COUR D'APPEL D'ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 12/09/2022
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
la SCP PACREAU COURCELLES
ARRÊT du : 12 SEPTEMBRE 2022
N° : - : N° RG 19/03847 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GCI6
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 22 Août 2019
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 2582 8107 0839
La SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DE CONSTRUCTION-VENTE [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Joanna FIRKOWSKI de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat postulant au barreau d'ORLEANS et par Me Guillaume BARDON de la SELARL CM&B 'COTTEREAU-MEUNIER-BARDON-SONNET-DRUJONT ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de TOURS,
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 2474 3187 1875
La SELARL [V] FLOREK, immatriculée au RCS de TOURS sous le n° D 501 383 608, prise en la personne de Maître [G] [V], domicilié [Adresse 3], es-qualité de liquidateur judiciaire de la Société SABAM, société en cours de liquidation, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés d'ORLEANS sous le n° B 086 980 893, placée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce d'Orléans prononcé le 12 juin 2013
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Michel-Louis COURCELLES de la SCP PACREAU COURCELLES, avocat au barreau d'ORLEANS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du :11 Décembre 2019
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 17 MAI 2022
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, du délibéré :
Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Madame Laure Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.
Greffier :
Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.
DÉBATS :
A l'audience publique du 13 JUIN 2022, à laquelle ont été entendus Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.
ARRÊT :
Prononcé le 12 SEPTEMBRE 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
FAITS ET PROCEDURE
La société civile de construction vente [Adresse 4] (la SCCV) a entrepris une opération de construction d'une résidence de 39 logements, située [Adresse 4] et dont le promoteur est la société Rives de Loire Promotion, exerçant à l'enseigne Pierres & Territoires de France.
Les travaux se sont déroulés sous la maîtrise d''uvre de conception de M. [N] [W], architecte à [Localité 5] (37) et sous la maîtrise d''uvre d'exécution de la société Polytec.
La société SCCV a confié à la société SABAM l'exécution du lot n°2 « Gros 'uvre de terrassement », pour un montant de 1 846 624 € TTC suivant acte d'engagement du 22 septembre 2010.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 mai 2012, la société SABAM, invoquant le défaut de règlement par la SCCV des sommes dues, lui a notifié la suspension des travaux. La SCCV a répondu en la mettant en demeure le 21 mai 2012 de reprendre les travaux.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 mai 2012, la société SABAM a réclamé à la société Pierres et Territoires le règlement de sa situation n°14 d'un montant de 68.803,88 €. Par courrier distinct, la société SABAM lui a indiqué qu'elle maintiendrait l'exception d'inexécution tant qu'elle ne serait pas réglée de ses trois situations impayées représentant un cumul de 121.605,77 €. Les situations n'ayant pas été réglées, elle a interrompu les travaux.
Par courrier du 20 juin 2012, la société SCCV [Adresse 4] lui a indiqué qu'elle résiliait son marché.
Par acte d'huissier du 22 juin 2012, la société SABAM a fait assigner en référé la société SCCV [Adresse 4], aux fin de la voir condamner à lui verser par provision la somme de 120.000 € à valoir sur sa créance. Par ordonnance du 7 septembre 2012, le juge des référé a condamné la société SCCV [Adresse 4] à verser à la société SABAM la somme de 25.785,59 € à titre de provision, compte tenu des contestations opposées par la société SCCV au titre des pénalités de retard, dont l'appréciation échappait à sa compétence.
La société SABAM a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Orléans du 12 juin 2013. La société [V], prise en la personne de Maître [V], a été désignée en qualité de liquidateur de la société SABAM.
Par acte d'huissier du 6 novembre 2014, la société [V] prise en la personne de Me [G] [V] es qualité de liquidateur judiciaire de la société SABAM a fait assigner la société SCCV [Adresse 4] et la société Rives de Loire Promotion devant le tribunal de grande instance d'Orléans aux fins de voir régler par ces dernières les sommes dues au titre des trois situations impayées.
