COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE DES URGENCES
COPIES EXECUTOIRES + EXPÉDITIONS :
SCP CORNU-SADANIA-PAILLOT
SCP REFERENS
ARRÊT du 9 NOVEMBRE 2022
n° : 337/22 - RG 22/00618
n° Portalis DBVN-V-B7G-GRGC
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Jugement, Tribunal Judiciaire de TOURS en date du 18 janvier 2022, RG 19/03210, n° Portalis DBYF-W-B7D-HOJK ;
PARTIES EN CAUSE
APPELANT : timbre fiscal dématérialisé n°: 1265274695028562
Monsieur [X] [T]
[Adresse 7]
représenté par Me Sabine CORNU-SADANIA de la SCP CORNU-SADANIA-PAILLOT, avocats au barreau de TOURS
INTIMÉS : timbre fiscal dématérialisé n°: 1265272072686427
Monsieur [P] [V]
[Adresse 1]
représenté par Me Laurent LALOUM de la SCP REFERENS, avocats au barreau de BLOIS
Madame [Z] [G] épouse [V]
[Adresse 1]
représentée par Me Laurent LALOUM de la SCP REFERENS, avocats au barreau de BLOIS
' Déclaration d'appel en date du 10 mars 2022
' Ordonnance de clôture du 6 septembre 2022
Lors des débats, à l'audience publique du 14 septembre 2022, Monsieur Michel Louis BLANC, Président de Chambre, a entendu les avocats des parties, avec leur accord, par application des articles 786 et 910 du code de procédure civile ;
Lors du délibéré :
Monsieur Michel BLANC, président de chambre,
Monsieur Yannick GRESSOT, conseiller,
Madame Laure Aimée GRUA, conseiller,
Greffier : Madame Mireille LAVRUT, faisant fonction de greffier lors des débats et du prononcé par mise à disposition au greffe ;
Arrêt : prononcé le 9 novembre 2022 par mise à la disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
[P] [V] et [Z] [G] épouse [V] sont propriétaires indivis des parcelles cadastrées section à AK n°[Cadastre 3],[Cadastre 4] et [Cadastre 2] sises à [Localité 10], pour les avoir acquises des consorts [W] par acte notarié en dates du 4 et du 5 janvier 1993.
Prétendant être bénéficiaires d'une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle cadastrée AK [Cadastre 9], appartenant à [X] [T], ils saisissaient le juge des référés du tribunal de Tours lequel, par une ordonnance du 29 janvier 2019, ordonnait une expertise, commettant pour y procéder [C] [E] lequel déposait son rapport le 30 septembre 2019.
Par acte en date du 28 novembre 2019,[P] [V] et [Z] [G] épouse [V] faisaient assigner [X] [T] aux fins d'obtenir la reconnaissance d'une servitude de passage sur la parcelle AK [Cadastre 9] en qualité de fonds servant, et de voir fixer l'assiette de cette servitude conformément aux préconisations de l'expert judiciaire.
Considérant que ni l'acte d'acquisition d'[P] [V] et [Z] [G] épouse [V] du 4 et du 5 janvier 1993, ni celui du 11 novembre 1941 ne peuvent valoir acte constitutif de servitude ou titre recognitif de servitude, le tribunal judiciaire de Tours, par un jugement en date du 18 janvier 2022, constatait l'état d'enclave de la parcelle AK [Cadastre 3] appartenant à [P] [V] et [Z] [G] épouse [V], fixait l'assiette de la servitude de passage mentionnée dans l'acte notarié du 4 et du5 janvier 1993 au bénéfice de la parcelle cadastrée AK [Cadastre 3] sur la parcelle cadastrée AK [Cadastre 9] suivant le tracé figurant sur le plan annexé au rapport d'expertise d'[C] [E] du 30 septembre 2019 sur une largeur de 150 cm et une longueur de 980 cm suivant l'axe, ordonnait la publication du jugement, déclarait irrecevable la demande d'indemnisation formée par [X] [T] et condamnait ce dernier à payer à [P] [V] et [Z] [G] épouse [V] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par une déclaration déposée au greffe le 10 mars 2022, [X] [T] en interjetait appel.
Par ses dernières conclusions en date du 26 juillet 2022, [X] [T] en sollicite l'infirmation, demandant à la cour, statuant à nouveau, de débouter [P] [V] et [Z] [G] épouse [V] de l'ensemble de leurs demandes, de constater que la parcelle AK [Cadastre 3] n'est pas enclavée au sens des articles 682 et suivants du Code civil, et en conséquence de constater
l'extinction de la servitude légale de passage grevant la parcelle AK [Cadastre 9] depuis le 1er septembre 2000.
