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10/07/2023 | FRANCE | N°19/02983

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 10 juillet 2023, 19/02983


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



C H A M B R E C I V I L E





GROSSES + EXPÉDITIONS : le 10/07/2023

Me Nicolas FORTAT

Me Estelle GARNIER





ARRÊT du : 10 JUILLET 2023



N° : - : N° RG 19/02983 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GAQ4





DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 18 Mai 2017



PARTIES EN CAUSE



APPELANTE :



Madame [I] [L]

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(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 2017/007934 du 04/12/2017 accordée par le bur...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 10/07/2023

Me Nicolas FORTAT

Me Estelle GARNIER

ARRÊT du : 10 JUILLET 2023

N° : - : N° RG 19/02983 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GAQ4

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 18 Mai 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :

Madame [I] [L]

née le 20 Octobre 1957 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 5]

ayant pour avocat Me Nicolas FORTAT, membre associé de LEOSTHENE AARPI, avocat au barreau de TOURS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 2017/007934 du 04/12/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'ORLEANS)

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°:1265212246728389

S.A.R.L. RESOLUTION DES SINISTRES DE LA CONSTRUCTION (R.S.C .) agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Estelle GARNIER, avocat postulant au barreau d'ORLEANS et ayant pour avocat plaidant Me Manolo-Henri PRIETO de la SCP CABINET LEXLIGER, avocat au barreau de TOURS,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du :26 Septembre 2019

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 16 mai 2023

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, du délibéré :

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Madame Laure Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.

Greffier :

Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.

DÉBATS :

A l'audience publique du 25 MAI 2023, à laquelle ont été entendus Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.

ARRÊT :

Prononcé le 10 JUILLET 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [I] [L] est propriétaire d'une maison située «'[Adresse 3]'» à [Localité 5] (37). Suite à un sinistre lié à un épisode de sécheresse, elle a confié à la société Résolution des sinistres de la construction (la société RSC) la réalisation de travaux de maçonnerie, de plâtrerie-isolation et d'isolation, suivant devis du 13 février 2014, pour le prix total de 26'114 euros.

Après réalisation des travaux, Mme [L] a refusé de signer le procès-verbal de réception du 5 août 2014 et n'a pas réglé le solde de la facture d'un montant de 12'097,80 euros.

En l'absence de réponse aux mises en demeure de régler ladite somme, la société RSC a fait assigner Mme [L] devant le tribunal de grande instance de Tours aux fins de condamnation en paiement du solde de la facture.

Par jugement du 18 mai 2017 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Tours a':

- condamné Mme [L] à payer à la société Résolution des sinistres de la construction la somme de 12'097,80 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2014';

- débouté Mme [L] de ses demandes reconventionnelles de dommages et intérêts formulées à l'encontre de la société Résolution des sinistres de la construction';

- dit n'y avoir lieu à compensation';

- débouté la société Résolution des sinistres de la construction de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formulée à l'encontre de Mme [L]';

- condamné Mme [L] à payer à la société Résolution des sinistres de la construction la somme de 1'200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamné Mme [L] aux dépens de l'instance.

Pour statuer ainsi, le tribunal a notamment considéré que':

- sur l'exception d'inexécution invoquée par Mme [L]': le fait que la dalle ne mesure que 8'cm d'épaisseur ne constitue pas une inexécution contractuelle de l'entrepreneur au regard du DTU 13-3 prévoyant une épaisseur minimale de 12'cm qui ne s'applique que dans les marchés privés où il est expressément fait référence, ce qui n'est pas le cas en l'espèce'; l'existence d'un jour d'environ 7-8 cm sous la porte séparant le salon de la buanderie ne constitue pas une inexécution contractuelle, dès lors que l'épaisseur de la dalle n'était pas contractuellement prévue de même que la réalisation d'un sol au même niveau que le précédent'; il n'est pas démontré que la déformation du seuil de la vitre coulissante donnant sur le jardin résulte de l'utilisation d'une mini-pelle par la société pour creuser le sol à l'intérieur de la maison, ni même que les dégradations des murs et de la cuisine soient imputables à la société'; le refus de payer n'étant pas légitime, Mme [L] doit régler le solde de la facture de l'entrepreneur';

- sur la responsabilité contractuelle de la société Résolution des sinistres de la construction': Mme [L] ne rapporte pas la preuve que la société a commis des manquements à ses obligations contractuelles, de sorte que ses demandes indemnitaires doivent être rejetées.

