La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2024 | FRANCE | N°23/00188

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Expropriations 2, 18 juin 2024, 23/00188


Décision du 18 Juin 2024
Minute n° 24/00161


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION
DE LA SEINE-SAINT-DENIS

JUGEMENT FIXANT INDEMNITÉS

du 18 Juin 2024

:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:

Rôle n° RG 23/00188 - N° Portalis DB3S-W-B7H-X62T

Le juge de l’expropriation du département de la SEINE-SAINT-DENIS


DEMANDEUR :


S.A. SOREQA
[Adresse 15]
représentée par Maître Geneviève CARALP DELION de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
DÉFENDEURS :<

br>Madame [D] [T]
[Adresse 14]
représentée par Maître Rachid ELMAM, avocat au barreau de PARIS

Madame [A], [W] [P]
[Adresse 25] (ALLEMAGNE)
rep...

Décision du 18 Juin 2024
Minute n° 24/00161

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION
DE LA SEINE-SAINT-DENIS

JUGEMENT FIXANT INDEMNITÉS

du 18 Juin 2024

:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:

Rôle n° RG 23/00188 - N° Portalis DB3S-W-B7H-X62T

Le juge de l’expropriation du département de la SEINE-SAINT-DENIS

DEMANDEUR :

S.A. SOREQA
[Adresse 15]
représentée par Maître Geneviève CARALP DELION de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
DÉFENDEURS :
Madame [D] [T]
[Adresse 14]
représentée par Maître Rachid ELMAM, avocat au barreau de PARIS

Madame [A], [W] [P]
[Adresse 25] (ALLEMAGNE)
représentée par Maître Rachid ELMAM, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [E] [P]
[Adresse 21]
représenté par Maître Rachid ELMAM, avocat au barreau de PARIS

Madame [O], [J] [P]
[Adresse 19]
représentée par Maître Rachid ELMAM, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [I] [P]
[Adresse 2]
représenté par Maître Rachid ELMAM, avocat au barreau de PARIS
INTERVENANT :
DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES - POLE D’EVALUATION DOMANIALE représentée par Monsieur [L] [M], commissaire du Gouvernement
[Adresse 13]

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Karima BRAHIMI, Vice-Présidente, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d’appel de Paris

Cécile PUECH, Greffière présente lors de la mise à disposition

PROCÉDURE :

Date de la visite des lieux : 12 mars 2024
Date de la première évocation et des débats : 07 mai 2024
Date de la mise à disposition : 18 Juin 2024

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [A], [W] [P], Madame [O], [J] [P], Madame [D] [T] veuve [P], Monsieur [E] [P] et Monsieur [I] [P] étaient propriétaires d’un bien immobilier situé [Adresse 17] à [Localité 27], sur la parcelle cadastrée section H n°[Cadastre 22], d’une superficie totale de 557,35 m².

Il s’agit d’un ensemble immobilier constitué d’un local d’activité et de deux hangars en enfilade se trouvant dans une zone mixte d’habitation, d’activité et de commerce. Pour une description plus précise des lieux, il conviendra de se reporter au procès-verbal du 12 mars 2024, annexé à la présente décision.

Les consorts [P] ont adressé une déclaration d’intention d’aliéner le bien mentionné ci-dessus, au prix de 697.000,00 euros, prix comprenant l’usufruit de Madame [D] [T] et les 4/5ème de nue-propriété de Madame [A] [P], Madame [O] [P], Monsieur [E] [P] et Monsieur [I] [P], à la mairie de [Localité 26] qui a réceptionné cette déclaration le 22 mars 2023.

Par décision du 27 septembre 2022, le président d’Est Ensemble a délégué à la Société de Requalification des Quartiers Anciens (SOREQA) le droit de préemption pour ledit bien.

La SOREQA a exercé son droit de préemption par une décision du 16 mai 2023 au prix de 240.000,00 euros. Elle a adressé cette décision aux consorts [P] par voie d’huissier.

Les consorts [P] ont refusé cette proposition par courrier du 10 juillet 2023 reçu le 12 juillet 2023,et maintenu le prix indiqué dans la déclaration d’intention d’aliéner.

Par une requête et un mémoire introductif d’instance enregistréreçu le 25 juillet 2023, la SOREQA a saisi le juge de l’expropriation du tribunal judiciaire de Bobigny en vue de la fixation du prix du bien préempté.

