est exact que le seul fait de ne disposer d'aucun patrimoine ne suffit pas établir le caractère manifestement excessif d'un engagement de caution, la caisse de Crédit mutuel soutient de manière inopérante que le montant des échéances du prêt cautionné )462,50 euros(, ajouté aux autres charges de M. et Mme [C], ne faisait naître aucun endettement excessif, alors que la disproportion manifeste du cautionnement s'apprécie au regard de la capacité de la caution à faire face, avec ses biens et revenus, non à l'obligation garantie selon les modalités de paiement propres à celle-ci, c'est-à-dire, en l'espèce, aux mensualités du prêt, mais au montant de son propre engagement )v. par ex. Com. 11 mars 2020, no 18-25.390(.

Avec un loyer de 836 euros et une charge de crédit automobile de plus de 500 euros par mois (23 822 /48, hors intérêts), M. et Mme [C], qui ne disposaient plus que d'un revenu disponible de l'ordre de 2 000 euros, qui n'avaient aucun patrimoine immobilier ni aucune épargne, ne pouvaient faire face à un engagement de caution de 30 000 euros, qui représentait quinze fois le revenu disponible avec lequel ils devaient régler toutes leurs charges courantes autres que leur loyer et leur crédit automobile.

Les engagements donnés le 21 décembre 2012 par M. et Mme [C] étaient donc manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus.

Ainsi qu'on l'a déjà dit, il appartient au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation.

En l'espèce la caisse de Crédit mutuel n'établit ni même n'allègue que la situation patrimoniale de M. et Mme [C] se serait améliorée, et les appelants démontrent au demeurant le contraire.

Dès lors, par infirmation du jugement entrepris, la Caisse de crédit mutuel, qui ne peut se prévaloir des actes de cautionnement du 21 décembre 2012, sera déboutée de ses demandes en paiement.

Sur les demandes accessoires

La caisse de Crédit mutuel, qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur ce dernier fondement, l'intimée sera condamnée à régler à M. et Mme [C], à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité de leurs frais non compris dans les dépens, une indemnité de procédure 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

INFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions critiquées,

STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et y ajoutant :

DIT que la caisse de Crédit mutuel de Salon de Provence ne peut se prévaloir des engagements de caution donnés le 21 décembre 2012 par M. et Mme [C],

REJETTE en conséquence les demandes en paiement de la Caisse de crédit mutuel de Salon de Provence,

CONDAMNE la caisse de Crédit mutuel de Salon de Provence à payer à M. et Mme [C] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de la caisse de Crédit mutuel de Salon de Provence formée sur le même fondement,

CONDAMNE la caisse de Crédit mutuel de Salon de Provence aux dépens première instance et d'appel.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 20/006461
Date de la décision : 04/11/2021
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2021-11-04;20.006461 ?
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