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12/09/2022 | FRANCE | N°19/03068

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 12 septembre 2022, 19/03068


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



C H A M B R E C I V I L E





GROSSES + EXPÉDITIONS : le 12/09/2022

la SCP LE METAYER ET ASSOCIES

la SELARL DA COSTA - DOS REIS





ARRÊT du : 12 SEPTEMBRE 2022



N° : - : N° RG 19/03068 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GAWS





DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 05 Juin 2019



PARTIES EN CAUSE



APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 2397 6143 9153



La MUTUELLE DES ARCHITE

CTES FRANCAIS (MAF) en qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle de Monsieur [O] [U], agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qua...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 12/09/2022

la SCP LE METAYER ET ASSOCIES

la SELARL DA COSTA - DOS REIS

ARRÊT du : 12 SEPTEMBRE 2022

N° : - : N° RG 19/03068 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GAWS

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 05 Juin 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 2397 6143 9153

La MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF) en qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle de Monsieur [O] [U], agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

ayant pour avocat plaidant Me Bruno CESAREO de la SCP LE METAYER ET ASSOCIES du barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Ferouze MEGHERBI du barreau de PARIS

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 2361 0238 0709

Monsieur [X] [E]

né le 28 Août 1962 à BONE (Algérie)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par Me Antonio DA COSTA de la SELARL DA COSTA - DOS REIS, avocat au barreau d'ORLEANS

Madame [V] [B] épouse [E]

née le 18 Mai 1965 à [Localité 5] (93)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Antonio DA COSTA de la SELARL DA COSTA - DOS REIS, avocat au barreau d'ORLEANS

- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 2502 3578 2296

Monsieur [O] [U]

né le 23 Novembre 1954 à [Localité 7] (28)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Joanna FIRKOWSKI de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat postulant au barreau d'ORLEANS et par Me Guillaume BARDON substituant Me Martine MEUNIER de la SELARL CM&B et ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de TOURS

- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 2492 0006 2274

La Société ELITE INSURANCE COMPANY LIMITED compagnie d'assurance de droit britannique enregistrée à Gibraltar sous le n° 91111, prise en la personne de son représentant légal

Suite 23, Portland House, Glacis Road,

[Localité 4]

ayant pour avocat Me Andréanne SACAZE de la SELARL ANDREANNE SACAZE, du barreau d'ORLEANS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du :11 Septembre 2019

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 10 mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, du délibéré :

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Madame Laure Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.

Greffier :

Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 JUIN 2022, à laquelle ont été entendus Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.

ARRÊT :

Prononcé le 12 SEPTEMBRE 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

FAITS ET PROCEDURE

M. [X] [E] et Mme [V] [B] épouse [E] ont confié la construction de leur maison, située sur la commune de Chilleurs aux bois au [Adresse 3], à M. [O] [U], architecte agissant en qualité de maître d''uvre, assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (MAF).

Le 15 septembre 2011, ils ont signé avec la société YUKANA, assurée auprès de la société Elite Insurance Company Limited, un contrat de construction de maison individuelle à ossature bois.

Se plaignant de désordres affectant leur maison d'habitation, les époux [E] ont saisi le juge des référés qui a ordonné, le 17 octobre 2014, une expertise judiciaire opposable à M. [O] [U], à Maître [T] [P] liquidateur de la société Yukana, la Mutuelle des architectes français (MAF) assureur de la responsabilité civile professionnelle de M. [U] et à la société Elite Insurance Compagnie Limited représentée par son mandataire la société Securities & Financial Solutions, assureur de la responsabilité décennale et de la responsabilité civile professionnelle de la société Yukana.

L'expert a déposé son rapport le 30 mars 2015.

Par actes des 17 et 20 novembre 2015, les époux [E] ont fait assigner M. [O] [U], la MAF et la société Elite Insurance Company Limited représentée par son mandataire la société Securities & Financial Solutions devant le tribunal de grande instance d'Orléans aux fins de les voir solidairement condamner à réparer les préjudices qu'ils estiment avoir subi.

Par jugement du 5 juin 2019, le tribunal a :

- dit que la société Elite Insurance représentée par son mandataire, la société Securities et Financial Solutions, doit garantir son assuré, la société Yukana, aujourd'hui en liquidation judiciaire, pour les désordres n°2, 5 et 8,

- rejeté en conséquence la demande de la société Elite Insurance représentée par son mandataire par la société Securities et Financial Solutions tendant à sa mise hors de cause,

- rejeté également la demande de mise hors de cause formée par la MAF,

- dit que la société Elite Insurance représentée par son mandataire par la société Securities et Financial Solutions doit prendre en charge au titre de la reprise des désordres décennaux n°2, 5 et 8 constatés par l'expert judiciaire, soit la somme totale de 56 037,75 euros TTC,

- dit que M. [U] et la MAF doivent prendre en charge l'intégralité des préjudices subis par les époux [E], soit la somme totale de 75 669,85 euros en réparation du préjudice matériel (tous désordres),

- condamné in solidum M. [U] et la MAF (assureur de M. [U]) et la société Elite Insurance représentée par son mandataire par la société Securities et Financial solutions à payer aux époux [E] la somme de 56 037,75 euros TTC au titre des travaux de reprise des désordres décennaux,

- condamné in solidum M. [U] et la MAF à payer aux époux [E] la somme de 19 632,10 euros TTC au titre de la reprise des autres désordres non garantis par la société Elite Insurance,

- ordonné un partage des responsabilité comme suit :

$gt;la société Elite Insurance représentée par son mandataire par la société Securities et Financial solutions sera tenue à hauteur de 50 % du coût des travaux de reprise des désordres décennaux,

$gt;M. [U] et la MAF sont tenus à hauteur de 50 % du coût des travaux de prise des désordres décennaux,

- condamné la société Elite Insurance représentée par son mandataire par la société Securities et Financial solutions à garantir la MAF et M. [U] à hauteur de 50 % de la somme de 46 620, 63 euros TTC au titre du coût des travaux de reprise des désordres décennaux (la garantie n'est demandée contre l'assureur de la société Yukana qu'à hauteur de cette somme de 46 620, 63 euros),

- condamné in solidum la MAF et M. [U] à garantir la société Elite Insurance représentée par son mandataire la société Securities à hauteur de 50 % de la somme de 56 037, 75 euros TTC au titre du coût des travaux de reprise des désordres décennaux,

- condamné in solidum la société Elite Insurance représentée par son mandataire par la société Securities et Financial solutions, M. [U] et la MAF aux dépens lesquels comprendront le coût des frais de référé et des frais d'expertise et à payer aux époux [E] une indemnité de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [U] de sa demande reconventionnelle en paiement formée contre les époux [E],

- rejeté tous autres chefs de demande.

La Mutuelle des architectes français (MAF) a relevé appel de ce jugement en critiquant expressément toutes les dispositions lui faisant grief.

La société Elite Insurance Company Limited a constitué avocat le 8 novembre 2019.

Elle n'a pas conclu.

Le 6 décembre 2019, la société Elite Insurance Company Limited a été placée sous administration judiciaire par décision de la Suprem Court of Gibraltar. Deux administrateurs ont été désignés :

- M. [F] [D] [M] [W] de la société PricewaterhouseCoopers Limited située à Gibraltar ;

- M. [R] [Z] [S] de la société PricewaterhouseCoopers LLP située à Londres.

Par courrier du 17 juin 2021, le conseilleur de la mise en état a invité les parties à procéder aux diligences suivantes :

'Vu la décision rendue le 11 décembre 2019 par la cour suprême de Gibraltar, qui a placé la société Elite Insurance Company Limited sous administration en application de la loi de 2011 sur l'insolvabilité à Gibraltar (Gibraltar Insolvency Act), en désignant co-administrateurs M. [F] [W] et M. [R] [S],

- Invite M. et Mme [E] ou toute partie plus diligente à appeler à la cause les administrateurs de la société Elite Insurance,

- Invite les parties à présenter leurs observations sur les effets de la décision du 11 décembre 2019 dont il n'a pas été indiqué par le conseil de la société Elite Insurance si elle a reçu l'exequatur'.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 19 avril 2021, la MAF demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a statué ainsi que suit :

$gt;rejette sa demande de mise hors de cause

$gt;dit que M. [U] et la MAF devront prendre en charge l'intégralité des préjudices subis par les époux [E] soit la somme de 75.669,85 euros en réparation du préjudice matériel (tous désordres)

$gt;condamne in solidum M. [U], la MAF et la société Elite Insurance à payer aux époux [E] la somme de 56.037, 75 euros au titre des travaux de reprise des désordres décennaux

$gt;condamne in solidum M. [U] et la MAF à payer aux époux [E] la somme de 19.632, 10 euros TTC au titre de la reprise des autres désordres non garantis par Elite Insurance

$gt;ordonne le partage de responsabilité comme suit :

- à hauteur de 50 % pour Elite Insurance au titre des désordres décennaux

-à hauteur de 50 % pour M. [U] et la MAF au titre des travaux de reprise des désordres décennaux

$gt;condamne Elite Insurance à garantir la MAF et M. [U] à hauteur de 50 % de la somme de 46.620, 63 euros TTC au titre du coût des travaux de reprise des désordres décennaux

$gt;condamne in solidum la MAF et M. [U] à garantir Elite à hauteur de

50 % sur la somme de 56.037, 75 euros au titre du coût des travaux de reprise des désordres décennaux

$gt;condamne in solidum M. [U], la MAF et la Société Elite Insurance à payer aux époux [E], les dépens et l'article 700 fixé à hauteur de 6000 euros.

Ce faisant et statuant à nouveau :

A titre principal,

- juger que les dommages procèdent de défauts d'exécution et de défauts d'achèvement non imputables à l'architecte,

- juger que l'architecte n'est pas tenu d'une présence constante sur le chantier et n'est débiteur que d'une seule obligation de moyens

- juger que la faute de M. [U] en lien direct et causal avec les dommages allégués n'est pas établie,

A titre subsidiaire,

- juger que M. [U] est intervenu dans le cadre de la présente opération en qualité de maitre d''uvre et de contractant général via la société Yukana

- juger qu'il a assumé une double casquette de nature à entraver l'impartialité et la loyauté devant caractériser l'exercice de son activité d'architecte

- juger qu'il s'est placé en dehors du champ normal de l'activité d'architecte ouvrant droit à garantie

- juger que M. [U] n'a pas souscrit de garantie préalable pour le chantier en cause

- juger la MAF fondée à opposer une non garantie, les conditions de la garantie et l'objet même de la garantie n'étant pas satisfaits

- mettre la MAF hors de cause

A titre plus subsidiaire,

- juger la MAF fondée à se prévaloir des conditions et limites de son contrat relativement notamment à sa franchise et son plafond

- juger recevable et fondée à obtenir la garantie pour le tout de la société Elite Insurance Compagnie Limited

- juger que la Société Elite Insurance Compagnie Limited ne verse pas aux débats les conditions générales signées par la Société Yukana

- juger que la Société Elite Insurance Compagnie Limited ne produit pas la police finale établie postérieurement au Questionnaire d'Etude complété décrivant l'activité à couvrir lui même signé après les conditions particulières qu'elle verse aux débats

- juger que les conditions particulières versées aux débats précisent que l'activité principale souscrite est « Tous corps d'état »

- juger que les travaux exécutés par la Société Yukana procèdent d'une activité tous corps d'état.

- juger que la qualification juridique du contrat passé entre le maitre de l'ouvrage et la société dont la garantie est recherchée est sans incidence.

- juger que la garantie d'assurance n'est dépendante ni du cadre juridique de l'exercice de l'activité considérée ni des conditions d'exécution de ladite activité

- juger que les consorts [E] ne justifient pas d'une aggravation des dommages les autorisant à solliciter une indemnisation complémentaire à hauteur de 9417,10 euros HT

- juger que le devis dont s'agit n'a pas été établi au contradictoire des parties et soumis à l'analyse de l'Expert

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté le préjudice moral des consorts [E]

- condamner les consorts [E] à lui payer la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens lesquels pourront être recouvrés par SCP Le Metayer & Associés.

Par conclusions notifiées par RPVA le 6 décembre 2021, la MAF a déclaré se désister d'instance contre la société Elite Insurance Compagnie Limited et maintenir le bénéfice de son appel à l'égard des autres intimés dans les termes de ses conclusions notifiées le 19 avril 2021.

Par ordonnance du 25 avril 2022, le conseiller de la mise en état a constaté l'extinction de l'instance entre la MAF et la société Elite Insurance Company Limited.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 13 janvier 2022, M. [O] [U] demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a :

$gt;confirmé l'obligation de prise en charge de l'ensemble des désordres et de l'entier préjudice matériel par M. [U] et son assureur la MAF pour un montant de 75 669,85 euros

$gt;par conséquent, condamné la société Yukana et son assureur la société Elite Insurance représentée par son mandataire, in solidum avec M. [U] et la MAF, au paiement de la somme de 56 037,75 euros TTC

$gt;condamné les seuls M. [U] et son assureur la MAF au paiement des 19 632,10 euros TTC au titre de la reprise des désordres restants et non garantis par la société Elite Insurance

$gt;partagé les responsabilités entre les uns et les autres par moitiés et ordonné les garanties réciproques selon les mêmes proportions

$gt;condamné in solidum l'ensemble des codéfendeurs aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles

$gt;rejeté la demande reconventionnelle en paiement de M. [U].

Statuant à nouveau,

- déclarer irrecevables et subsidiairement dénuées de tout fondement les demandes dirigées par les époux [E] à l'encontre de M. [U], Architecte

- en conséquence, les en débouter

- limiter le montant des condamnations à la charge de M. [U] à la somme de 1.462,90 euros

- donner acte à M. [U] de son désistement d'appel et de ses demandes à l'encontre de la société Elite Insurance Compagnie Limited

- déclarer recevable et bien fondée la demande reconventionnelle de M. [U], Architecte

Y faisant droit,

- condamner les époux [E], ainsi que tout succombant, à verser à M. [U], Architecte :

$gt; la somme de 4.221,99 € TTC à titre de solde d'honoraires, avec intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2015

$gt;la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- en tout état de cause, débouter les époux [E] de leur demande présentée dans le cadre de leur appel incident en réparation de leur préjudice moral

- condamner les époux [E], et à défaut tout succombant aux dépens dont distraction au profit de Maître Olivier Laval, avocat aux offres de droit.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 30 septembre 2021,

M. [X] [E] et Mme [V] [B] épouse [E] demandent à la cour de :

- déclarer l'appel principal de la Mutuelle des Architectes Français (MAF) recevable mais mal fondé et le rejeter

- déclarer l'appel incident de M. [U] irrecevable et/ou mal fondé et le rejeter

En revanche,

- déclarer recevable et bien fondé l'appel incident de M. et Mme [E]

Y faisant droit,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Orléans le 5 juin 2019 en toutes ses dispositions, à l'exclusion du rejet de la demande en réparation du préjudice moral des époux [E]

Statuant à nouveau sur ce seul chef,

- condamner in solidum M. [O] [U], es qualités d'architecte et de maître d''uvre et son assureur responsabilité civile professionnelle, la Mutuelle des Architectes Français (MAF) à réparer le préjudice moral des époux [E] évalué à la somme forfaitaire de 10 000 €

- condamner in solidum toutes les parties perdantes à payer aux concluants une somme de 8000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 mai 2022.

MOTIFS

Sur les demandes dirigées contre la société Elite Insurance Company Limited

La société Elite Insurance Company Limited a été placée sous le régime de l''administration' par la Cour Supreme de Gibraltar, le 11 décembre 2019, en application de l'Insolvency Act de 2011 de ce pays.

Deux 'administrateurs' ont été désignés pour représenter la société et prendre en charge son activité.

En l'espèce, en dépit de la demande adressée aux parties par le conseiller de la mise en état le 16 juin 2021, les deux administrateurs de la société Elite Insurance Company Limited n'ont pas été appelés en cause dans la présente procédure.

Si la MAF et M. [U] se sont désistés des demandes qu'ils formaient à son encontre, M. et Mme [E] maintiennent en revanche leurs demandes à son égard.

La cour ne peut dès lors que prononcer l'irrecevabilité des demandes formées par M. et Mme [E] contre la société Elite Insurance Compny Limited, qui n'est plus valablement représentée à la présente procédure.

Sur la responsabilité de M. [U]

M. [U] sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité au titre des désordres affectant la maison. Il estime en effet que le cumul des fonctions d'architecte et d'entreprise générale, qui lui a été reproché par le premier juge, n'est pas à l'origine directe du préjudice de M. et Mme [E]. Il soutient qu'il n'a pas commis d'erreur susceptible d'engager spécifiquement la responsabilité de l'architecte, qu'il ne peut pas lui être reproché de manquements dans la direction des travaux puisque la plupart des dommages sont très ponctuels, résultant de simples maladresses des ouvriers de l'entreprise Yukana, et que d'autre part, les carences de l'entreprise ne sont apparues qu'en fin de chantier et ont fait l'objet de réserves à la réception. Il conclut que les nombreux désordres sont consécutifs aux diverses erreurs d'exécution relevées par l'expert et imputables à la seule société Yukana.

M. et Mme [E] ont confié à M. [U], architecte DPLG, un contrat d'ingénierie et de maîtrise d'oeuvre portant sur la consttruction d'une maison individuelle à [Localité 6] (45).

Le contrat portait sur les phases suivantes :

- avant-projet sommaire et permis de construire,

- assistance aux contrats de travaux,

- direction et exécution des travaux.

Les travaux ont été réalisés par deux sociétés, la société Yukana et la société MPR.

Les travaux ont commencé le 16 janvier 2012, et ont été réceptionnés avec réserves par M. [E] le 24 octobre 2012.

Le tribunal a retenu que :

- la société Elite Insurance Company Limited, assureur de la socité Yukana, devait être tenue à garantir les désordres n°2, 5 et 8, qui entrent dans le cadre de la garantie décennale ;

- M. [U] devait être condamné à indemniser les époux [E] de l'intégralité de leur préjudice.

La somme de 66 257,75 euros, sollicitée par M. et Mme [E], correspond, selon le rapport d'expertise, au coût de réparation des désordres suivants :

- dommage n°2 : les habillages en bois des entourages de portes, fenêtres et portes-fenêtres n'ont pas été réalisés ainsi que les appuis de fenêtre en aluminim laqué. Le dommage provient selon l'expert d'une absence de finition de la prestation par la société Yukana.

Chiffrage de la réparation : 5116,40 euros

- dommage n°5 : le bardage en bois est cassé, mal fixé et gondolé. Les grilles anti-rongeur sont soit mal fixées ou inexistantes. Le bardage bois est en relation directe avec le sol béton de la terrasse d'entrée ce qui est interdit. Des lames de bardage sont manquantes en partie haute de certaines façades. Ces dommages sont, selon l'expert, consécutifs à une accumulation de malfaçons lors de l'exécution de la prestation et à l'inadaptation des moyens de fixation des lames ainsi qu'à une absence de finition de la prestation, imputable à l'entreprise titulaire de ce lot, la société Yukana.

Chiffrage de la réparation : dépose et repose du bardage bois avec grille anti-rongeur : 32 998,13 euros

- dommage n°6 : la sous-face des dessous de toiture n'est pas réalisée. Le dommage trouve donc sa cause dans une absence de finition de la prestation par la société Yukana.

Chiffrage de la réparation (pose de ce lambris) : 1583,08 euros

- dommage n°7 : la végétation de la toiture en terrasse n'est pas réalisée. Le dommage trouve donc sa cause dans une absence de finition de prestation par l'entreprise en charge de ce lot, la société Yukana.

Chiffrage de la végétalisation : 7733,55 euros

- dommage n°8 : contrôle de la toiture terrasse du garage : 736 euros

Origine du désordre : il manque la réalisation d'un trop plein en complément de la descente d'eau pluviale existante suivant le DTU 43.1 et le joint silicone se décolle et ne fait plus office d'étanchéité et laisse pénétrer l'eau. L'expert en impute la responsabilité à la société Yukana. Le dommage a été constaté lors de la réception du chantier.

- dommage n°9 : le conduit inox de type POUJOULAT à mettre en oeuvre sur le pignon sur de la maison en toiture terrasse n'est pas réalisé. Le dommage provient d'une absence de la prestation. Ce dommage est à imputer à un chantier non terminé.

Chiffrage de pose du conduite inox en Poujoulat : 1738 euros

- dommage n°10 : la couverture arrière du garage n'est pas réalisée ainsi que l'évacuation des eaux pluviales. Mauvaise finition de la découpe sous toiture en bas de couverture. La cause du dommage est à rechercher selon l'expert dans un chantier non terminé et des finitions d'ouvrages non réalisées.

Coût des travaux à terminer : 3698,49 euros

- dommage n°11 : Il s'agit d'une couvertine d'acrotène recouvrant l'acrotène avant de la toiture du garage en façade est ayant des joints mal réalisés ou manquants. La responsabilité en est imputable selon l'expert à la société Yukana, titulaire du lot concerné.

Coût du changement de la couvertine en acrotène du garage : 512 euros

- dommage n°12 : rive butée : 120 euros. Ce désordre a été constaté lors de la réception, il est consécutif au désordre n°15.

- dommage n°15 : membrane de toit ardoise brûlée : 120 euros

Il s'agit d'une maladresse d'exécution de la société Yukana.

- dommage n°16 : L'ardoise de rive du pignon est coupée trop court près de la gouttière de la façade nord. Il s'agit selon l'expert d'une malaressé d'exécution iputable à la société Yukana.

Coût de la réfection de la rive du pignon près de la gouttière de la façade nord : 80 euros.

- dommage n°17 : petites pièces manquantes sur la baie vitrée coulissante de la salle à manger, un élément extérieur cassé, et réglage nécessaire. Le désordre est imputable à l'entreprise titulaire du lot concerné, la société Yukana. Dommage apparent et constaté lors de la réception du chantier.

Chiffrage de la réparation : 619,14 euros

- dommage n°19 : défaut d'horizontalité du seuil de la porte-fenêtre coulissantes de la salle à manger. Il s'agit selon l'expert d'une malfaçon imputable à la société Yukana.

Chiffrage de la réparation : 160 euros.

La responsabilité encourue par la société Yukana dans la survenance de ces désordres n'implique pas de facto celle de l'architecte M. [U].

La responsabilité de l'architecte ne peut être engagée que s'il est établi qu'il a commis une faute dans l'exercice de sa mission d'architecte, à l'origine d'un préjudice pour ses cocontractants.

En l'espèce, en application du contrat conclu entre les parties, M. [U] s'était engagé notamment, dans le cadre du point 2. 5 du contrat (D.E.T), à :

- diriger les réunions hebdomadaires de chantier et rédiger les comptes-rendus,

- rédiger les ordres de services et les avenants au marché,

- vérifier les situations et les décomptes mensuels des entreprises dans un délai de 15 jours à compter de leur réception et établir les propositions de paiement,

- vérifier les mémoires établis par l'entreprise générale et envoyer au maître de l'ouvrage les certificats de paiement, dans un délai de 5 jours à compter de la réception desdits mémoires,

- établir le décompte définitif des travaux et proposer le règlement pour solde.

Il était donc tenu d'une obligation de surveillance et de contrôle de l'exécution des travaux. Il est constant que cette obligation est une obligation de moyens (Civ. 3ème, 4 avril 2001, n 99-16.998 ; 3 octobre 2001, n 00-13.718 ; 3ème Civ 7 avril 2016 n°15-13.149) de sorte que la responsabilité de l'architecte ne peut être engagée que si la preuve d'une faute de sa part est rapportée par le demandeur.

L'expert a relevé un certain nombre de manquements susceptibles d'être reprochés à l'architecte :

- il n'a pas effectué de retenue de garantie représentant 5% du montant du marché;

- il a visé la facture de l'entreprise MPR à 100 % alors que certains travaux n'avaient ps été effectué,

- il n'a pas mis en demeure la société Yukana afin qu'elle achève ses travaux suivant les règles de l'art et DTU des lots concernés,

- il n'a pas rédigé de comptes-rendus de chantier hebdomadaire.

Il résulte en effet de la lecture du rapport d'expertise qu'un certain nombre de désordres sont imputables à des défauts de finition de certains travaux (désordres 2, 6, 7, 9 et 10). Or il incombait à M. [U], dans le cadre de sa mission de surveillance, de mettre les entreprises intervenantes en demeure de terminer les travaux qui leur était confiés, fût-ce la société Yukana dont il était le gérant, ce qu'il ne justifie pas avoir fait.

L'expert a également indiqué (page 54) que 95% des désordres étaient tellement grossiers qu'ils ont pu être décelés par les époux [E] lors de la réception de chantier, seul le dommage n°8 étant contrôlable et décelable uniquement par un professionnel et non par un profane. L'expert estime que

M. [U], au vu des désordres, visibles même pour un profane, a manqué à son devoir d'assistance de son client. L'expert estime que 'l'absence de rendez-vous de chantier comme indiqué par les époux [E] et l'impossibilité de fournir les comptes-rendus de chantier prouve une insuffisance dans le suivi du chantier'.

Il est constant que la mission complète confiée à l'architecte n'implique pas sa présence constante sur le chantier. En revanche, le contrat conclu en l'espèce entre les parties impliquait sa présence au moins hebdomadaire pour les réunions de chantier qu'il s'était engagé à organiser.

Or il n'est pas établi que M. [U] a rempli cette obligation, puisqu'il ne justifie pas de l'organisation de réunions de chantier régulières et ne produit pas les compte-rendus de chantier pourtant prévus par le contrat. Il ne justifie pas davantage avoir fait la moindre demande ou observation aux entreprises intervenantes sur la réalisation des travaux.

Pourtant, il est démontré que la maison était affectée de nombreuses non-conformités qui étaient apparentes et visibles, à tel point que l'expert les qualifie de 'grossières'.

Si l'architecte n'est pas responsable des malfaçons ou erreurs des intervenants, il doit, si le dommages est visible, en aviser l'entreprise et lui demander d'y remédier, l'architecte devant contrôler la bonne réalisation des travaux et assister le maître de l'ouvrage afin de que tout soit mis en oeuvre pour répondre aux malfaçons ou non-façons constatées.

Il appartenait à M. [U], dans le cadre de sa mission de contrôle et de surveillance de l'exécution des travaux, de relever l'existence de ces non-conformités apparentes et de demander aux entreprises concernées de les corriger, ce qu'il ne justifie pas avoir fait.

La preuve de faute commises par M. [U] dans l'exécution du contrat qui lui avait été confié par M. et Mme [E], consistant dans un défaut d'assistance de ses clients et de surveillance des travaux, est donc rapportée, fautes qui sont à l'origine d'un préjudice pour ces derniers dont la maison est affectée de multiples malfaçons ou non façons qui auraient été évitées s'il avait rempli sa mission comme il le devait le faire.

Seules les conséquences du désordre n°8 ne pouvant être imputées à faute à M. [U] puisqu'il n'est pas établi que ce désordre était visible et décelable par l'architecte.

Il est en revanche responsable de l'ensemble des autres désordres relevés par l'expert.

Sur l'évaluation du préjudice

M. et Mme [E] sollicitent, en réparation de leur préjudice matériel, l'allocation d'une somme de 66 252,75 euros et d'une somme de 9417,10 euros TTC au titre des nouveaux travaux de reprise imputables à une aggravation des désordres depuis la fin des opérations d'expertise.

S'agissant de la somme de 55 214,79 euros HT soit 66 252,75 euros TTC qu'ils sollicitent, celle-ci correspond au montant des travaux de reprise chiffrés par l'expert pour les déosrdres n°2, 5, 6, 7, 8, 9, 10,11, 12, 15, 16, 17, 19. Il convient donc de déduire la somme de 736 euros correspondant au coût de la réparation du désordre n°8, qui n'est pas imputable à faute à l'architecte.

M. [U] sera donc condamné au paiement d'une somme de 54 478,79 euros (55 214,79 - 736), outre 20% de TVA (10 895,76) = 65 374,55 euros.

Pour justifier de la somme de 9417,10 euros qu'ils sollicitent en sus de cette somme, ils versent aux débats :

- un devis de [A] [Y], en date du 6 avril 2017, pour 'dépose laine de verre projetée, pose 1 BA 13 + isolation de 300, mise en peinture plafond, 2 couches de mat, protection et nettoyage mur', d'un montant de 4052,40 euros,

- un devis de l'entreprise Richard, pour une 'reprise du chaineau, protection sur le toit terrasse, découverture sur la longueur, dépose dela coiffe en tôle sur l'accotère, dépose du voligeage, reprise de la charpente de chaineau pour redonner de la pente ainsi que le voligeage, fourniture et pose d'un chaineau en zinc, d'une dilatation, couverture de l'égout, façon d'une naissance en zinc raccordée dans le tuyau existant, repose des coiffes existantes en tôle', d'un montant de 5364,70 euros.

Ils ne justifient toutefois nullement que ces travaux, dont il n'est pas même précisé à quoi ils correspondent, sont justifiés par une aggravation des désordres postérieure au rapport d'expertise.

Ils seront donc déboutés de leur demande à ce titre.

M. [U] sera en conséquence condamné à leur verser une somme de 65 374,55 euros en réparation de leur préjudice matériel.

Sur leur demande au titre du préjudice moral

M. et Mme [E] sollicitent l'indemnisation de leur préjudice moral.

Ils le justifient par les désagréments subis (démarches diverses, expertise judiciaire, immeuble en cours d'achèvement, lenteur de la procédure judiciaire, perte de jouissance) et à venir puisque l'expert judiciaire a esstimé la durée des travaux de reprise à deux mois. Ils ajoutent qu'ils vivent depuis plusieurs années dans un immeuble inachevé et perclus de désordres.

Force est de constater que les manquements commis par M. [U] dans l'exécution de sa mission de surveillance et de contrôle des travaux ont contribué à leur préjudice puisqu'ils sont contraints de supporter depuis plusieurs années les nombreux désordres et défauts de finition de leur maison, qu'il appartenait à M. [U] d'éviter, ainsi que les désagréments et la longueur d'une procédure judiciaire.

Leur préjudice à ce titre sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 3000 euros, au paiement de laquelle M. [U] sera condamné.

Sur la demande en paiement du solde des honoraires de M. [U]

M. [U] sollicite la condamnation de M. et Mme [E] à lui payer une somme de 4221,99 euros TTC au titre du solde de ses honoraires, non réglées.

L'expert estime qu'en considération des travaux réellement facturés ou terminés , d'un montant de 121 817,52 euros TTC(p.52 de son rapport) , les honoraires de M. [U], contractuellement fixés à 4,53 % du coût du projet, représentent au total à la somme de 5518,33 euros HT. M. et Mme [E] ayant déjà réglé une somme de 2000 euros HT (2392 euros TTC), ils restent devoir une somme de 4221,99 euros.

M. et Mme [E] estiment que M. [U], qui n'a pas accompli la totalité des missions mises à sa charge, n'est pas fondé à prétendre au règlement de la totalité de ses honoraires.

Toutefois, l'exception d'inexécution suppose pour être mise en oeuvre que soit rapportée la preuve d'une inexécution suffisamment grave des obligtions du cocontractant pour justifier d'être dispensé du respect de ses obligations.

Or en l'espèce, nonobstant les manquements commis par M. [U] dans l'exécution de sa mission, celui-ci a conduit le chantier jusqu'à son terme puisque la maison a été réceptionnée. Les désordres imputables à la carence de M. [U] sont par ailleurs indemnisés, et ne sauraient justifier de priver M. [U] de la rémunération d'une mission qu'il a néanmoins exécutée.

M. et Mme [E] seront en conséquence condamnés à lui verser une somme de 4221,99 euros. Les intérêts ne peuvent courir sur cette somme à compter du dépôt du rapport d'expertise comme sollicité par M. [U], rapport qui ne constitue pas une mise en demeure de payer.

Il convient en conséquence, à défaut de précision quant à la date de formalisation par M. [U] d'une demande en paiement de ses honoraires, de dire que les intérêts courront sur cette somme à compter du 2 mars 2020, date de notification par M. [U] de sa demande en paiement par voie de conclusions d'appel.

Sur la garantie de la MAF

M. et Mme [E] sollicitent la condamnation in solidum de M. [U] et de la MAF en sa qualité d'assureur de M. [U] à indemniser leur préjudice.

M. [U] ne demande pas quant à lui à être garanti par la MAF des condamnations éventuellement prononcées à son encontre.

La MAF s'oppose à la demande de M. et Mme [E]. Elle estime que sa garantie n'est pas dûe en raison du fait que M. [U] cumulait les fonctions d'architecte et celles de gérant de la société Yukana, entreprise générale en charge des travaux de construction.

Elle expose en effet que les conditions générales de la police d'assurance stipulent que la garantie s'applique aux actes professionnels d'architecte accomplis dans les conditions prévues au titre III (de l'exercice de la profession d'architecte') de la loi du 3 janvier 1977 et au titre II (devoirs professionnels) du décret du 20 mars 1980, et que l'article 13 du code des devoirs des architectes dispose : 'L'architecte doit éviter toute situation où les intérêts privés en présence sont tels qu'il pourrait être porté à préférer certain d'entre eux à ceux de son client ou employeur ou que son jugement et sa loyauté envers celui-ci peuvent en être altérés'.

Elle ajoute que surtout, M. [U] ne l'a pas informée de cette double casquette et n'a pas souscrit l'extension de garantie prévue dans le chapitre 2 de l'annexe des conditions générales, qui prévoit une extension de garantie soumise à déclaration préalable pour les opérations dans lesquelles, au-delà de l'activité de maître d'oeuvre, l'architecte participer de quelque manière que ce soit, à la réalisation mtérielle des travaux : contractant général, architecte bâtisseur, détenteur de parts dans une société de construction...'

Elle en déduit, M. [U] n'ayant pas respecté cette obligation contractuelle de déclaration préalable et de souscription d'un avenant spécifique, qu'elle ne doit pas sa garantie.

Sont versées aux débats les conditions particulières du contrat d'assurance intitulé 'Contrat d'assurance des responsabilités professionnelles des architectes', conclu entre la MAF et M. [U] le 6 juillet 2007, à effet au 1er janvier 2008.

Les conditions particulières, signées par M. [U], comportent la mention suivante ;

'Article 1 - Déclaration de l'adhérent

L'adhérent désigné ci-dessus déclare :

(...) avoir pris connaissance des statuts de la MAF et reçu le, ........................, préalablement à la signature du présent contrat, la fiche d'information conforme àl'arrêté du 31 octobre 2003, les conditions générales ainsi que le tarif applicable'.

La mention ne comporte pas la date de la remise des documents, en dépit des dispositions de l'article R112-3 du code des assurances.

Toutefois, aucune sanction n'est prévue en cas de violation de cette disposition (2ème Civ 22 janvier 2009, n°07-19.234), et il résulte des dispositions claires et précises de la stipulation contractuelle précitée, et notamment de l'emploi du participe passé et de l'adverbe préalablement, que les conditions générales du contrat ont bien été remises à M. [U] avant la signature de celui-ci.

Or, en application des conditions particulières du contrat, l'objet du contrat est défini comme suit dans le paragraphe 1.1 'Objet du contrat' : 'La garantie s'applique aux actes professionnels visés dans l'annexe des présentes conditions générales, accomplis dans les conditions qui y sont fixées, et relatifs aux constructions entrant dans les limites qui y sont définies'.

L'annexe précise, en son paragraphe 1.2, que : 'La garantie s'applique aux actes professionels d'architecte accomplis dans les conditions prévues au titre III ('de l'exercice de la profession d'architecte') de la loi du 3 janvier 1977 et au titre II ('Devoirs professionnels') du décret du 20 mars 1980.

Or le décret n°80-217 du 20 mars 1980 portant code des devoirs professionnels des architectes prévoit, en son article 13 que : ' L'architecte doit éviter toute situation où les intérêts privés en présence sont tels qu'il pourrait être porté à préférer certains d'entre eux à ceux de son client ou employeur ou que son jugement et sa loyauté envers celui-ci peuvent en être altérés'.

Tel est notamment le cas lorsque l'architecte qui se voit confier un contrat de conception et de maîtrise d'oeuvre est également le gérant de l'entreprise qui se voit confier l'essentiel de l'exécution des travaux.

Tel était le le cas en l'espèce puisque M. [U] cumulait les fonctions de maître d'oeuvre et de représentant de la société Yukana, cumul qui a introduit une confusion entre ces deux fonctions au mépris de l'exigence d'indépendance imposée par le code de déontologire des architectes.

Au demeurant, une telle situation est expressément prévue par cette annexe, qui prévoit en son chapitre 2 'Extensions de la garantie soumises à déclaration préalable' qu'une extension de garantie peut être accordée, sous réserve d'un accord exprès préalable et écrit, 'pour certaines activités ou opérations n'entrant pas dans le champ d'application de la garantie' et en particulier pour (paragraphe 2.2) 'les opérations dans lesquelles, au-delà de l'activité de maître d'oeuvre, l'architecte participe, de quelque manière que ce soir, à la réalisation matérielle des travaux : contractant général, architecte bâtisseur, détenteur de parts dans une société de construction'.

Il résulte sans ambiguité de ces dispositions que le cumul de l'activité de maîtrise d'oeuvre et de contractant général n'entrait pas dans le champ d'application de la garantie et nécessitait qu'une extension soit accordée, sous réserve d'un accord de l'assureur.

Il est constant au demeurant que l'assureur de l' architecte peut dénier sa garantie lorsque la pluralité des missions remplies par son assuré, en tant que maître d'oeuvre et représentant de l'entreprise chargée de l'exécution des travaux, a introduit une confusion au mépris de l'exigence d'indépendance imposée par le code de déontologie des architectes en cas de cumul d'activités (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.228).

En conséquence, en considération des dispositions du contrat relatives à l'étendue de la garantie, M. [U] n'ayant pas exercé sa mission dans les conditions conformes au code de déontologie des architectes, et non pas en application d'une clause de déchéance de garantie comme le soutiennent à tort M. et Mme [E], la garantie de la MAF n'est pas due et le demandes de M. et Mme [E] dirigées contre cet assureur seront rejetées.

Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

M. [U], qui succombe, sera tenu aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Les circonstances de la cause justifient de le condamner à payer une somme de 5000 euros à M. et Mme [E] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres demandes à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par défaut et en dernier ressort,

DONNE ACTE à M. [U] et à la MAF de ce qu'ils se désistent de leur appel et de leurs demandes à l'encontre de la société ELITE INSURANCE COMPANY LIMITED;

DECLARE irrecevables les demandes formées à hauteur d'appel par M. et Mme [E] contre la société ELITE INSURANCE COMPANY LIMITED ;

INFIRME en toutes ses dispositions critiquées le jugement entrepris ;

CONDAMNE M. [O] [U] à payer à M. et Mme [E] une somme de 65 374,55 euros en réparation de leur préjudice matériel ;

CONDAMNE M. [O] [U] à payer à M. et Mme [E] une somme de 3000 euros en réparation de leur préjudice moral ;

CONDAMNE M. et Mme [E] à payer à M. [U] une somme de 4221,99 euros au titre du solde de ses honoraires, avec intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2020 ;

REJETTE les demandes de M. et Mme [E] dirigées contre la MAF ;

CONDAMNE M.[U] à payer une somme de 5 000 euros à M. et Mme [E] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [U] aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, et ACCORDE à la SCP Le Metayer & Associés, avocat, le droit prévu par l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Madame Fatima HAJBI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/03068
Date de la décision : 12/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-12;19.03068 ?
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