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06/12/2022 | FRANCE | N°21/00856

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sécurité sociale, 06 décembre 2022, 21/00856


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE







GROSSE à :

CPAM DE [Localité 3]

SAS [5]

EXPÉDITION à :

MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS





ARRÊT DU : 06 DECEMBRE 2022



Minute n°545/2022



N° RG 21/00856 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GKNR



Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS en date du 22 Février 2021



ENTRE


r>APPELANTE :



CPAM DE [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Mme [R] [H], en vertu d'un pouvoir spécial





D'UNE PART,



ET



INTIMÉE :



SAS [5]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE

GROSSE à :

CPAM DE [Localité 3]

SAS [5]

EXPÉDITION à :

MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS

ARRÊT DU : 06 DECEMBRE 2022

Minute n°545/2022

N° RG 21/00856 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GKNR

Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS en date du 22 Février 2021

ENTRE

APPELANTE :

CPAM DE [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Mme [R] [H], en vertu d'un pouvoir spécial

D'UNE PART,

ET

INTIMÉE :

SAS [5]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Non comparante, ni représentée à l'audience du 4 octobre 2022

PARTIE AVISÉE :

MONSIEUR LE MINISTRE CHARGÉ DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Non comparant, ni représenté

D'AUTRE PART,

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 OCTOBRE 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, Conseiller, chargé du rapport.

Lors du délibéré :

Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre,

Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, Conseiller

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller

Greffier :

Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.

DÉBATS :

A l'audience publique le 04 OCTOBRE 2022.

ARRÊT :

- Réputé contradictoire, en dernier ressort

- Prononcé le 06 DECEMBRE 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- Signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de chambre et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.

* * * * *

Le 23 juillet 2019, M. [X] [P], né en 1979, technicien vidéaste auprès de la SAS [5], a établi une déclaration de maladie professionnelle pour une 'lombosciatique sur hernie discale L4L5 et L5S1".

La pathologie déclarée par M. [P] a été prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3], ci-après, CPAM de [Localité 3], selon décision notifiée le 18 novembre 2019 à l'employeur.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 6 janvier 2020, la société [5] a saisi la commission de recours amiable aux fins de contester l'opposabilité de la décision de prise en charge à son endroit.

Suite au rejet implicite de la commission de recours amiable, la société employeur a, le 8 juin 2020, saisi le Pôle social du tribunal judiciaire de Tours, lequel par jugement du 22 février 2021 a :

- déclaré recevable le recours formé par la société [5],

- déclaré inopposable à la société [5] la décision de la CPAM de la [Localité 3] de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée le 23 juillet 2019 par M. [P],

- condamné la CPAM [Localité 3] aux entiers dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 16 mars 2021, la CPAM de [Localité 3] a interjeté appel de ce jugement, en toutes ses dispositions.

L'affaire a été appelée à l'audience du 4 octobre 2022.

Aux termes de conclusions du 1er août 2022 reçues au greffe le 4 août 2022 et réitérées à l'audience, la CPAM de [Localité 3] demande à la Cour de :

- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Tours rendu le 22 février 2021,

- déclarer opposable à la société [5] la décision de prise en charge de la maladie professionnelle du 12 février 2019 de M. [P],

- condamner la partie adverse aux entiers dépens.

La SAS [5], régulièrement convoquée à l'audience du 4 octobre 2022 par lettre recommandée avec avis de réception signé le 17 juin 2022, n'a pas comparu ni ne s'est fait représenter. En application de l'article 954 in fine, elle est réputée s'approprier les motifs du jugement dont appel.

En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux écritures de l'appelante.

SUR CE

- Sur l'opposabilité à la SAS [5] de la décision de prise en charge de la maladie déclarée le 23 juillet 2019 par son salarié M. [P]

Aux termes des dispositions de l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime. Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1. Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle, dans les conditions prévues aux septième et avant-dernier alinéas du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire.

Les maladies professionnelles du tableau n° 98 visent 'les affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes', spécifiquement, 'les sciatiques par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante', sous réserve d'une durée d'exposition de 5 ans et de l'accomplissement de 'travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes effectués dans les secteurs limitativement énumérés à savoir : le fret routier, maritime, ferroviaire, aérien ; - le bâtiment, le gros 'uvre, les travaux publics ; - les mines et carrières ; - le ramassage d'ordures ménagères et de déchets industriels ; - le déménagement, les garde-meubles ; - les abattoirs et les entreprises d'équarrissage ; - le chargement et le déchargement en cours de fabrication, dans la livraison, y compris pour le compte d'autrui, le stockage et la répartition des produits industriels et alimentaires, agricoles et forestiers ; - le cadre des soins médicaux et paramédicaux incluant la manutention de personnes ; - le cadre du brancardage et du transport des malades ; - les travaux funéraires'.

En l'espèce, la CPAM de [Localité 3] rappelle d'une part, qu'il relève de la seule compétence du médecin-conseil de statuer sur la concordance entre ses constatations médicales et la référence à l'un des tableaux des maladies professionnelles, et d'autre part, que lorsque le libellé de la maladie mentionne un certificat médical initial différent de celui figurant tableau des maladies professionnelles, la maladie professionnelle peut être caractérisée si l'avis du médecin-conseil favorable à la prise en charge de cette pathologie, est fondé sur un élément médical extrinsèque. Elle avance qu'au cas présent le médecin-conseil, pour retenir que la pathologie contractée par M. [P] correspond à celle prévue par le tableau n° 98 des maladies professionnelles, a procédé à l'examen médical de l'assuré et a consulté à cette occasion l'IRM du rachis lombaire du 13 juin 2019, de sorte que la condition médicale visée au tableau n° 98 des maladies professionnelles est remplie.

Elle fait encore valoir, au titre de l'exposition au risque requise, que M. [P] est employé en qualité de technicien vidéaste depuis le 16 juillet 2008, soit pendant plus de 10 ans, et est régulièrement amené à soulever des plaques d'égout d'un poids de plus de 53 kg, environ 15 fois par jour, ainsi qu'à descendre et remonter du matériel d'inspection de 30 kg, environ 10 fois par jour. Elle estime ainsi à 30 % l'activité quotidienne de l'assuré consistant à manipuler des charges, ce qui correspond selon elle à la réalisation de travaux publics tels que listés par le tableau n° 98 des maladies professionnelles.

Elle déduit de ces constatations que les conditions du tableau n° 98 des maladies professionnelles étant remplies, c'est à bon droit qu'elle n'a pas transmis le dossier de M. [P] au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Il n'est pas contesté que le salarié de la société [5], né en 1979 et employé depuis le 16 juillet 2008, a occupé le poste de 'technicien vidéaste' puis celui de 'contrôleur CORA'.

Le 23 juillet 2019, l'assuré a déclaré une maladie au titre d'une sciatique par hernie discale L5-S1, le certificat médical initial rédigé le 28 juin 2019 mentionnant : 'lombosciatique chronique IRM CLE arthrose post hernie discale L5-S1", avec comme date de première constatation de la maladie, le 12 février 2019, le salarié étend alors en arrêt maladie simple jusqu'au 21 juin 2019.

Dans le cadre d'une instruction diligentée par la caisse, M. [P] et son employeur ont renseigné un questionnaire relatif à son activité professionnelle au sein de l'entreprise dont il résulte que les missions du salarié étaient les suivantes:

- inspection des réseaux d'assainissement,

- test d'étanchéité,

- montée et descente régulière du fourgon,

- ouverture des plaques d'égout (environ 60 kg) à la pioche ou à la barre à mine (environ 15 fois par jour),

- montée et descente régulière de la caméra du fourgon (15 à 20 kg),

- descente des caméras dans les regards (15 à 20 kg) à l'aide d'une corde ou d'un treuil sur une profondeur comprise entre 3 et 13 mètres, ce que le salarié trouvait le plus pénible,

- manipulation d'obturateur (3 à 5 kg).

Le salarié estimait l'ouverture des regards à 20 minutes par jour comme la descente la remontée du matériel d'inspection, tandis que l'employeur considérait que ces opérations ne duraient que 5 minutes, concluant que les manipulations de charges (caméra vidéo) occupait moins de 30 % du temps de travail journalier du salarié, lequel travaillait assis dans le fourgon en régie (travail à l'écran) 70 % de son temps de travail hebdomadaire.

Interrogé par un agent assermenté, l'employeur indiquait que le poids moyen d'un regard complet était de 50 kg, de sorte que celui de la plaque seule était moindre en ajoutant que la plaque n'était pas portée mais déplacée ; il l'estimait aux alentours de 20 kg. Il précisait également qu'il était plus fréquent d'utiliser la corde que le treuil électrique pour faire descendre le matériel car c'était plus rapide. Il confirmait que la cadence des manipulations de l'ouverture des plaques était de l'ordre moyen de 15 fois par jour.

Selon des notices techniques communiquées par l'assuré à la caisse, le poids moyen d'un regard était de 88 kg, les plus récents avoisinant plutôt 58 kg ; celui d'une plaque était compris enre 39 kg et 78 kg. M. [Z], ingénieur conseil, sollicité par la CPAM sur la question des charges soulevées, exposait le 2 octobre 2019 : '...nous confirmons que les travaux réalisés par M. [P] étaient susceptibles de comporter des travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes notamment des tampons des regards de voirie susceptibles d'atteindre les 53 kg voir plus... En conclusion, M. [P] a bien exercé pendant plus de 5 ans une activité professionnelle correspondant aux définitions données dans la liste limitative des travaux du tableau 98 susceptible d'être à l'origine de l'affection chronique du rachis lombaire.'

Le 25 octobre 2019, aux termes du colloque médico-administratif maladie professionnelle, le médecin-conseil a conclu en faveur d'une orientation vers un accord de prise en charge pour une maladie professionnelle inscrite à un tableau (code syndrome 098 AAM51B) au titre d'une sciatique par hernie discale L5-S1. Le 1er août 2022, selon un colloque médico-juridique, 'la constatation du médecin-conseil est corroborée par les résultats de l'I.R.M. du rachis lombaire du 13 juin 2019".

Il s'évince de l'ensemble de ces éléments que dans la mesure où la maladie déclarée par le salarié correspondait à celle décrite dans la première colonne du tableau, et où sa concordance a été corroborée par deux colloques : médico administratif et médico juridique, et étayée par les résultats d'un IRM, il n'y avait pas lieu à saisine du CRRMP, infirmant la décision de première instance de ce chef.

Il est également avéré que le salarié a été exposé au risque décrit dans le tableau n° 98 dans le cadre de son activité professionnelle pendant plus de cinq ans et n'a pas cessé de l'être au cours du délai de prise en charge.

Dès lors, il doit être constaté que les éléments constitutifs de la présomption légale d'imputabilité entre la maladie de M. [P], répertoriée au tableau n°98, et les travaux qu'il mentionne, sont réunis, de sorte que la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée le 23 juillet 2019 par M. [P] est opposable à son employeur la société [5].

- Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement querellé est infirmé en ses dépens.

Partie succombante, la société [5] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS:

Infirme le jugement rendu le 22 février 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Tours en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare opposable à la SAS [5] la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée le 23 juillet 2019 par M. [X] [P] ;

Condamne la SAS [5] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 21/00856
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-06;21.00856 ?
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