Par jugement en date du 22 août 2019, le tribunal de grande instance d'Orléans a:
- mis hors de cause la société immobilière Rives de Loire venant aux droits de la société Rives de Loire Promotion,
- écarté des débats la pièce n°20 produite par les sociétés SCCV [Adresse 4] et la société Rives de Loire Promotion,
- condamné la société SCCV [Adresse 4] à verser à la SELARL [V] prise en la personne de Me [G] [V] es qualité de liquidateur judiciaire de la société SABAM la somme de 75.820,18 € à titre de solde des situations émises par la société SABAM sous les numéros 14,15 et 16,
- dit que cette somme sera assortie d'un intérêt de droit au taux égal au taux appliqué par la Banque Centrale Européenne (BCE) à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage (article L.441-6 du code de commerce) à compter de la date du 22 mai 2012 et avec anatocisme par années entières conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,
- condamné la société SCCV [Adresse 4] à payer à la SELARL [V] prise en la personne de Me [G] [V] es qualité de liquidateur judiciaire de la société SABAM la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts,
- fixé à la somme de 77.200 € au passif de la liquidation judiciaire de la société SABAM représentée par la SELARL [V] prise en la personne de Me [G] [V] es qualité de liquidateur judiciaire de la société SABAM la créance de la société SCCV [Adresse 4],
- dit que ne saurait être ordonnée la compensation des sommes dues,
- condamné la société SCCV [Adresse 4] à verser à la SELARL [V] prise en la personne de Me [G] [V] es qualité de liquidateur judiciaire de la société SABAM la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société SCCV [Adresse 4] aux dépens et fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Pacreau Courcelles,
- prononcé l'exécution provisoire.
Par déclaration du 11 décembre 2019, la société SCCV [Adresse 4] a interjeté appel de tous les chefs de ce jugement sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société immobilière Rives de Loire venant aux droits de la société Rives de Loire Promotion et prononcé l'exécution provisoire.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 11 mars 2020, la société civile immobilière de construction-vente [Adresse 4] demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la SCCV [Adresse 4],
- infirmer la décision rendue par le tribunal de grande instance d'Orléans en date du 22 août 2019 en ce qu'il a :
$gt;écarté des débats la pièce n° 20 produite par la SCCV [Adresse 4],
$gt;condamné la société SCCV [Adresse 4] à verser à la SELARL [V] prise en la personne de Me [G] [V] es-qualités de liquidateur judiciaire de la société SABAM, la somme de 75 820,18 € à titre de solde des situations émises par la société SABAM sous les n° 14, 15 et 16,
$gt;dit que cette somme sera assortie d'un intérêt de droit au taux égal au taux appliqué par la banque centrale européenne BCE à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points de pourcentage à compter de la date du 22 mai 2012 et avec anatocisme,
$gt;condamné la SCCV [Adresse 4] à payer à la SELARL [V], prise en la personne de Maître [G] [V] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société SABAM, la somme de 30 000 € à titre de dommages-intérêts,
$gt;limité à la somme de 77 200 € la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société SABAM la créance de la SCCV [Adresse 4],
$gt;condamné la SCCV [Adresse 4] à verser à la SELARL [V] prise en la personne de Me [G] [V] ès-qualités la somme de 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau,
-Déclarer mal fondées les demandes formulées par la SELARL [V] prise en la personne de Me [G] [V] ès-qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société SABAM,
-En conséquence, débouter Maître [V] ès-qualités de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la SCCV [Adresse 4],
-Fixer la créance de la SCCV [Adresse 4] au passif de la liquidation judiciaire de la société SABAM à la somme de 458 957,30 euros,
-Ordonner à la SELARL [V] prise en la personne de Me [G] [V] ès-qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SABAM, d'inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société SABAM la créance détenue par la société SCCV [Adresse 4] à hauteur de 458 987,30 euros,
A titre infiniment subsidiaire,
-Constater la compensation entre la créance de la société SABAM et la créance détenue par la société SCCV [Adresse 4] sur la société SABAM,
En tout état de cause,
-Condamner la SELARL [V] ès-qualités à verser à la société SCCV [Adresse 4] la somme de 6000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 4 juin 2020, la SELARL [V]-Florek prise en la personne de Maître [G] [V] es qualité de liquidateur judiciaire de la société SABAM demande à la cour de:
-Dire et juger irrecevable et à tout le moins mal fondée la société SCCV [Adresse 4] en son appel d'un jugement prononcé par le tribunal de grande instance d'Orléans le 22 août 2019 (RG 14/03284), l'en débouter,
-Confirmer en toutes ses dispositions ledit jugement,
-Débouter la société SCCV [Adresse 4] de toutes demandes, fins et prétentions contraires,
-Condamner la société SCCV [Adresse 4] à verser à Maître [V], es-qualité de Liquidateur de la société SABAM, la somme de 6000.00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-Condamner la société SCCV [Adresse 4] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Pacreau Courcelles, avocat, par application de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
MOTIFS
Sur la demande en paiement du solde des situations 14, 15 et 16
La société [V]-FLOREK en qualité de liquidateur judiciaire de la société SABAM sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société SCCV au paiement d'une somme de 75 820,18 euros au titre du solde de trois situations impayées :
- situation n°14 de mars 2012 : 68 803,88 euros ;
- situation n° 15 avril 2012 : 32 801,89 euros ;
- situation n° 16 mai 2012 : 20 235,36 euros ;
déduction faite de la somme de 25 785,59 euros déjà versée en exécution de la décision du juge des référés du 7 septembre 2012.
