COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 13/01/2022
la SELARL LEXAVOUE POITIERS - ORLEANS
la SELARL DEVERGE
ARRÊT du : 13 JANVIER 2022
No : 2 - 22
No RG 20/01021
No Portalis DBVN-V-B7E-GEYV
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 18 Mai 2020
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265257812541827
La SAS HORMANN FRANCE,
Prise en la personne de son Président, en exercice, et de tous autres représentants légaux domiciliés ès-qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Ayant pour avocat postulant Me Isabelle TURBAT, membre de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Emmanuel FLEURY, membre del'AARPI LMT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265255789837493
S.A.S. EIFFAGE CONSTRUCTION CENTRE
Prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 1]
Ayant pour avocat postulant Me Aurélien DEVERGE, membre de la SELARL DEVERGE, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat postulant Me Stéphane LAMBERT, avocat au barreau de PARIS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 10 Juin 2020
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 23 Septembre 2021
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 04 NOVEMBRE 2021, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en charge du rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Ferréole DELONS, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 13 JANVIER 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE :
La société Eiffage construction Centre (la société Eiffage), à qui la société Lidl a confié le 23 décembre 2015 une partie des travaux de restructuration et d'extension d'une plateforme logistique située à [Localité 5] (37), a sous-traité à la société Hörmann France (la société Hörmann), selon convention du 5 juillet 2016, des travaux d'équipement des quais d'un montant global et forfaitaire de 466 000 euros HT, à exécuter dans les trois mois de la signature du sous-traité, c'est-à-dire pour le 5 octobre 2016.
Des difficultés sur la nature et la cause desquelles les parties ne s'entendent pas sont rapidement apparues, et par courriels échangés les 13 et 14 septembre 2016, la société Eiffage a proposé à son sous-traitant une modification du marché sous-traité consistant en la suppression de huit « autodocks » (niveleurs de quais) et de huit « Dobo » (sas de quai), à l'occasion de laquelle aucun avenant n'a été formalisé.
L'ouvrage a été réceptionné le 4 novembre 2016, avec de nombreuses réserves, dont certaines imputées à la société Eiffage qui, par courrier du 8 novembre suivant, a demandé à son sous-traitant de lever avant le 18 novembre 2016 les réserves le concernant.
En janvier 2017, après avoir commencé l'exploitation, le maître s'est plaint d'une non-conformité de la hauteur d'ouverture des portes de certains quais de chargement.
Estimant que cette non-conformité ne pouvait lui être imputée, la société Hörmann a soumis à la société Eiffage, le 13 janvier 2017, un devis complémentaire de 15 750 euros pour remédier aux désordres signalés par le maître.
Le 24 février 2017, la société Eiffage a, selon ses termes, « validé » ce devis « avec réserve », en indiquant « ne pas être d'accord sur le bien-fondé de ce devis », mais être « contrainte de l'accepter afin d'assurer la satisfaction de son client », en précisant que « cette validation partielle du devis ne remettait pas en cause les pénalités de retard de livraison prévues au 2 novembre 2016 ».
La société Hörmann a émis :
-le 20 septembre 2016 une facture no 4295 d'un montant HT de 11 941,50 euros, pour la fourniture et la pose de 10 portes
-le 15 décembre 2016, une facture no 4533 d'un montant HT de 40 644,52 euros, pour la fourniture et la pose de 18 portes et de deux tunnels
-le 9 janvier 2017, une facture no 4585 d'un montant HT de 106 763,99 euros correspondant au solde du marché de fourniture et pose des portes, tunnels et ponts
-le 31 mai 2017, une facture no 4915 d'un montant HT de 15 750 euros au titre des travaux complémentaires [objets du devis du 13 janvier 2017]
-le 31 mai 2017, une facture no 4916 du 31 mai 2017 d'un montant HT de 38 868,99 euros portant sur la fourniture et la pose de 27 portes, 17 tunnels et un pont, avec indication qu'étaient déduites de cette facture, la facture no 4295 pour un montant de 12 570 euros, la facture no 4533 pour un montant de 28 724,20 euros, et la facture no 4585 pour un montant de 182 338,31 euros
Malgré de nombreux échanges, portant à la fois sur la facturation de la société Hörmann et les pénalités de retard appliquées par la société Eiffage, les parties ne sont parvenues à aucun accord sur les sommes dues au sous-traitant.
Par acte du 28 mars 2018, la société Hörmann a fait assigner la société Eiffage devant le tribunal de commerce d'Orléans aux fins de l'entendre condamner à lui payer, au principal, la somme de 56 120,99 euros pour solde du sous-traité, la somme de 15 750 euros au titre des travaux supplémentaires, et celle de 72 095 euros au titre d'une partie du marché résiliée par la société Eiffage postérieurement à la modification intervenue courant septembre 2016.
Par jugement du 18 mai 2020, le tribunal a :
-condamné la société Eiffage à payer à la société Hörmann la somme de 56 120,99 euros HT au titre des travaux principaux
-condamné la société Hörmann à payer à la société Eiffage la somme de 59 000 euros HT au titre des pénalités de retard
-ordonné la compensation desdites sommes
-condamné en conséquence la société Hörmann à payer à la société Eiffage la somme de 2 879,01 euros HT
-condamné la société Eiffage à payer à la société Hörmann la somme de 15 750 euros HT au titre des travaux complémentaires, avec intérêts au taux légal à compter du 1er février 2018
-débouté la société Hörmann de sa demande en paiement des matériels commandés
-condamné la société Eiffage à payer à la société Hörmann la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire
-débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires
-condamné la société Eiffage aux entiers dépens
Pour statuer comme ils l'ont fait, après avoir dû déduire des écritures des parties que la somme de 56 120,99 euros HT que la société Hörmann réclamait pour solde du marché de travaux correspondait à sa facture no 4585 d'un montant de 106 763,99 euros et à sa facture no 4916 d'un montant de 38 868,99 euros, déduction faite de la somme de 89 512,99 euros réglée par la société Eiffage, les premiers juges ont considéré que la somme de 56 120,99 euros sollicitée par le sous-traitant au titre des travaux principaux était due, dès lors que durant les discussions intervenus entre les parties, la société Eiffage n'avait conditionné le paiement des factures en cause qu'à la déduction de pénalités de retard.
Ils ont ensuite relevé, au sujet de ces pénalités, que l'article 4.12 du contrat de sous-traitance permettait à l'entreprise principale d'appliquer des retenues pour retard en cours de travaux et des pénalités en fin de travaux en cas de dépassement des délais d'exécution, puis retenu qu'aucune pénalité ne pouvait être appliquée à la phase de reprise de la non-conformité des hauteurs des quais, dont ils ont indiqué qu'elle n'était pas imputable à la société Hörmann, mais qu'en revanche des non-conformités étrangères à la problématique de la hauteur des quais avaient été constatées à partir de février 2017 et avaient entraîné un retard d'exploitation qui justifiait la condamnation du sous-traitant au paiement d'une somme de 59 000 euros pour les 59 jours de retard écoulés entre le 7 février 2017, date de constat des non-conformités, et le 7 avril suivant, date à laquelle le sous-traitant a "échangé avec la société Lidl sur cette situation".
Les premiers juges ont ensuite retenu que la société Eiffage avait accepté le devis que la société Hörmann lui avait proposé pour les travaux complémentaires en lien avec la problématique de hauteur des quais dont ils ont considéré qu'elle n'est pas imputable au sous-traitant, et ont en conséquence condamné la société Eiffage à régler à la société Hörmann la facture no 4915 d'un montant de 15 750 euros relative à ces travaux complémentaires.
Ils ont enfin rejeté la demande du sous-traitant liée à la résiliation d'une partie du marché et tendant au paiement des matériels commandés, en rappelant les termes des articles 3.3 et 5.3 du sous-traité, puis en relevant que les parties n'avaient pas conventionnellement fixé de limites aux augmentations ou diminutions de leur marché, que le sous-traitant ne s'était pas prévalu de la faculté de résiliation du contrat, et ne justifiait non plus de l'engagement d'aucune dépense.
La société Hörmann a relevé appel de cette décision par déclaration du 10 juin 2020, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause lui faisant grief.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 8 mars 2021, la société Hörmann demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1152 ]anciens[ du code civil, de :
-déclarer son appel recevable et bien fondé.
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
etgt;condamné la société Eiffage à lui payer la somme de 56 120,99 euros HT au titre des travaux principaux,
etgt;condamné la société Eiffage à lui payer la somme de 15 750 euros HT au titre des travaux complémentaires,
etgt;condamné la société Eiffage à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
-réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
etgt;refusé d'assortir d'intérêts la condamnation d'Eiffage à lui payer la somme de 56 120,99 euros HT au titre des travaux principaux,
etgt;assorti d'intérêts limités calculés au « taux légal » à compter du 1er février 2018 la condamnation d'Eiffage à lui payer la somme de 15 750 euros HT au titre des travaux complémentaires,
etgt;condamné la société Hörmann à payer à la société Eiffage la somme de 59 000 euros HT au titre des pénalités de retard,
etgt;ordonné la compensation des différentes condamnations et en conséquence condamner la société Hörmann à payer la somme de 2 879,01 euros,
etgt;débouté la société Hörmann de sa demande de paiement de matériels commandés
Statuant à nouveau,
-assortir la condamnation de la société Eiffage à lui verser la somme de 56 120,99 euros au titre du solde du marché, des intérêts au taux légal de l'article L. 442-6 du code de commerce à compter de la date d'échéance de 45 jours fin de mois de la facture no4585 du 9 janvier 2017
-assortir la condamnation de la société Eiffage à lui verser la somme de 15 750 euros HT au titre des travaux complémentaires d'intérêts calculés au taux légal de l'article L.442-6 du code de commerce, applicable à compter de la date d'échéance de 45 jours fin de mois de la facture no4914 du 1er juin 2017
-débouter la société Eiffage de toute demande relative à l'application de pénalités de retard
A titre subsidiaire,
-minorer le montant des pénalités de retard « à sa plus simple expression »
-condamner la société Eiffage à lui verser la somme de 72 095 euros HT correspondant aux « travaux devant être réalisés et résiliés » par la société Eiffage, outre les intérêts au taux légal de l'article L.442-6 du code de commerce à compter de la date d'échéance de 45 jours fin de mois de la facture no4915 du 31 mai 2017
-condamner la société Eiffage à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre le montant des dépens dont distraction au profit de Maître Isabelle Turbat en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
Dans ses dernières conclusions notifiées le 8 décembre 2020, la société Eiffage demande à la cour, au visa des articles 1134 [anciens] et suivants du code civil, de :
-infirmer partiellement le jugement dont appel,
-débouter la société Hörmann de sa demande en paiement de la somme de 15 750 euros au titre des travaux complémentaires,
Subsidiairement,
-fixer à 5 000 euros le montant dû par la société Eiffage au titre des travaux complémentaires, sans majoration des intérêts au taux légal à une date antérieure à celle de la décision de condamnation,
-condamner la société Hörmann à lui payer la somme que la cour voudra bien lui allouer au titre des pénalités contractuelles de retard, sans qu'elle soit inférieure à 73 000 euros,
-ordonner la compensation entre les créances respectives,
-condamner la société Hörmann à payer à la société Eiffage la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner la société Hörmann aux dépens qui pourront être directement recouvrés par Maître Aurélien Deverge, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 23 septembre 2021, pour l'affaire être plaidée le 4 novembre suivant et mise en délibéré à ce jour.
SUR CE, LA COUR :
Sur les intérêts sollicités par le sous-traitant sur le solde des travaux dits principaux
Les premiers juges ont condamné la société Eiffage à payer à la société Hörmann, pour solde du marché des travaux sous-traités exécutés, dits « travaux principaux », la somme HT de 56 120,99 que sollicitait le sous-traitant en principal.
Ce chef de jugement, qui n'a été critiqué par aucune des parties, n'est pas dévolu à la cour.
Les premiers juges n'ont pas « refusé » d'assortir cette condamnation des intérêts sollicités par la société Hörmann, comme l'indique l'appelante en sollicitant la réformation d'un chef du jugement déféré qui n'existe pas ; les premiers juges ont omis de statuer sur la demande du sous-traitant qui tendait à voir assortir la condamnation de la somme de 56 120,99 euros « des intérêts au taux légal de l'article L. 442-6 du code de commerce à compter de la date d'échéance à 45 jours fin de mois de la facture no 4585 du 9 janvier 2017 ».
En application des dispositions combinées des articles 463 et 561 du code de procédure civile, il appartient à la cour, en raison de l'effet dévolutif et dès lors que l'appel n'a pas été exclusivement formé pour réparer cette omission, de la réparer en statuant sur la demande d'intérêts sur laquelle les parties se sont contradictoirement expliquées.
La condamnation désormais irrévocable prononcée par les premiers juges à hauteur de 56 120,99 euros correspond au solde des factures de situation no 4585 et 4916, respectivement établies le 9 janvier 2017 pour un montant HT de 106 763,99 euros et le 31 mai 2017 pour un montant de 38 868,99 euros, déduction faite des règlements intervenus.
Les conditions particulières du sous-traité prévoient en leur article 6-2-2 que les factures de situation sont réglées à 45 jours fin de mois et que les intérêts de retard de paiement sont calculés, sans qu'un rappel soit nécessaire, au taux de trois fois le taux légal en vigueur.
Conformément au contrat, aux dispositions de l'ancien article L. 441-6 devenu l'article L. 441-10 du code de commerce et aux règles d'imputation des paiements, la condamnation à paiement de la société Eiffage prononcée à hauteur de 56 120,99 euros sera assortie des intérêts au taux de trois fois le taux légal sur la somme de 17 252 euros à compter du 28 février 2017 (45 jours fin de mois sur le solde de la facture no 4585) et sur le surplus à compter du 31 juillet 2017 (45 jours fin de mois sur le montant de la facture no 4916).
Sur la demande en paiement de travaux complémentaires
Au soutien de son appel incident, la société Eiffage fait valoir que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, elle n'a accepté que partiellement le devis ayant donné lieu à la facture litigieuse de 15 750 euros HT, à hauteur de 5 000 euros, ainsi qu'il résulte des mentions manuscrites qu'elle a apposées sur ce devis.
Le sous-traitant réplique que la mention manuscrite portée sur son devis par le préposé de la société Eiffage n'évoque que des « réserves », que le montant de son devis n'a jamais été, selon ses termes, « démenti par la suite » par la société Eiffage, et en déduit que celui-ci est donc « acquis entre les parties », en l'absence de contestation postérieure et compte tenu du démarrage des travaux. Il ajoute que la société Eiffage, qu'il a mise en demeure de payer cette somme à plusieurs reprises, n'a jamais entendu remettre en cause le quantum de cette créance, et qu'aux termes de ses dernières écritures de première instance, la société Eiffage s'est d'ailleurs contentée de demander au tribunal de juger « que la société Hörmann conservera à sa charge la somme de 15 750 euros au titre des travaux réparatoires », ce dont il déduit que l'appelante n'aurait pas contesté le prix convenu pour les travaux complémentaires.
La société Hörmann sollicite en conséquence la confirmation du jugement sur ce chef, sauf à ce que ladite condamnation soit assortie des intérêts au taux légal de l'article L. 442-6 du code de commerce à compter de la date d'échéance de 45 jours fin de mois de la facture no 4915 du 31 mai 2017 en cause.