Il réclame le paiement de la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
À titre subsidiaire, si l'état d'enclave de la parcelle AK [Cadastre 8] devait être caractérisé, il demande la fixation du droit de passage grevant la parcelle AK [Cadastre 9] pour cause d'enclave pour une largeur maximale de 1 mètre, des points A ' B ' C ' D ' E identifiés par l'expert judiciaire, droit de passage reconnu pour les seuls besoins des travaux d'entretien indispensables du bâtiment situé sur la parcelle AK [Cadastre 3] et qui ne peuvent pas être réalisés depuis la parcelle AK [Cadastre 6] à l'exclusion de tout autre finalité, droit de passage ne pouvant être exercé que par les seuls entrepreneurs devant réaliser lesdits travaux pendant le temps strictement nécessaire à leur intervention à l'exclusion de toute autre personne, droit de passage ne pouvant être exercé que par un passage à pied , et demande à être autorisé à garer son véhicule, et installer son mobilier sur sa terrasse à charge pour lui de dégager un passage de 1 mètre de large à chaque fois que les travaux d'entretien du bâtiment situé sur la parcelle AK [Cadastre 3] seront nécessaires, à être autorisé à clôturer et à poser un portail à charge pour lui de permettre l'accès aux entrepreneurs sur une largeur de 1 mètre.
Il sollicite la condamnation d'[P] [V] et [Z] [G] épouse [V] au paiement de la somme de 30'000 € au titre du préjudice économique subi ainsi qu'au paiement de la somme de 5000 € au titre des préjudices de jouissance et de perte d'intimité subis. Il sollicite si nécessaire une expertise judiciaire ou un complément d'expertise en vue de décrire et chiffrer ces différents préjudices.
Il demande la publication du présent arrêt. [X] [T] réclame en outre le paiement de la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par leurs dernières conclusions, [P] [V] et [Z] [G] épouse [V] sollicitent la confirmation du jugement entrepris et l'allocation de la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture était rendue le 6 septembre 2022.
SUR QUOI :
Attendu que l'absence de servitude de passage ne fait plus l'objet d'aucune contestation, le jugement querellé ne l'étant pas sur ce point, seule demeurant en litige la question de l'enclave et de ses conséquences ;
Que le premier juge s'est fondé sur les conclusions de l'expert judiciaire qui retient qu'un passage large de 58 cm n'est pas suffisant pour permettre l'entretien quelconque du bâtiment construit sur la parcelle AK [Cadastre 3], laquelle ne dispose pas d'un accès direct et suffisant sur la voie publique, ajoutant que l'escalier ne constitue pas une issue suffisante pour permettre une desserte normale du bâtiment édifié sur cette parcelle ;
Attendu que les intimés, citant les dispositions de l'article 682 du Code civil, considèrent que l'état d'enclave existe au profit de leur fonds en l'absence d'un accès suffisant à la voix publique, se fondant sur les termes du rapport de l'expert judiciaire qui précise que leur maison est formée de deux bâtiments, l'un au niveau inférieur sur la parcelle AK [Cadastre 5] et l'autre au niveau supérieur sur la parcelle AK [Cadastre 3], et qu'un petit passage avec escalier d'une largeur de 58 cm permet une communication entre
le premier étage de la partie inférieure de l'habitation et l'extension crée sur la parcelle AK [Cadastre 3], ce passage n'étend pas suffisant pour permettre à l'entretien quelconque du bâtiment construit sur cette dernière parcelle qui ne dispose pas d'un accès direct et suffisant à la voix publique, l'escalier ne constituant pas une issue suffisante pour permettre une desserte normale du bâtiment édifié sur cette parcelle ;
Qu'ils ajoutent que jusqu'à la construction de l'extension au cours des années 1999 et 2000, ils ont toujours utilisé et entretenu la parcelle AK [Cadastre 3] à laquelle il n'était possible d'accéder qu'en utilisant le droit de passage litigieux implanté sur la parcelle AK [Cadastre 9], et que les travaux de cette extension n'ont pu être réalisés qu'en utilisant ce droit de passage ;
Attendu que [X] [T] prétend que l'expert se serait limité à indiquer que le passage permettant d'accéder à la parcelle AK [Cadastre 3] depuis la parcelle AK [Cadastre 6] n'était pas suffisant pour permettre un entretien quelconque du bâtiment construit sur la parcelle AK [Cadastre 3], prétendant que cet état de fait serait constitutif au mieux d'une servitude dite « de tour d'échelle » ;
Qu'il reproche à ses adversaires de ne pas établir quelle serait la « desserte » qu'ils revendiquent et en quoi elle serait compromise ou insuffisante pour permettre l'exploitation normale des lieux ;
Attendu qu'il est exact que l'enclave est conçue comme l'impossibilité d'une exploitation normale des lieux en raison d'un accès inexistant ou insuffisant à la voix publique ;
Que, en proposant l'instauration d'une servitude de tour d'échelle, [X] [T] reconnaît que l'accès au fonds de ses adversaires n'est pas suffisant pour qu'il puisse être procédé à des travaux, alors que, ainsi que l'affirment [P] [V] et [Z] [G] épouse [V], le fonds enclavé porte sur une habitation, laquelle doit pouvoir disposer depuis la voix publique d'une ouverture suffisante à la circulation automobile pour en permettre la desserte, i.e. pour faire usage de leur bien dans des conditions normales dans la vie quotidienne ;
Attendu que [X] [T] déclare que chaque parcelle ne doit pas être considérée de manière isolée, mais que l'ensemble de la jurisprudence afférente aux servitudes légales de passage permet de vérifier que c'est l'unité foncière qui est, à chaque fois, à prendre en considération, cette appréciation devant se faire in concreto ;
Qu'il s'évince du rapport d'expertise judiciaire que les deux parcelles dont sont propriétaires [P] [V] et [Z] [G] épouse [V] sont distinctes et ne constituent pas une unité foncière, la maison d'habitation d'ailleurs à l'évidence a vocation à disposer d'un accès direct sur la voie publique, eu égard à la configuration des lieux ;
Attendu que [X] [T] , à titre subsidiaire, rappelant le principe posé par l'article 683 du Code civil selon lequel l'assiette du droit de passage doit être conçue de manière altérée, de la manière la plus réduite possible le droit de propriété du propriétaire du fonds servant, reproche à la juridiction du premier degré de n'avoir pas pris en compte cet argument, et propose que le droit de passage soit exclusivement utilisé pour les seuls besoins des travaux d'entretien indispensables du bâtiment, par les seuls entrepreneurs devant réaliser lesdits travaux par un passage à pied à l'exclusion de tout véhicule, le tout sur une largeur de 1 mètre ;
Attendu que c'est à juste titre que la juridiction du premier degré a retenu que le fond enclavé porte sur une habitation qui devait disposer depuis la voie publique d'une ouverture à la circulation automobile, et que l'usage de cette servitude de passage ne pourrait être limité aux seuls travaux d'entretien du bâtiment situé sur la parcelle AK [Cadastre 3], s'agissant non seulement de l'accès destiné à l'entretien, mais de la desserte du bien ;
Attendu que le tracé retenu par la juridiction de première instance correspond à l'assiette de la servitude dont faisaient usage [P] [V] et [Z] [G] épouse [V] depuis son établissement remontant au moins à l'année 1941 ainsi qu'il résulte de l'ancienne ouverture d'une largeur d'1,50 m ainsi qu'il résulte de l'ancienne ouverture de la même largeur sur le muret de [X] [T] ;
Qu'il ne peut être contesté de bonne foi qu'un passage d'une largeur de 1 m seulement serait insuffisant ;
Qu'il n'est point nécessaire d'autoriser [X] [T] à disposer de la totalité de sa terrasse, puisqu'il va de soi qu'il peut utiliser celle-ci comme il l'entend, pourvu que la possibilité de passage sur une largeur de 1,50 m soit respectée ;
Attendu que le premier juge a déclaré prescrite et donc irrecevable la demande d'indemnisation formée par [X] [T] ;
Que ce dernier prétend que la servitude de passage n'a été fixée que par la décision du tribunal judiciaire dans sa décision du 18 janvier 2022, et qu'aucune prescription ne serait acquise ;
Qu'il n'en demeure pas moins que l'état d'enclave existe, et que le tribunal n'a fait que constater un état de fait qui n'était pas encore fixé par une décision de justice ou par l'accord des parties, la servitude étant cependant préexistante à sa décision ;
Que, [X] [T] se plaignant d'une dépréciation de son bien du fait de la constatation de cette servitude, cette dépréciation était également préexistante et aurait pu être constatée antérieurement, de sorte que l'appelant ne peut en tirer argument pour obtenir l'indemnisation qu'il réclame ;
Attendu qu'il y a donc lieu de confirmer dans son intégralité le jugement entrepris, rejetant l'ensemble des prétentions de [X] [T] ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des intimés l'intégralité des sommes qu'ils ont dû exposer du fait de la présente procédure ;
Qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de leur allouer à ce titre la somme qu'ils réclament ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne [X] [T] à payer à [P] [V] et [Z] [G] épouse [V] la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne [X] [T] aux dépens.
Arrêt signé par Monsieur Michel Louis BLANC, président de chambre, et Madame Mireille LAVRUT, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire ;
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,