La SOREQA a justifié avoir consigné le 13 octobre 2023 une somme de 45.000,00 euros auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations, dûment notifiée.

Par ordonnance rendue le 13 novembre 2023, le juge de l’expropriation a fixé le transport sur les lieux au 12 mars 2024. Un procès-verbal de transport, annexé au présent jugement, a été établi à l’issue de ce transport et la date de l’audience de plaidoirie a été fixée au 07 mai 2024.

Les consorts [P] indiquent que l’une des indivisaires, Madame [D] [T] veuve [P], est décédée, sans toutefois produire d’acte de décès.

Dans ses dernières écritures récapitulatives datées du 3 mai 2024, la SOREQA sollicite la fixation du prix du bien des consorts [P] à hauteur de 240.000,00 euros sur la base d’une valeur retenue de 1.100 euros/m² pour les 4/5èmes des parts indivises en pleine propriété.

Dans ses écritures des 08 mars 2024 et 30 avril 2024, les consorts [P] sollicitent la fixation du prix d’acquisition de leur bien pour les 4/èmes de la pleine propriété à la somme de 1.025.524,00 euros, sur la base d’une valeur unitaire de 2.300 euros/m², outre la condamnation de la SOREQA au paiement de la somme de 4.800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par des conclusions reçues le 03 mai 2024, faisant suite à ses conclusions du 04 mars 2024, le commissaire du Gouvernement propose un prix de 291.200,00 euros sur la base d’une valeur unitaire fixée à 1.300 euros/m².

À l’audience du 07 mai 2024, les parties ont développé les éléments de leurs mémoires, en application des dispositions de l’article R311-20 du code de l’expropriation.

Il convient en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile de se référer aux prétentions et moyens développés dans les écritures des parties.

L’affaire a été mise en délibéré au 18 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’article L213-4 du code de l’urbanisme dispose qu’en matière de préemption, à défaut d’accord amiable, le prix d’acquisition est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation. Il est précisé que ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire, et notamment de l’indemnité de remploi.

Le même article prévoit que le prix est fixé, payé ou, le cas échéant, consigné selon les règles applicables en matière d’expropriation.

En matière de préemption, le juge fixe le prix d’acquisition en considération de la consistance matérielle et juridique des biens et de leur valeur à la date du jugement.

Sur les éléments préalables à la détermination du prix

1) Sur le droit applicable et la situation d’urbanisme

Selon les dispositions des articles L213-6 et L213-4 du code de l’urbanisme, la date de référence à prendre en compte en matière d’expropriation est la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant ou modifiant le plan local d’urbanisme ou le plan d’occupation des sols et définissant la zone dans laquelle est situé le bien.

En l’espèce, le bien est soumis au droit de préemption et n’est pas situé dans une ZAD.

Ainsi, il doit être évalué selon les possibilités offertes par les règles d’urbanisme définies par le plan local d’urbanisme intercommunal (PLU) d’Est-Ensemble dont la dernière modification a été approuvée le 03 novembre 2023 et plaçant le bien en zone UC.

2) Sur la consistance du bien et les surfaces

En l’espèce, il s’agit d’un ensemble immobilier constitué d’un local d’activité et de deux hangars situé, sur la parcelle cadastrée section H n°[Cadastre 22] d’une superficie totale de 557,35 m² selon attestation de mesurage.

La surface n’est pas discutée par les parties.

Le bien est dans un très mauvais état d’entretien, un mur étant pour partie effondré et d’autres endroits (locaux au premier étage) étant inaccessibles car menaçant de s’effondrer. Il convient de se reporter pour plus de détails au procès-verbal de transport dressé par le juge de l’expropriation et annexé à la présente décision.
Il sera observé que plusieurs arrêtés de mise en sécurité ont concerné ce bien immobilier : arrêté de mise en sécurité du 24 juillet 2020, arrêtés de mise en sécurité d’urgence en date des 2 juin 2022 et 30 janvier 2024.

Le bien est desservi par la ligne 7 du métro et est situé à proximité immédiate de la station [Localité 24]-[Localité 26] Quatre Chemins, proche du périphérique parisien. Il s’agit d’une situation géographique très favorable.

3) Sur la méthode

Les préemptés valorisent le bien selon trois méthodes d’évaluation : la méthode par capitalisation, la méthode du compte à rebours ou bilan promoteur et la méthode par comparaison.

- La méthode dite par “capitalisation” est une méthode d’évaluation qui permet d’évaluer la valeur d’un bien immobilier par son rendement financier, en appliquant un taux de capitalisation au loyer réel.

Les préemptés appliquent un taux de location annuel de 1115€/m² et estiment la valeur vénale du bien à 1.230.628,80 euros sur la base de cette méthode.

Le commissaire du Gouvernement observe que cette méthode concerne uniquement des projets définis et certains.

En l’espèce, il convient de relever que le bien n’est pas loué et qu’il n’était pas loué avant ladite procédure de préemption.
En outre, le tribunal observe que, bien que les préemptés se prévalent du fait que l’accès au local soit impossible du fait de la SOREQA, aucun projet réel de location de leur bien n’est démontré.
Enfin, et pour rappel, le bien est frappé de deux arrêtés de mise en sécurité d’urgence, ce qui rend une mise en location difficile.
Dès lors, au regard de l’ensemble de ces éléments, s’agissant d’un bien non loué ( au surplus difficilement louable), et par suite ne produisant aucun revenu et dont aucun rendement ne peut être déduit, il n’y a pas lieu d’appliquer cette méthode qui n’apparaît pas adaptée au calcul de la valeur dudit bien.

- Les préemptés se prévalent également de la méthode dite du “bilan promoteur” ou du “compte à rebours”. Toutefois, malgré de longs développements sur cette méthode, les préemptés ne proposent aucun chiffrage en application de cette méthode.
Faute de proposer, en application de cette méthode une évaluation chiffrée de la valeur du bien en litige, cette méthode sera écartée.

Enfin, sur la base de l’application de la méthode par comparaison, les préemptés évaluent la valeur vénale du bien à 1.281.905 euros, soit un montant supérieur à celui évalué en application de la méthode par capitalisation.

L’autorité préemptrice ainsi que le commissaire du Gouvernement appliquent de manière concordante la méthode par comparaison.

Dans ces conditions, cette méthode consistant à comparer les biens à évaluer à des cessions de biens équivalents qui ont eu lieu dans la période récente sur le marché immobilier local sera adoptée.

Comme il a été évoqué supra, la surface du bien préempté est de 557,35 m².

4) Sur la situation locative

L’ensemble des parties considère le bien comme libre de toute occupation, ce qui n’est pas contesté. Il sera évalué en valeur libre.

Sur la détermination du prix

Aux termes de l’article R311-22 du code de l’expropriation, le juge statue dans la limite des prétentions des parties, telles qu’elles résultent de leurs mémoires et des conclusions du commissaire du Gouvernement si celui-ci propose une évaluation inférieure à celle de l’expropriant. Si l’exproprié s’est abstenu de répondre aux offres de l’administration et de produire un mémoire en réponse, le juge fixe l’indemnité d’après les éléments dont il dispose.

En l’espèce, le juge fixe le prix en considération des termes de comparaison produits par la partie préemptrice, par la partie préemptée et par le commissaire du Gouvernement à un montant compris entre :

- 240.000,00 euros, montant offert par la partie préemptrice,
- 1.025.524,00 euros, montant demandé par la partie préemptée.

Il est précisé que le commissaire du Gouvernement propose une valeur de 291.200,00 euros.

Par ailleurs, s’agissant des termes de comparaison, il doit être précisé que ne peuvent être prises en considération comme références pertinentes que des ventes pour lesquelles les références de publication, l’adresse exacte avec le numéro de rue et la date exacte sont communiquées afin de pouvoir accéder aux actes de vente et connaître les caractéristiques des biens concernés ainsi que les modalités des transactions.

Dès lors, toutes les références qui ne respectent pas ces critères seront écartées.

1) Sur les termes de comparaison proposés par la SOREQA

Six termes de comparaison sont proposés par la SOREQA.

Termes
Date de mutation
Références cadastrales
Adresse
Prix de vente

Surface

Prix unitaire
€/m²
DEM n°1
29/10/2020
55//P/53//135
[Adresse 9]
[Localité 26]
1.600.000
1.323
1.209
DEM n°2
30/04/2021
55//P/53//323
[Adresse 9]
[Localité 26]
435.000
356,7
1.220
DEM n°3
09/07/2019
55//AG/207//
[Adresse 6]
[Localité 26]
428.960
452
949
DEM n°4
30/09/2020
55//AF/89//51
[Adresse 4]
[Localité 26]
555.555
636
874
DEM n°5
06/06/2019
55//P/53/318
[Adresse 9]
[Localité 26]
594.000
482,52
1.231
DEM n°6
20/06/2019
55//P/53//332
[Adresse 9]
[Localité 26]
785.000
677,85
1.158

La valeur moyenne de ces termes est de 1.106,83 euros/m², la SOREQA retient une valeur moyenne de 1.100 euros/m².

En raison de la vétusté du bien, la SOREQA applique un abattement de 50% et retient une valeur de 550 euros/m².

Les préemptés critiquent ces termes en faisant valoir que l’emploi de la méthode par comparaison nécessite de s’appuyer sur les mutations les plus récentes possibles. Or la SOREQA s’appuie sur des éléments de comparaison de 2019, 2020 et 2021.
Ils considèrent également que l’abattement pour vétusté doit être rejeté dès lors que la SOREQA est responsable de cette vétusté. Les préemptés font valoir que la vétusté découle du contentieux qui oppose la SOREQA à l’ensemble des copropriétaires du [Adresse 18] à [Localité 26]. Ils expliquent que la SOREQA, par ses diligences, a empêché les préemptés d’accéder à leur bien et d’effectuer les travaux nécessaires.

Le commissaire du Gouvernement a repris les termes de comparaison proposés par la SOREQA et a fourni leurs références de publication, ce qui permet au juge de l’expropriation de vérifier les caractéristiques des mutations. Il sera toutefois précisé que :
- le commissaire du Gouvernement a rectifié les termes :
DEM n°1 : il s’agit d’une surface de 945,20 m² ;
DEM n°4 : il s’agit d’une surface de 650 m².
- le commissaire du Gouvernement a repris les termes DEM n°1, 2 et 4 mais qu’il indique une adresse différente pour les termes DEM n°1 et 2.

Dès lors, compte tenu des rectifications importantes apportées par le commissaire du Gouvernement quant aux termes de la SOREQA et en l’absence de références de publication transmises par la SOREQA, pour les termes tels qu’elle les décrit (surfaces et adresses), ces termes ne peuvent pas être retenus en l’état.

S’agissant des termes DEM n°3, 5 et 6, qui ont une ancienneté de cinq années, seront par conséquent écartés.

2) Sur les termes de comparaison proposés par les consorts [P]

Douze termes de comparaison sont proposés par les consorts [P].

Termes
Date de mutation
Adresse
Prix de vente

Surface

Prix unitaire
€/m²
DEF n°1
21/12/2022
[Adresse 3]
[Localité 26]
2.455.259
292
8.408,42
DEF n°2
29/07/2022
[Adresse 8]
[Localité 26]
3.000.000
1.671
1.795,33
DEF n°3
27/09/2018
[Adresse 1]
[Localité 26]
423.200
340
1.410
DEF n°4
21/04/2023
[Adresse 20]
[Localité 26]
1.330.000
246
6.244,13
DEF n°5
22/09/2020
[Adresse 16]
[Localité 26]
620.000
67
9.253,73
DEF n°6
23/03/2022
[Adresse 11]
[Localité 26]
750.000
142
5.281,70
DEF n°7
19/07/2019
[Adresse 12]
[Localité 26]
3.720.000
1.183
3.144,54
DEF n°8
11/04/2022
[Adresse 7]
[Localité 26]
4.800.000
1.900
2.526,36
DEF n°9
14/04/2023
[Adresse 23]
[Localité 26]
2.050.000
612
3.349,67
DEF n°10
15/06/2023
[Adresse 9]
[Localité 26]
1.650.000
719
2.294,85
DEF n°11
25/07/2022
[Adresse 9]
[Localité 26]
840.000
364
1.561,34
DEF n°12
06/11/2020
[Adresse 5]
[Localité 26]
629.000
269
2.746,72

La valeur moyenne de ces biens est de 4.001,40 euros/m². Les consorts [P] retiennent une valeur moyenne de 3.506,73 euros/m² pour finalement retenir une base de calcul de 2.300 euros/m².

La SOREQA émet les critiques suivantes :
- Les termes DEF n°4 et 7 portent sur des biens d’habitation,
- Le terme DEF n°1 porte sur un terrain nu.

La SOREQA estime qu’il est nécessaire de prendre en compte la vétusté du bien dont elle n’est pas responsable. Elle fait valoir que la vétusté du bien avait été constatée à plusieurs reprises par un inspecteur assermenté et que des arrêtés de mise en sécurité ont été pris les 24 juillet 2020, 02 juin 2022 et 30 janvier 2024. Selon elle, l’intervention de la SOREQA a donc été plutôt curative au cas d’espèce.
La SOREQA souligne également qu’elle ne détient pas les clefs du local mais que celles-ci sont en la possession du maire de [Localité 26] qui les conserve pour assurer la sécurité des passants conformément à son pouvoir de police en matière de péril imminent et précise que la SOREQA et la Ville de [Localité 26] n’empêchent aucunement les consorts [P] d’accéder à leur propriété dès lors qu’ils ont la possibilité de demander la clé à la police municipale de [Localité 26].

Le commissaire du Gouvernement a repris les termes des consorts [P] et a fourni les références de publication au juge de l’expropriation. Il émet des observations et écarte chacun des termes proposés par les préemptés :
- DEF n°1 : il s’agit d’une vente de terrain comprenant des droits à construire, bien non comparable au bien préempté ; il rectifie le prix qui est d’un montant de 1.945 euros/m²,
- DEF n°2 : il s’agit d’un local à usage d’entrepôt et ateliers comprenant des vestiaires et sanitaires en sous-sol, des bureaux, une salle d’exposition, des sanitaires et locaux sociaux situés en rez-de-chaussée, en sous-sol et premier étage,
- DEF n°3 : il s’agit d’une mutation datant de 2018, le terme est trop ancien ; il rectifie le prix qui est d’un montant de 1.245 euros/m²,
- DEF n°4 : il s’agit d’une vente de huit appartements loués et générant des revenus, elle est donc non comparable ; il rectifie le prix qui est d’un montant de 5.406,50 euros/m²,
- DEF n°5 : la vente n’a pas été retrouvée et est donc rejetée,
- DEF n°6 : il s’agit d’une vente de magasin sur rue qui n’est donc pas comparable,
- DEF n°7 : il s’agit d’une vente de terrain accompagnée de droits à construire qui n’est donc pas comparable,
- DEF n°8 : il s’agit de locaux commerciaux et de bureaux qui sont loués et génèrent des revenus et ne sont donc pas comparables au bien préempté ; il rectifie le prix qui est d’un montant de 2.308 euros /m²,
- DEF n°9 : il s’agit d’un bien dont la superficie n’est pas précisée dans l’acte et comportant des bureaux, vestiaires et douches, le bien n’est donc pas comparable,
- DEF n°10 : il s’agit d’un bien comprenant un showroom, un entrepôt avec WC et à l’étage des bureaux avec WC, la mutation s’accompagne en outre d’une résiliation de bail commercial et doit être écartée ; il rectifie le prix qui est d’un montant de 1.996 euros/m²,
- DEF n°11 : l’acte de vente n’a pas pu être retrouvé, le terme doit être écarté,
- DEF n°12 : il s’agit d’un ensemble de bureaux, ce qui n’est pas comparable au bien préempté.

Les termes DEF n°5 et 11 dont les références n’ont pas pu être retrouvées seront écartés. En effet, l’absence de production des références de publication empêche le juge de l’expropriation de vérifier les caractéristiques de ces mutations.

Les termes DEF n°3 et 7 datant respectivement de 2018 et 2019 seront écartés car trop anciens pour consituer des références pertinentes.

Le commissaire du Gouvernement a rectifié les prix de vente et prix au m² des termes DEF n°1, 3, 4, 7, 8 et 10 en fournissant les références de publication. Les termes seront donc évalués selon les chiffres donnés par le commissaire du Gouvernement.

Le jour du transport, date de référence pour la consistance du bien, il a été constaté que les deux hangars étaient dans un très mauvais état d’entretien et il n’a pas été possible d’accéder à l’étage supérieur pour des raisons de sécurité, l’ensemble immobilier étant sous arrêté de péril.
S’agissant d’un bien dans un état vétuste et à l’abandon, il n’y a pas lieu de retenir des termes de référence correspondant à des biens aménagés. Les termes DEF n°2, 9, 10 et 12 seront donc écartés.

Le bien préempté est libre d’occupation, il n’y a donc pas lieu de le comparer à des biens occupés. Dès lors, les termes DEF n°4 et 8 seront écartés.

Le terme DEF n°6 correspond à la vente d’un magasin sur rue, soit une consistance qui n’est en aucun cas semblable avec celle du bien préempté. Ce terme sera donc écarté.

Le terme DEF n°1 porte sur un terrain nu comprenant des droits à construire, ce qui n’est pas le cas du bien en l’espèce. Ce terme sera donc écarté.

3) Sur les termes de comparaison proposés par le commissaire du Gouvernement

Quatre termes de comparaison sont proposés par le commissaire du Gouvernement.

Termes
Date de mutation
Références de publication
Adresse
Prix de vente

Surface

Prix unitaire
€/m²
CG n°1
29/10/2020
2020P06852
[Adresse 10]
[Localité 26]
1.600.000
945,20
1.692,76
CG n°2
30/04/2021
2021P04018
[Adresse 10]
[Localité 26]
435.000
356,70
1.219,51
CG n°3
30/09/2020
2020P06355
[Adresse 4]
[Localité 26]
555.555
650
854,70
CG n°4
16/11/2022
2020P33908
[Adresse 10]
[Localité 26]
950.000
659,36
1.440,79

La moyenne de ces termes est de 1.301,94 euros/m².

Le commissaire du Gouvernement retient une valeur de 1.300 euros/m² à laquelle il applique un abattement de 50% pour vétusté de bien et obtient une valeur de 650 euros/m².

Les préemptés soulignent que la valeur retenue par le commissaire du Gouvernement est inférieure à la valeur du terrain nu et contestent l’abattement pour vétusté.

La SOREQA n’émet pas d’observation relative aux conclusions du commissaire du Gouvernement.

Les termes de comparaison du commissaire du Gouvernement correspondent à des locaux à usage d’activités industrielles accompagnés d’un espace de stockage dont la consistance est dès lors très semblable à celle du bien préempté. Au surplus, il s’agit de biens situés sur la commune de [Localité 26] et dont les mutations ont été réalisées il y a moins de cinq années. Ces termes seront donc retenus.

4) Sur la valeur retenue

Lors du transport sur les lieux du 12 mars 2024, il a été constaté que le bien préempté était en très mauvais état d’entretien.
Or, l’entretien du bien incombait aux propriétaires et il n’est pas démontré en quoi l’intervention de la SOREQA aurait été à l’origine de la vétusté. Il ressort au contraire des écritures des parties que l’état du bien se dégradait bien avant l’intervention de l’autorité préemptrice, soit au moins depuis le premier arrêté de mise en sécurité du 24 juillet 2020 qui avait prescrit la réalisation de travaux, travaux qui n’ont jamais été réalisés par les consorts [P].
Enfin, les consorts [P] procède par allégation et ne démontrent par aucune pièce du dossier qu’ils ont été empêchés d’accéder à leur bien pour effectuer les travaux nécessaires.

Dès lors, il y a lieu de retenir un abattement de 50% pour vétusté.

Il s’ensuit qu’après examen des termes de comparaison soumis par les parties, seuls les termes de comparaison du commissaire du Gouvernement ont été jugés pertinents et seront retenus, la valeur moyenne retenue étant de 1.301,94 euros/m².

En l’espèce, il convient d’appliquer un abattement de 50% pour vétusté du bien, qui correspond à un élément de moins-value.

En conséquence, la valeur retenue pour l’évaluation du prix du bien est de 651 euros/m².

Soit un prix calculé comme suit :

651 euros/m² x 557,34 m² = 362.828,34

Il ressort de l’ensemble des développements précédents que le prix du bien est de 362.828,34 euros.

Compte tenu du fait que l’un des indivisaires, Monsieur [X] [P], n’est pas partie à la présente procédure, le droit des préemptés se calcule à hauteur des 4/5èmes de la valeur du bien en pleine propriété. Il est précisé que ce calcul a été adopté de manière concordante par les parties.

Par conséquent, la valeur du droit des préemptés est de : 362.828,34 x 4/5 = 290.262,67 euros, arrondi à la somme de 290.263 euros.

Sur les demandes accessoires

1) Sur les dépens

Aux termes de l’article L.312-1 du code de l’expropriation, l’expropriant supporte seul les dépens de première instance.

La SOREQA devra par conséquent supporter les dépens de la présente instance.

2) Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens à payer à l’autre partie, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, la somme qu’il détermine en tenant compte de l’équité. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En l'espèce, l’équité commande de condamner la SOREQA, partie tenue aux dépens, à verser aux consorts [P] la somme de 3.000 euros.

3) Sur l’exécution provisoire

En application de l’article 514-1 du code de procédure civile, le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire.

Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

Par exception, le juge ne peut écarter l'exécution provisoire de droit lorsqu'il statue en référé, qu'il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l'instance, qu'il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu'il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état.

Selon l’article L 213-7 alinéa 2 du code de l’urbanisme, en cas de fixation judiciaire du prix, et pendant un délai de deux mois après que la décision juridictionnelle est devenue définitive, les parties peuvent accepter le prix fixé par la juridiction ou renoncer à la mutation. Le silence des parties dans ce délai vaut acceptation du prix fixé par le juge et transfert de propriété, à l'issue de ce délai, au profit du titulaire du droit de préemption.

Aux termes de l’article L 213-14 du code de l’urbanisme, en cas d'acquisition d'un bien par voie de préemption ou dans les conditions définies à l'article L211-5, le transfert de propriété intervient à la plus tardive des dates auxquelles seront intervenus le paiement et l'acte authentique.

Le prix d'acquisition est payé ou, en cas d'obstacle au paiement, consigné dans les quatre mois qui suivent soit la décision d'acquérir le bien au prix indiqué par le vendeur ou accepté par lui, soit la décision définitive de la juridiction compétente en matière d'expropriation, soit la date de l'acte ou du jugement d'adjudication.

En cas de non-respect du délai prévu au deuxième alinéa du présent article, le vendeur peut aliéner librement son bien.

Le propriétaire qui a repris son bien dans les conditions prévues au présent article peut alors l'aliéner librement.

Ainsi, il résulte de l’ensemble de ces dispositions qu’un délai de trois mois est ouvert pour passer l’acte authentique de vente et qu’un délai de quatre mois est ouvert pour procéder au paiement. Le paiement est donc soit concomitant à l’acte, soit postérieur, mais il ne peut pas intervenir avant l’acte.

Or, un jugement en fixation du prix d’aliénation ne vaut pas acte authentique et par suite, l’exécution provisoire n’est pas compatible avec la préemption.

En l’espèce, s’agissant d’un jugement en fixation du prix d’aliénation du bien appartenant aux consorts [P] à l’occasion de la mise en oeuvre du droit de préemption de la SOREQA, il y a lieu en conséquence d’écarter l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Karima BRAHIMI, Vice-présidente, juge de l’expropriation, statuant publiquement par jugement contradictoire mis à disposition au greffe, rendu en premier ressort et susceptible d’appel :

ANNEXE à la présente décision le procès-verbal de transport du 12 mars 2024,

FIXE à la somme de 290.263 € (deux cent quatre-vingt-dix mille deux cent soixante-trois euros) en valeur libre le prix d’acquisition du bien pour les 4/5èmes de pleine propriété appartenant à Madame [A], [W] [P], Madame [O], [J] [P], Monsieur [E] [P] et Monsieur [I] [P] et situé [Adresse 17] à [Localité 27] sur la parcelle cadastrée section H n°[Cadastre 22],

CONDAMNE la SOREQA à payer à Madame [A], [W] [P], Madame [O], [J] [P], Monsieur [E] [P] et Monsieur [I] [P] la somme de 3.000 euros (trois mille euros) en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

ECARTE l’exécution provisoire,

CONDAMNE la SOREQA aux dépens.

Cécile PUECH

Greffier
Karima BRAHIMI

Vice-Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Expropriations 2
Numéro d'arrêt : 23/00188
Date de la décision : 18/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-18;23.00188 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award