COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE
GROSSE à :
Me Xavier BONTOUX
CPAM DE LA LOIRE
EXPÉDITION à :
SAS [12]
MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Tribunal de Grande Instance de TOURS
ARRÊT DU : 29 NOVEMBRE 2022
Minute n°529/2022
N° RG 19/03370 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GBMB
Décision de première instance : Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 14 Octobre 2019
ENTRE
APPELANTE :
SAS [12]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée par Me Xavier BONTOUX, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART,
ET
INTIMÉE :
CPAM DE LA LOIRE
[Adresse 8]
[Localité 5]
Représentée par Mme [X] [H], en vertu d'un pouvoir spécial
PARTIE AVISÉE :
MONSIEUR LE MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
[Adresse 3]
[Localité 6]
Non comparant, ni représenté
D'AUTRE PART,
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 SEPTEMBRE 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre, chargé du rapport.
Lors du délibéré :
Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre,
Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, Conseiller,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller
Greffier :
Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.
DÉBATS :
A l'audience publique le 13 SEPTEMBRE 2022.
ARRÊT :
- Contradictoire, avant dire droit.
- Prononcé le 29 NOVEMBRE 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- Signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.
* * * * *
La caisse primaire d'assurance maladie de la Loire a été destinataire d'une déclaration d'accident du travail établie le 26 mai 2017 par la société [12] concernant M. [J] [M] [R], son salarié, employé en qualité de pareur, faisant état d'un accident survenu le même jour dans les circonstance suivantes : 'en essayant de rattraper une cuisse, M. [R] aurait ressenti une vive douleur dans le bas du dos'.
Un certificat médical initial établi le 26 mai 2017 fait état d'un 'lumbago post portage brutal au travail avec contracture musculaire'.
Après avoir procédé à une instruction, la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire a informé la société [12] de sa décsion de prise en charge de l'accident au titre de la législation relative aux risques professionnels selon notification du 7 juin 2017.
Les arrêts de travail ont été prolongés de manière continue jusqu'au 21 mai 2018.
L'état de santé de M. [R] a été déclaré consolidé, après avis du médecin conseil de la caisse, à la date du 5 juillet 2018, avec séquelles non indemnisables.
La société [12], qui ne conteste pas la matérialité de l'accident du travail, a saisi la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie par courrier recommandé en date du 30 octobre 2018 d'une contestation de l'opposabilité de la totalité des soins et arrêts de travail prescrits à M. [R] à la suite de son accident de travail du 26 mai 2017.
Par décision du 28 novembre 2018, la commission de recours amiable a confirmé la décision prise par la caisse primaire d'assurance maladie.
Par requête du 16 janvier 2019, la société [12] a saisi le Pôle social du tribunal de grande instance de Tours d'une contestation de l'opposabilité à son égard de la décision de prise en charge de la totalité des soins et arrêts de travail prescrits à M. [R] au titre de la législation professionnelle.
Par jugement du 14 octobre 2019, le Pôle social du tribunal de grande instance de Tours a :
- rejeté le recours de la société [12] et l'a déboutée de ses demandes,
- confirmé la décision de la commission de recours amiable du 3 décembre 2018.
Suivant déclaration enregistrée au greffe le 24 octobre 2019, la société [12] a relevé appel de ce jugement.
Dans ses conclusions visées par le greffe le 13 septembre 2022 et soutenues oralement à l'audience du même jour, la SAS [12] demande à la Cour de :
Vu l'article 6-1 de la CEDH,
Vu les articles L. 411-1, R. 142-20-2 et R. 434-32 du Code de la sécurité sociale,
Vu les articles 146, 232 et 446-1 du Code de procédure civile,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées aux débats et les présentes écritures,
- déclarer son appel recevable,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de Tours le 14 octobre 2019 en ce qu'il a :
* rejeté le recours de la société [12] et l'a débouté de ses demandes,
* confirmé la décision de la commission de recours amiable du 3 décembre 2018,
Et, statuant à nouveau,
- ordonner, avant dire-droit, une expertise médicale judiciaire sur pièces aux frais avancés de la caisse primaire d'assurance maladie afin de vérifier la justification des soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de l'accident du travail du 26 mai 2017,
- nommer tel expert avec pour mission de :
1° prendre connaissance de l'entier dossier médical de M. [R] établi par la caisse primaire d'assurance maladie,
2° déterminer exactement les lésions provoquées par l'accident,
3° fixer la durée des arrêts de travail et des soins en relation directe et exclusive avec ces lésions,
4° dire si l'accident a seulement révélé ou s'il a temporairement aggravé un état indépendant à décrire et dans ce dernier cas, dire à partir de quelle date cet état est revenu au statu quo ante ou a recommencé à évoluer pour son propre compte,
5° en tout état de cause, dire à partir de quelle date la prise en charge des soins et arrêts de travail au titre de la législation professionnelle n'est plus médicalement justifiée au regard de l'évolution du seul état consécutif à l'accident,
6° rédiger un pré-rapport à soumettre aux parties,
7° intégrer dans le rapport d'expertise final les commentaires de chaque partie concernant le pré-rapport et les réponses apportées à ces commentaires,
- renvoyer l'affaire à une audience ultérieure pour qu'il soit débattu du contenu du rapport d'expertise et juger inopposables à la société [12] les prestations prises en charge au-delà de la date réelle de consolidation et celles n'ayant pas de lien direct, certain et exclusif avec l'accident du travail du 26 mai 2017.
Dans ses conclusions visées par le greffe le 13 septembre 2022 et soutenues oralement à l'audience du même jour, la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire demande à la Cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 14 octobre 2019 par le Pôle social du tribunal de grande instance de Tours.
En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
MOTIFS
Aux termes des dispositions de l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs.
En l'espèce, il n'est pas contesté que c'est à l'occasion de son travail, alors qu'il était salarié de la société [12], que M. [R] a été victime d'un accident alors qu'il essayait de rattraper une cuisse de viande. La présomption d'imputabilité de l'accident au travail trouve donc à s'appliquer.
La société [10] conteste l'imputabilité des arrêts et soins postérieurs, soutenant que les 361 jours d'arrêt de travail qui ont suivi ne sont pas justifiés au regard de l'accident survenu.
Il résulte des articles 1353 du Code civil et L. 411-1 du Code de la sécurité sociale que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et qu'il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire (Civ. 2ème, 9 juillet 2020, n° 19-17.626 ; 25 novembre 2021, n° 20-17.609).
Le certificat médical initial du 26 mai 2017 mentionne 'lumbago post portage brutal au travail avec contracture musculaire'. L'arrêt de travail initial établi par le service des urgences du centre hospitalier de [Localité 11] a été prescrit jusqu'au 5 juin 2017. Les arrêts de travail subséquents versés aux débats, tous établis par le docteur [F] [I], médecine générale, à [Localité 11], avec autorisation de sortie, ont duré jusqu'au 21 mai 2018. Aucun autre élément médical relatif à l'état de santé de M. [R] n'est produit, à l'exception du certificat médical final du 5 juillet 2018 fixant à cette date la consolidation de la lésion avec séquelles.
La société [12] verse aux débats un avis médico-légal, établi à sa demande par le docteur [V] [Z] le 7 février 2018, selon lequel 'il s'agit au vu de la déclaration d'accident de travail d'un événement du 26 mai 2017 avec épisode douloureux dans le bas du dos soit donc très probablement des lombalgies. Il y a eu dans ce dossier de mutiples arrêts de travail pour un total de 257 jours. Il y avait eu initialement un passage au CH de [Localité 11]. Un épisode douloureux lombaire ne peut pas expliquer un arrêt de cette durée. Aucun élément actuellement au dossier ne permet d'expliquer cette durée d'arrêt de travail. Pour un travailleur manuel, on aurait pu accepter jusqu'à 45 jours mais au-delà il n'y a pas de raison de retenir un arrêt de travail. Une étude médicale du dossier serait donc indispensable'.
Cet élément versé par l'employeur établit une difficulté d'ordre médical de nature à rendre plausible l'existence d'une cause des lésions étrangère au travail. Il y a lieu d'ordonner, avant dire droit, une expertise médicale judiciaire sur pièces afin de déterminer si les arrêts de travail de M. [R] jusqu'au 21 mai 2018 sont imputables à l'accident du travail dont il a été victime le 26 mai 2017 et de réserver le surplus des demandes.
PAR CES MOTIFS:
Infirme le jugement du 14 octobre 2019 du Pôle social du tribunal de grande instance de Tours ;
Avant dire droit, sur la contestation de l'imputabilité des soins et arrêts de travail postérieurs au 26 mai 2017,
Ordonne une expertise médicale et désigne pour y procéder sur pièces le docteur [B] [Y], expert inscrit près la Cour d'appel d'Orléans,
domicilié [Adresse 2]
Tél : [XXXXXXXX01], Mèl : [Courriel 9],
avec mission, à laquelle il procédera dans le respect du principe contradictoire, de :
- convoquer les parties et leurs conseils, et se faire remettre le dossier médical de M. [R] ainsi que toutes pièces utiles, médicales ou autres,
- décrire les lésions subies par M. [R] du fait de l'accident du travail dont il a été victime le 26 mai 2017,
- dire s'il présentait une pathologie antérieure qui a pu entrer en relation avec ces lésions, en précisant, dans l'affirmative, si l'accident a joué à ce titre un rôle déclencheur, révélateur ou aggravant,
- indiquer, de façon motivée, si les soins et arrêts de travail prescrits à partir du 26 mai 2017 et jusqu'au 21 mai 2018 sont imputables dans leur intégralité à l'accident et à ses suites ; dans la négative, dire lesquels lui paraissent imputables audit accident du travail ;
Rappelle que la caisse doit communiquer l'intégralité du dossier médical à l'expert ;
Dit que la société [12] devra consigner au greffe de la Cour la somme de 1 200 euros dans le délai de 30 jours de la notification du présent arrêt, à valoir sur la rémunération de l'expert ;
Dit que l'expert déposera son rapport en trois exemplaires au greffe de la chambre des affaires de sécurité sociale de la Cour d'appel d'Orléans dans les trois mois du jour où il aura été saisi de sa mission ;
Désigne le président de la chambre des affaires de sécurité sociale de la Cour d'appel d'Orléans pour surveiller le déroulement de l'expertise et connaître de toute difficulté éventuelle qui surviendrait pendant son déroulement ;
Renvoie l'affaire à l'audience de la chambre de sécurité sociale de la Cour d'appel d'Orléans du mardi 9 mai 2023 à 14 h ;
Dit que la notification du présent arrêt vaut convocation des parties d'avoir à y comparaître ou à s'y faire représenter,
Réserve les dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,