Par déclaration du 15 septembre 2017, Mme [L] a interjeté appel du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Résolution des sinistres de la construction la somme de 12'097,80 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2014'; déboutée de ses demandes reconventionnelles de dommages et intérêts formulées à l'encontre de la société Résolution des sinistres de la construction et dit n'y avoir lieu à compensation'; condamnée à payer à la société la somme de 1'200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par arrêt avant dire droit du 6 septembre 2021, la cour d'appel d'Orléans a ordonné une expertise aux fins de relever et décrire les désordres, non-conformités, malfaçons et non-façons et détériorations éventuellement imputables à la société RSC, et évaluer les travaux de reprise.

L'expert judiciaire, M. [M], a déposé son rapport le 25 août 2022.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 12 mai 2023, Mme [L] demande de':

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel';

Y faisant droit,

- infirmer le jugement déféré et statuant de nouveau':

- condamner la société Résolution des sinistres de la construction à lui payer la somme de 34'042,84 euros à titre de dommages et intérêts du chef de la reprise des travaux litigieux, la somme de 3'000 euros à titre de dommages et intérêts du chef de son préjudice moral'; la somme de 200 euros par mois à compter du 5 août 2014 jusqu'à parfait paiement de l'indemnisation au titre des travaux de reprise, à titre de dommages et intérêts du chef de son préjudice de jouissance dû à l'inachèvement des travaux'; la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts du chef de son préjudice de jouissance durant la réalisation des travaux de reprise';

- dire que la somme de 34'042,84 euros au titre des devis de reprise des travaux litigieux sera indexée par application de l'indice BT01';

- ordonner la compensation entre ces sommes et celles qui seront éventuellement mises à sa charge';

À titre subsidiaire, et avant dire droit,

- commettre l'expert M. [M] avec pour mission de se rendre sur les lieux, «'[Adresse 3]'» à [Localité 5] et, plus précisément encore':

' Poursuivre ses investigations arrêtées en leur état de la note aux parties n° 1 du 11 février 2022 au contradictoire des entreprises Uretek, de l'entreprise ayant réalisé le carrelage et l'entreprise [L] 37';

' Répondre aux dires 1 et 2 de Mme [L] dont la note technique de M. [V] [Y] annexée';

Ainsi':

' rechercher et décrire les non-conformités et désordres allégués par Mme [L]';

' dire s'ils portent atteinte à la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination';

' donner les éléments de fait permettant de déterminer les responsabilités encourues';

' préconiser les travaux de reprise propres à remédier aux désordres';

' donner les éléments permettant d'évaluer leur coût et leur durée d'exécution';

' donner les éléments de fait permettant d'apprécier les préjudices subis et à subir';

' donner les éléments de fait permettant de faire les comptes entre les parties';

- dire que l'expert donnera connaissance de ses conclusions aux parties et répondra à tous dires écrits de leur part formulés dans le délai qui leur aura été imparti avant d'établir un rapport définitif qu'il déposera au secrétariat-greffe de la cour d'appel d'Orléans dans un délai de quatre mois du jour où il aura été saisi de sa mission';

- réserver les dépens';

En tout état de cause,

- déclarer la société Résolution des sinistres de la construction mal fondée en ses demandes et l'en débouter';

- condamner la société Résolution des sinistres de la construction à lui payer la somme de 3'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, et accorder à Maître Mercy, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 10 mai 2023, la société Résolution des sinistres de la construction demande de':

- déclarer irrecevable en tous cas mal fondé l'appel de Mme [L] à l'encontre du jugement déféré, et en conséquence, l'en débouter, ainsi que de toutes demandes, fins et conclusions, tant irrecevables que mal fondées';

- confirmer la décision entreprise avec toutes suites et conséquences de droit';

Y ajoutant,

- condamner Mme [L] à lui payer les sommes de 2'000 euros à titre de dommages-intérêts pour

appel abusif, et de 3'000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel et accorder à Maître Estelle Garnier le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.

Il convient de se référer aux conclusions récapitulatives des parties pour un plus ample exposé des moyens soulevés.

SUR QUOI, LA COUR,

Sur la responsabilité contractuelle de la société RSC

Moyens des parties

L'appelante soutient qu'aux termes du devis signé, elle a fait état de dégradations qui ont eu lieu lors des travaux, établissant que la société RSC a commencé ses travaux avant qu'ils soient acceptés par elle par la signature d'un devis'; qu'à défaut de contrat formalisé avant travaux, la société RSC a commis une faute qui engage sa responsabilité'; que la société a réalisé une dalle dont l'épaisseur est au maximum de 8'cm, alors que le DTU 13.3 définissant les règles de conception et d'exécution des travaux de dallage de maisons individuelles indique que ces dallages doivent avoir une épaisseur minimale de 120'mm'; que si les normes DTU ne sont effectivement pas obligatoires en dehors des marchés publics, sauf référence contenue dans le marché de travaux, il n'en reste pas moins que ces spécifications sont réputées permettre la réalisation d'un ouvrage conforme aux règles de l'art, y compris dans le cadre des marchés de travaux privés'; qu'en réalisant une dalle d'une épaisseur maximale de 8'cm, la société RSC n'a pas respecté les règles de l'art en la matière'; qu'en outre, le matériau utilisé pour couler le dallage litigieux n'est lui-même pas conforme aux spécifications contenues dans le devis établi par la société RSC (béton utilisé de 280'kg/m³ au lieu de'350'kg/m³ mentionné au devis)'; que ce seul manquement de la société RSC à ses engagements contractuels constitue une non-conformité justifiant la condamnation de cette entreprise à une reprise totale des travaux de réfection de la dalle'; que la trop faible épaisseur de la dalle litigieuse a entraîné l'existence de jours excessivement importants au droit de toutes les ouvertures des pièces concernées, portes-fenêtres et portes'; que la société RSC a réalisé l'ensemble des travaux avec un manque de soin et négligence, causant des détériorations et malfaçons'; que l'expert a relevé qu'alors que la société RSC démolissait le dallage existant pour en réaliser un nouveau, elle n'a pas réalisé de rejingot pour permettre à la porte-fenêtre d'être hors d'eau, alors qu'il est impossible, sans enfreindre les règles de l'art, de poser les fenêtres sans rejingot maçonné préalablement réalisé'; qu'il convient de condamner la société RSC à l'indemniser des travaux de reprise totale de la dalle, du linteau des portes et fenêtres du salon, des dégradations causées au bas des cloisons et de l'isolation à refaire autour des fenêtres, le remplacement de la baie vitrée détériorée, de dépose et de la repose des portes d'accès à la buanderie, outre la réparation du préjudice moral et de jouissance.

L'intimée réplique qu'un devis a été signé entre les parties le 13 février 2014 et l'appelante ne justifie pas que ce devis aurait été signé après le début des travaux'; que s'agissant des travaux réalisés, les observations réalisées par l'huissier dans son constat du 30 octobre 2014 ne sauraient se substituer aux remarques formulées par l'expert judiciaire'; que l'expert judiciaire n'a constaté aucun désordre ou manquement aux règles de l'art'; que Mme [L] n'a pas répondu à la proposition de sondage du sol formulée par l'expert judiciaire ni attrait aux opérations d'expertise les entreprises mentionnées par celui-ci'; que l'intégralité de l'argumentaire développé par Mme [L] se fonde sur un rapport technique daté du 12 avril 2022 établi par le cabinet CCEB alors qu'une expertise judiciaire était en cours, qui a procédé par affirmations, sans aucune analyse préalable notamment des documents contractuels'; que rien ne permet de démontrer que les travaux réalisés ne seraient pas conformes aux règles de l'art, le DTU produit ne permettant pas de fonder la demande de Mme [L]'; qu'il n'existe aucun élément dans le dossier permettant de prouver qu'elle serait responsable des désordres allégués'; que le constat d'huissier produit ne prouve aucune implication de la société RSC dans les désordres qui ont été constatés, se contentant de mentionner les doléances formulées par l'appelante'; que le constat d'huissier ne fait qu'acter la déclaration de Mme [L] selon laquelle l'épaisseur de la dalle devrait faire 12'cm d'épaisseur, alors qu'aucun technicien n'est intervenu'; que les différents devis qui ont été versés aux débats sont sans valeur probante quant aux faits allégués.

Réponse de la cour

En l'espèce, Mme [L] allègue l'existence de non-conformités, malfaçons et détériorations. Les travaux n'ont pas donné lieu à réception à raison du mécontentement de Mme [L] qui a mandaté un huissier de justice, avant même d'être assignée en paiement du solde de la facture.

Le procès-verbal de constat établi par Me [P], huissier de justice, le 30 octobre 2014, comporte notamment les constatations suivantes qui ne résultent pas exclusivement des affirmations de Mme [L]': existence d'une dalle mesurant 8'cm d'épaisseur au rez-de-chaussée, au niveau du pignon Ouest de la maison'; existence d'un jour excessivement important (7 à 8'cm) au niveau de la porte qui dessert la buanderie depuis le salon'; niveau du sol beaucoup plus bas qu'avant les travaux.

En l'espèce, selon le devis établi le 13 février 2014 par la société RSC et signé par Mme [L], les travaux convenus portaient sur les lots maçonnerie, plâtrerie-isolation, et menuiserie, pour le prix total de 26'114 euros TTC. Mme [L] n'a pas mentionné la date d'acceptation mais a apposé la mention manuscrite «'bon pour accord'» et «'sous réserve que le nécessaire soit fait auprès de l'expert pour la porte-fenêtre du pignon, la porte d'entrée et la cuisine qui d'après le menuisier de la société ne sont plus récupérables. Cuisine endommagée au démontage et porte fenêtre pendant les travaux'».

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que les travaux de reprise du sinistre ont été effectués par plusieurs entreprises sur la base du rapport d'expertise non-judiciaire établi à la diligence de l'assureur de Mme [L], et que des travaux ont été réalisés avant l'intervention de la société RSC. Il n'est pas justifié de la date de début des travaux par la société RSC, et en tout état de cause celle-ci n'aurait pas pu intervenir sans l'accord de Mme [L] qui a validé le prix et la nature des travaux en signant le devis précité. Aucune faute ne peut donc être reprochée à la société RSC à ce titre.

Le lot maçonnerie était détaillé comme suit':

«'Amenée et repli du matériel

Protection des agencements intérieurs

Dallage

Démolition de l'ensemble du carrelage + dallage y compris évacuation des gravats

Salon/Cuisine 50'm²

Salle à manger 37,50'm²

Terrassement uniquement manuel pour décapage du sol de 0,20'cm 87,50'm²

Création d'un nouveau dallage béton comprenant, préparation du sol par un apport en sable + polyane, coffrage, ferraillage et coulage d'un béton dosé à 350'kg/m³

Salon/Cuisine 50'm²

Salle à manger 37,50'm²

Maintien des murs périphériques de la salle à manger

Fourniture et pose de tirants horizontaux, longueur 6,00'ml, entre le mur extérieur de la salle à manger et le mur opposé (mitoyen au garage) y compris toutes suggestions de scellement

Fourniture et pose de Croix de Saint André'».

Le lot plâtrerie-isolation prévoyait la dépose du plafond de la salle à manger pour permettre la pose de la croix de Saint André et le lot menuiserie prévoyait la dépose de la cuisine.

L'expert judiciaire a conclu n'avoir constaté aucun désordre visible affectant la dalle et a indiqué':

«'Madame [L] a de nombreuses suspicions concernant la mise en 'uvre et celles-ci ne peuvent être levées avec les éléments visibles et les documents transmis.

Dès lors il s'agit de savoir si la mission de l'expert peut se poursuivre sur des hypothèses ou des suppositions.

Dans ce cas, pour appréhender l'état général de l'ensemble et les éventuelles malfaçons, seuls des sondages par des sapiteurs spécialisés doivent être envisagés':

- Sondages par Ferroscan pour déterminer le ferraillage

- Carottage ou sondage au radar pour déterminer les épaisseurs de chape, dalle et isolant. Il serait dans ce cas nécessaire d'attraire à la cause les entreprises qui ont pu intervenir avant et après les travaux de maçonnerie':

- Entreprise Uretek

- Entreprise de carrelage

- Entreprise [L]-37'»

S'agissant de l'épaisseur de la dalle au regard du béton mis en 'uvre, l'expert judiciaire a indiqué':

«'Le volume livré de béton est de 10'm³ (d'après le 2e bon de livraison) sur une surface de 87,5'm² (d'après le devis)':

10'm³ / 87,50'm² = 0,1142'm

L'épaisseur calculée de béton est de 11,42'cm

Cette épaisseur calculée est inférieure de 0,6'cm par rapport aux règles de l'art qui préconisent une épaisseur minimale de 12'cm (D.T.U. 13.3).

Il ne s'agit ici que d'une évaluation par le calcul avec des hypothèses de départ (devis de R.S.C. et bon de livraison)': seul un sondage pourrait attester de l'épaisseur réelle installée'».

Outre le fait que les parties n'ont pas expressément convenu d'appliquer les préconisations du DTU 13.3, l'expert a clairement indiqué que l'épaisseur réelle de la dalle ne pouvait être déterminée qu'au moyen d'un sondage.

Or, Mme [L] n'ayant pas répondu à la proposition de l'expert d'effectuer des sondages et carottages pour déterminer notamment l'épaisseur de la chape, le rapport d'expertise a été déposé en l'état.

Si Mme [L] produit un procès-verbal de constat établi par un huissier de justice, le 30 octobre 2014, mentionnant que l'épaisseur de la dalle est de 8'cm au niveau du pignon Ouest de la maison, elle n'a pas expressément permis à l'expert de poursuivre ses investigations permettant de vérifier les malfaçons relatives à la dalle qui ne sont donc nullement établies par des constatations techniques objectives.

Le rapport du CCEB que Mme [L] a fait réaliser au cours des opérations d'expertise judiciaire, ne mentionne pas de constatation sur l'épaisseur de la dalle, se limitant à déduire de l'affirmation de Mme [L] sur l'absence d'utilisation de la totalité du béton livrée que la chape ne respecterait pas la préconisation de l'expert mandaté par l'assureur, quant à une épaisseur de 20'cm. Ce rapport n'est donc pas de nature à corroborer le procès-verbal de constat établi par l'huissier de justice qui s'est limité à mesurer l'épaisseur visible de la dalle émergeant du sol.

Le bon de livraison du béton ne permet pas d'en déduire que le béton mis en 'uvre ne serait pas conforme aux stipulations du devis. En effet, la seule référence du béton livré C25/30 ne permet pas de connaître le dosage du béton mis en 'uvre.

L'expert a d'ailleurs examiné celui-ci et le bon de livraison du béton sans en conclure à une non-conformité mais en précisant': «'Le béton livré sur place Unibéton «'MICRODAL C25/30 XF1 S3'» est un béton adapté pour une dalle portée, munie d'un ferraillage'», telle que celle mise en 'uvre dans la maison de Mme [L].

En conséquence, les malfaçons alléguées quant à la dalle réalisée par la société RSC ne sont pas établies et Mme [L] sera déboutée de sa demande indemnitaire relative à la reprise de la dalle.

Aucun manquement relatif aux jours existants au droit des ouvertures ne peut être également retenu, ces jours étant liés selon Mme [L] à la trop faible épaisseur de la dalle qui n'a pas été établie, outre le fait que le niveau du sol précédent n'est pas établi. Il convient en ce sens de relever que le rapport établi par l'expert mandaté par l'assureur de Mme [L] avait constaté que l'épisode de sécheresse avait entraîné un affaissement du dallage de la salle à manger. Il n'est d'ailleurs pas démontré que Mme [L] avait spécifiquement commandé des travaux de remise à niveau du sol à l'état antérieur au sinistre. En conséquence, Mme [L] sera également déboutée de sa demande indemnitaire relative à la reprise du linteau des porte et fenêtre du salon, à la dépose et à la repose des portes d'accès à la buanderie.

S'agissant des dégradations en bas des cloisons, le procès-verbal de constat d'huissier de justice produit aux débats, mentionne seulement':

«'Je constate que les bas des cloisons intérieures du rez-de-chaussée sont refaits. Je constate sur des photos prises par la requérante que ces bas de cloisons étaient complètement détériorés (trous, rognures, effritements sur toute leur longueur). La requérante me déclare que ces détériorations ont été l''uvre de la société RSC au moment de la mise en place de la dalle. Les réparations ont été faites par un auto-entrepreneur'».

L'huissier de justice n'a donc pas lui-même constaté des dégradations en cas des cloisons alléguées par Mme [L], mais a seulement examiné les photographies prises par Mme [L]. Celle-ci verse aux débats des photographies (pièce n° 2) non datées qui ne permettent pas d'établir les désordres allégués et leur imputabilité à la société RSC.

L'expert judiciaire a relevé l'absence de rejingot et de seuil au droit de la porte-fenêtre. Cependant, d'une part, ces travaux n'étaient pas prévus au devis de sorte qu'aucune non-façon ne peut être imputée à la société RSC, d'autre part l'expert a relevé que cette porte-fenêtre a été refixée par l'entreprise [L] 37, de sorte qu'il appartenait à celle-ci de prévoir un rejingot et un seuil adapté à la pose de la menuiserie. Aucune faute de la société RSC ne peut donc être retenue à ce titre.

S'agissant de la dégradation de la porte-fenêtre, Mme [L] en a fait mention sur le devis de la société RSC et celle-ci n'allègue pas en avoir aussitôt contesté l'imputabilité.

Le procès-verbal de constat d'huissier de justice du 30 octobre 2014, produit par l'appelante mentionne':

«'En façade avant de la partie salle à manger, je constate l'existence d'une porte-fenêtre à deux battants ouvrants et deux battants fixes. A l'extérieur, accolée contre un mur, je constate la présence d'une baie vitrée coulissante démontée. Je constate que le seuil de cette baie est totalement déformé. Madame [L] [I] me déclare que cette baie coulissante se trouvait initialement à la place de la porte-fenêtre mais que l'entreprise RSC en a déformé totalement le seuil en entrant par cette ouverture avec une mini-pelle. Elle s'est vue contrainte de la remplacer par la porte-fenêtre qu'elle a achetée sur ses fonds propres.

Elle me montre des photos prises par ses soins prouvant l'entrée par la baie coulissante de la mini-pelle et justifiant que ladite baie coulissante ne formait plus et se trouvait maintenue par des baguettes'».

L'appelante produit également une attestation de M. [D] mentionnant avoir vu la société RSC creuser à l'intérieur de la maison de Mme [L] avec une mini-pelle, et sans protection des porte-fenêtres.

Ces éléments établissent que la société RSC a, au cours des travaux, dégradé la porte-fenêtre de la salle à manger de la maison de Mme [L], commettant ainsi une faute l'obligeant à réparer le dommage causé.

Mme [L] produit un devis du 20 novembre 2014 pour la fourniture et la pose d'une nouvelle porte-fenêtre, d'un montant de 1'969,29 euros, constituant l'évaluation objective de son préjudice. Il y a donc lieu de condamner la société RSC à payer à Mme [L] la somme de 1'969,29 euros à titre de dommages et intérêts, cette somme devant être actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 publié au 20 novembre 2014, jusqu'à celui publié au jour du présent arrêt.

Il n'est pas établi que la dégradation de cette porte-fenêtre ait causé un préjudice moral et un préjudice de jouissance à Mme [L] qui sera donc déboutée de ses demandes formées à ce titre.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [L] de ses demandes reconventionnelles de dommages et intérêts formulées à l'encontre de la société RSC.

Sur la demande en paiement de la société RSC

Moyens des parties

L'appelante soutient qu'elle est fondée à invoquer l'exception d'inexécution à l'encontre de la société RSC en raison des désordres et non-conformités des travaux réalisés'; que la société RSC ne peut pas prétendre au règlement de sa facture puisque l'expert judiciaire n'a pas vérifié les prix ni comparé les travaux réalisés avec ceux préconisés par l'expert [C]'; que La société RSC a reconnu ne pas avoir évacué les gravois alors qu'elle en demande le paiement, et elle mis en 'uvre un béton de classe différente de celui mentionné dans son devis'; que l'économie réalisée par la société RSC lui ouvre donc droit à une réduction du prix conformément aux dispositions de l'article 1217 du code civil.

La société RSC indique qu'elle n'a commis aucun manquement contractuel'; que l'expert judiciaire n'a constaté aucun désordre et l'intimée n'en rapporte pas la preuve contraire'; qu'il y a donc lieu de rejeter l'exception d'inexécution.

Réponse de la cour

L'exception d'inexécution est la faculté d'une partie contractante de ne pas exécuter son obligation si l'autre n'exécute pas la sienne.

Ainsi qu'il a été précédemment exposé, il n'est pas établi que la société RSC se serait rendue l'auteur de malfaçons et de non-conformités, qui n'ont pas été constatées par l'expert judiciaire.

S'agissant de l'évacuation des gravats qui ne constitue pas un poste de facturation, la prestation étant incluse dans la démolition du carrelage, Mme [L] allègue sans en justifier que les gravats auraient été évacués par un voisin.

Mme [L] ayant accepté le devis avec les prix qui y sont mentionnés, elle ne peut retenir le montant du solde de la facture au motif que l'expert n'aurait pas vérifié si les prix pratiqués étaient conformes au coût des travaux mentionnés dans le rapport d'expertise diligenté par son assureur. Ce rapport ne comporte qu'une estimation du coût des travaux au vu de devis dont certains émanaient de la société RSC, et Mme [L] disposait de toute liberté de conclure avec l'entrepreneur de son choix pour bénéficier des tarifs les plus avantageux. En tout état de cause, le caractère onéreux des prestations de la société RSC ne peut constituer un motif permettant de mettre en 'uvre l'exception d'inexécution dès lors que l'entreprise a réalisé les travaux.

En conséquence, Mme [L] qui ne peut se prévaloir de l'exception d'inexécution, doit être condamnée à verser à la société RSC la somme de 12'097,80 euros au titre de la facture impayée du 5 août 2014 avec intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2014. Le jugement sera donc confirmé de chef.

Conformément à la demande de l'appelante, la compensation des sommes dues entre les parties sera ordonnée et le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la demande d'expertise complémentaire

Mme [L] demande, à titre subsidiaire, qu'une expertise complémentaire soit ordonnée au motif que l'expert n'a pas mené sa mission à son terme, n'a pas répondu à un dire et qu'il s'est livré à des appréciations juridiques en considérant que la réglementation thermique n'imposait pas de minimum d'isolation.

Il convient de rappeler que le rapport d'expertise a été déposé en l'état en l'absence de réponse de Mme [L] à la note de l'expert proposant de poursuivre les opérations d'expertise en procédant à des sondages et carottages du sol, et à la mise en cause d'autres intervenants à la construction.

Mme [L] n'a pas non plus fait procéder à la mise en cause de tiers aux opérations d'expertise ni fait valoir sa position à l'expert sur ce sujet. Il s'ensuit que l'expert judiciaire ne pouvait pas poursuivre les investigations projetées de sorte qu'il a, à raison, déposé son rapport en l'état.

L'appelante se plaint d'une non-réponse à son dire du 29 avril 2022, mais l'expert judiciaire a fait mention de ce dire dans son rapport d'expertise et y a répondu en pages 18 et 19, outre le fait que ce dire était postérieur au délai imparti.

Aucun motif ne justifie donc le prononcé d'une expertise complémentaire, étant précisé que Mme [L] ne donne pas plus son accord pour faire procéder à des sondages et carottages du sol de sa maison d'habitation. Cette demande sera donc rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour appel abusif

La société RSC ne démontre pas que Mme [L] aurait fait un usage abusif de son droit d'appel, outre le fait que l'appelante obtient partiellement gain de cause sur une demande indemnitaire. En conséquence, la demande de dommages et intérêts formée par la société RSC pour appel abusif sera rejetée.

Sur les dispositions accessoires

Le jugement sera infirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles. La société RSC sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Mercy.

La société RSC sera également condamnée à payer à Mme [L] la somme de 3'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort.

INFIRME le jugement en ce qu'il a':

- débouté Mme [L] de ses demandes reconventionnelles de dommages et intérêts formulées à l'encontre de la société Résolution des sinistres de la construction';

- dit n'y avoir lieu à compensation';

- condamné Mme [L] à payer à la société Résolution des sinistres de la construction la somme de 1'200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamné Mme [L] aux dépens de l'instance';

LE CONFIRME pour le surplus';

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT':

CONDAMNE la société Résolution des sinistres de la construction à payer à Mme [L] la somme de 1'969,29 euros à titre de dommages et intérêts, avec indexation suivant l'évolution de l'indice BT01 publié au 20 novembre 2014, jusqu'à celui publié au jour du présent arrêt';

ORDONNE la compensation des sommes dues entre les parties';

DÉBOUTE Mme [L] du surplus de ses demandes indemnitaires';

REJETTE la demande d'expertise formée par Mme [L]';

DÉBOUTE la société Résolution des sinistres de la construction de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif';

CONDAMNE la société Résolution des sinistres de la construction à payer à Mme [L] la somme de 3'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la société Résolution des sinistres de la construction aux entiers dépens de première instance et d'appel';

DIT que Maître Mercy pourra recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Madame Fatima HAJBI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/02983
Date de la décision : 10/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-10;19.02983 ?
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