COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 22/06/2023
la SCP STOVEN PINCZON DU SEL
la SCP THIERRY GIRAULT
ARRÊT du : 22 JUIN 2023
N° : 106 - 23
N° RG 20/02567
N° Portalis DBVN-V-B7E-GID6
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ORLEANS en date du 19 Novembre 2020
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265263732298082
SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS (CEGC), Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 7]
Ayant pour avocat Me Clémence STOVEN-BLANCHE, membre de la SCP STOVEN PINCZON DU SEL, avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART
INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265263732298082
Monsieur [F] [G]
Né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 8] (Algérie)
[Adresse 6]
[Localité 4]
Ayant pour avocat Me Thierry GIRAULT, membre de la SCP THIERRY GIRAULT, avocat au barreau d'ORLEANS
Madame [E] [Y]
née le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 9]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Ayant pour avocat Me Thierry GIRAULT, membre de la SCP THIERRY GIRAULT, avocat au barreau d'ORLEANS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 09 Décembre 2020
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 05 Mai 2022
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du JEUDI 04 MAI 2023, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 805 du code de procédure civile.
Lors du délibéré :
Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Monsieur Damien DESFORGES Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 22 JUIN 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE :
Selon offre préalable acceptée le 8 avril 2004, la Caisse d'épargne et de prévoyance Loire Centre (ci-après la Caisse d'épargne) a consenti à M. [F] [G] et Mme [E] [Y] un prêt immobilier d'un montant de 133 100 euros, remboursable en 240 mensualités de 863,32 euros incluant les primes d'assurance et les intérêts au taux conventionnel de 3,70 % l'an.
Le remboursement de ce prêt, destiné à financer l'acquisition de la résidence principale des emprunteurs, a été garanti par un cautionnement solidaire de la société d'assurances des crédits des caisses d'épargne de France (SACCEF).
Le 31 janvier 2009, les emprunteurs ont bénéficié d'un plan conventionnel de redressement établi par la commission de surendettement des particuliers du Loiret, lequel est devenu caduc pour n'avoir pas été respecté.
La Caisse d'épargne a prononcé la déchéance du terme de son concours le 17 décembre 2009 et a conclu le même jour avec les emprunteurs un plan d'apurement, devenu caduc lui aussi en raison de son non-respect au début de l'année 2011.
M. [G] et Mme [Y] ont de nouveau saisi la commission départementale de surendettement qui a approuvé le 14 février 2013 un nouveau plan conventionnel de redressement, entré en application le 31 mars 2013 et rendu à son tour caduc le 22 mars 2016 par la Caisse d'épargne.
Dès le 21 novembre 2012, soit préalablement à l'adoption de ce second plan de redressement, la Caisse d'épargne avait fait assigner M. [G] et Mme [Y] devant le tribunal de grande instance d'Orléans aux fins de les voir condamner au paiement de la somme principale de 97 763,97 euros pour solde de ce prêt.
La société Compagnie européenne de garantie et cautions (CEGC), venant aux droits de la SACCEF, ayant réglé à la Caisse d'épargne la somme de 84 727,21 euros en cours d'instance, l'établissement bancaire s'est désisté de ses demandes à l'encontre de M. [F] [G] et Mme [E] [Y], lesquels ont maintenu leurs demandes en paiement de dommages et intérêts.
Par jugement du 22 novembre 2017, le tribunal de grande instance d'Orléans a constaté le désistement de la Caisse d'épargne et l'a condamnée reconventionnellement à payer à M. [G] et Mme [Y] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par un arrêt partiellement infirmatif du 28 février 2019 rendu sur appel de la Caisse d'épargne, en retenant en substance que l'établissement bancaire avait failli à ses obligations lors de la mise en 'uvre du second plan de surendettement adopté en faveur de M. [G] et de Mme [Y], mais qu'il n'était résulté de ce manquement qu'un préjudice moral pour les emprunteurs, la cour d'appel de ce siège a ramené la condamnation indemnitaire de la Caisse d'épargne à 5 000 euros.
En parallèle de cette procédure les opposant à la Caisse d'épargne, la société CEGC a mis en demeure M. [G] et Mme [Y] de lui régler la somme de 90 752,59 euros par courrier recommandé du 13 mai 2016 et les a fait assigner en paiement devant le tribunal de grande instance d'Orléans par acte du 14 juin 2016.
Par jugement du 19 novembre 2020 assorti de l'exécution provisoire, en retenant que la caution devait être privée de son recours contre les débiteurs principaux, par application de l'article 2308 [ancien] du code civil, faute de justifier avoir averti M. [G] et Mme [Y] avant de régler la Caisse d'épargne, le tribunal judiciaire d'Orléans a :
- débouté la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions à payer à M. [F] [G] et Mme [E] [Y] chacun la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions aux dépens dont distraction au profit de la SCP Thierry Girault, avocats.
La société CEGC a relevé appel de cette décision par déclaration du 9 décembre 2020, réitérée le 16 décembre suivant, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.
Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 26 janvier 2021.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 8 avril 2022, la société CEGC demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 19 novembre 2020 par le tribunal judiciaire d'Orléans,
En conséquence,
- condamner solidairement M. [F] [G] et Mme [E] [Y] à payer à la CEGC, Compagnie européenne de garanties et cautions, en deniers ou quittance, la somme de 90 752,59 euros outre les intérêts contractuels postérieurs au 13 mai 2016, intérêts qui seront capitalisés,
- débouter M. [F] [G] et Mme [E] [Y] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner solidairement M. [F] [G] et Mme [E] [Y] à payer à la CEGC la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M. [F] [G] et Mme [E] [Y] aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Stoven Pinczon du Sel,
- dire que dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l'huissier par application de l'article R 444-32 du code de commerce, créé par l'arrêté du 26 février 2016 fixant le tarif réglementé des huissiers, devra être supporté par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 17 mai 2021, M. [G] et Mme [Y] demandent à la cour de :
- rejeter comme mal fondé l'appel formé par la société Compagnie Européenne de Garanties et Cautions,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- débouter la société Compagnie Européenne de Garanties et Cautions de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Compagnie Européenne de Garanties et Cautions au paiement de la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Compagnie européenne de garanties et cautions aux dépens de première instance et d'appel et autoriser la SCP Thierry Girault, avocats à la cour d'appel d'Orléans, [Adresse 5] à recouvrer directement contre la ou les parties condamnées ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 5 mai 2022, pour l'affaire être plaidée le 4 mai 2023 et mise en délibéré à ce jour.
SUR CE, LA COUR :
Sur la déchéance du recours de la caution :
Selon l'alinéa second de l'article 2308 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'aura point de recours contre lui pour le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier.
Il résulte de ce texte que la caution perd ses recours, aussi bien personnel que subrogatoire, contre le débiteur principal, à titre de sanction de sa négligence, à la triple condition d'avoir payé sans être poursuivie, sans avoir préalablement averti le débiteur principal, lequel au moment du paiement avait des moyens de faire déclarer sa dette éteinte.
En l'espèce, pour s'opposer au recours de la société CEGC, les intimés soutiennent qu'ils avaient des moyens sérieux de contester la déchéance du terme prononcée le 22 mars 2016 par la Caisse d'épargne en raison du non-respect de leur plan de surendettement.
A supposer que, comme l'affirment M. [G] et Mme [Y], la déchéance du terme ait été irrégulièrement prononcée [ en réalité plutôt la caducité de leur second plan de redressement, puisque la déchéance du terme du prêt avait été prononcée dès 2009], l'irrégularité de la caducité, comme celle de la déchéance du terme, n'entraîne pas l'extinction de la dette, mais empêche seulement son exigibilité anticipée.
Si la caution professionnelle qui règle intégralement le créancier sans vérifier que le débiteur n'était pas en mesure de se prévaloir du défaut d'exigibilité immédiate du principal commet une faute dont il résulte, pour l'emprunteur comme pour le débiteur bénéficiant d'une procédure de traitement de sa situation de surendettement, la perte de la possibilité de pouvoir continuer à rembourser sa dette par échéances successives, il reste que ce paiement fautif de la caution, s'il est susceptible d'entraîner sa condamnation à des dommages-intérêts envers le débiteur principal, ne peut la priver de son recours après paiement, alors que le terme suspensif affecte l'exigibilité de l'obligation, mais non son existence, de sorte que l'éventuelle irrégularité de la déchéance du terme ou de la caducité prononcée par la Caisse d'épargne n'est pas un moyen susceptible de faire déclarer la dette éteinte au sens de l'article 2308 précité (v. par ex. com. 26 septembre 2019, n° 18-17.398).
Sans qu'il importe, dès lors, de savoir si la caution a averti ou non M. [G] et Mme [Y] avant de procéder au paiement de la Caisse d'épargne, ceux-ci ne peuvent lui opposer la déchéance prévue à l'article 2308 du code civil sans établir qu'ils avaient les moyens de faire déclarer leur dette éteinte.
Sur la demande en paiement de la caution :
Le recours personnel qu'exerce la société CEGC sur le fondement, exclusif, de l'article 2305 du code civil, pris dans sa rédaction applicable à la cause, trouve son fondement, non pas dans le contrat ou le plan de redressement qui liait la Caisse d'épargne à M. [G] et Mme [Y], mais dans le lien de droit qui la lie personnellement à M. [G] et Mme [Y]. Ces derniers ne peuvent en conséquence opposer à la société CEGC des exceptions tirées de leurs rapports avec la Caisse d'épargne, notamment le manquement du prêteur aux obligations qui découlaient des mesures de traitement de leur situation de surendettement, tel qu'il a déjà été sanctionné par cette cour en 2019.
En versant aux débats une quittance subrogative, la société CEGC justifie avoir réglé à la Caisse d'épargne, le 3 mai 2016, en exécution de son engagement de caution, une somme de 84 727,21 euros aux lieu et place de M. [G] et Mme [Y].
Selon le deuxième alinéa de l'article 2305 [ancien] du code civil, le recours personnel de la caution a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais.
Les intérêts qui sont accordés à la caution qui a payé sont dus à compter du jour de son paiement au créancier et, sauf convention contraire conclue entre la caution et le débiteur fixant un taux différent, non alléguée en l'espèce, ces intérêts sont dus au taux légal.
En application de ces principes, M. [G] et Mme [Y], qui ne justifient d'aucun paiement ni d'aucun fait libératoires au sens du deuxième alinéa de l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, seront solidairement condamnés à payer à la société CEGC, par infirmation du jugement entrepris, la somme sus-énoncée de 84 727,21 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2016.
En application de l'article 1154 du code civil qui, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, prévoit que les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière, les intérêts seront capitalisés annuellement à compter du 24 juin 2019, date de la demande.
Sur les demandes accessoires :
M. [G] et Mme [Y], qui succombent au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devront supporter in solidum les dépens de première instance et d'appel, et seront déboutés de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur ce dernier fondement, ils seront condamnés in solidum à régler à la société CEGC, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure 1 500 euros.
Il n'y a pas lieu de dire que M. [G] et Mme [Y] devront supporter le montant « des sommes retenues par l'huissier par l'application de l'article R. 444-32 du code de commerce », sans rapport avec les frais éventuels d'exécution forcée.
PAR CES MOTIFS
Infirme la décision entreprise en toutes ses dispostions,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne solidairement M. [F] [G] et Mme [E] [Y] à payer à la société Compagnie européenne de garantie et cautions (CEGC) la somme de 84 727,21 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2016, capitalisés annuellement à compter du 24 juin 2019 selon les modalités prévues à l'article 1154 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,
Condamne in solidum M. [F] [G] et Mme [E] [Y] à payer à la société Compagnie européenne de garantie et cautions (CEGC) la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de M. [F] [G] et Mme [E] [Y] formée sur le même fondement,
Condamne in solidum M. [F] [G] et Mme [E] [Y] aux dépens de première instance et d'appel,
Rejette la demande tendant à voir dire que, dans l'hypothèse d'une exécution forcée, M. [G] et Mme [Y] devront supporter le montant des sommes retenues par l'huissier par l'application de l'article R. 444-32 du code de commerce,
Accorde à la SCP d'avocats Stoven-Pinczon du Sel le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT