TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 11 JUILLET 2024
Chambre 1/Section 2
AFFAIRE: N° RG 15/03066 - N° Portalis DB3S-W-B67-OOTY
N° de MINUTE : 24/00629
Madame [L] [T] veuve [W]
23 Allée de Patay
93220 GAGNY
représentée par Maître Thierry BAQUET de la SCP DOMINIQUE-DROUX ET BAQUET, avocats au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 191
DEMANDEUR
C/
Madame [G] [K] [W] épouse [B]
194 Rue Diderot
94500 CHAMPIGNY-SUR-MARNE
Madame [R] [Y] [W]
26 Chemin de la Fontaine Froide
94440 MAROLLE EN BRIE
représentées par Me Isabelle CELLIER, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 211
DEFENDEURS
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mme Sylviane LOMBARD, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Laurie SERVILLO, greffier.
DÉBATS
Audience publique du 25 Avril 2024.
JUGEMENT
Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement Contradictoire et en premier ressort, par Mme Sylviane LOMBARD, assisté de Madame Laurie SERVILLO, greffier.
Monsieur [Z] [W] est décédé le 25 décembre 2011 à Gagny (Seine-Saint-Denis). Il laisse pour lui succéder :
- son conjoint, Madame [L] [T], veuve [W] avec laquelle il a contracté mariage le 18 octobre 1997 en la mairie de Vincennes suivant contrat préalable de séparation de biens reçu par Me [C] notaire le 22 septembre 1997,
- ses filles : Mesdames [G] et [R] [W], issues de sa première union avec Madame [F] [A].
Suivant acte reçu en l’étude de Me [C], Monsieur [Z] [W] a fait donation à son épouse qui a accepté des quotité permises entre époux au jour de son décès sur les biens composant la succession.
De la succession dépendait notamment un fonds de commerce de brasserie initialement exploité par Monsieur [Z] [W] à GENNEVILLIERS sous l’enseigne ” le diplomate “, cédé au prix de 580 000€ le 12 juillet 2012 par les ayants droits du défunt.
Cette somme a été versée au compte CARPA de Me GELBLAT avocat et reversée pour un montant de 93752,28€ au compte de succession du notaire.
Suivant exploit du 2 janvier 2015, Madame [L] [T] a assigné Mesdames [G] et [R] [W] aux fins d’ouverture des opérations de compte liquidation partage.
La déclaration de succession n’a pu être établie dans les 6 mois du décès, en raison notamment de désaccords entre les ayants droits concernant l’existence discutée de prêts au passif contractés par le défunt auprès de sa mère.
La mère de Monsieur [Z] [W] est elle-même décédée le 4 avril 2012, et suivant assignation du 16 février 2015, Mme [O] [W] épouse [M] sœur du défunt a assigné ses nièces et sa belle- soeur afin qu’il soit tenu compte à l’actif de la succession des emprunts souscrits par Monsieur [Z] [W].
Suivant ordonnance de référé a été rendue le 11 février 2015, le président du tribunal de grande instance de Bobigny, saisi sur assignation des filles de Monsieur [Z] [W] faisant valoir l’existence d’anomalies dans la gestion du fonds de commerce dépendant de la succession de leur père imputées à leur belle-mère au cours de la période suivant le décès jusqu’à la vente, et le paiement litigieux de sommes au profit de tiers par Mme [L] [T] sans leur accord, a désigné un expert comptable aux fins d’analyser les comptes et les pièces comptables ainsi que la gestion du fonds de commerce “LE DIPLOMATE” par Madame [L] [T], entre le décès et la cession du fonds.
Par jugement du 6 juillet 2017, le tribunal a :
- sursis à statuer sur les demandes jusqu’au dépôt du rapport de Monsieur [I] expert missionné suivant ordonnance de référé du 11 février 2015,
- rappelé qu’à l’expiration du sursis l’instance sera poursuivie à l’initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d’ordonner, s’il y a lieu, un nouveau sursis.
- dit n’y avoir lieu a condamnation au titre des frais irrépétibles,
Le 9 mars 2020, [P] [X] est désigné expert par ordonnance en changement d'expert. Il a déposé son rapport le 29 décembre 2022.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 5 janvier 2024, auxquelles il est expressément fait référence, Mesdames [G] et [R] [W] ont demandé au tribunal de
- ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de feu Monsieur [Z] [W] en son vivant né à Vincennes (94) le 19 septembre 1953 et décédé le 25 décembre 2011 à Gagny (93)
- désigner tel notaire avec mission en pareille matière et plus particulièrement, sommer Madame [L] [T] de lever l'option permise en vertu de l'acte de donation entre époux le 13 octobre 2011, reconstituer l'actif et le passif de succession, rechercher ce que sont devenus les deux véhicules (DS3 et C2) ou leur prix de vente s'ils ont été cédés, se faire remettre tous les fonds qui pourraient être encore séquestrés en la comptabilité d'un autre notaire notamment le solde du prix de vente du fonds de commerce, se faire remettre tous les fonds qui pourraient être encore détenus en banque, évaluer le bien immobilier propre du défunt qui constituait le domicile conjugal et, fixer les droits du conjoint survivant sur le dit bien ; au besoin ordonne que le notaire désigné puisse s'adjoindre le service d'un sapiteur en évaluation foncière et immobilière, mais aussi éventuellement d'un nouvel expert-comptable aux fins de vérifier l'authenticité des detets des créanciers qui se sont faits payer sur les avoirs du compte CARPA, sans vérification et sans qualité de Madame [T] d'avoir à donner un « bon pou accord de paiement »,
- désigner un juge commis de ce tribunal pour surveiller les opérations de partage et faire rapport en cas de difficultés,
- ordonner que Madame [T] a agit sans droit au détriment des droits et actions des héritières réservataires, en donnant un mandat de gestion sans autorisation aucune ni qualité à agir, à Monsieur [E] et à la société [E] investissement d'une part, en donnant l'ordre de payer des créanciers sans aucun justificatif de la réalité des dettes d'autre part, et en conséquence :
- ordonner et condamner Madame [T] d'avoir à rapporter à l'actif de la succession les sommes suivantes :
47720 euros TTC, montant de la créance de [E] investissement
10000 euros TTC, montant des honoraires de négociation de la vente perçus par Monsieur [E]
5000 euros TTC, qualifiés d'injustifiés par l'expert lui-même, montant des honoraires de négociation en l'état de la première vente n'ayant pas abouti
10000 euros, montant de deux chèques émis au profit de ses propres parents
57733,18 euros, montant de l'excédent de caisse détourné
Les éventuelles sommes qui auraient été payées à des créanciers, sur le compte CARPA, hors vérification et alors qu'elles n'avaient pas qualité pour donner un « bon pour accord » aux fins de paiement
- ordonner à Madame [T] de devoir justifier du devenir des véhicules C2 et DS3 et d'en rapporter leur valeur au jour de l'ouverture de la succession ou de leur prix de revente éventuelle,
- condamner Madame [T] au paiement d'une somme de 3000 euros sur le fond de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de chacune des héritières réservataires Mesdames [G] et [R] [W],
- réserver les dépens de l'instance en ceux y compris les frais d’expertise judiciaire avancés par les concluantes, en frais privilégiés de partage.
Au soutien de leurs prétentions, elles ont notamment fait valoir que Madame [T] était l'épouse en seconde noce de [Z] [W], sous le régime de la séparation de biens ; qu'elle était bénéficiaire d'une donation entre époux selon acte notarié du 13 octobre 2011, mais qu'il n'est pas justifié du choix qu'elle aurait fait sur les quotités permises par la loi. Elles ont expliqué qu'il dépendait de la succession un fonds de commerce « Le Diplomate » à Gennevilliers, que Monsieur [W] a été hospitalisé peu après la donation du 13 octobre 2011, que la déclaration de succession n'a pas pu être effectuée en raison d'anomalies concernant la gestion du fonds de commerce entre le décès et la vente du 12 juillet 2012. Elles ont souligné que les 580000 euros correspondant au prix de cession ont été séquestrés entre les mains de Me Gerblat, avocat, lequel a procédé à des règlements avec l'accord de Mme [W] qui n'avait pas qualité à agir seule. Elles considèrent que le rapport d'expertise tient peu de leurs observations, que leur père a exploité le fonds jusqu’à deux semaines avant son décès et que Madame [T] et son ex mari Monsieur [E] ont investi sans aucun mandat l'établissement. Elles ont ajouté que l'expert n'a pas relevé qu'au décès de Monsieur [W], il n'a pas été nommé d'administrateur et il n'y a eu aucun mandat donné par elles en leur qualité d'héritières réservataires.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 8 décembre 2023, auxquelles il est expressément fait référence, Madame [L] [T] a demandé au tribunal de :
- ordonner qu'il soit procédé aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Monsieur [Z] [W], décédé à Gagny le 25 décembre 2011,
- désigner tel notaire qu'il lui plaira pour y procéder, à l'exception de Me [C], notaire à Vincennes (94), qui est le notaire de la famille [W] de très longue date ou d'un notaire du même office notarial, la SCP [C] FERTE SCHNEEGANS,
- désigner tel juge commissaire pour suivre les opérations de partage et faire rapport en cas de difficulté,
- dire qu'en cas d'empêchement du magistrat ou notaire commis, il sera procédé à son remplacement par ordonnance rendue sur simple requête de la partie la plus diligente,
- dire que, si besoin, le notaire pourra se faire communiquer tous renseignements bancaires concernant les parties et le de cujus directement auprès des établissements concernés sans que le secret professionnel puisse lui être opposé,
- fixer à la somme de 93.752,28 euros, soit le solde sur la vente du fonds de commerce après déduction de l'ensemble des dettes, la valeur du fonds de commerce La Diplomatie qui devra être retenue dans l'actif de la succession,
- débouter Mesdames [G] et [R] [W] de l'intégralité de leurs demandes,
- condamner Mesdames [G] et [R] [W] à verser chacune à Madame [L] [T]-[W] la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner à supporter les dépens en ce y compris les frais d'expertise judiciaire.
Elle a notamment fait valoir que l'expert judiciaire a répondu à l'ensemble des points soulevés par les demanderesses. Elle a expliqué qu'il a notamment rappelé qu'elle a fait appel à Monsieur [E] en raison de sa compétence en matière de cession d'entreprise, pour éviter une cessation d'activité, qu'il a relevé qu'elle a assumé la gestion du fonds de commerce dans un contexte difficile, que dans une telle période il y avait des charges supplémentaires, et que l'exploitation antérieure avait été gênée par les travaux du tramway et la maladie de Monsieur [W].
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se rapporter aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des prétention et des moyens.
A l'issue de la mise en état, la clôture de la procédure a été prononcée le 8 février 2024.
L'affaire a été fixée à l'audience du 25 avril 2024, mise en délibéré au 27 juin 2024 et prorogée au 11 juillet 2024.
MOTIFS
Sur l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage
Il résulte des dispositions des articles 815 et 816 du code civil que “nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention” et “le partage peut être demandé, même quand l’un des indivisaires a joui séparément de tout ou partie des biens indivis, s’il n’y a pas eu d’acte de partage ou une possession suffisante pour acquérir une prescription”.
L’article 840 du code civil dispose que le partage est fait en justice lorsque l’un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s’il s’élève des contestations sur la manière d’y procéder ou de le déterminer ou lorsque le partage n’a pas été autorisé ou approuvé dans l’un des cas prévus aux articles 836 et 837.
En l’espèce, les parties sollicitent l'ouverture des opérations de compte.
Dès lors, il convient de faire droit à leur demande.
En conséquence l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Monsieur [Z] [W] sera ordonnée.
Sur la désignation d’un notaire et d’un juge commis
Sur la complexité des opérations
L’article 1364 du code de procédure civile dispose que “si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations. Le notaire est choisi par les copartageants et, à défaut d’accord, par le tribunal.”
En l’espèce, l’existence de comptes à faire la consistance du patrimoine comprenant notamment un bien immobilier commandent de désigner un notaire pour y procéder et un juge pour en surveiller le déroulement.
Dès lors, il y a lieu de désigner Me [S] [J]
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aux fins de procéder aux opérations de liquidation et partage et un juge commis aux fins de surveiller ces opérations.
Sur la mission du notaire
Il y a lieu de rappeler qu’il entre dans la mission du notaire commis de dresser, dans le délai d’un an à compter de sa désignation, un état liquidatif qui établira la masse partageable, les comptes entre les copartageants, les droits des parties et les éventuels dépassements de la quotité disponible, ainsi que la composition des lots à répartir, chaque copartageant devant recevoir des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l’indivision.
A cette fin, il appartient au notaire de se faire remettre tout document utile à l’accomplissement de sa mission, notamment les comptes de l’indivision, d’examiner les sommes éventuellement dépensées pour le compte de celle-ci ou perçues pour son compte au titre des loyers, de déterminer, le cas échéant, les pertes ou avantages financiers résultant de l’occupation gratuite de certains biens dépendant de l’indivision et, par suite, les sommes susceptibles de revenir à chacun des copartageants.
En effet, chaque indivisaire peut être créancier de la masse au titre d’impenses qu’il a faites, de frais divers qu’il a acquittés, de la rémunération de sa gestion ou de ses travaux personnels comme débiteur de cette masse au titre d’une indemnité d’occupation, des pertes ou détériorations qu’un bien indivis aurait subi par sa faute, de la perception de fonds indivis qu’il n’aurait pas remis à l’indivision ou prélevés dans la caisse de celle-ci ou encore d’une avance en capital.
Aux termes de l'article 1368 du code de procédure civile susvisé, il appartiendra en particulier au notaire liquidateur de dresser un état liquidatif établissant les comptes entre les copartageants, la masse partageable et les droits de chacun d'eux.
En cas de situation de blocage durant le déroulement des opérations ou de désaccord ou carence des parties quant au projet de partage établi à leur terme, le notaire dressera un procès-verbal de difficultés accompagné de son projet d'état liquidatif et le juge commis pourra être saisi sur simple requête aux fins de conciliation conformément aux dispositions de l'article 1373 du code de procédure civile. Le tribunal tranchera le cas échéant les différends persistants dans le cadre d'une nouvelle instance et pourra homologuer le projet de partage dressé par le notaire délégué s'il est saisi à cette fin.
Concernant l'extension de la mission du notaire sollicitée par les demanderesses, il sera relevé qu'il appartient au notaire de se faire remettre tout document utile à l’accomplissement de sa mission, en ce compris les justificatifs relatifs aux véhicules.
Sur les demandes aux fins de voir des sommes rapportées à l'actif successoral
En application de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Concernant les sommes de 47.720 euros TTC, 10.000 HT et 5.000 euros HT
Au dispositif de leurs conclusions, Mesdames [R] et [G] [W] ont demandé au tribunal d'« ordonner et condamner Madame [T] d'avoir à rapporter à l'actif de la succession les sommes suivantes : 47720 euros TTC, montant de la créance de [E] investissement ; 10000 euros TTC, montant des honoraires de négociation de la vente perçus par Monsieur [E] ; 5000 euros TTC, qualifiés d'injustifiés par l'expert lui-même, montant des honoraires de négociation en l'état de la première vente n'ayant pas abouti ».
Madame [T] précise dans ces conclusions que les sommes de 10.000 euros HT et 5.000 euros HT sont inclusent dans le montant de 47.220 euros TTC.
Dans son rapport, Monsieur [X], expert écrit « (…) l'analyse de la rémunération des prestations de [E] Investissements d'un montant total de 39.900 euros hors taxes (47.720,40 toutes taxes comprises) montre qu'elle comprend une rémunération de 10.000 euros hors taxes concernant son entremise sur deux projets successifs d'acquisition du fonds de commerce après l'échec du premier projet. Au terme d'une approche contractuelle il est apparu une facturation non fondée de [E] Investissement d'un montant de 5.000 euros hors taxes ».
Dès lors, il apparaît que les demanderesses sollicitent à tort la réintégration à l'actif successoral des trois sommes 47.720 euros TTC, 10.000 HT et 5.000 euros HT, la somme de 10.000 HT étant comprise dans le montant total de 39.900 euros HT (47.720 TTC) et la somme de 5.000 euros HT étant une composante du total de 10.000 euros HT, elle-même une composante de la somme de 47.720 euros TTC.
Il ressort du rapport de Monsieur [X] expert, que [Z] [W] exploitait son fonds de commerce en nom propre « jusqu'à son décès intervenu le 25 décembre 2011. Son épouse [L] [T] veuve [W] (partie défenderesse), coiffeuse à domicile, l'aidait à la préparation des plats en cuisine. Son épouse a alors fait appel à Monsieur [D] [E], son ancien conjoint, pour éviter une cessation d'activité et donc dans le but de poursuivre l'exploitation le temps de céder le fonds de commerce dont la vente interviendra le 12 juillet 2012. L'entité [E] investissement de Monsieur [D] [E] est également partie défenderesse à l'expertise ».
Dans leurs écritures, Mesdames [R] et [G] [W] ont indiqué, sans que cela ne soit contesté, qu'au décès du chef d'entreprise « aucun administrateur n'a été désigné et les requérantes n'ont pas été consultées sur l'intervention de la société [E] INVESTISSEMENTS », précisant que Monsieur [E] était le premier époux de Madame [T].
Dans ses écritures Madame [L] [T] indique qu'elle « était au demeurant bien habilité à gérer le fonds puisqu'elle était mentionnée en qualité de conjoint collaborateur sur le KBIS et que Monsieur [W] l'avait bien désignée comme tel auprès de la chambre de commerce et d'industrie de Paris le 12 juillet 2010 ».
Elle produit un extrait KBIS au 14 novembre 2011 duquel il ressort que Madame [L] [T] est « conjoint collaborateur article L121-4 ».
Aux termes de l'article L121-4 du code de commerce, dans sa version en vigueur du 6 août 2008 au 24 mai 2019,
I. - Le conjoint du chef d'une entreprise artisanale, commerciale ou libérale qui y exerce de manière régulière une activité professionnelle opte pour l'un des statuts suivants :
1° Conjoint collaborateur ;
2° Conjoint salarié ;
3° Conjoint associé.
II. - En ce qui concerne les sociétés, le statut de conjoint collaborateur n'est autorisé qu'au conjoint du gérant associé unique ou du gérant associé majoritaire d'une société à responsabilité limitée ou d'une société d'exercice libéral à responsabilité limitée répondant à des conditions de seuils fixées par décret en Conseil d'Etat.
Le choix effectué par le conjoint du gérant associé majoritaire de bénéficier du statut de conjoint collaborateur est porté à la connaissance des associés lors de la première assemblée générale suivant la mention de ce statut auprès des organismes mentionnés au IV.
III. - Les droits et obligations professionnels et sociaux du conjoint résultent du statut pour lequel il a opté.
IV. - Le chef d'entreprise déclare le statut choisi par son conjoint auprès des organismes habilités à enregistrer l'immatriculation de l'entreprise. Seul le conjoint collaborateur fait l'objet d'une mention dans les registres de publicité légale à caractère professionnel.
V. - La définition du conjoint collaborateur, les modalités selon lesquelles le choix de son statut est mentionné auprès des organismes visés au IV et les autres conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
Aux termes de l'article L 121-6 du code de commerce en vigueur du 3 août 2005 au 1er janvier 2023, le conjoint collaborateur, lorsqu'il est mentionné au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers ou au registre des entreprises tenu par les chambres de métiers d'Alsace et de Moselle est réputé avoir reçu du chef d'entreprise le mandat d'accomplir au nom de ce dernier les actes d'administration concernant les besoins de l'entreprise.
Par déclaration faite devant notaire, à peine de nullité, chaque époux a la faculté de mettre fin à la présomption de mandat, son conjoint présent ou dûment appelé. La déclaration notariée a effet, à l'égard des tiers, trois mois après que mention en aura été portée au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers ou au registre des entreprises tenu par les chambres de métiers d'Alsace et de Moselle. En l'absence de cette mention, elle n'est opposable aux tiers que s'il est établi que ceux-ci en ont eu connaissance.
La présomption de mandat cesse également de plein droit en cas d'absence présumée de l'un des époux, de séparation de corps ou de séparation de biens judiciaire, de même que lorsque les conditions prévues au premier alinéa ci-dessus ne sont plus remplies.
Il en résulte qu'un pouvoir de représentation du chef d'entreprise est attaché à la qualité de conjoint collaborateur et qu'il peut accomplir les actes d'administration concernant les besoins de l'entreprise, par opposition aux actes de disposition.
Il est admis en outre que s’il reçoit mandat pour accomplir des actes d’administration pour les besoins de l’entreprise, le conjoint collaborateur ne devient pas pour autant titulaire des contrats conclus.
En l'espèce, concernant la somme de 47.720 euros TTC, il ressort de l'expertise que Madame [T] a fait appel la société de Monsieur [E] « dans le but de poursuivre l'exploitation le temps de céder le fonds de commerce dont la vente interviendra le 12 juillet 2012 ». Or, son statut de conjoint collaborateur était lié à l'existence de Monsieur [Z] [W], lequel était titulaire des contrats que Madame [T] pouvait passer en qualité de conjoint collaborateur. En outre, le pouvoir de représentation attribué au conjoint collaborateur est lié au chef d'entreprise. Mais Madame [T] n'avait plus ce pouvoir de représentation, son conjoint étant décédé.
L'expert ne conteste pas le prix fixé de 47.720 euros TTC fixé par la société [E] INVESTISSEMENT, mais ce constat est indépendant du pouvoir du conjoint collaborateur.
Dès lors, il convient de relever que c'est à bon droit que les demanderesses relèvent que « la veuve a agi de son plein gré ».
En outre concernant la somme de 10.000 euros (comprise dans le total de 47.720 TTC) il sera ajouté que cette somme correspond au montant des honoraires de négociation de la vente perçus par Monsieur [E]. La vente est un acte de disposition, lequel n'entre pas dans les pouvoirs du conjoint collaborateur, et aucune pièce ne permet d'établir que Madame [T] avait reçu un mandat spécial.
En conséquence, il convient de condamner Madame [T] à rapporter à l'actif successoral la somme de 47.720 euros TTC, montant de la rémunération SUFRE INVESTISSEMENT.
Concernant la somme de 10.000 euros montant des deux chèques émis au profit des parents de Madame [T]
L'expert écrit dans son rapport que « Les prêts des époux [T] (…) ont été documentés aux opérations d'expertise, de même que leurs remboursements intervenus postérieurement au 12 juillet 2012. Ces prêts ont été justifiés comme suit aux opérations d'expertise et sont en lien avec la reprise de l'activité tabac à partir du 15 février 2012 ».
Il en ressort que les époux [T] ont essayé d'aider leur fille dans un commerce dans lequel ils n'ont pas d'intérêts personnels et que cette somme ne fait pas partie de la succession.
En conséquence, Mesdames [R] et [G] [W] seront déboutées de leur demande aux fins de voir condamner Madame [L] [T] à rapporter à l'actif de la succession la somme de 10.000 euros versée par chèque à ses parents.
Concernant la somme de 57.733,18 euros
En l'espèce, mes défenderesses demandent que Madame [T] soit condamner à rapporter à l'actif de la succession la somme de 57.733,18 euros, en tant que montant de l'excédent de caisse détourné.
L'expert écrit dans son rapport du 29 décembre 2022 « Toutefois, l'expert attire l'attention du tribunal sur le fait que les travaux d'expertise ont mis en évidence que l'expert comptable a comptabilisé pour clôturer les comptes au 12 juillet 2012 une écriture au compte courant de l'exploitant d'un montant de 57.733,18 euros sous l'intitulé « prélèvement caisse ». cette écriture signifie que l'expert-comptable a régularisé un solde de caisse anormalement élevé au 12 juillet 2012. Il en résulte des travaux d'expertise qui ont été limités par le défaut de production des justificatifs des recettes en 2012 que cet excédent signifie que soit des recettes ont pu être détournée ; soit des recettes ont pu être comptabilisées par erreur en trop ; soit ces deux hypothèses peuvent se combiner ».
Dès lors, en considération des pièces produites et de l'avis de l'expert, il n'est pas établi en l'état que la somme de 57.733,18 euros correspond à un détournement d'un excédent de caisse par celle qui en a pris la gestion.
En conséquence, Mesdames [R] et [G] [W] seront déboutées de leur demande aux fins de voir condamner Madame [L] [T] à rapporter à l'actif de la succession la somme de 57.733,18 euros.
Sur les dépens
Les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties à proportion de leur part dans l’indivision, en ceux compris les frais d'expertise,
Sur les frais irrépétibles
En l’absence de condamnation aux dépens et de partie succombante, il convient de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles exposés.
Les parties seront donc déboutées de leurs demandes à ce titre.
Sur l’exécution provisoire
L'exécution provisoire de droit sera rappelée.
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en premier ressort
ORDONNE qu’il soit procédé aux opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté et de l’indivision post communautaire entre
DESIGNE, pour procéder aux opérations de compte liquidation partage :
Me [S] [J]
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ou tout autre notaire de l'étude en cas d'indisponibilité,
DESIGNE tout magistrat de la chambre 1 en qualité de juge commis pour surveiller le déroulement des opérations de liquidation,
DIT qu’une copie de la présente décision sera transmise au notaire désigné qui en cas d'indisponibilité fera informer sans délai le juge commis de l'identité du notaire de l'étude procédant à la mission,
CONDAMNE Madame [T] à rapporter à l'actif successoral la somme de 47.720 euros TTC, montant de la rémunération [E] INVESTISSEMENT,
RAPPELLE que les sommes de 10.000 euros HT et 5.000 euros HT sont comprises dans la somme de 47.720 euros TTC,
DEBOUTE Mesdames [R] et [G] [W] de leur demande aux fins de voir condamner Madame [L] [T] à rapporter à l'actif de la succession la somme de 10.000 euros versée par chèque à ses parents,
DEBOUTE Mesdames [R] et [G] [W] de leur demande aux fins de voir condamner Madame [L] [T] à rapporter à l'actif de la succession la somme de 57.733,18 euros.
DIT qu’il appartiendra au notaire de :
- convoquer les parties et leur demander la production de tous les documents utiles à l’accomplissement de sa mission
- fixer avec elles un calendrier comprenant les diligences devant être accomplies par chacune d’elles et la date de transmission de son projet d’état liquidatif, étant précisé que ce calendrier sera communiqué par le notaire aux parties et au juge commis
- dresser dans le délai d’un an à compter de l’envoi de la présente décision, un état liquidatif qui fixe la date de jouissance divise, établit les comptes entre les copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir, étant précisé que ce délai est suspendu dans les cas visés à l'article 1369 du code de procédure civile;
DIT que sous réserve des points déjà tranchés, les parties justifieront auprès du notaire de leurs créances à inscrire au compte de l’indivision ou des créances entre elles
DIT que le notaire commis pourra, si nécessaire, interroger les fichiers FICOBA et FICOVIE
DIT que conformément à l'article R444-61 du code de commerce, les parties devront verser directement entre les mains du notaire et dès le premier rendez-vous fixé , une provision à valoir sur les émoluments frais et débours sauf bénéfice de l'aide juridictionnelle
RAPPELLE que :
-le notaire commis pourra s’adjoindre si la valeur ou la consistance des biens le justifie, un expert choisi d’un commun accord entre les parties ou à défaut désigné par le juge commis
-en cas de défaillance d’un indivisaire, la procédure des articles 841-1 du code civil et 1367 du code de procédure civile est applicable
- le notaire devra rendre compte des difficultés rencontrées au juge commis auprès duquel il pourra solliciter toute mesure de nature à faciliter le déroulement des opérations ( injonctions , astreintes, désignation d’un expert en cas de désaccord , désignation d’un représentant à la partie défaillante, conciliation en sa présence devant le juge)
- si un acte de partage amiable est établi, le notaire devra en informer le juge commis qui constatera la clôture de la procédure étant rappelé que les copartageants peuvent, à tout moment, abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage à l’amiable,
-en cas de désaccord des copartageants sur le projet d’état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier devra transmettre au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties exprimant les points d'accord et de désaccord subsistants ainsi que le projet d'état liquidatif,
-dans ce cas, à défaut de conciliation devant le juge commis, les parties seront invitées à conclure sur ces points de désaccord,
-les demandes qui ne seraient pas comprises dans le rapport du juge commis encourent l'irrecevabilité de l'article 1374 du code de procédure civile
-en cas d’empêchement, le notaire et le magistrat commis pourront être remplacés par simple ordonnance rendue sur requête,
DIT que, concernant l'extension de mission sollicitée par Mesdames [R] et [G] [W], qu'il appartient au notaire de se faire remettre tout document utile à l’accomplissement de sa mission, en ce compris les justificatifs relatifs aux véhicules,
Dans l’attente de l’établissement du projet d’état liquidatif,
RENVOIE l’affaire à l’audience du juge commis du 14 novembre 2024 à 13h30
-Invite les parties à constituer avocat si ce n'est déjà fait
-Invite les parties et le notaire à renseigner le juge commis pour la date fixée, de l’état d’avancement des opérations ;
DIT que cette information sera faite :
- pour les parties représentées par un avocat, par RPVA
- à défaut de représentation par avocat et pour le notaire désigné ou le président de la chambre des notaires, par courrier électronique à l’adresse “liquidations-partages-1ere-chambre.tj-bobigny@justice.fr”
RAPPELLE qu’à défaut pour les parties d’accomplir ces diligences au fur et à mesure des opérations de liquidation, l’affaire sera supprimée du rang des affaires en cours,
DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties à proportion de leur part dans l’indivision, en ceux compris les frais d'expertise,
DÉBOUTE les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit,
Ainsi JUGÉ et PRONONCÉ, par mise à disposition au greffe, conformément aux articles 450 et 456 du code de procédure civile, le 11 juillet 2024, la minute étant signée par Sylviane LOMBARD, Vice-Présidente, et Laurie SERVILLO Greffière :
La Greffière La Présidente