Selon l'article 1101 du code civil, le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations.
En l'espèce, la société Hörmann a adressé à la société Eiffage, le 13 janvier 2017, un devis pour reprise des « Autodocks » froids, d'un montant HT de 15 750 euros.
Le 24 février 2017, à 19 heures 50, M. [I], conducteur de travaux de la société Eiffage, a adressé à la société Hörmann un courriel intitulé « validation devis avec réserves », rédigé dans les termes qui suivent :
« Vous trouverez ci-joint notre validation de devis Hormann avec réserve (voir pièce jointe), même si nous ne sommes pas d'accord sur le bien-fondé de ce devis.
En effet, nous sommes contraints d'accepter ce devis afin d'assurer la satisfaction de notre client. En l'état, notre client ne peut utiliser les quais Dobo Hormann selon leur mode d'utilisation propre.
Cette validation partielle du devis ne remet pas en cause les pénalités de retard de livraison prévues au 2 novembre 2016 ».
La pièce jointe à laquelle il est fait référence dans ce courriel est le devis de la société Hörmann, sur lequel le préposé de la société Eiffage a porté un certain nombre de commentaires manuscrits, en indiquant notamment :
« Estimation Eiffage :
3 jours à 2 personnes = 2 400 €
10 panneaux de porte + visserie = 1 000 €
Nacelle accès = 500 €
Réglage, essai, parfait achèvement = 1 100 euros
Total = 5 000 euros »
Ce courriel de la société Eiffage, évoquant à la fois des réserves et une acceptation partielle du devis du sous-traitant, accompagné d'une estimation de prix à hauteur de 5 000 euros, ne peut pas s'entendre comme une acceptation du devis que la société Hörmann avait transmis pour un montant de 15 750 euros.
Ce courriel ne peut être compris que comme une contreproposition faite à un prix de 5 000 euros.
Par un courriel en réponse adressé le 24 février 2017 à 21 heures 17, la société Hörmann a indiqué à la société Eiffage : « nous faisons ces travaux au coût prévu dans le devis et n'acceptons pas vos réserves ».
Sans accord de la société Eiffage sur le prix de 15 750 euros, la société Hörmann était libre d'accepter la contreproposition au prix de 5 000 euros, ou de refuser de réaliser les travaux ; elle ne pouvait en revanche contraindre la société Eiffage à accepter le prix de 15 750 euros qu'elle lui avait proposé.
En exécutant les travaux sans avoir au préalable recueilli l'accord de la société Eiffage sur leur prix, la société Hörmann a fait preuve d'une grande imprudence qui l'empêche de réclamer paiement à hauteur d'une facture établie sur la base d'un devis qui n'a pas été accepté.
La société Hörmann ne peut utilement soutenir devant la cour que la société Eiffage n'a jamais « démenti » son devis ni que « les réserves ont été purgées par l'absence de contestation postérieure et le démarrage des travaux », ce qui n'a pas de sens, en omettant que la société Eiffage n'a pas accepté expressément son devis, et sans justifier qu'ensuite de son courriel adressé le 24 février 2017 à 21 heures 17, la société Eiffage aurait finalement tacitement accepté son devis, en consentant à ce qu'elle exécute les travaux pour le prix qui y était fixé, et non pas pour le prix de 5 000 euros qu'elle avait offert.
Pour obtenir paiement de la facture qu'elle a établie sur la base de son devis, la société Hörmann doit en effet établir, par tous moyens puisque les parties sont l'une et l'autre commerçantes, que la société Eiffage a accepté de lui confier des travaux complémentaires pour un prix de 15 750 euros, ce qui ne résulte d'aucun élément du dossier.
Le fait que la société Eiffage n'ait pas expressément contesté le coût de ces travaux complémentaires à réception des mises en demeure qui lui ont été adressées, ne saurait suffire à établir le consentement de ladite société, d'autant que cette dernière a contesté, dans l'ensemble, la facturation de son sous-traitant.
Il apparaît enfin que les conclusions de première instance que la société Hörmann produit aux débats, outre qu'elles ne sont pas les dernières conclusions de la société Eiffage visées le 21 novembre 2019 par le greffe du tribunal de commerce, ne sont contiennent aucune reconnaissance du prix des travaux complémentaires litigieux.
Dès lors que la société Eiffage ne conteste pas avoir accepté partiellement le devis de la société Hörmann, pour un prix HT de 5 000 euros, et que la société Hörmann fonde exclusivement sa demande en paiement des travaux complémentaires sur le devis en cause et la facture qu'elle a établie sur la base de celui-ci, la société Eiffage sera condamnée à lui payer, par infirmation du jugement entrepris, la somme HT de 5 000 euros.
Le paiement de ces travaux complémentaires, réalisés après la réception de l'ouvrage, n'est pas soumis aux stipulations des conditions particulières du sous-traité relatives au paiement des factures de situation.
Dès lors que la facture émise le 31 mai 2017 par la société Hörmann pour ces travaux complémentaires prévoyait un paiement à 60 jours, sans indiquer le taux des intérêts de retard, et que les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce dont se prévaut la société Hörmann sont sans rapport avec les modalités de fixation ou de calcul des intérêts de retard, la société Eiffage sera condamnée à régler la somme sus-énoncée de 5 000 euros avec intérêts, au taux légal, à compter du 30 juillet 2017, conformément aux dispositions de l'article L. 441-10 du code de commerce.
Sur la demande en paiement de l'intégralité des prestations commandées
La société Hörmann expose qu'ensuite de l'accord par lequel les parties sont convenues, le 14 septembre 2016, de réduire le marché initial, la société Eiffage a unilatéralement décidé, en se prévalant, sans en avoir jamais justifié, d'une demande du maître en ce sens, de supprimer du marché la fourniture de cinquante-sept sas d'étanchéité d'un montant total HT de 43 315 euros et de quatre tunnels de chargement de type A d'un montant total de 26 780 euros.
Faisant valoir les dispositions de l'article 1184 ancien du code civil et de l'article 1217 du même code, le sous-traitant en déduit que la société Eiffage doit être condamnée à lui payer la somme de 72 095 euros correspondant au montant total de la partie du marché de travaux irrégulièrement résiliée, avec intérêts au taux légal de l'article L. 442-6 du code de commerce à compter de la date d'échéance de 45 jours fin de mois de sa facture no 4915 du 31 mai 2017.
La société Eiffage, qui ne conteste pas cette modification du marché, se prévaut des dispositions de l'article 5.3 des conditions particulières du sous-traité et de l'article 3.3 des conditions générales, pour soutenir que le principe de transparence du marché de sous-traitance a été contractualisé, et en déduit que la demande en paiement du sous-traitant doit être rejetée, par confirmation du jugement entrepris.
L'article 3.3 des conditions générales énonce : « le sous-traitant accepte les augmentations et les diminutions résultant d'un changement de la masse des travaux ou de la nature des ouvrages prévus au devis descriptif dans les limites fixées aux conditions particulières, ou à défaut dans le marché conclu par l'entreprise principale avec le maître de l'ouvrage. En cas d'augmentation ou de diminution du marché excédant les limites prévues, le présent contrat peut-être résilié par l'une ou l'autre des parties ; dans ce cas, la résiliation intervient par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et en cas de diminution le sous-traitant a droit au remboursement des dépenses engagées pour l'exécution des travaux ».
L'article 5.3 des conditions particulières précise : « les suppressions d'ouvrage ou les modifications assimilées à des suppressions sont déduites du forfait du sous-traitant dans les limites convenues. Si pour une raison quelconque, le marché principal venait à être modifié ou ajourné par le maître de l'ouvrage, l'entreprise principale répercutera au présent contrat de sous-traitance en toute transparence les modifications ou ajournements du marché principal et ce pour la partie des travaux qui restait jusque-là à exécuter par le sous-traitant, sans que ce dernier puisse s'y opposer ni prétendre au versement d'indemnité ».
Pour se prévaloir, à l'égard du sous-traitant, de ce qu'elle qualifie de « principe de transparence du marché de sous-traitance », encore faudrait-t-il que la société Eiffage, qui ne conteste pas avoir imposé à la société Hörmann une diminution du marché de sous-traitance, justifie de la modification du marché principal qu'elle a entendu répercuter sur son sous-traitant. Or l'intimée ne produit pas le moindre justificatif en ce sens, ni d'ailleurs le marché conclu entre elle et la société Lidl.
L'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, énonce que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, et précise à son alinéa 2 qu'elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été correctement exécuté, en cas de résiliation fautive par exemple, peut poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation, ou demander réparation des conséquences de cette inexécution.
En l'espèce cependant, la société Hörmann ne justifie d'aucune manière des conséquences dommageables de la modification du contrat décidée unilatéralement par la société Eiffage, et ne formule au demeurant aucune demande indemnitaire, mais une demande en paiement.
Dès lors que la société Hörmann n'a pas fourni ni facturé les prestations litigieuses, et n'offre pas de fournir les prestations commandées en contrepartie de leur paiement, ce qui reviendrait à solliciter l'exécution forcée en nature de la convention, sa demande en paiement ne peut pas prospérer.
L'appelante ne peut dès lors qu'être déboutée de sa demande tirée d'une résiliation fautive, par la société Eiffage, d'une partie du marché.
Sur la demande reconventionnelle en paiement de pénalités de retard
Au soutien de son appel, la société Hörmann, qui commence par indiquer que tout en la menaçant de lui imputer des pénalités de retard de plusieurs centaines de milliers d'euros, la société Eiffage n'a jamais fourni d'évaluation détaillée des pénalités qu'elle entendait lui réclamer, puis procède désormais à des calculs sur une base de 4 460 euros par jour calendaire sans tenir compte de ce que le marché initialement conclu à hauteur de 466 000 euros a été révisé pour être ramené à 274 874 euros, ne pourra qu'en toute hypothèse être déboutée de ses demandes dès lors que les retards litigieux ne lui sont pas imputables, et que la société Eiffage ne peut lui réclamer des pénalités au titre de travaux de levée de réserves, postérieurs à la réception, alors que le contrat de sous-traitance ne contient aucune stipulation en ce sens.
Au soutien de son appel incident, la société Eiffage explique qu'une application strictement mathématique des stipulations contractuelles, sur la base de 4 660 euros par jour calendaire de retard à compter du 5 octobre 2016, aurait conduit, selon elle, à l'application de pénalités d'un montant total de 526 850 euros, mais qu'elle avait accepté de ramener le montant de ces pénalités à 55 000 euros, en sollicitant reconventionnellement en première instance une indemnité d'un montant minimum de 55 000 euros.
Relevant que les premiers juges lui ont accordé à ce titre une somme de 59 000 euros, en retenant un retard à compter du 7 février 2017 jusqu'au 7 avril suivant, soit 59 jours à la valeur de 1 000 euros par jour, en considérant que la date du 7 avril constituait « la date à laquelle les sociétés Lidl et Hörmann ont échangé sur la situation », ce qui correspond selon elle à la date d'une réunion qui s'est tenue, non pas le 7, mais le 21 avril 2017, la société Eiffage demande à la cour, de rectifier ce qu'elle présente comme une « erreur de plume » des premiers juges, en fixant le montant des pénalités dues en application des articles 4.12 des conditions spéciales et 7.3.2 des conditions générales du contrat de sous-traitance à 73 000 euros (73 jours X 1 000 euros).
L'article 7.3.2 des conditions dites particulières et générales du sous-traité, en application duquel la société Eiffage sollicite le paiement des pénalités de retard litigieuses, est rédigé comme suit : « en cas de dépassement des délais d'exécution visés ci-dessus, il est fait application, dans les conditions fixées à l'article 7.5 des conditions générales, de pénalités égales à "1/1000e" du montant du présent contrat par jour calendaire de retard, sans pouvoir être inférieur à "300 euros HT par jour". Ces pénalités ne sont pas plafonnées, par dérogation à l'article 7.51 des conditions générales ».
L'article 4.12 des conditions spéciales, auquel se réfère également la société Eiffage, intitulé « retenues et pénalités », prévoit quant à lui ce qui suit :
« Pénalités en fin de travaux : en cas de dépassement des délais d'exécution visés ci-dessus, il est fait application, dans les conditions fixées à l'article 7.5 des conditions générales, de pénalités égales à "1/100e" du montant du présent contrat par jour de retard calendaire, sans pouvoir être inférieur à "1 000 € HT" par jour. Ces pénalités ne sont pas plafonnées, par dérogation à l'article 7.51 des conditions générales ».
Outre qu'il n'existe pas d'article 7.5 ni d'article 7.51 dans les conditions générales et particulières produites par la société Eiffage, et que les seules stipulations dont elle se prévaut contiennent une discordance de 1 à 10 dans le montant des pénalités, ces stipulations s'appliquent en cas de « dépassement des délais d'exécution ».
En l'espèce, il est constant que le marché initial prévoyait que les travaux devaient être exécutés pour le 5 octobre 2016, mais il résulte des productions que les parties sont convenues, ensuite de la modification du marché intervenue en septembre 2016, d'une livraison, non pas en semaine 51 comme l'indique la société Hörmann, mais en semaine 48, soit au plus tard le 4 décembre 2016.
Dès lors que l'ouvrage a été réceptionné le 4 novembre 2016, que les stipulations dont se prévaut la société Eiffage ne concernent pas les éventuels délais de levée de réserves, et que les travaux que la société Eiffage reproche à la société Hörmann d'avoir exécutés avec retard, par adoption des motifs des premiers juges, sont des travaux qui ont été commandés après la réception, pour remédier à une non-conformité dénoncée en janvier 2017 par le maître de l'ouvrage, et pour l'exécution desquels il n'avait été prévu aucun délai d'exécution au sens des articles 4.12 et 7.3.2 qui ne concernent pas les éventuels travaux de reprise, la société Eiffage ne peut qu'être déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement, par infirmation du jugement entrepris.
Sur les demandes accessoires
La société Eiffage, qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l'instance d'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur ce dernier fondement, la société Eiffage sera condamné à régler à la société Hörmann, en sus de l'indemnité qui lui a été accordée en première instance, une indemnité de procédure 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME la décision entreprise, seulement en ce qu'elle a débouté la société Hörmann France de sa demande en paiement des matériels commandés, et accordé à la société Hörmann une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
INFIRME la décision pour le surplus de ses dispositions critiquées,
STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés :
CONDAMNE la société Eiffage construction Centre à payer à la société Hörmann France, au titre des travaux complémentaires, la somme HT de 5 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2017,
DEBOUTE la société Eiffage construction Centre de sa demande en paiement de pénalités de retard,
DIT n'y avoir lieu à compensation,
Y AJOUTANT,
REPARANT l'omission des premiers juges, DIT que la condamnation à paiement de la société Eiffage construction Centre prononcée à hauteur de 56 120,99 euros porte intérêts au taux de trois fois le taux légal sur la somme de 17 252 euros à compter du 28 février 2017 et sur le surplus à compter du 31 juillet 2017,
CONDAMNE la société Eiffage construction Centre à payer à la société Hörmann France la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE la demande de la société Eiffage construction Centre formée sur le même fondement,
CONDAMNE la société Eiffage construction Centre aux dépens,
ACCORDE à Maître Isabelle Turbat, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT