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06/12/2022 | FRANCE | N°21/00794

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sécurité sociale, 06 décembre 2022, 21/00794


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE







GROSSE à :

CPAM D'INDRE ET LOIRE

SCP BLACHER - GEVAUDAN

EXPÉDITION à :

[D] [M]

MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS





ARRÊT DU : 06 DECEMBRE 2022



Minute n°543/2022



N° RG 21/00794 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GKJM



Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS en date du 08 Février 2021
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ENTRE



APPELANTE :



CPAM D'INDRE ET LOIRE

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Mme [L] [W], en vertu d'un pouvoir spécial





D'UNE PART,



ET



INTIMÉE :



Madame [D] [M]

[Ad...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE

GROSSE à :

CPAM D'INDRE ET LOIRE

SCP BLACHER - GEVAUDAN

EXPÉDITION à :

[D] [M]

MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS

ARRÊT DU : 06 DECEMBRE 2022

Minute n°543/2022

N° RG 21/00794 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GKJM

Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS en date du 08 Février 2021

ENTRE

APPELANTE :

CPAM D'INDRE ET LOIRE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Mme [L] [W], en vertu d'un pouvoir spécial

D'UNE PART,

ET

INTIMÉE :

Madame [D] [M]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Nathalie BLACHER de la SCP BLACHER - GEVAUDAN, avocat au barreau de TOURS

PARTIE AVISÉE :

MONSIEUR LE MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

[Adresse 1]

[Localité 5]

Non comparant, ni représenté

D'AUTRE PART,

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 OCTOBRE 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, Conseiller, chargé du rapport.

Lors du délibéré :

Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre,

Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, Conseiller

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller

Greffier :

Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.

DÉBATS :

A l'audience publique le 04 OCTOBRE 2022.

ARRÊT :

- Contradictoire, en dernier ressort

- Prononcé le 06 DECEMBRE 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- Signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.

* * * * *

Par requête déposée le 15 mars 2019, Mme [D] [M], née en 1979, infirmière responsable du service uro-gynéco de la clinique de [7] au moment des faits, a saisi le Pôle social du tribunal de grande instance de Tours d'un recours à l'encontre de la décision rendue le 5 février 2019 par la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre et Loire, ci-après CPAM d'Indre et Loire, rejetant sa demande tendant à voir l'accident dont elle a été victime le 23 novembre 2017 (infarctus du myocarde) pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

Selon jugement en date du 23 décembre 2019, le tribunal a désigné le Dr [H] aux fins d'expertise. Son rapport a été déposé le 26 octobre 2020.

Le tribunal de grande instance est devenu le tribunal judiciaire le 1er janvier 2020 par l'effet de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019.

Par jugement en date du 8 février 2021, le Pôle social du tribunal judiciaire de Tours a :

- déclaré le recours de Mme [M] recevable et bien fondé,

- annulé la décision rendue le 5 février 2019 par la commission de recours amiable de la CPAM d'Indre et Loire,

- dit que l'accident dont a été victime Mme [M] le 23 novembre 2017 doit être pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels,

- condamné la CPAM d'Indre et Loire à payer à Mme [M] la somme de 700 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- laissé à la charge de la CPAM d'Indre et Loire les frais d'expertise,

- condamné la CPAM d'Indre et Loire aux entiers dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 10 mars 2021, la CPAM d'Indre et Loire a interjeté appel de cette décision.

L'affaire a été appelée à l'audience du 4 octobre 2022.

Aux termes de conclusions visées par le greffe le 4 octobre 2022 et soutenues orlaement à l'audience, la CPAM d'Indre et Loire demande à la Cour, de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de Tours en date du 8 février 2021 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- débouter Mme [M] de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer son refus de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident du 23 septembre 2017.

Aux termes de ses écritures visées par le greffe le 4 octobre 2022 et soutenues oralement à l'audience, Mme [D] [M] demande à la Cour de :

- juger irrecevable et mal fondé l'appel de la CPAM d'Indre et Loire,

- confirmer purement et simplement le jugement du tribunal judiciaire de Tours en date du 8 février 2021 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamner la CPAM d'Indre et Loire au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la CPAM d'Indre et Loire aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures et observations des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

SUR CE

L'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale dispose qu'est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Cette définition a été précisée par la jurisprudence, en ce que l'accident du travail est un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

Il en résulte que l'accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail, sauf à établir que la lésion a une cause totalement étrangère au travail (Civ. 2ème, 11 juillet 2019, n° 18-19.160).

Dans les rapports caisse-assuré, c'est à l'assuré qui se dit victime d'un accident du travail d'apporter la preuve de la matérialité de l'accident et de la survenance de l'accident en lien avec le travail. Cette preuve peut être apportée par tous moyens, tous faits permettant de retenir des présomptions graves, précises et concordantes en ce sens pouvant être invoqués.

Si la victime d'un accident du travail doit en informer l'employeur dans la journée où l'accident s'est produit ou au plus tard dans les 24 heures (L. 441-1, L. 441-6 et R. 441-2 du Code de la sécurité sociale), le non-respect de ce délai ne lui fait pas perdre nécessairement le bénéfice de la présomption d'imputabilité au travail.

C'est ensuite à celui qui conteste que la lésion survenue soudainement au temps et au lieu du travail constitue un accident du travail d'apporter la preuve que cette lésion a une origine totalement étrangère au travail.

En l'espèce, la CPAM d'Indre et Loire fait valoir que l'enquête administrative n'a pas permis de déterminer l'imputabilité des lésions à l'activité professionnelle de Mme [M], dont les conditions de travail, le jour des faits, étaient normales. Au surplus, le médecin conseil et le médecin expert ont conclu à l'absence de lien de causalité entre les lésions médicalement constatées et l'activité professionnelle de l'assurée. Elle souligne qu'en tout état de cause, Mme [M] n'apporte pas la preuve que l'accident dont elle a été victime le 23 novembre 2017 trouve son origine exclusive dans les circonstances de son travail. Elle rappelle également que le frère de l'assurée est décédé en mars 2016 des suites d'un infarctus et que Mme [M] présente un terrain tabagique ainsi qu'un facteur de risques thrombotique veineux. Elle déduit de l'ensemble de ces éléments que sa position est justifiée.

Mme [M] considère pour sa part que la CPAM échoue à renverser la présomption d'imputabilité, faute d'apporter la preuve que la dissection de l'artère coronaire qu'elle a subie a une cause totalement étrangère au travail et soutient par ailleurs que les médecins experts intervenus se sont fourvoyés quand aux conclusions qu'ils devaient tirer de leurs constatations. Elle prétend encore que l'origine de sa pathologie demeure inconnue et avance qu'elle a passé un test d'effort le 11 octobre 2016, à titre préventif, qui n'a décelé aucune anomalie. Elle affirme également qu'en l'état actuel des connaissances de la science, le polymorphisme du facteur V Leiden dont elle est porteuse ne constitue qu'un facteur de risque thrombotique veineux très modéré. Elle conclut qu'aucune cause étrangère ne peut, de manière directe, certaine et exclusive être considérée comme à l'origine de l'accident dont elle a été victime sur son lieu de travail.

Il s'avère que Mme [M], selon la déclaration d'accident du travail, a ressenti le 23 novembre 2017 aux alentours de 10 heures, une douleur dans la poitrine, la mâchoire et le bras gauche alors qu'elle se trouvait dans l'infirmerie du 2B en discussion avec une étudiante infirmière. Il est précisé qu'elle avait pris son travail à 6h30. Le certificat médical initial mentionne : 'IDM antérieur : douleur thoracique brutale 9h30 le 23/11/2017.'

Il ressort des différentes pièces médicales versées aux débats que la cause de l'accident querellé réside en un syndrome coronarien aigu avec dissection spontanée de l'IVA proximale ; un traitement médical a été préconisé en première intention mais face à deux épisodes de récidive de la douleur, les 1er et 6 décembre 2017, symptomatiques d'une occlusion de l'IVA, Mme [M] a dû subir une angioplastie de l'IVA proximale avec mise en place d'un stent de façon à fermer la porte d'entrée de la dissection. Elle a ensuite suivi un programme de réentrainement physique modéré jusqu'au 29 décembre 2017 avant de reprendre son travail à mi-temps thérapeutique.

Il s'évince donc de ces éléments que le 23 novembre 2017, Mme [M] a été victime au temps et au lieu de son travail d'un événement, en l'occurrence un syndrome coronarien aigu avec dissection spontanée de l'IVA proximale, dont il est résulté une lésion médicale opérée. La matérialité de l'accident du travail litigieux étant clairement démontrée, la présomption légale d'imputabilité au travail trouve à s'appliquer et ne peut être utilement combattue par la CPAM de Loire Atlantique qu'en apportant la preuve d'une cause totalement étrangère au travail.

A cet égard, la CPAM de Loire Atlantique s'appuie sur l'avis du médecin conseil, le Dr [T], laquelle se trouve avoir également réalisé l'expertise médicale de Mme [M] au titre de l'article L. 141-1 du Code de la sécurité sociale, et conclut donc à deux reprises que les lésions invoquées par le certificat médical initial ne peuvent être imputées à un accident de travail considérant 'qu'il n'a pas été mis en évidence à l'interrogatoire ou à l'examen des pièces fournies de circonstance particulière notamment de stress particulier pouvant expliquer la survenue de cet infarctus. A noter qu'il existe également un terrain familial qui a pu être responsable de tout ou partie de la symptomatologie.'

La caisse se fonde également sur l'expertise judiciaire confiée au Dr [H]. Le praticien indique en effet 'qu'il existait des antécédents cardiologiques familiaux lourds chez cette patiente, un tabagisme. Il n'y avait pas de stress dans les conditions décrites le jour de l'accident cardiaque. Il existe un facteur de mutation V Leiden.

La législation accident du travail reconnaît l'accident du travail dans trois conditions : il s'agit d'un accident brutal qui survient sur le lieu du travail, pendant le travail , ou lors d'une subordination du salarié à son employeur. Ceci était bien le cas de Mme [D] [M]. Or il existe une 3ème composante qui est celle d'un lien direct certain et exclusif avec l'activité professionnelle. Le jour de l'accident, la patiente n'était pas dans des circonstances décrites comme stressantes. Il s'agissait de l'activité habituelle de la patiente. Les conditions de travail étaient les mêmes que d'habitude. L'existence de pathologies cardiologiques lourdes dans la famille, l'existence d'un tabagisme chez cette patiente, ne permettent pas d'imputer de manière directe certaine et exclusive les lésions du 23/11/2017 avec l'activité professionnelle...'.

Or, ainsi que le fait valoir pertinemment Mme [M] et que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, ces avis ne permettent pas d'établir la cause de l'accident et a fortiori de déterminer son lien avec le travail, les praticiens s'étant mépris sur l'objet de leur mission.

Au surplus, comme l'ont constaté les premiers juges, les éléments médicaux versés aux débats par l'assurée démontrent qu'elle ne présentait pas de symptomatologie ou de maladie pouvant laisser supposer une difficulté cardio-vasculaire. En effet, les examens subis suite au décès de son frère en 2016 consécutivement à un infarctus du myocarde n'ont pas mis en évidence de fragilité cardio-vasculaire. Le Dr [R], praticien hospitalier au sein du Pôle biologie médicale du CHU de [Localité 3], indique ainsi le 19 juillet 2016 qu'il a expliqué à la patiente que 'ce polymorphisme [du facteur V Leiden à l'état hétérozygote] était relativement fréquent dans la population et constituait un facteur de risque thrombotique veineux très modéré.' Le Dr [O], chef de clinique au centre de référence des maladies cardio-vasculaire rares, écrit pour par sa part le 18 novembre 2019 : 'Les antécédents familiaux sont peu contributifs, en dehors du décès de son frère...en 2016, à l'âge de 33 ans, dans un contexte d'infarctus du myocarde (obésité, sédentarité, stress, tabagisme sevré)' ; il ajoute concernant l'assurée : 'il n'y a pas d'argument anamnestique, clinique ou familial, en dehors du décès de son frère dans un contexte de risques cardiovasculaires, pour évoquer une maladie génétique fragilisant les artères.'Enfin, il n'est pas contesté que son tabagisme était léger (12 à 15 paquets par an).

La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a considéré que la CPAM d'Indre et Loire ne rapportait pas la preuve que les lésion subies le 23 novembre 2017 par Mme [M] avaient une cause totalement étrangère à son activité professionnelle et que la décision de la commision de recours amiable du 5 février 2019 devait être annulée. La cause de l'accident querellé demeurant inconnue, il appartient à la CPAM d'Indre et Loire de le prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.

- Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement querellé est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Partie succombante, la CPAM d'Indre et Loire sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à Mme [D] [M] la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

Confirme le jugement rendu le 8 février 2021 par le Pôle social du tribunal judiciaire de Tours en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la CPAM d'Indre et Loire à payer à Mme [D] [M] la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la CPAM d'Indre et Loire aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 21/00794
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-06;21.00794 ?
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