La société SCCV sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer cette somme. Elle estime que cette décision doit être infirmée en considération:
- des désordres, non-façons et malfaçons constatées par l'huissier de justice, l'expert judiciaire, le maître d'oeuvre d'exécution ;
- de l'absence de validation et de certificat de paiement de la société Polytec à propos des situations dont le paiement est sollicité par la société SABAM,
- du décompte général définitif de la société Polytec.
En application de l'article 7.1 du chapitre 7 'Situations mensuelles - décompte définitif - retenue de garantie' du marché de travaux conclu entre la SCCV et la société SABAM :
- l'entreprise doit remettre à Polytec au plus tard le 25 de chaque mois une situation de travaux;
- Polytec procède à la vérification de la situation et opère les déductions nécessaires (retenue de garantie, compte prorata, compte inter-entreprises...) et également au titre des malfaçons ou au titre des indemnisations, pénalités ;
- le paiement s'effectue par chèque à 45 jours suivant le mois d'établissement de la situation mensuelle.
Il n'est pas contesté que les situations n°14, 15 et 16, régulièrement versées aux débats, ont été adressées par la société SABAM à Polytec en mars, avril et mai 2012.
Il n'est pas justifié que la société Polytec ait, à réception de ces situations, procédé à la vérification de celles-ci et opéré, pour chacune d'elle, déduction des sommes qu'elle estimait devoir retenir au titre notamment des malfaçons, des indemnisations ou des pénalités dont elle se prévaut pour justifier le non paiement des sommes réclamées.
Le décompte général définitif dont se prévaut la SCCV a été établi par la société Polytec en juillet 2013. Elle produit également un décompte intitulé 'point financier suite aux différents problèmes rencontrés sur le chantier', faisant état d'une somme due par la société SABAM d'un montant de 282 796,59 euros, daté de juillet 2012.
Ces décomptes sont donc largement postérieurs aux situations de la société SABAM et ne sauraient justifier le défaut de paiement, en leur temps, des situations régulièrement émises par cette société au fur et à mesure de l'avancement du chantier, que la société Polytec devait vérifier et régler après avoir opéré, le cas échéant, les déductions qui lui paraissaient nécessaires au titre notamment des désordres, préjudices et pénalités dont elle allègue aujourd'hui l'existence pour justifier son défaut de règlement, ce qu'elle ne justifie pas avoir fait en son temps.
Ce refus de paiement était d'autant plus injustifié en ce qui concerne la situation n°14 d'un montant de 68 000 euros que la société Pierres et Territoires lui a écrit dans un courrier du 29 mars 2012 que 'fin mars, vous pourrez établir la situation n°14 en tenant compte d'un avancement à 99% sur les travaux achevés', ce qui démontre que les travaux correspondants étaient dans leur quasi-totalité réalisés.
