COUR D'APPEL D'ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 10/07/2023
la SCP SIMARD VOLLET OUNGRE CLIN
la SARL ARCOLE
ARRÊT du : 10 JUILLET 2023
N° : - N° RG : 20/01300 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GFNP
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MONTARGIS en date du 13 Février 2020
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265
S.C.I. MT, inscrite au RCS d'Orléans sous le n° 450992623 prise en la personne de son gérant Monsieur[U] [W] domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me OUNGRE substituant Me Didier CLIN de la SCP SIMARD VOLLET OUNGRE CLIN, avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265
S.A. MONCEAU GENERALE ASSURANCES SA inscrite au RCS de BLOIS sous le numéro 414 086 355 agissant poursuites et diligences de ses représentaux légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 3]
[Localité 1]
ayant pour avocat Me Jacques SIEKLUCKI de la SARL ARCOLE, avocat au barreau de TOURS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 16 Juillet 2020.
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 20 mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 23 Mai 2023, à 14 heures, devant Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller, Magistrat Rapporteur, par application de l'article 786 et 910 alinéa 1 du Code de Procédure Civile.
Lors du délibéré :
Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller
Madame Laure Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
ARRÊT :
L'arrêt devait initialement être prononcé le 03 juillet 2023, à cette date le délibéré a été prorogé au 10 juillet 2023,
Greffier :
Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.
Prononcé 10 JUILLET 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 26 septembre 2009, un incendie a détruit un bâtiment donné à bail commercial par la SCI MT, assurée par la société Thélem assurances, à la société Cach Auto, assurée par la société Monceau Générale Assurances.
La société Monceau Générale Assurances qui a indemnisé son assurée à hauteur de 155'021,04 euros a exercé un recours contre la société Thélem assurances qui lui a versé une somme de 126'123,51 euros après application de la règle proportionnelle de prime en raison d'une déclaration erronée sur la surface garantie.
La société Monceau Générale Assurances a alors fait assigner la SCI MT devant le tribunal de Montargis aux fins de paiement de la différence résultant de l'application de la règle proportionnelle par la société Thélem assurances, soit une somme de 20'531,74 euros.
Par jugement du 13 février 2020, le tribunal judiciaire de Montargis a':
- dit que la SCI MT a commis une faute en faisant une déclaration inexacte des surfaces de locaux à assurer auprès de son assureur Thélem assurances';
- dit que la faute commise par la SCI MT a un lien de causalité direct et certain avec le préjudice financier de 20'531,74 euros subi par la société Monceau Générale Assurances';
- condamné la SCI MT à payer à la société Monceau Générale Assurances la somme de 20'531,74 euros, en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2017';
- condamné la SCI MT aux entiers dépens de l'instance';
- condamné la SCI MT à payer à la société Monceau Générale Assurances la somme de 1'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 16 juillet 2020, la SCI MT a interjeté appel de tous les chefs du jugement.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 13 octobre 2020, la SCI MT demande de':
- dire son appel recevable et bien fondé son appel';
- infirmer la décision en toutes ses dispositions';
Statuant à nouveau,
- débouter la société Monceau Générale Assurances de l'ensemble de ses demandes';
- condamner la société Monceau Générale Assurances à lui verser la somme de 2'500'€ titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- la condamner aux entiers dépens.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 2 décembre 2020, la société Monceau Générale Assurances demande de':
Confirmant le jugement entrepris':
- dire et juger que la SCI MT a commis une faute en déclarant à son assureur la société Thélem une surface à garantir moindre que la surface réellement exploitée';
- dire et juger que cette faute lui a généré de manière directe et certaine un préjudice, car elle s'est trouvée privée de son entier recours en contribution du fait de l'application de la règle proportionnelle';
- dire et juger que ce préjudice est constitué par la différence entre la somme qu'elle a pu obtenir de la société Thélem après application de la règle proportionnelle et celle qu'elle aurait dû obtenir sans l'application de ladite règle, soit une somme de 20'531,74'€';
- condamner la SCI MT à lui payer la somme de 20'531,74'€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, et ce avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de la première mise en demeure soit le 31 juillet 2017';
- condamner la SCI MT à lui payer la somme de 1'000'€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance';
- condamner la SCI MT aux entiers dépens';
Y ajoutant':
- condamner la SCI MT à lui payer la somme de 2'500'€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel';
- condamner la SCI MT aux entiers dépens d'appel.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
MOTIFS
Sur la responsabilité de la SCI MT
Moyens des parties
L'appelante soutient que sa responsabilité délictuelle ne peut être engagée que sur la preuve d'une faute'; que c'est par une inexacte appréciation des faits de la cause que le tribunal a considéré que la preuve d'une déclaration erronée ressortait de l'instance arbitrale de gestion des conventions d'assurance saisie du recours en contribution présentée par la société Monceau Générale Assurances auprès de Thélem assurances, alors que cette instance arbitrale ne lui est pas opposable'; qu'elle ignore quels ont été les éléments versés aux débats par Thélem assurances lors de celle-ci, alors qu'elle a, postérieurement à la signature du contrat d'assurance, refait le tour des installations avant la location à Cach Auto avec son courtier d'assurance dans le but de rédaction d'un avenant'; qu'à défaut que soient versées aux débats les éléments que la société Thélem assurances a dû remettre dans le cadre de l'instance arbitrale, l'intimée ne démontre pas la déclaration erronée et encore moins fautive'; qu'il n'est pas versé aux débats les éléments de calcul permettant de déterminer avec précision quelle aurait été réellement la prime versée dans le cas où aucune erreur sur la surface assurée n'avait eu lieu'; qu'une règle de trois en proportion des surfaces ne pouvant être retenue à cet égard.
L'intimée réplique que son recours à l'encontre de la société Thélem assurances n'a pu prospérer qu'à hauteur de 126'123,51 euros'; qu'elle a donc subi un préjudice résultant de la différence entre la somme qu'elle aurait dû recevoir et celle qu'elle a finalement reçue après application de la règle proportionnelle, soit une somme de 20'531,74 euros'; que ce préjudice résulte de manière directe et exclusive de la faute commise par la SCI MT ayant consisté à déclarer à son propre assureur une surface à garantir de 405'm² alors que la surface réelle était de 533'm²'; qu'il ressort des conditions particulières de la police d'assurance souscrite par la SCI MT auprès de son assureur une déclaration de l'assurée au terme de laquelle la superficie développée des locaux professionnels n'excède pas 405'm²'; qu'il résulte de la sentence arbitrale rendue et ayant validé la demande d'application de la règle proportionnelle, une surface réelle de 533'm², laquelle ressort d'une part du rapport d'expertise amiable contradictoire établi à l'époque par le cabinet Elex et d'autre part des conditions particulières de la police d'assurance souscrite par la société Cach Auto auprès d'elle'; que la SCI MT ne peut donc pas sérieusement venir contester la réalité de la différence de métrage entre la surface déclarée dans le risque à assurer et la surface réellement exploitée'; que le fait de déclarer lors de la souscription du contrat d'assurance une surface de locaux dont on ne peut pas raisonnablement ignorer qu'elle est très nettement inférieure à la surface réelle doit nécessairement s'analyser en une fausse déclaration intentionnelle'; que le souscripteur ne pouvait pas ignorer que la conséquence immédiate de la déclaration d'une surface moindre était un coût de prime moindre, de sorte que sa faute est établie, de même que le lien de causalité avec son préjudice'; que les modalités de calcul de la règle proportionnelle ressortent également des termes du courrier de Thélem assurances du 7 janvier 2015.
Réponse de la cour
L'article 1382 du code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°'2016-131 du 10 février 2016, dispose que tout fait quelconque de l'homme oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L'article L.113-9 du code des assurances dispose':
«'L'omission ou la déclaration inexacte de la part de l'assuré dont la mauvaise foi n'est pas établie n'entraîne pas la nullité de l'assurance.
Si elle est constatée avant tout sinistre, l'assureur a le droit soit de maintenir le contrat, moyennant une augmentation de prime acceptée par l'assuré, soit de résilier le contrat dix jours après notification adressée à l'assuré par lettre recommandée, en restituant la portion de la prime payée pour le temps où l'assurance ne court plus.
Dans le cas où la constatation n'a lieu qu'après un sinistre, l'indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés'».
En l'espèce, le contrat de bail commercial conclu le 10 juin 2005 entre la SCI MT et la société Cach Auto portaient sur les biens décrit comme suit':
«'Lesdlits biens loués consistent en un immeuble sis à [Adresse 4] ' «'Les Stations'». comprenant un terrain dune superficie de 6'292'm² entièrement clôturé sur lequel est édifié un bâtiment d'une superficie de 360'm²'».
La SCI MT a souscrit, le 30 juin 2004, une assurance multi-risques auprès de la société Mutuelles Régionales d'Assurances, aux droits de laquelle vient la société Thélem assurances, garantissant le risque incendie du local donné à bail commercial. Les conditions particulières signées de la SCI MT mentionnent qu'elle a expressément déclaré à son assureur que la superficie développée des locaux garantis en qualité de propriétaire non occupant n'excédaient pas 405'm².
La société Cach Auto a quant à elle souscrit une assurance pour les locaux donnés à bail, auprès de Monceau Générale Assurances, le 10 février 2009, en déclarant une superficie développée de 533'm².
La SCI MT n'explique pas les raisons pour lesquelles le preneur à bail commercial, la société Cach Auto aurait souscrit une assurance pour une superficie développée de bâtiments de 533'm² si la superficie louée était réellement moindre, soit 360'm² comme le stipule le contrat de bail.
En outre, le cabinet Elex a réalisé une expertise non judiciaire du bien incendié, à la demande de la société Monceau Générale Assurances, dont le rapport décrit les bâtiments comme suit':
«'Il s'agit d'un bâtiment industriel abritant une casse automobile.
Ce bâtiment appartient à la SCI MT représentée par Mme [V] [G] et M. [U] [W].
Ce bâtiment a été loué à la Sté Cach Auto représentée par son gérant M. [U] [W].
Il regroupe des bureaux, un hall de vente et de stockage de pièces détachées automobiles, une partie atelier démontage de véhicules représentant une superficie au sol de 533'm².
Le bâtiment point de départ du sinistre représente à lui seul une superficie d'environ 330'm² et les bureaux environ 30'm²'».
Cette expertise non judiciaire corrobore la déclaration du preneur à bail commercial auprès de son assureur sur le fait que la superficie développée des bâtiments était de 533'm². La société Thélem assurances qui n'avait pas la qualité de mandante de cette expertise, a elle-même retenu qu'il s'agissait de la surface réelle du bien assuré de sorte qu'elle a sollicité l'application de la règle proportionnelle de prime prévue à l'article L.113-9 du code des assurances.
Afin de mettre fin à leurs divergences sur le montant de la contribution due par la société Thélem assurances à la société Monceau Générale Assurances, les assureurs ont saisi l'instance arbitrale qui a rendu, le 10 février 2016, une sentence disant y avoir lieu à application de la règle proportionnelle de prime avec un coef'cient de 08,6, la surface développée déclarée étant de 405'm² au lieu d'une surface réelle de 533'm².
Il résulte de ces éléments que la SCI MT a fait une déclaration inexacte de la surface du bien à assurer auprès de la société Thélem assurances, de sorte que, même si la mauvaise foi n'est pas établie dans ses rapports avec son assureur, elle a commis une faute causant un dommage à la société Monceau Générale Assurances consistant en la limitation de son recours à l'encontre de la société Thélem assurances. La SCI MT doit ainsi réparer le dommage causé à la société Monceau Générale Assurances.
Il est justifié aux débats que la société Thélem assurances a précisé les tarifs applicables pour l'application de la règle proportionnelle de prime':
«'Cotisation incendie 397'€ pour 405'm²
Cotisation incendie 464'€ pour 533'm²
Cotisation responsabilité civile immeuble 11'€ (minimum)
La cotisation réglée s'élève à 408'€ (397 + 11) pour une cotisation due de 475'€ (464 + 11), soit un coefficient de réduction de 0.86'».
Le coefficient de réduction de 0,86 a été appliqué à l'évaluation des dommages de sorte que la société Thélem assurances n'a versé à la société Monceau Générale Assurances qu'une somme de 126'123,51 euros pour un montant de dommages retenu de 146'655,25 euros.
Il s'ensuit que le préjudice subi par la société Monceau Générale Assurances s'élève à la somme de 20'531,74 euros (146'655,25 - 126'123,51).
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que la faute commise par la SCI MT a un lien de causalité direct et certain avec le préjudice financier de 20'531,74 euros subi par la société Monceau Générale Assurances et condamné la SCI MT à payer à la société Monceau Générale Assurances la somme de 20'531,74 euros, en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2017.
Sur les dispositions accessoires
Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles. La SCI MT sera également condamnée aux dépens d'appel et à payer à la société Monceau Générale Assurances la somme de 1'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions';
Y AJOUTANT':
CONDAMNE la SCI MT à payer à la société Monceau Générale Assurances la somme de 1'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
CONDAMNE la SCI MT aux entiers dépens d'appel.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président à la Cour d'Appel d'ORLEANS et Madame Fatima HAJBI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT