COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 10/03/2022
la SCP GUILLAUMA PESME
Me Véronique PIOUX
Me Julie HELD-SUTTER
Me Jean-Michel LICOINE
la SCP VALERIE DESPLANQUES
ARRÊT du : 10 MARS 2022
No : 50 - 22
No RG 20/01235 -
No Portalis DBVN-V-B7E-GFIW
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 8] en date du 10 Juin 2020
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265256816448633
S.A.S. SEAC
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité
[Adresse 12]
[Localité 7]
Ayant pour avocat postulant Me Christophe PESME, membre de la SCP GUILLAUMA PESME, avocat au barreau D'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Christophe DULON, avocat au barreau de TOULOUSE
D'UNE PART
INTIMÉES : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265253727713911
Madame [X] [U]
née le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 17] ([Localité 8])
[Adresse 16]
[Localité 9]
Ayant pour avocat Me Véronique PIOUX, avocat au barreau d'ORLEANS
Madame [J] [U]
née le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 8] ([Localité 8])
[Adresse 6]
[Localité 11]
Ayant pour avocat Me Véronique PIOUX, avocat au barreau d'ORLEANS
Madame [G] [U]
née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 17] ([Localité 8])
La Faverie
[Localité 13]
Ayant pour avocat Me Véronique PIOUX, avocat au barreau d'ORLEANS
- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265255151137210
La SARL IPSOM, Société unipersonnelle,
Prise en la personne de son représentant légal Monsieur [R] [H], domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 3]
[Localité 8]
Ayant pour avocat Me Julie HELD-SUTTER, avocat au barreau d'ORLEANS
- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265256433410474
Maître Fabien SOUESME, Membre de la SCP Fabien SOUESME et [D] [A], notaires associés,
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité
[Adresse 5]
[Localité 19]
Ayant pour avocat Me Jean-Michel LICOINE, avocat au barreau d'ORLEANS
- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265256884156379
La SARL FINANCIÈRE PERDIS
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 18]
[Localité 10]
Ayant pour avocat postulant Me Valerie DESPLANQUES, membre de la SCP VALERIE DESPLANQUES, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Mathieu BARON, membre de la SELARL GUEGUEN AVOCATS, avocat au barreau de NANTES
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 08 Juillet 2020
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 18 Novembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 13 JANVIER 2022, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en charge du rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Ferréole DELONS, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 10 MARS 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 2 janvier 1997, Mesdames [G] [U], [X] [U] et [J] [U] (les consorts [U]), propriétaires indivises d'un ensemble immobilier situé [Adresse 15], ont consenti un bail à la société TP Bat, qui exploitait un fonds de commerce de fabrication et négoce de parpaings, pour une durée de 9 ans à effet du 1er janvier 1997.
Par acte sous seing privé du 30 novembre 1998, la société TP Bat a cédé son fonds de commerce incluant le droit au bail, à la Société d'études et applications composants - SAS Seac, anciennement Seac Guiraud Frères (société Seac).
Suivant acte reçu le 31 août 2017 par Maître [M], notaire à [Localité 19], les consorts [U] ont vendu, par l'intermédiaire de la SARL Ipsom, agence immobilière aux termes d'un mandat exclusif de vente du 15 décembre 2016, l'ensemble immmobilier leur appartenant, à la SARL Financière Perdis.
Estimant que cette cession, dont elle n'a été informée que par courrier de Maître [M] notaire daté du 7 septembre 2017 et reçu le 13 septembre suivant, a été passée en violation manifeste de ses droits de locataire occupant régulièrement les lieux au sens de l'article L145-46-1 du Code de Commerce, puisqu'elle n'a été destinataire d'aucune des notifications préalables prévues par le texte, et n'a exercer son droit de préemption dont elle bénéficie en tant que locataire, la société Seac a fait assigner par actes du 5 octobre 2017, la SARL Financière Perdis et les consorts [U] devant le Tribunal de Grande Instance d'Orléans afin, principalement, de voir prononcer la nullité de l'acte notarié du 31 août 2017 et d'ordonner la remise des parties dans leur état juridique antérieur.
Par actes d'huissier de justice du 10 octobre 2018, les consorts [U] ont appelé à la cause Maître [O] [M] et la société Ipsom pour les garantir à titre subsidiaire de toutes conséquences induites par la nullité éventuelle de l'acte de cession du 31 août 2017.
Les procédures ont été jointes par ordonnance du juge de la mise en état du 9 janvier 2019.
L'assignation a été publiée et enregistrée le 19 août 2019 par le service chargé de la publicité foncière.
Les défenderesses ont soutenu à titre principal que les locaux loués par la société Seac étaient des locaux à usage industriel et non à usage commercial ou artisanal, conformément à l'article L145-46-1 du code de commerce et qu'elle ne bénéficiait dès lors d'aucun droit de préemption, sa demande de nullité de l'acte devant être rejetée.
Par jugement du 10 Juin 2020, le tribunal judiciaire d'Orléans a statué comme suit :
Déclare la demande de la Seac Guiraud Frères recevable ;
Déboute la Seac Guiraud Frères de sa demande en nullité de la vente conclue entre les Consorts [U] et la SARL Financière Perdis suivant acte reçu par Maître [O] [M] le 31 août 2017 ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la Seac Guiraud Frères à verser à la SARL Financière Perdis la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne la Seac Guiraud Frères à verser aux consorts [U] la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la Seac Guiraud Frères à verser à Maître [M] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la Seac Guiraud Frères à verser à la SARL Ipsom la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la Seac Guiraud Frères de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la Seac Guiraud Frères aux dépens et fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Véronique Pioux, de la SCP Valérie Desplanques, de Me Jean-Michel Licoine et de Maître Julie Held-Sutter, avocats à la cour d'appel d'Orléans ;
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Le tribunal a principalement relevé que selon l'article L145-46-1 du Code de commerce, le droit de préemption au bénéficie du locataire est ouvert en cas de vente d'un local à usage commercial ou artisanal et qu'il convenait donc de procéder à la qualification de l'usage des locaux loués par la société Seac et par là même de la nature de son activité.
Après avoir relevé que les parties s'accordaient sur le fait que la société Seac ne louait pas de locaux à usage artisanal, rappelé la clause de destination des lieux contenue dans le bail, puis l'article L121-1 du Code de commerce ainsi que la notion d'acte de commerce selon l'article L110-1 1o du même code et l'objet social de la Seac en vertu de ses statuts, il a retenu que s'il n'était pas contesté que la société Seac accomplissait des actes de commerce, il ressortait de l'attestation de son commissaire au comptes qu'elle avait réalisé à partir de son site de Châteauneuf sur Loire, en 2016, un chiffre d'affaires de 2.098.570€ ventilé entre 1.379.231€ issu de l'activité de fabrication (soit 65,72% du chiffre d'affaires total) et 719.339€ issu de l'activité de négoce (34,27% du chiffre d'affaires total) et que sur l'extrait du registre du commerce et des sociétés, figurent parmi les activités principales de la Seac la "préfabrication de tous éléments de construction à base de terre cuite planchers murs et autres" et la "fabrication de hourdis et pavés béton".
Il a ajouté que, si une activité commerciale a pour caractéristique l'achat de biens pour leur revente en l'état ou la vente de prestations de services commerciales, l'activité industrielle est caractérisée par une activité de production ou de transformation grâce à l'utilisation d'outils industriels, extraction, industries minières, manutention, magasinage et stockage.
Il en a déduit, la fabrication d'éléments de construction en béton représentant 65,72% de son chiffre d'affaires, que l'activité principale de la Seac sur le site de [Localité 17] était une activité industrielle et que par suite, l'usage des locaux qu'elle louait devait être qualifiée d'industriel, de sorte qu'elle ne bénéficiait d'aucun droit de préemption, les demandes de la Seac devant être rejetées.
La SAS Seac a formé appel de la décision par déclaration du 8 juillet 2020 en intimant Mesdames [X], [J] et [G] [U], la SARL Ipsom, la SCP [O] [M] et [D] [A], la société Financier Perdis, et en critiquant tous les chefs du jugement sauf en ce qu'il a déclaré sa demande recevable. Dans ses dernières conclusions du 16 novembre 2021, elle demande à la cour de :
Vu les dispositions de l'article L145-46-1 du Code de Commerce ;
Vu les articles 1217 et 1231-2 du Code Civil ;
Vu les pièces ;
Confirmer le jugement du Tribunal judiciaire d'Orléans en date du 10 juin 2020 en ce qu'il a déclaré la demande Seac recevable ;
Réformer le jugement du Tribunal judiciaire d'Orléans du 10 juin 2020 pour le surplus en ce qu'il a :
- Débouté la Seac Guiraud Frères de sa demande en nullité de la vente conclue entre les Consorts [U] et la SARL Financière Perdis suivant acte reçu par Maître [O] [M] le 31 août 2017 ;
- Rejeté toute autre demande ;
- Condamné Seac Guiraud Frères à verser à la SARL Financière Perdis la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; aux consorts [U] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile; à Maître Souesme la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; à la SARL Ipsom la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté la Seac Guiraud Frères de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la Seac Guiraud Frères aux dépens et fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Véronique Pioux, de la SCP Valérie Desplanques, de Me Jean-Michel Licoine et de Maître Julie Held-Sutter, avocats à la cour d'appel d'Orléans ;
Et statuant à nouveau :
Rejetant toutes conclusions contraires ;
Entendre, dire, juger et prononcer la nullité de l'acte notarié du 31.08.2017 opérant vente entre les consorts [U] et la SARL Financière Perdis de l'ensemble immobilier sis [Adresse 15], donné à bail commercial à la requérante aux termes d'un acte sous seing privé du 2.01.1997, pour défaut d‘observation de son droit de préemption;
En conséquence de la nullité prononcée, dire et juger que les parties sont remises dans leur état juridique antérieur.
Condamner solidairement Mme [X] [U], Mademoiselle [J] [U], Mme [G] [U], ou tout autre personne venant en garantie, au paiement de la somme à parfaire de 102 942.30 € à Seac en réparation du préjudice subi et arrêté le 16 septembre 2020, à savoir le paiement de loyers et charges au titre d'une qualité de locataire qui n'aurait pas dû demeurer sans leur faute, ou à tout le moins la perte de chance certaine d'éviter de payer ces loyers.
Somme à parfaire au jour de l'arrêt considérant le quittancement mensuel des loyers 2083.20 € TTC.
Condamner tout succombant au paiement de la somme de 10.000 € sur le fondement de l'Article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
L'ensemble de ces dispositions prises sous le bénéfice de l'exécution provisoire, nonobstant appel et sans caution.
Elle fait valoir en premier lieu, qu'aucune exclusion du droit de préemption ne peut être retenue au titre d'un prétendu usage industriel des locaux car elle est une société commerciale qui exploite une activité commerciale dans des locaux commerciaux. Elle indique pour cela :
- qu'elle est immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le 26 mars 1962.
- que sa forme juridique est une société par actions simplifiées (SAS) qui est une forme de société commerciale dont le siège social est en principe établi dans un local commercial.
- que conformément à ses statuts, elle est spécialisée dans la fabrication, l'achat, la vente, l'importation, l'exportation, de tous produits et matériaux de construction pour le bâtiment ou les travaux publics, et concrètement, honore les commandes de ses clients distributeurs ou constructeurs et commercialise depuis son site de [Localité 17], divers produits en béton précontraint et autres matières (entrevous polystyrène et bois), étant précisé que seuls les blocs bétons, les entrevous bétons et les palettes sont fabriqués sur le site de [Localité 17] à partir de matières premières qu'elle achète et transforme,
- que conformément aux dispositions de l'article L.110-1 du Code de commerce, elle ne réalise donc que des actes de commerce en ce qu'elle achète des biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en oeuvre,
- que le bail renvoie expressément aux dispositions du décret du 30 septembre 1953,
- que dès lors que le tribunal a reconnu au moins en partie la réalité de l'activité commerciale exercée par Seac dans les locaux loués en indiquant qu'elle représente 34,27% de son chiffre d'affaires, les locaux ont un usage commercial même partiel et l'article L145-46-1, qui ne fait aucune référence à un usage exclusivement commercial, doit recevoir application.
Elle expose en outre que la notion d'activité industrielle n'est définie par aucun texte et que la référence par analogie avec les termes de la jurisprudence administrative relative à l'imposition d'une personne compte tenu de ses immobilisations, n'est pas pertinente en matière de baux commerciaux.
Elle indique en troisième lieu que le prétendu usage "industriel" des locaux ne doit pas les exclure du droit de préemption prévu à l'article L145-46-1 car il n'est pas inclus dans les exceptions prévues par ce texte qui fait partie intégrante du statut des baux commerciaux, l'amendement CE 277 dont se prévalent les défendeurs ne pouvant y faire échec. Elle indique qu'il ne peut non plus y avoir d'exclusion du droit de préemption :
- au titre d'une prétendue cession globale portant sur un ensemble immobilier comprenant des locaux commerciaux, puisque l'acte de cession ne fait état que d'un seul bail et indique expressément que la totalité de l'immeuble unique cédé, est loué à la Seac,
- ou au titre d'une prétendue location d'un terrain, puisque le bail ne porte pas seulement sur un terrain, dès lors qu'il y avait déjà 2 bâtiments préexistants au bail.
Elle fait valoir que si les termes de l'article L145-46-1 du Code de commerce avaient été respectés, elle aurait préempté, serait devenue propriétaire et n'aurait plus réglé aucune somme au bailleur, de sorte qu'elle doit être remboursée des loyers et charges qu'elle a réglés, ou au moins de la perte de chance certaine d'avoir pu éviter de les payer.
La société Financière Perdis demande à la cour, par dernières conclusions du 4 janvier 2021 de:
Vu l'article L 145-46-1 du Code de commerce,
Vu la loi no70-9 du 02 janvier 1970 et le décret no72-678 du 20 juillet 1972
A titre principal,
Confirmer le jugement rendu le 10 juin 2020 par le Tribunal Judiciaire d'Orléans en toutes ses dispositions ;
En conséquence,
Déclarer la société Seac mal fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions,
Débouter purement et simplement la société Seac de toutes ses demandes, fins et prétentions,
Y additant,
Condamner la société Seac à payer à la société Financière Perdis la somme de 10.000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel;
Condamner la société Seac aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP Valérie Desplanque, conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour réformerait et prononcerait la nullité de la vente,
Condamner in solidum Mme [X] [U], Mme [J] [U] et Mme [G] [U] à payer à la société Financière Perdis la somme de 400.000,00 €, au titre du prix de vente, outre intérêts légaux à compter du 31 août 2017 et jusqu'à parfait paiement, avec anatocisme ;
Condamner la société Ipsom à payer à la société Financière Perdis la somme de 36.000,00 €, au titre de la commission payée à l'agent immobilier, outre intérêts légaux à compter du 31 août 2017 et jusqu'à parfait paiement, avec anatocisme ;
Condamner Maître [M] à payer à la société Financière Perdis la somme de 29.129,62 €, au titre des frais d'acte et de publicité foncière exposés par elle, outre intérêts légaux à compter du 31 août 2017 et jusqu'à parfait paiement, avec anatocisme;
Condamner in solidum tous succombants à payer à la société Financière Perdis la somme de 10.000,00 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner in solidum tous succombants aux entiers dépens d'instance qui comprendront notamment tous frais d'acte et de publicité foncière induits par l'annulation de la vente, et dire qu'ils seront recouvrés par la SCP Valérie Desplanques, conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
Elle fait valoir que l'article L145-46-1 du Code de commerce n'est pas applicable car les locaux loués à la Seac ont une destination industrielle, la fabrication et la transformation du béton, activité principale de cette dernière, étant bien une activité industrielle et car le droit de préemption est exclu pour les locaux industriels ainsi qu'il ressort de la lettre même de l'article L145-46-1 et des travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi du 18 juin 2014, la commission ayant adopté l'amendement visant à exclure les locaux industriels du champ d'application du droit de préemption.
Elle indique que l'article L145-46-1 ne définit certes pas la notion de local à usage industriel mais qu'on peut se référer à la définition que le droit fiscal donne à cette notion, les hypothèses dans lesquels on recourt à une autre branche du droit pour définir une notion étant nombreuses. Elle soutient que selon la jurisprudence du Conseil d'Etat,l'activité est industrielle quand elle concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre est prépondérant, définition proche de la définition du larousse, ce qui est le cas ici puisque les lieux loués servent à la fabrication de béton par la transformation et la mise en oeuvre de matières premières ainsi qu'il ressort de l'extrait Kbis, des statuts de la SEAC, et du bail commercial.
Elle ajoute qu'à supposer même que le caractère industriel des locaux ne soit pas retenu, le droit de préemption est néanmoins exclu par la lettre de l'article L145-46-1 du Code de commerce s'agissant d'une cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux, c'est à dire s'agissant d'un immeuble comportant outre des locaux commerciaux, un local à usage d'habitation ou de bureaux, et que le droit de préemption est aussi exclu car le bail portait sur terrain nu, peu important l'édification en cours de bail de deux bâtiments.
Subsidiairement, en cas de nullité, elle demande la restitution du prix de vente par les consorts [U] avec intérêts au taux légal à compter du 31 août 2017, la restitution par l'agent immobilier de la commission de vente d'un montant de 36000€, des frais réglés au notaire à hauteur de 29.129,62€, cette somme ne pouvant être demandée auprès de l'administration fiscale contrairement à ce que prétend le notaire.
Les consorts [U] demandent à la cour, par dernières conclusions du 8 octobre 2021 de :
Vu le jugement du Tribunal judiciaire du 10 juin 2020
Vu l'appel interjeté par la Seac Guiraud Frères de cette décision
Vu l'article L 145-46-1 du code de commerce
Vu les articles 1231 et suivants, 1992 du code civil
Vus subsidiairement les articles 1240 à 1244 du code civil
Plus généralement, vus l'ensemble des pièces versées aux débats
Dire la Société Guiraud Frères mal fondée en son appel et l'en débouter
Confirmer le jugement du 10 juin 2020 en toutes ses dispositions
Subsidiairement et pour le cas où la Cour, faisant droit à l'appel de la Seac Guiraud Frères annulerait l'acte de vente reçu par Maître [M] le 31 août 2017 :
Condamner solidairement la SARL Ipsom et Maître [O] [M] à garantir Mesdames [X], [J] et [G] [U], de toutes conséquences induites par la nullité de l'acte de cession du 31 août 2017 pour le cas où elle devait être prononcée et à les indemniser de tous préjudicies dont le paiement de tous les loyers dont elles ont été privées depuis la vente jusqu'à l'éventuel prononcé de la nullité de l'acte de cession et la remise en l'état antérieur, ainsi que le remboursement de la plus-value dont elles se sont acquitté et encore du montant éventuel des intérêts dont serait assortie la restitution du prix de vente
Condamner solidairement la SARL Guiraud Frères, la SARL Ipsom et Maître [O] [M] au paiement de la somme de 5.000 € au profit des Consorts [U], au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Véronique Pioux.
Ils soutiennent que les lieux loués, qui ne comportent aucune activité de vente ou de réception de lieux, sont un simple lieu de stockage et de production et ont donc un caractère industriel. Subsidiairement, ils demandent la condamnation solidaire de la SARL Ipsom et de Maître [M] à les garantir de toutes conséquences induites par la nullité de l'acte de cession. Ils expliquent d'une part, que l'agent immobilier lié à elles par un mandat de vente, a commis une faute sur le fondement des articles 1231 et suivants du Code civil, en omettant d'aviser la société Seac pour vérifier qu'elle ne voulait pas préempter avant de régulariser la vente avec la société Financière Perdis, d'autre part que Maître [M] a aussi commis une faute en informant pas le preneur de la vente, mais de nature délictuelle cette fois.
Maître Fabien Souesme, membre de la SCP Fabien Souesme et [D] [A] notaires associés, titulaire d'un office notarial, demande à la cour, par dernières conclusions du 26 octobre 2021 de:
Débouter la Seac Guiraud Frères de son appel contre les dispositions du jugement rendu le 10 Juin 2020 par le Tribunal Judiciaire d'Orléans qui ont:
- Débouté la Seac Guiraud Frères de sa demande en nullité de la vente conclue entre les Consorts [U] et la SARL Financière Perdis suivant acte reçu par Maître [O] [M] le 31 août 2017 ;
- Rejeté toute autre demande ;
- Condamné la Seac Guiraud Frères à verser à la SARL Financière Perdis la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la Seac Guiraud Frères à verser aux consorts [U] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la Seac Guiraud Frères à verser à Maître [M] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la Seac Guiraud Frères à verser à la SARL Ipsom la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté la Seac Guiraud Frères de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la Seac Guiraud Frères aux dépens et fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Véronique Pioux, de la SCP Valérie Desplanques, de Me Jean-Michel Licoine et de Maître Julie Held-Sutter, avocats à la cour d'appel d'Orléans ;
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire
Débouter la Seac Guiraud Frères de sa demande en nullité de la vente conclue entre les Consorts [U] et la Société Financière Perdis suivant acte reçu par Maître [O] [M] le 31 août 2017, ainsi que de sa demande tendant à Condamner toute personne tenue à garantir les Dames [U] au paiement de la somme de 84 193,50€ représentant le montant des loyers qu'elle a versées à la société Financière Perdis.
Débouter la Seac Guiraud Frères de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civil et sur les dépens.
Débouter les Dames [U] de leur demande en garantie formée contre Maître [M] ainsi que de l'ensemble de leurs autres demandes.
Débouter la société Financière Perdis de sa demande en remboursement de la somme de 29 129,62 euros formée à l'encontre de Maître [M]
Débouter la société Ipsom de sa demande en garantie formée contre Maître [M]
Confirmer le jugement en toutes ses dispositions.
Y ajoutant
Condamner la Seac Guiraud Frères, à verser à Maître [M] la somme de 3000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles exposés en appel
Condamner la Seac Guiraud Frères aux dépens et faire application au bénéfice de Maître Jean-Michel Licoine des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il soutient principalement que la cession ne porte pas sur un local unique à usage commercial ou artisanal mais sur un ensemble constitué à la fois de parcelles, de bâtiments et d'une maison d'habitation et que l'article L145-16-1 ne s'applique dès lors pas, au regard de la nature de l'activité exercée par la Seac qui est industrielle, le fait qu'elle vende les produits qu'elle fabrique ne la plaçant pas pour autant dans le périmètre du droit de préemption.
Subsidiairement il fait valoir en cas de nullité de la cession, que le droit de préemption de la société Seac ne serait qu'éventuel de sorte que son préjudice n'est pas constitué faute d'être certain ; que la restitution des droits d'enregistrement et de la taxe de la publicité foncière ne constitue pas , en vertu de l'article 1961 du Code général des impôts, un droit à réparation contre le notaire, faute de présenter un caractère définitif, dès lors que le remboursement de ces sommes peut être demandé auprès de l'administration fiscale.
Il ajoute, concernant l'appel en garantie des dames [U] que la restitution du prix à laquelle le vendeur est tenu en contre-partie de la restitution de la chose ne constitue pas un préjudice indemnisable et que dès lors que ces dernières n'ont pas sollicité la nullité de la vente, elles n'avaient plus vocation à percevoir les loyers et ne peuvent revendiquer de préjudice de ce chef.
La SARL Ipsom demande à la cour, par dernières conclusions du 25 octobre 2021 de:
Vu l'article 145-46-1 du Code de commerce,
Vu subsidiairement les articles 1240 à 1244 du Code civil,
Vu le jugement RG 17/02109 rendu par le Tribunal Judiciaire d'Orléans le 10 juin 2020,
Juger recevable mais mal-fondé l'appel interjeté par la SAS Seac ;
Confirmer purement et simplement le jugement RG 17/02109 rendu par le Tribunal Judiciaire d'Orléans le 10 juin 2020 ;
Débouter la SAS Seac de ses entières demandes, fins et conclusions.
Débouter Mme [X] [U], Mme [J] [U] et Mme [G] [U] de leurs entières demandes, fins et conclusions dirigées contre la SARL Ipsom.
Débouter la Société Financière Perdis de ses entières demandes, fins et conclusions dirigées contre la SARL Ipsom.
Juger que Maître [O] [M] sera condamné à garantir la SARL Ipsom de toute condamnation prononcée à son encontre.
Condamner solidairement les consorts [U] et la SAS Seac à verser à la SARL Ipsom une somme de 4 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamner solidairement les consorts [U] et la SAS Seac aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Julie Held-Sutter, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Comme les autres intimés, il soutient que le droit de préemption est exclusivement relatif aux locaux à ustage commercial et artisanal et que les locaux à usage industriels en sont exclus. Subsidiairement, il fait valoir que seule la responsabilité du notaire, tenu d'un devoir d'efficacité des actes qu'il instrumente, pourrait être engagée et non celle de l'agent immobilier qui n'est pas un professionnel du droit
Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 18 novembre 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour observe que le chef de jugement ayant déclaré la société Seac recevable n'est critiqué ni dans la déclaration d'appel ni dans le cadre d'un appel incident et que la cour, qui n'est pas saisie de ce chef ne répondra donc pas au moyen repris par la société Seac relatif à la régularité de son assignation et à sa publication au service chargé de la publicité foncière.
Sur la demande de nullité de l'acte de vente
L'Article L145-46-1 du Code de Commerce créé par la loi no 2014-626 du 18 juin 2014 et applicable en l'espèce, la vente des locaux en date du 31 août 2017 étant postérieure à l'entrée en vigueur de cette loi dispose :
"Lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. En cas d'acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois.
Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet.
Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n'y a pas préalablement procédé, notifier au locataire dans les formes prévues au premier alinéa, à peine de nullité de la vente, ces conditions et ce prix. Cette notification vaut offre de vente au profit du locataire. Cette offre de vente est valable pendant une durée d'un mois à compter de sa réception. L'offre qui n'a pas été acceptée dans ce délai est caduque.
Le locataire qui accepte l'offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur ou au notaire, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet.
Les dispositions des quatre premiers alinéas du présent article sont reproduites, à peine de nullité, dans chaque notification.
Le présent article n'est pas applicable en cas de cession unique de plusieurs locaux d'un ensemble commercial, de cession unique de locaux commerciaux distincts ou de cession d'un local commercial au copropriétaire d'un ensemble commercial. Il n'est pas non plus applicable à la cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux ou à la cession d'un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint".
Ces dispositions, qui prévoient que le propriétaire informe au prélable son locataire lorsqu'il envisage de vendre son bien et que ce dernier se voit reconnaître un droit de préemption ou de préférence, comportent une condition tenant à leur domaine d'application et plusieurs exceptions.
S'agissant de leur domaine d'application, ces dispositions s'appliquent au "propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal".
Les intimés prétendent que cette condition n'est pas satisfaite puisque la société Seac ne loue pas un local à usage commercial mais un local à usage industriel, ce que ne permet pas de lui reconnaître un droit de préemption. Au contraire, l'appelante prétend qu'elle loue un local à usage commercial et qu'en tout état de cause, le prétendu usage industriel du local ne doit pas l'exclure du droit de préemption, puisque d'une part, l'article L 145-1 du Code de commerce prévoit expressément que le statut des baux commerciaux, dont fait partie l'article L145-46-1 du même code, s'applique que le fonds appartienne à un commerçant ou à un industriel, et que d'autre part, le Parlement n'a jamais voté un texte excluant les locaux à usage industriel, cette exception ne figurant d'ailleurs pas dans les exclusions prévues à la fin de l'article L145-46-1 du Code de commerce.
Sur ce dernier point, il est exact que l'article L145-1 du Code de commerce dispose que "les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d'une entreprise immatriculée au répertoire des métiers, accomplissant ou non des actes de commerce, et en outre (...)".
Il n'est d'ailleurs pas contesté par les parties que le bail consenti à la société Seac est un bail commercial et que cette dernière bénéficie du statut des baux commerciaux. En outre, l'article L145-46-1 du Code de commerce fait assurément partie des "dispositions du présent chapitre"
citées par l'article L145-1.
C'est toutefois justement parce que l'article L145-1 prévoit expressément que le statut des baux commerciaux s'applique non seulement à un commerçant ou à un artisan mais aussi à un industriel, qu'il convient de rechercher pourquoi le législateur a expressément prévu que l'article L145-46-1 s'appliquait en cas de "local à usage commercial ou artisanal", sans ajouter les termes "ou industriel", ou même sans se borner à indiquer que ce texte s'appliquait aux lieux loués, sans précision de leur usage commercial ou artisanal.
C'est à juste titre que les intimés et le tribunal se sont référés, pour répondre à cette question au compte rendu des travaux parlementaires relatifs à la loi du 18 juin 2014 et aux rapports établis devant le sénat qui sont produits par la société Financière Perdis. Il ressort de ces pièces qu'initialement, le projet de loi prévoyait sans autre précision, que le bailleur qui envisage de vendre les locaux loués doit en informer le locataire, et que c'est à la suite d'un amendement du rapporteur de la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale que les termes "local à usage commercial ou artisanal" ont été ajoutés, le rapporteur indiquant expressément que l'amendement visait pour partie à "exclure les locaux industriels qui n'ont pas vocation à entrer dans le champ du droit de préférence".
En tout état de cause, compte tenu de la lettre de l'article L145-46-1 du Code de commerce précité, il appartient à la société Seac qui se prévaut d'un droit de préférence d'établir qu'elle est bien locataire d'un local à "usage commercial ou artisanal" au sens de ce texte, et plus précisément d'un local à usage commercial, puisqu'elle n'invoque aucun usage artisanal.
Or, il ressort du bail du 2 janvier 1997 liant la société Seac et les consorts [U], initialement conclu avec entre M. [U] et M. [Z] ès qualités de président du conseil d'administration de la société TP Bat qui a ensuite cédé son fonds de commerce à la société Seac par acte du 30 novembre 1998, incluant le droit au dit bail, que les lieux loués doivent servir exclusivement à l'usage suivant : "entreprise générale de bâtiment et travaux publics et fabrication d'agglomérés".
Même si les notions d'usage commercial et d'usage industriel ne sont pas définies dans le code de commerce, ces termes contenus dans le bail ne renvoient pas à un usage commercial mais bien à un usage "industriel", qui, sans même utiliser la définition qu'en donne la jurisprudence administrative, dont l'application au cas présent est contestée par l'appelante, désigne selon le Dictionnaire [F], les locaux affectés à "la production de biens matériels par la transformation et la mise en oeuvre de matières premières".
De même, l'extrait du registre du commerce et des sociétés relatif à la société Seac mentionne comme activité "la pré-fabrication de tous éléments de construction à base de terre cuite plancher murs et autres" et "la fabrication de hourdis, blocs et pavé béton" ce qui correspond selon la définition précitée à une activité industrielle.
Il n'est pas contesté par les intimés que l'activité de la société Seac englobe une activité de négoce, ainsi qu'il est d'ailleurs mentionné dans l'acte de cession du fonds de commerce du 30 novembre 1998 par la société TP Bât au profit de la société Seac ("un fonds de commerce de fabrication et négoce parpaings". Elle indique elle-même en page 14 de ses conclusions que son activité sur site est "la fabrication et le négoce d'éléments nécessaires à la construction immobilière et principalement en béton, aux fins de revente de ceux-ci".
Cette activité de négoce ressort aussi des statuts de la société qui stipulent qu'elle a pour objet social, "la fabrication, l'achat, la vente, l'importation, l'exportation, de tous produits et matériaux de construction pour le bâtiment ou les travaux publics notamment en béton précontraint ou non, l'achat la vente, de tous biens (...), et généralement fait toutes opérations commerciales, industrielles, financières", étant précisé que les statuts sont ceux de la société Seac dans son ensemble et qu'elle comporte 29 établissements secondaires, dont celui de [Localité 17], qui doit seul est pris en compte pour déterminer si le local est ou non à usage commercial.
Néanmoins, l'existence d'une activité de négoce pour partie ne suffit pas à conférer à un local la qualification de local à usage commercial, d'autant qu'en l'espèce, ainsi que l'a relevé le tribunal, l'activité de négoce n'est pas du tout l'activité principale de la société Seac puisqu'elle a représenté sur l'exercice 2016, pour le site de Chateauneuf sur Loire, selon l'attestation du commissaire au comptes du 18 septembre 2017, 34,27% du chiffre d'affaires réalisé contre 65,72% pour l'activité de fabrication.
En outre, comme le relèvent les consorts [U], il n'est ni allégué ni a fortiori, établie l'existence d'une activité de vente ou de réception de clients sur place, dans le local situé à [Localité 17] et l'activité de négoce se traduit essentiellement par des bons de livraison des produits fabriqués sur place, ou pour certains, achetés à l'extérieur. Le local a donc un usage de fabrication et de stockage de produits nécessaires à la construction immobilière, et principalement en béton, en vue de leur revente.
En conséquence, le local litigieux ne peut être considéré comme un local à usage commercial (ou artisanal) au sens de l'article L145-46-1 du Code de commerce, ce qui suffit à exclure l'application de ces dispositions à la société Seac et par suite la reconnaissance à cette dernière d'un droit de préférence lors de la vente.
A titre surabondant, s'agissant des exceptions prévues par l'article L145-46-1 précité, la cour rappelle qu'il ne s'applique pas en cas de cession globale d'un immeuble dont le local pris à bail ne constitue qu'une partie (cf pour exemple Com 17 mai 2018, pourvoi no 17-16113).
Or, si la vente des lieux loués reçue le 31 août 2017 par Maître [M] n'évoque qu'un seul bail, celui consenti à la société Seac, et si aucun autre bail n'est versé aux débats, cette vente précise qu'elle porte sur un "ensemble immobilier composé de plusieurs bâtiments dont une maison en état d'insalubrité et terrains" et la société Financière Perdis verse aux débats, d'une part un courrier adressé le 7 septembre 2017 par Maître [M] à la société Seac l'informant de la cession et sollicitant "une copie du bail de la maison occupée par M. [E], ou à défaut indiquer la date de son entrée dans les lieux", d'autre part un mandat de gestion consenti par la société Financière Perdis à la société Century 21 portant sur une maison individuelle située [Adresse 14] et donnant au mandataire mandat de louer cette maison, de percevoir les loyers, et d'y faire des travaux de réparation.
La société Seac n'allègue pas qu'elle consent elle-même une sous-location sur cette maison qui ferait partie des lieux qu'elle loue. Dès lors, ces pièces établissent que la vente portait pour partie, même faible, sur un maison d'habitation ne faisant pas partie du local pris à bail par la société Seac, de sorte que les dispositions de l'article L145-46-1 du Code de commerce ne peuvent pas non plus recevoir application pour cette raison.
En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société Seac de sa demande d'annulation de la vente consentie le 31 août 2017 et des demandes subséquentes.
Sur les autres demandes
Le jugement étant confirmé en ce qu'il a débouté la société Seac de sa demande de nullité de la vente, il n'y a pas lieu d'examiner les appels en garantie formés à titre subsidiaire par les consorts [U] et la société Financière Perdis à l'encontre de la société Ipsom et de Maître [M], le jugement étant confirmé en ce qu'il a rejeté toutes les autres demandes.
Devant le tribunal comme devant la cour, la société Seac demandait la condamnation au paiement de la somme de 84.193,50€ notamment à l'encontre des consorts [U] mais aussi de "toute personne venant en garantie".
Dès lors que la société Seac est déboutée de toutes ses demandes, le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a condamnée aux entiers dépens et au paiement d'une indemnité au titre des frais irrépétibles, aux consorts [U] ainsi qu'à la société Financière Perdis, directement concernée par la demande de nullité de la vente et aux appelés en garantie.
Pour ces mêmes raisons, la société Seac doit être condamnée aux entiers dépens exposés devant la cour, outre le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Véronique Pioux, de la SCP Valérie Desplanques, de Maître Jean-Michel Licoine et de Maître Julie Held-Sutter, avocats, ainsi qu'au versement à chacun des intimés d'une indemnité de 2500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions critiquées ;
Y ajoutant,
- Condamne la Société d'études et applications composants - SAS Seac, anciennement Seac Guiraud Frères à verser, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
* à la SARL Financière Perdis la somme de 2500 euros,
* à Mesdames [G] [U], [X] [U] et [J] [U] (prises ensemble) la somme de 2500 euros,
* à la SARL Ipsom la somme de 2500 euros,
* à Maître [M] la somme de 2 500 euros ;
Déboute la Société d'études et applications composants - SAS Seac, anciennement Seac Guiraud Frères, de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne la Société d'études et applications composants - SAS Seac, anciennement Seac Guiraud Frères, aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Véronique Pioux, de la SCP Valérie Desplanques, de Maître Jean-Michel Licoine et de Maître Julie Held-Sutter, avocats à la cour d'appel d'Orléans.
Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT