COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE
GROSSE à :
SELARL SYLVIE MAZARDO
MAISON DEPARTEMENTALE DE L'AUTONOMIE D'EURE ET LOIR
EXPÉDITION à :
[C] [V]
CAF D'EURE ET LOIR
MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Pôle social du Tribunal judiciaire d'ORLEANS
ARRÊT DU : 21 JUIN 2022
Minute n°306/2022
N° RG 20/02417 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GHZK
Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire d'ORLEANS en date du 12 Octobre 2020
ENTRE
APPELANT :
Monsieur [C] [V]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Sylvie MAZARDO de la SELARL SYLVIE MAZARDO, avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART,
ET
INTIMÉE :
MAISON DEPARTEMENTALE DE L'AUTONOMIE D'EURE ET LOIR
[Adresse 5]
[Localité 3]
Dispensée de comparution à l'audience du 5 avril 2022
PARTIES AVISÉES :
CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES D'EURE ET LOIR
[Adresse 7]
[Localité 4]
Non comparante, ni représentée
MONSIEUR LE MINISTRE CHARGE DE LA SECURITE SOCIALE
[Adresse 2]
[Localité 6]
Non comparant, ni représenté
D'AUTRE PART,
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 AVRIL 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie GRALL, Président de chambre, chargé du rapport.
Lors du délibéré :
Madame Sophie GRALL, Président de chambre,
Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller
Greffier :
Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.
DÉBATS :
A l'audience publique le 5 AVRIL 2022.
ARRÊT :
- Contradictoire, en dernier ressort
- Prononcé le 21 JUIN 2022, par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- Signé par Madame Sophie GRALL, Président de chambre et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.
* * * * *
Le 10 janvier 2017, M. [C] [V], né le 14 avril 1966, a formé auprès de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) d'Eure et Loir une demande de renouvellement de son droit à l'allocation aux adultes handicapés.
Le 9 novembre 2017, la Commission des Droits de l'Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH) a rejeté la demande au titre de l'allocation aux adultes handicapés au motif que le taux d'incapacité de M. [C] [V] était évalué comme étant inférieur à 50 %.
Par lettre du 25 novembre 2017, M. [C] [V] a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité d'Orléans d'une contestation de cette décision.
L'instance a été reprise par le Pôle social du tribunal de grande instance d'Orléans en application de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016.
Le tribunal de grande instance est devenu le tribunal judiciaire le 1er janvier 2020 par l'effet de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019.
En application de l'article R. 142-16 du Code de la sécurité sociale, le tribunal a ordonné une consultation confiée au Docteur [W] [F].
Par jugement du 19 octobre 2020 (dossier n° 19/247), le Pôle social du tribunal judiciaire d'Orléans a:
- déclaré recevable le recours formé par M. [C] [V],
- rejeté la requête de M. [C] [V],
- confirmé la décision contestée.
Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que le taux d'incapacité de M. [C] [V] était inférieur à 80 %, qu'il était d'au moins 50 %, mais que son état de santé ne restreignait pas de manière substantielle et durable son accès à l'emploi ce qui ne permettait pas l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés.
Suivant déclaration d'appel du 25 novembre 2020 par le RPVA, M. [C] [V] a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de conclusions soutenues oralement à l'audience, M. [C] [V] demande à la Cour de:
- le déclarer recevable et bien-fondé en son appel.
- infirmer le jugement entrepris qui l'a débouté de l'intégralité de ses demandes.
En conséquence,
- annuler la décision du 9 novembre 2017 lui refusant le renouvellement de l'allocation aux adultes handicapés et faire droit à sa demande de renouvellement.
- condamner, en conséquence, la Maison Départementale de l'Autonomie d'Eure et Loir à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 700 du Code de procédure civile.
- débouter la Maison Départementale de l'Autonomie d'Eure et Loir de toutes demandes contraires.
- condamner la Maison Départementale de l'Autonomie d'Eure et Loir aux entiers dépens.
Aux termes d'écritures adressées à la partie adverse, la Maison Départementale de l'Autonomie d'Eure et Loir, dispensée de comparution à l'audience du 5 avril 2022, demande à la Cour de:
- constater que la décision prise par la CDAPH d'Eure et Loir est conforme à l'application de la réglementation en vigueur.
- rejeter la requête de M. [C] [V].
- confirmer la décision entreprise.
- condamner M. [C] [V] aux entiers dépens de l'instance.
En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs écritures respectives.
SUR CE, LA COUR:
Selon l'article L. 244-1 du Code de l'action sociale et des familles, les règles relatives à l'allocation aux adultes handicapés sont fixées par le Code de la sécurité sociale.
L'article L. 821-1 du Code de la sécurité sociale prévoit que toute personne dont l'incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé à 80 % par l'article D. 821-1 du même code perçoit, dans les conditions prévues au titre II du livre VIII, une allocation aux adultes handicapés.
L'article L. 821-2 du Code de la sécurité sociale dispose quant à lui que:
'L'allocation aux adultes handicapés est également versée à toute personne qui remplit l'ensemble des conditions suivantes:
1. 1° Son incapacité permanente, sans atteindre le pourcentage fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 821-1, est supérieure ou égale à un pourcentage fixé par décret;
2. 2° La commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles lui reconnaît, compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, précisée par décret.
Le versement de l'allocation aux adultes handicapés au titre du présent article prend fin à l'âge auquel le bénéficiaire est réputé inapte au travail dans les conditions prévues au cinquième alinéa de l'article L. 821-1".
Le taux d'incapacité permanente visé au 1° ci-dessus est fixé à 50% par l'article D. 821-1.
Aux termes de l'article R. 241-2 du Code de l'action sociale et des familles, ce taux d'incapacité est apprécié 'suivant le guide-barème figurant à l'annexe 2-4".
L'article D. 821-1 du Code de la sécurité sociale précise également que 'le pourcentage d'incapacité est apprécié d'après le guide barème annexé au décret n° 93-1216 du 4 novembre 1993 relatif au guide-barème applicable pour l'attribution de diverses prestations aux personnes handicapées'.
En application de ce guide-barème, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-1574 du 6 novembre 2007 applicable au litige, un taux de 50% correspond à 'des troubles importants entraînant une gêne notable dans la vie sociale de la personne. L'entrave peut soit être concrètement repérée dans la vie de la personne, soit compensée afin que cette vie sociale soit préservée, mais au prix d'efforts importants ou de la mobilisation d'une compensation spécifique. Toutefois, l'autonomie est conservée pour les actes élémentaires de la vie quotidienne'.
Un taux d'au moins 80 % correspond à des troubles graves entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne de la personne avec une atteinte de son autonomie individuelle. Cette autonomie individuelle est définie comme l'ensemble des actions que doit mettre en oeuvre une personne, vis-à-vis d'elle-même, dans la vie quotidienne. Dès lors qu'elle doit être aidée totalement ou partiellement, ou surveillée dans leur accomplissement, ou ne les assure qu'avec les plus grandes difficultés, le taux de 80 % est atteint. C'est également le cas lorsqu'il y a déficience sévère avec abolition d'une fonction.
Les actes de la vie quotidienne, parfois qualifiés d'élémentaires ou d'essentiels, sont mentionnés dans les différents chapitres et portent notamment sur les activités suivantes:
- se comporter de façon logique et sensée;
- se repérer dans le temps et les lieux;
- assurer son hygiène corporelle;
- s'habiller et se déshabiller de façon adaptée;
- manger des aliments préparés;
- assumer l'hygiène de l'élimination urinaire et fécale;
- effectuer les mouvements (se lever, s'asseoir, se coucher) et les déplacements (au moins à l'intérieur d'un logement).
En l'espèce, le Docteur [W] [F], médecin consultant, dont les conclusions ont été adoptées par le tribunal, a émis un avis en ces termes: 'M. [C] [V] a été victime d'un traumatisme d'origine balistique au niveau du fémur gauche avec suppuration chronique et embrochage; concernant les répercussions de cette pathologie sur le quotidien de ce patient, le traumatisme du fémur a entraîné une impotence fonctionnelle lors des déplacements du patient; en effet, ces derniers restent difficiles, aussi bien en 2015 qu'en 2017 et s'effectuent avec une canne, le périmètre de marche effectué à l'aide de deux cannes étant de 400 mètres; selon les termes du certificat médical fourni à l'appui de la demande de reconnaissance du handicap, le handicap de M. [C] [V] entraînait une limitation des activités de la vie courante avec retentissement important sur la vie sociale et domestique; par ailleurs, ce patient se plaint de douleurs diurnes et nocturnes; en conclusion et compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le taux d'incapacité pouvait être estimé entre 50 % et 79 % sans restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi'.
L'appelant ne conteste pas l'avis du médecin consultant en ce qu'il a retenu que son taux d'incapacité pouvait être évalué comme étant compris entre 50 et 79 % au jour de la demande et ne justifie nullement, ni même n'allègue, que ce taux serait égal ou supérieur à 80 %.
La Maison Départementale de l'Autonomie d'Eure et Loir, qui soutient pour sa part que le taux d'incapacité M. [C] [V] était inférieur à 50 % au jour de la demande, ne produit cependant aucune pièce de nature à remettre en cause les conclusions du médecin consultant sur ce point.
Les troubles présentés par M. [C] [V] entraînant une gêne notable dans sa vie sociale ainsi que l'a retenu le médecin consultant, son taux d'incapacité doit être évalué, conformément au guide-barème, comme étant compris entre 50 et 79 % au jour de la demande.
M. [C] [V] critique le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que son état ne restreignait pas de manière substantielle et durable son accès à l'emploi.
Il soutient que l'existence d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi doit être reconnue au vu des pièces médicales qu'il verse aux débats dans la mesure où, compte tenu des séquelles qu'il présente et des douleurs associées, il rencontre de grandes difficultés pour se déplacer et où ses activités sont très limitées.
Il précise sur ce point que son état ne s'est aucunement amélioré, que son périmètre de marche est limité (400 mètres), que la marche sans pause est limitée à 250 mètres, qu'il ne peut plier le genou, qu'il ne peut monter ou descendre des escaliers, qu'il ne se déplace qu'avec des cannes béquilles, qu'il ne peut demeurer en position assise, qu'il est soumis à un lourd traitement médicamenteux, qu'il est astreint à des séances de rééducation motrice une fois par semaine, qu'il ne peut pas prendre les transports en commun et qu'il n'est pas titulaire du permis de conduire.
Il convient, toutefois, d'observer que M. [C] [V] s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé ce qui lui permet de bénéficier d'un aménagement de poste et qu'il ne produit dans le cadre de la présente instance aucune pièce justificative de démarches vainement accomplies en vue de son insertion professionnelle.
Il apparaît, dès lors, que le jugement entrepris n'est pas valablement remis en cause en ce qu'il a considéré que l'existence d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi au sens de l'article D. 821-1-2 du Code de la sécurité sociale n'était pas démontrée.
Il y a lieu, en conséquence, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
Compte tenu de la solution donnée au présent litige, il convient de laisser la charge des dépens d'appel à M. [C] [V] et de rejeter la demande fondée sur l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
PAR CES MOTIFS:
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 octobre 2020 par le Pôle social du tribunal judiciaire d'Orléans;
Y ajoutant;
Rejette la demande fondée sur l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991;
Laisse la charge des dépens d'appel à M. [C] [V].
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,