Le refus de paiement qu'elle a opposé à la société SABAM, dont il n'est pas justifié qu'il ait été étayé, pour chaque situation, par un décompte des déductions opérées et par des justificatifs des sommes déduites, a légitimement conduit la société SABAM à interrompre le chantier, sur le fondement de l'exception d'inexécution, à compter du 9 mai 2012, le défaut de paiement des situations dues constituant, s'il n'est pas justifié, un manquement suffisamment grave aux obligations contractuelles pour justifier la mise en oeuvre de l'exception d'inexécution.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la SCCV à verser à la société [V], prise en la personne de Maître [V], une somme de 75 820,18 euros au titre du solde des situations n°14, 15 et 16 déduction faite de la provision déjà versée en exécution de l'ordonnance de référé d'août 2012.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a assorti cette condamnation d'un intérêt au taux égal au taux appliqué par la Banque Centrale Européenne (la BCE) à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage (article L441-6 du code de commerce) à compter de la date du 22 mai 2012 et avec anatocisme par années entières conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.
Sur la demande de dommages et intérêts dirigée contre la société SCCV
La société [V], en sa qualité de liquidateur de la société Sabam, sollicite la confirmation du jugement en ce que la SCCV a été condamnée à lui verser une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Elle estime en effet que l'attitude de la SCCV tout au long du chantier lui a causé un préjudice.
Il résulte en effet des échanges de courriers entre la société SCCV et la société Polytec que la société SABAM a, avant d'interrompre les travaux, systématiquement répondu aux reproches qui lui étaient faits et les a informées des difficultés de trésorerie importantes dans lesquelles la plongeait le défaut de paiement des dernières situations qu'elle leur a adressées et de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait de continuer le chantier faute de règlement de ces situations. Nonobstant ces avertissements, la société SCCV a continué à lui opposer un refus de paiement mais ne justifie pas lui avoir notifié, comme elle aurait dû le faire, des décomptes de situation faisant état des sommes dues et des déductions qu'elle estimait devoir lui imputer, de nature à justifier le défaut de règlement des sommes dues.
L'obligation dans laquelle la société Sabam s'est, compte tenu de cette attitude, trouvée d'interrompre ce chantier au mois de mai 2012 lui a causé un préjudice que le premier juge a justement fixé à la somme de 30 000 euros.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce que la société SCCV a été condamnée à payer à Maître [V], es qualité de liquidateur de la société SABAM, une somme de 30 000 euros.
Sur la demande par la société SCCV de fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire
La société SCCV s'estime créancière à hauteur d'une somme de 458 957,30 euros, se décomposant comme suit :
- trop-versé à la société SABAM selon décompte Polytec : 271 711,71 euros
- sommes dues en exécution du protocole d'accord : 161 460 euros.
1 - Sur la demande de remboursement d'une somme trop-versée de 271 711,71 euros
La SCCV réclame le paiement de cette somme qui correspond, selon son décompte (pièce 7), à :
montant total du marché : 1 884 288,16 euros
déductions :
acomptes versés: - 1 597 547,18 euros
retenue de garantie de 5 % : - 94 214,41 euros
sommes consécutives aux difficutlés du chantier :- 464 238,28 euros
TOTAL trop payé : - 271 711,71 euros.
*********
Toutefois, ce décompte, qui part de l'intégalité du marché initialement conclu par les parties, portant sur une somme de 1 884 288,16 euros, ne peut être avalisé puisque les relations contractuelles entre les parties ont cessé avant la fin du contrat et l'achèvement des travaux, de sorte que la société SABAM, qui n'a pas achevé le chantier, n'est pas créancière de l'intégralité du marché conclu et donc de la somme de 1884 288,16 euros convenue entre les parties.
Elle ne s'estime en effet créancière que des trois situations 14, 15 et 16 au paiement desquelles la société SCCV a été effectivement condamnée.
En revanche, la SCCV s'estime quant à elle créancière de diverses sommes, au titre de ce qu'elle intitule 'difficultés de chantier', dont il convient d'examiner le bien-fondé.
Il résulte du décompte qu'elle produit qu'elle s'estime créancière des sommes suivantes:
- sinistre du mur : 14 580,17 euros HT
- problème de la grue : 6000 euros (démontage de la grue)
- problème de ferraillage : 27 144,14 euros
- honoraires complémentaires de Polytech en raison du retard : 19 500 euros
- problème d'implantation du bâtiment B : 1960 euros
- non conformité façades du bâtiment A : 21 202 euros
- non conformité sur les ouvrages : 32 586,60 euros
- suite résiliation du marché de l'entreprise SABAM : 173 210,55 euros
- travaux de remise en état M. [E] : 6 563,91 euros
- pénalités de retard : 78 774,59 euros
- sous-traitants de SABAM (écart entre les sommes payées au sous traitant et son 'acte spéciale') : 6 636,45 euros.
S'agissant en premier lieu du sinistre du mur de la propriété voisine de M. et Mme [Z], qui s'est effondré en début de chantier, il n'est pas suffisamment établi par les pièces versées aux débats que la faute en ait été imputable à la seule société SABAM, alors que M. [Y], expert judiciaire ayant réalisé un référé préventif, et intervenu après l'effondrement de ce mur pour préconiser les mesures à prendre, a écrit que 'la maîtrise d'oeuvre, l'entreprise associée au bureau de contrôle ont décidé de ne pas réaliser les confortements recommandés par l'expert au travers de son rapport, sous prétexte que cela s'avérerait inutile'. L'expert met donc en cause la responsabilité du maître d'oeuvre dans la survenance de ce sinistre de sorte que la responsabilité ne peut en être imputée à la société SABAM qui se devait de respecter les consignes données par le maître d'oeuvre. Au demeurant, il résulte d'un courrier de la SCCV en date du 1er avril 2011 que le sinistre a été déclaré à l'assureur, la SMABTP. La société [V] en sa qualité de liquidateur de la société Sabam soutient, sans être contredite sur ce point, que ce sinistre a été pris en charge par la compagnie d'assurance du maître d'oeuvre, la SMABTP, et il n'est pas démontré que les sommes dont il est réclamé paiement à la société SABAM ont été effectivement supportées par la SCCV.
S'agissant en revanche du problème de la grue, il est établi par les pièces produites qu'un problème affectant la statbilité de la grue a été détecté et a nécessité son démontage puis son remontage. En effet, la société HR Conseils (Ingénieurs Conseils et Structures) a indiqué, dans un mail du 26 avril 2011 à Polytec : 'Je viens de recevoir le relevé des massifs existants de la grue, je constate que les appuis de cette dernière sont sur les bords extérieurs des massifs et génère des mouvements importants dans les semelles, ces derniers entrainant une contrainte inadmissible sur les sols. Dans l'état actuel, la seule solution est de démonter rapidement la grue et de recouler les fondations comme nous l'avions prévu'. La société Qualiconsult sécurité a également fait état, dans un courrier du 2 mai 2011, d'un 'risque majeur pour la stabilité de la grue à tour', et de la nécessité de prendre 'immédiatement des mesures conservatoires pour en assurer la stabilité'. Il s'en déduit que, nonobstant les contestations de la société Sabam quant à la réalité de ce problème, contestations au soutien desquelles elle produit un courrier de la société Sogeo qui ne se prononce pas sur la stabilité initiale de la grue, le démontage et le remontage de cette grue s'imposait en raison de l'obligation de sécurité pesant sur les intervenants de ce chantier, les avis éventuellement divergents devant en tout état de cause conduire, par mesure de sécurité, à adopter les mesures de précaution nécessaires. C'est donc à juste titre qu'est imputée à la société Sabam une facture de 6000 euros HT correspondant aux frais de démontage de la grue par la société VALEM le 4 mai 2012.
Que s'agissant du problème de non-conformité des ferraillages, la société SABAM indique ce point était avéré même s'il ne faut pas en exagérer l'ampleur. La réalité de ce désordre est établie par la fiche de visite de chantier de Qualiconsult en date du 21 avril 2011. Cette société a en effet constaté que le 'ferraillage des consoles et poutres de liaisons' présentait des défauts. Ce cabinet a émis un avis défavorable en considérant que ces éléments étaient des élements critiques de la construction, soumis à de fortes sollicitations, et a estimé que les consoles A20, A41, A46 et A50 devaient être repris. Cette société Qualiconsult est intervenue sur site le 19 avril 2011, et a constaté que la démolition n'avait pas été réalisée conformément à la demande du bureau d'étude HR conseils, et que le ferraillage réalisé en complément ne correspondait pas aux plans d'exécution et aux règles de mise en oeuvre du BAEL. Elle a également relevé que la poutre A42 avait été inversée et que le cadre et les épingles de la poutre A21 étaient absents. Elle a en conséquence émis un avis défavorable et rappelé que la réalisation défectueuse de ces derniers était susceptible de mettre en péril la stabilité du bâtiment. La SCCV justifie avoir fait effectuer un constat d'huissier concernant ce désordre (218,50 euros), et produit deux factures de HR Conseils pour l'étude de reprise de ferraillages (3500 et 5000 euros), un avenant de Qualiconsult pour le contrôle du ferraillage et augmentation des visites sur le chantier (10 000 euros) et divers frais de remise en état des réseaux électricité et de plomberie notamment, le tout pour un total de 27 144,14 euros. C'est à bon droit dès lors qu'elle s'estime créancière de la société SABAM pour ce montant.
La SCCV produit également deux avenants de la société Polytec, maître d'oeuvre d'exécution :
- un avenant n°2 en date du 20 février 2012 précisant qu'en raison des problèmes générés par la société SABAM, un complément de mission de 10 mois est nécessaire, pour un prix hors taxe de 15 000 euros ;
- un avenant 3, en date du 8 janvier 2013, d'un montant HT de 4500 euros, dont il n'est pas établi qu'il soit imputable à la société SABAM, qui n'intervenait plus sur le chantier depuis plusieurs mois.
La SCCV est donc fondée à réclamer une somme de 15 000 euros HT à ce titre.
S'agissant du défaut d'implantation du bâtiment B, il n'est aucunement établi par les pièces produites qu'il y ait eu un défaut d'implantation du bâtiment B. La note d'honoraire du géomètre, en date du 21 février 2012, fait seulement état d'un 'relevé et contrôle de l'implantation du bâtiment B par rapport aux limites de propriété' et 'Implantation et bornage de la limite de propriété. Propriété de M. et Mme [Z]'. Rien ne justifie donc d'imputer le montant de cette facture à la société SABAM.
S'agissant de la verticalité et de la planéité des façades, M. [T], expert judiciaire intervenu amiablement à la demande du maître de l'ouvrage afin de vérifier la conformité au DTU et aux règles professionnelles des murs de façades réalisées par la société SABAM a, après avoir convoqué la société SABAM le 9 juillet 2012, constaté dans son rapport du 21 juillet 2012 que 'les relevés effectués à la règle montrent que la tolérance de 1 cm sous la règle de 2 m est souvent dépassée. Le pignon est présente de nombreux défauts d'aplomb, notamment en partie supérieure. Il conviendra de réaliser un sous enduit grillagé pour rattraper les écarts constatés avant de mettre en oeuvre le revêtement d'imperméabilisation, les isolants thermiques et les ossatures pour les vétures'. C'est donc légitimement que la SCCV s'estime créancière à ce titre d'une somme de 21 202,68 euros, correspondant aux honoraires de M. [T], aux honoraires de la société Geoplus qui a procédé à des relevés, et aux travaux de reprise par la société Pollet.
La SCCV estime également devoir retenir une somme de 32 586,60 euros au titre des 'non-conformités sur les ouvrages'. Toutefois, les factures qu'elle produit pour justifier de cette somme ne sont pas suffisantes pour rapporter la preuve que ces travaux sont consécutifs à des manquements de la société SABAM. Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.
La SCCV sollicite encore une somme de 173 210,55 euros correspondant aux 'suites de la résiliation du marché de l'entreprise SABAM'. Toutefois, la société SABAM ayant à juste titre invoqué l'exception d'inexécution à défaut de paiement, et non pas résilié le marché à ses torts, ces sommes ne peuvent lui être imputées, les frais générés par l'interruption par la société SABAM de sa prestation ne pouvant lui être imputés.
S'agissant des travaux de remise en état chez M. [E], à hauteur selon la SCCV de 6 563,91 euros, il n'est justifié ni du fait qu'ils ont été effectivement réalisés et payés par la SCCV, les pièces produites étant de simples devis et non des factures acquittées, ni du fait en tout état de cause qu'ils soient d'une quelconque façon imputables à la société SABAM.
Les pénalités de retard ont été à bon droit fixées à la somme de 77 200 euros par le premier juge par de justes motifs que la cour adopte et auxquels elle ajoute qu'il n'est pas justifié que le problème du défaut de verticalité des façades ait engendré un retard supplémentaire ni le cas échéant sa durée.
S'agissant enfin de la déduction de 6 636,45 euros sollicitée par la SCCV au titre des sous-traitants, les pièces produites ne permettent aucunement de rapporter la preuve des sommes déduites à ce titre, les écarts de paiement entre le paiement réalisé et les 'acte spéciale' n'étant pas justifiés.
En conséquence, il sera donc considéré que la SCCV est fondée à se prévaloir d'une créance de : 6000 + 27 144,14 + 15 000 + 21 202,68 + 77 200 = 146 546,82 euros HT soit 175 563,09 euros TTC.
2 - Sur la demande en paiement d'une somme de au titre du protocole d'accord du 7 février 2012
La SCCV sollicite le remboursement de la somme de 135 000 euros HT soit 161460 euros TTC qu'elle prétend avoir versée en exécution du protocole d'accord signé par les parties le 7 février 2012.
Néanmoins, indépendamment même de la question du caractère confidentiel de ce protocole invoqué par la société [V] es qualité de liquidateur de la société SABAM, qui n'interdisait pas aux parties d'en référer au président du tribunal de grande instance d'Orléans pour toute difficulté née de l'exécution de ce protocole, et donc à la juridiction d'appel d'en connaître le cas échéant, il n'est nullement établi en tout état de cause que ce protocole d'accord ait été mis à exécution , la SCCV ne justifiant pas du paiement, contesté par la société SABAM, de la somme de 135 000 euros HT prévue par ce protocole.
Sa demande à ce titre ne peut dès lors être accueillie.
3 - Décompte définitif
Il résulte de ces éléments que la créance de la SCCV au passif de la liquidation judiciaire de la société SABAM sera fixée à la somme de 175 563,09 euros.
Sur la demande de compensation
La SCCV est condamnée à verser à la société [V], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SABAM, les sommes de 75 820,18 euros et de
30 000 euros, outre les intérêts.
Elle est créancière de la liquidation judiciaire de la société SABAM à hauteur de 175 563,09 euros.
En application de l'article L.622-7, I du code de commerce : 'Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes'.
Cet article est applicable en cas de liquidation judiciaire par application de l'article L641-3 du code de commerce.
Les créances respectives des parties en litige sont connexes puisque nées de l'exécution du même contrat.
La société SCCV justifie avoir déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société SABAM.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande de compensation de la société SCCV et de dire qu'elle s'acquittera de sa condamnation par compensation avec le montant de sa créance inscrite au passif de la liquidation judiciaire, dont le montant sera réduit en conséquence.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
Chacune des parties supportera la charge des dépens de première instance et d'appel qu'elle a exposés.
Les circonstances de la cause ne justifient pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant par mise à disposition au greffe, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :
- condamné la société SCCV [Adresse 4] à payer à la SELARL [V] prise en la personne de Maître [G] [V] es qualité de liquidateur judiciaire de la société SABAM la somme de 75 820,18 euros à titre de solde des situations émises par la société SABAM sous les numéros 14, 15 et 16 ;
- dit que cette somme sera assortie d'un intérêt de droit au taux égal au taux appliqué par la Banque Centrale Européenne (la BCE) à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage (article L441-6 du code de commerce) à compter de la date du 22 mai 2012 et avec anatocisme par années entières conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;
- condamné la société SCCV [Adresse 4] à payer à à la SELARL [V] prise en la personne de Maître [G] [V] es qualité de liquidateur judiciaire de la société SABAM la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
L'INFIRME pour le surplus des dispositions critiquées ;
Statuant à nouveau :
FIXE à la somme de 175 563,09 euros la créance de la société SCCV [Adresse 4] au passif de la liquidation judiciaire de la société SABAM représentée par la SELARL [V] prise en la personne de Maître [G] [V] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société SABAM ;
ORDONNE la compensation entre les condamnations prononcées contre la SCCV [Adresse 4] et le montant de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société SABAM ;
CONDAMNE chaque partie à conserver la charge de ses dépens de première instance et d'appel ;
REJETTE les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Madame Fatima HAJBI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT