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24/07/2024 | FRANCE | N°21/01584

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 21, 24 juillet 2024, 21/01584


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY



JUGEMENT CONTENTIEUX DU 24 JUILLET 2024



Chambre 21
AFFAIRE: N° RG 21/01584 - N° Portalis DB3S-W-B7F-U5YZ
N° de MINUTE : 24/00383

S.A. AXA FRANCE IARD (victime [I]) - prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 5] / FRANCE
représentée par Me [L], avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0577

DEMANDEUR

C/

ONIAM
[X]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Maître Pierre RAVAUT de la SELARL BIROT RAV

AUT ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX, vestiaire : Me Nadia DIDI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 78

DÉFENDEU...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 24 JUILLET 2024

Chambre 21
AFFAIRE: N° RG 21/01584 - N° Portalis DB3S-W-B7F-U5YZ
N° de MINUTE : 24/00383

S.A. AXA FRANCE IARD (victime [I]) - prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 5] / FRANCE
représentée par Me [L], avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0577

DEMANDEUR

C/

ONIAM
[X]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Maître Pierre RAVAUT de la SELARL BIROT RAVAUT ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX, vestiaire : Me Nadia DIDI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 78

DÉFENDEUR

Caisse PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LOIRE
[Adresse 1]
[Localité 4]
défaillant

INTERVENANTE FORCÉE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Karima BRAHIMI, Vice-Présidente, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assistée aux débats de Monsieur Maxime-Aurélien JOURDE, greffier des services judiciaires.

DÉBATS

Audience publique du 22 Mai 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement Réputé contradictoire et en premier ressort, par Madame Karima BRAHIMI, Vice-Présidente, assistée de Monsieur Maxime-Aurélien JOURDE, greffier.

****************

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [I], hémophile, a reçu la transfusion de produits sanguins.

Le 09 décembre 1993, il a été diagnostiqué porteur du virus de l'hépatite C (VHC).

Imputant sa contamination aux transfusions reçues, Monsieur [I] a saisi l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) d'une demande d'indemnistation amiable.

Ne contestant pas l'origine transfusionnelle de la contamination de Monsieur [I], l'ONIAM, soutenant avoir indmnisé Monsieur [I] à hauteur de 60643 euros, a sollicité la garantie de la société AXA FRANCE IARD, assureur du centre de transfusions sanguines (CTS) de Chambéry.

En l'absence de réponse, l'ONIAM a émis à l'encontre de la société AXA FRANCE IARD un titre exécutoire n° 2018-720 pour un montant de 60643 euros.

La société AXA FRANCE IARD a saisi la juridiction administrative qui s' est déclarée incompétente.

La société AXA FRANCE IARD a alors assigné devant ce tribunal l'ONIAM par acte du 08 février 2021 et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de la Loire par acte du 24 janvier 2024.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 13 mars 2024, la société AXA FRANCE IARD sollicite notamment :

A titre principal :

- de déclarer l'ONIAM irrecevable à émettre le titre exécutoire n°720 d'un montant de 60643 euros à l'encontre de la société AXA FRANCE IARD,

Par conséquent,

- d'annuler le titre exécutoire n°720 d'un montant de 60 643 euros émis par l'ONIAM à l'encontre de la société AXA FRANCE IARD,

- de déclarer irrecevable l'ONIAM en ses demandes de condamnation formées à l'encontre de la société AXA FRANCE IARD ou, à tout le moins, les JUGER mal fondées,

- de débouter l'ONIAM de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société AXA FRANCE IARD,

- d'ordonner la décharge au profit de la société AXA FRANCE IARD de la somme de 60643 euros,

A titre subsidiaire :

- de juger que le titre exécutoire n°720 émis par l'ONIAM est entaché d'irrégularités de forme et de fond,

- de juger que l'ONIAM ne démontre pas l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible à l'égard de la société AXA FRANCE IARD,

- de juger que l'ONIAM ne démontre pas de la responsabilité d'un centre de transfusion sanguine assuré dans la survenue de la contamination de Monsieur [I],

- de juger que l'ONIAM ne démontre pas du bienfondé et du quantum de la créance alléguée,

- de juger que l'ONIAM ne démontre pas que la garantie de la société AXA FRANCE IARD
serait acquise,

Par conséquent :

- d'annuler le titre exécutoire n°720 d'un montant de 60643 euros émis par l'ONIAM à l'encontre de la société AXA FRANCE IARD,

- de déclarer irrecevable l'ONIAM en ses demandes de condamnation formées à l'encontre de la société AXA FRANCE IARD ou, à tout le moins, les JUGER mal fondées,

- de débouter l'ONIAM de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société AXA FRANCE IARD,

- d'ordonner la décharge au profit de la société AXA FRANCE IARD de la somme de 60643 euros,

A titre plus subsidiaire :

- de débouter l'ONIAM de sa demande de fixation de point de départ des intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2017 avec capitalisation de ces intérêts par période annuelle à compter du 13 juillet 2018 et, à défaut, FIXER le point de départ des intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,

En tout état de cause :

- de condamner l'ONIAM à verser à la société AXA France IARD la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens, dont distraction au profit de Maître Julie VERDON.

La société AXA FRANCE IARD soutient que l'ONIAM est irrecevable a émettre le titre en litige dès lors que, d'une part, l'office ne justifie pas avoir préalablement indemnisé la victime et que, d'autre part, lors de l'émission dudit titre, la prescription d'assiette était acquise.

La société requérante ajoute que le titre émis par l'ONIAM est entaché de plusieurs irrégularités formelles dès lors que ce titre n'est pas signé et est insuffisamment précis quant aux bases de liquidation de la créance.

Ensuite, la société AXA FRANCE IARD considère que le titre émis est entaché d'irrégularité de fond dès lors que la créance alléguée n'est pas bien-fondée. Ainsi, la société demanderesse expose que l'ONIAM ne démontre pas la responsabilité du centre de transfusion sanguine (CTS) de Chambéry dans la survenue de la contamination de Monsieur [I] par le virus de l'hépatite C dès lors qu'il ne sont pas démontrés : l'origine transfusionnelle de la contamination, la fourniture par le CTS de Chambéry de produits sanguins administrés à la victime, la date certaine de la contamination.

La société requérante soutient également qu'il n'est pas démontré par l'ONIAM que les transfusions litigieuses se seraient produites pendant la période de validité du contrat d'assurance souscrit auprès de la société AXA FRANCE IARD.

Enfin, la société AXA FRANCE IARD conteste le quantum de la créance alléguée.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 19 février 2024, l'ONIAM sollicite notamment :

A titre principal :

- de débouter la compagnie AXA FRANCE IARD de l'ensemble de ses demandes d'annulation du titre n° 2018-720 émis par l'ONIAM,

- de constater que l'ONIAM est compétent pour émettre des titres exécutoires en recouvrement de créances subrogatoires,

- de constater le bien-fondé de la créance de l'ONIAM objet du titre n° 2018-720 émis par l'ONIAM,

- de constater la régularité formelle du titre n° 2018-720 émis par l'ONIAM
Par conséquent :
- de juger que l'ONIAM est parfaitement fondé à solliciter la somme de 60.643 € au titre des indemnités versées par l'ONIAM à Monsieur [I],

A titre subsidiaire :

- de condamner la compagnie AXA FRANCE IARD à régler à l'ONIAM la somme de 60.643 € au titre des indemnités versées par l'ONIAM à Monsieur [I],

En toute hypothèse :

- de condamner à titre reconventionnel la compagnie AXA FRANCE IARD aux intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2017, avec capitalisation de ces intérêts à compter du 13 juillet 2018,

- de condamner la compagnie AXA FRANCE IARD à verser à l'ONIAM une somme de 3.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ONIAM, après avoir rappelé qu'il bénéficie du pouvoir d'émettre un titre de recette en tant qu'établissement public administratif, sollicite, à titre préliminaire, que le tribunal examine prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé des titres, avant d'examiner les moyens portant sur la régularité formelle de ces titres.

S'agissant de la prescription, l'ONIAM soutient que le seul délai applicable est celui de la prescription de la créance, que la prescription d'assiette n'est pas un délai attaché au pouvoir de l'administration d'émettre des titres, qui viendrait s'ajouter, et moins encore se substituer, à la prescription de la créance ou de l'action de l'ONIAM et qu'il doit donc être retenu que le seul délai qui s'impose à l'ordonnateur est celui de la prescription de l'action qu'il peut engager à l'encontre des assureurs. L'office précise avoir indemnisé Monsieur [I] à titre amiable en application des dispositions de l'article L 1221-14 du code de la santé publique, que l'ONIAM n'a donc pas indemnisé en substitution de l' EFS, mais au titre de la solidarité nationale, et que seule la prescription décennale est applicable.

Sur le bien-fondé de la créance, l'office soutient qu'au regard des pièces du dossier, certificats médicaux, carnet d'hémophile et enquête transfusionnelle, la matérialité des transfusions et de l'origine transfusionnelle de la contamination de Monsieur [I] par le VHC sont établies rappelant que l'expertise judiciaire n'est pas obligatoire. L'office ajoute que l'enquête transfusionnelle précise bien que les produits proviennent du " site de CHAMBERY ", sous-entendu, le CTS de CHAMBERY. Le défendeur considère également que la compagnie AXA FRANCE IARD qui oppose l'absence de connaissance précise de la date de contamination tente d'opérer un renversement de la charge de la preuve dès lors que, comme le rappelle la jurisprudence, c'est bien à l'assureur, en tant que partie au contrat d'assurance, qu'il appartient de prouver que le fait générateur se serait produit en dehors de la période de couverture assurantielle et que c'est sur la compagnie AXA FRANCE IARD que repose la charge de la preuve de l'innocuité des produits administrés à Monsieur [I], innocuité qu'elle ne démontre pas.

S'agissant du contrat d'assurance, l'ONIAM soutient qu'il produit la police n°10.392.694 qui couvre la période du 17/06/1981 au 31/12/1981, qu'il est bien précisé sur cette police qu'elle remplace la précédente police n° 6.734.541, qu'il est ainsi justifié que le site de Chambéry était bien assuré auprès d'AXA avant 1981 et qu'en tout état de cause, AXA ne conteste pas être l'assureur du CTS de la Savoie (Chambéry) durant cette période.

L'ONIAM soutient enfin qu'il justifie du montant de sa créance.

S'agissant de la légalité externe du titre émis, l'office expose justifier de l'indemnisation de la victime en produisant l'attestation de paiement et avoir suffisamment motivé les bases de liquidation de la créance.

La CPAM de la Loire n'a pas constitué avocat.

Il convient en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile de se référer aux prétentions et moyens développés dans les écritures des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 mars 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 22 mai 2024. La décision a été mise en délibéré au 04 septembre 2024 avancée au 24 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, sur l'ordre d'examen des moyens

Aux termes de l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois, l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

L'article 5 du code précité prévoit que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

Dans un avis rendu le 28 juin 2023, la cour de cassation a indiqué qu'en application des articles 4 et 5 du code de procédure civile, il incombe au juge judiciaire d'examiner, d'abord, la demande principale formée par le débiteur en annulation du titre exécutoire émis par l'ONIAM pour un motif d'irrégularité formelle, puis, le cas échéant, sa demande subsidiaire en annulation du titre exécutoire pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre et les demandes reconventionnelles formées par l'ONIAM.

Par conséquent, les moyens sont examinés dans l'ordre choisi par la société AXA France IARD, demanderesse.

Sur la recevabilité de l'ONIAM à émettre le titre en litige

1/ Sur la preuve de l'indemnisation préalable de la victime

L'article L1221-14 alinéa 7 du code de la santé publique énonce que, "?lorsque l'office a indemnisé une victime ou lorsque les tiers payeurs ont pris en charge des prestations mentionnées aux 1 à 3 de l'article 29 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, ils peuvent directement demander à être garantis des sommes qu'ils ont versées ou des prestations prises en charge par les assureurs des structures reprises par l'Établissement français du sang en vertu du B de l'article 18 de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire de produits destinés à l'homme, de l'article 60 de la loi de finances rectificative pour 2000 (n°2000-1353 du 30 décembre 2000) et de l'article 14 de l'ordonnance n°2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine, que le dommage subi par la victime soit ou non imputable à une faute".

L'article 1342-8 du code civil énonce que le paiement se prouve par tout moyen.

La société AXA FRANCE IARD soutient que l'ONIAM ne démontre pas avoir indemnisé Monsieur [I] à hauteur de la somme réclamée. Elle soutient que le fait d'avoir annexé au titre deux protocoles d'indemnisation transactionnelle ne saurait justifier de ladite indemnisation et qu'il en va de même de l'attestation de paiement établie pour les besoins de la cause, l'attestation n'étant accompagnée d'aucun justificatif de règlement (copie de chèque, justificatif de virement etc.) et l'ONIAM ne pouvant se constituer de preuve à lui-même.

L'ONIAM soutient qu'il produit l'attestation de paiement, que cette attestation est signée de l'agent comptable de l'ONIAM et que les attestations de paiement sont émises et signées par un agent comptable public, qui engage sa responsabilité, et font foi du paiement des sommes à la victime.

En l'espèce, l'ONIAM verse les deux accords transactionnels du 13 août 2012 pour un montant de 50000 euros et du 09 novembre 2012 pour un montant de 10643 euros, accords signés par Monsieur [I] et dans lesquels ce denier déclare recevoir et accepter les sommes proposées par l'ONIAM.

L'ONIAM produit également l'attestation de paiement datée du 07 octobre 2020 indiquant que la somme de 50000 euros à été payée à Monsieur [I] [F] par l'ONIAM le 11 septembre 2012.

La société AXA FRANCE IARD en soutenant que l'ONIAM ne peut se constituer de preuve à lui-même, ne fait état d'aucun élément de nature à remettre en cause la légitimité de cette attestation de paiement émanant d'une agente comptable public qui exerce ses fonctions de caissier et de payeur en s'exposant à une responsabilité.

Il y a lieu en l'espèce de considérer que l'ONIAM justifie, par les documents produits à savoir les deux protocoles d'accords transactionnels et l'attestation de paiement, qu'antérieurement à l'émission du titre exécutoire à l'encontre de la société AXA FRANCE IARD le 11 juillet 2028, l'office a indemnisé Monsieur [I].

Les conditions de l'article L1221-14 du Code de la santé publique sont donc remplies, et l' ONIAM pouvait émettre un titre exécutoire pour obtenir le remboursement de cette somme.

Par conséquent, la société AXA FRANCE IARD sera déboutée de sa demande tendant à juger que l'ONIAM n'est pas recevable à émettre un titre exécutoire à l'encontre de la société AXA FRANCE IARD faute de démonter qu'il a indemnisé la victime préalablement à l'émission du titre.

2/ Sur la prescription

L'article 2224 du code civil prévoit que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'article L1142-28 du code de la santé publique dispose que les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins et les demandes d'indemnisation formées devant l'ONIAM en application du II de l'article L.1142-1 et des articles L.1142-24-9, L.1221-14, L.3111-9, L.3122-1 et L.3131-4 se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage. Le titre XX du livre III du code civil est applicable, à l'exclusion de son chapitre II.

La société AXA FRANCE IARD soutient que l'ONIAM n'a émis le titre n°720 que le 11 juillet 2018, soit plus de cinq ans après les protocoles d'indemnisation transactionnelle conclus avec Monsieur [I], faits générateurs de la créance alléguée de l'ONIAM et en déduit que la prescription d'assiette est donc acquise.

L'ONIAM soutient qu'aucun délai n'est imposé à l'ordonnateur pour émettre un titre exécutoire par le décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ni par toute autre disposition législative ou réglementaire, et que le seul délai applicable est celui de la prescription de créance.
Il précise que le seul délai qui s'impose à l'ordonnateur est celui de la prescription de l'action qu'il peut engager à l'encontre des assureurs et rappelle qu'il a indemnisé Monsieur [I] à titre amiable en application des dispositions de l'article L1221-14 du code de la santé publique, que l'ONIAM n'a donc pas indemnisé en substitution de l'EFS, mais au titre de la solidarité nationale, que par conséquent seule la prescription décennale est applicable.

Il sera rappelé que l'article L1142-28 du code de la santé publique est un texte spécial excluant expressément l'application de la prescription quinquennale prévue par l'article 2224 du code civil et, qu'en application de ce texte, les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins et les demandes d'indemnisation formées devant l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des infections iatrogènes et des infections nosocomiales se prescrivent par 10 ans à compter de la consolidation du dommage.

Il sera rappelé qu'une stabilisation réelle et effective du patient permet d'en retenir la consolidation.

En l'espèce, dans le cas de Monsieur [I], l'ONIAM soutient sans être contredit sur ce point, que Monsieur [I] n'a jamais été consolidé et que la date de stabilisation a été fixée au 27 février 2012.
Dès lors, il y a lieu de retenir la date du 27 février 2012 comme date de consolidation de Monsieur [I] et donc comme point de départ du délai de prescription de 10 ans applicable à l'ONIAM.

Ainsi, le délai de la prescription a donc débuté le 27 février 2012, date de la consolidation de la victime. La prescription décennale s'achevait donc le 27 février 2022 à minuit. Le titre exécutoire discuté ayant été émis le 11 juillet 2018, la prescription n'était pas acquise.

La société AXA FRANCE IARD ne fait état d'aucun élément probant devant amener le tribunal à opérer une distinction entre la prescription d'assiette et la prescription de la créance, étant rappelé que de l'article 2224 du code civil, sur lequel se fonde la société AXA FRANCE IARD, figure au chapitre II du titre XX du livre III du code civil dont l'application est expressément exclue par l'alinéa 2 de l'article L1142-28 du code de la santé publique.

Par conséquent, la société AXA FRANCE IARD sera déboutée de sa demande tendant à annuler le titre exécutoire n°720 au motif que la prescription étant acquise, l'ONIAM est irrecevable à émettre un titre.

Sur la régularité de forme du titre émis

1/ Sur la signature du titre émis

Aux termes de l'article L212-1 alinéa 1er du code des relations entre le public et l'administration (CRPA) "Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".

La société AXA FRANCE IARD soutient que l'avis des sommes à payer n°720 est irrégulier en ce qu'il n'a pas été signé par son auteur et qu'il ne permet pas de connaître l'identité et la qualité de l'émetteur, ni de vérifier sa compétence et son pouvoir.

L'ONIAM produit l'ordre à recouvrer signé par le Directeur de l'ONIAM, Monsieur [S] [C], à l'appui duquel l'agente comptable a été en mesure d'émettre l'avis de sommes à payer.

Il est constant qu'en matière de titres exécutoires visant au recouvrement des créances des établissements publics administratifs, le titre de recette individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif doit mentionner les noms, prénoms et qualité de l'auteur de la décision, et l'autorité administrative doit justifier en cas de contestation que le bordereau du titre de recettes comporte la signature de cet auteur.

Il est également constant que le vice de forme n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
En l'espèce, comme le soutient la société AXA FRANCE IARD, aucune signature ne figure sur l'avis des sommes à payer valant titre exécutoire n°720.

Toutefois, cet avis mentionne en qualité d'ordonnateur Monsieur [S] [C], directeur de l'ONIAM.

En outre, l'ordre à recouvrer exécutoire correspondant émis à la même date, soit le 11 juillet 2018, dont l'avis des sommes à payer constitue une ampliation, mentionne un ordonnateur identique et est signé par ce dernier soit Monsieur [S] [C], le Directeur de l'ONIAM.

Par ailleurs, il est observé que la société AXA FRANCE IARD ne conteste pas que cet ordre à recouvrer a été porté à sa connaissance. Dès lors, elle ne peut soutenir avoir ignoré l'identité de l'auteur de l' ordre à recouvrer, puisqu'il lui a été permis de connaître précisément son nom, son prénom et sa qualité.

Enfin, et dans ces conditions, la société AXA FRANCE IARD n'explique, ni ne justifie, en quoi l'absence de signature de l'avis des sommes à payer l'a privé de la garantie d'identifier l'auteur de l'acte administratif en litige.

Par conséquent, la société AXA FRANCE IARD sera déboutée de sa demande tendant à annuler le titre exécutoire n°720 au motif que l'avis des sommes à payer est irrégulier du fait qu'il ne comporte pas de signature et ne permet pas de connaître l'identité et la qualité de l'émetteur, ni de vérifier sa compétence et son pouvoir.

2/ Sur l'absence de motivation du titre émis quant aux bases de liquidation de la créance

Aux termes du second alinéa de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : "toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. En cas d'erreur de liquidation, l'ordonnateur émet un ordre de recouvrer afin, selon les cas, d'augmenter ou de réduire le montant de la créance liquidée. Il indique les bases de la nouvelle liquidation. Pour les créances faisant l'objet d'une déclaration, une déclaration rectificative, indiquant les bases de la nouvelle liquidation, est souscrite. (...)".

Cet article s'interprète en ce sens qu'un état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.
Le tribunal rappelle également que les bases de liquidation peuvent figurer dans un document annexé au titre lui-même.

La société AXA FRANCE IARD soutient que le titre de recette émis par l'ONIAM ne précise pas les bases de la liquidation de la créance réclamée ; que l'ONIAM n'a versé au soutien de l'avis de sommes à payer aucun rapport d'expertise ni justificatifs médicaux, lesquels lui auraient permis de discuter des bases de liquidation de sa prétendue créance ; que le fait d'avoir annexé à l'avis de sommes à payer, les protocoles d'indemnisation transactionnelle ne permet pas de pallier l'obligation d'indiquer les bases de liquidation au sein même du titre puisqu'en effet la seule exception à cette obligation concerne l'hypothèse où ces bases ont été préalablement portées à la connaissance du débiteur ; que les pièces médicales produites sont insuffisantes pour apprécier les préjudices réellement subis par la victime et le quantum des indemnités qui auraient été allouées par l'ONIAM.

L'ONIAM soutient que les bases de liquidation sur lesquelles sont fondées les sommes mises à la charge du destinataire du titre peuvent se trouver soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur ; que l'ONIAM a joint à l'appui du titre exécutoire les protocoles d'indemnisation en
cause ; que s'agissant du montant des indemnisations, l'ONIAM a produit diverses pièces médicales et que les propositions indemnitaires ont été élaborées à l'appui du référentiel de l'ONIAM relatif à l'indemnisation des victimes de contamination transfusionnelle par le VHC s'agissant des préjudices extrapatrimoniaux et selon les justificatifs produits des dépenses à charge et gains manqués pour les préjudices patrimoniaux ; que le référentiel est publié par l'ONIAM sur son site internet.

En l'espèce, le titre exécutoire reçu par la société AXA FRANCE IARD mentionne "2 protocoles d'indemnisation transactionnelle" "Art L 1221-14 Code de la santé publique", "VHC", "Dossier: Mr [F] [I]", un numéro de police d'assurance ("6734541"), le poste d'indemnisation avec son bénéficiaire ainsi que la valeur de cette indemnisation 50000 euros et 10643 euros soit 60643 euros.

Ont également été envoyés par l'ONIAM les protocoles d'indemnisation.

Ces informations permettaient à la société AXA FRANCE IARD de comprendre qu'il s'agissait de l'indemnisation de Monsieur [I] pour un total de 60643 euros, du fait d'une contamination par le VHC d'origine transfusionnelle.

Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient la société AXA FRANCE IARD, l'ONIAM a transmis un certificat médical du Docteur [O] du 19 janvier 2011 constatant l'échec thérapeutique du traitement anti VHC entrepris et le fibrotest réalisé le 27 février 2012, date de stabilisation retenue parl'Office, confirmant le diagnostic de cirrhose constituée.

En outre, les protocoles d'indemnisation transactionnelle transmis visent les troubles dans les conditions d'existence et le déficit fonctionnel permanent.

Ainsi, ces éléments suffisaient à l'assureur, professionnel qui connaît le référentiel de l'ONIAM, pour apprécier les préjudices subis par la victime et le quantum des indemnités allouées par l'ONIAM.

Par conséquent, la société AXA FRANCE IARD sera déboutée de sa demande tendant à prononcer la nullité du titre exécutoire pour défaut de précision des bases de la liquidation de la créance.

Sur la régularité de fond du titre émis

Sur le bien-fondé du titre émis

L'article L1221-14 du code de la santé publique dispose : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'office mentionné à l'article L.1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L.3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L.3122-2, au premier alinéa de l'article L.3122-3 et à l'article L.3122-4, à l'exception de la seconde phrase du premier alinéa.
Dans leur demande d'indemnisation, les victimes ou leurs ayants droit justifient de l'atteinte par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain et des transfusions de produits sanguins ou des injections de médicaments dérivés du sang. L'office recherche les circonstances de la contamination. S'agissant des contaminations par le virus de l'hépatite C, cette recherche est réalisée notamment dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Il procède à toute investigation sans que puisse lui être opposé le secret professionnel.
L'offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis du fait de la contamination est faite à la victime dans les conditions fixées aux deuxième, troisième et cinquième alinéas de l'article L. 1142-17.
La victime dispose du droit d'action en justice contre l'office si sa demande d'indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans un délai de six mois à compter du jour où l'office reçoit la justification complète des préjudices ou si elle juge cette offre insuffisante.
La transaction à caractère définitif ou la décision juridictionnelle rendue sur l'action en justice prévue au précédent alinéa vaut désistement de toute action juridictionnelle en cours et rend irrecevable toute autre action juridictionnelle visant à la réparation des mêmes préjudices.
La transaction intervenue entre l'office et la victime, ou ses ayants droit, en application du présent article est opposable à l'assureur, sans que celui-ci puisse mettre en œuvre la clause de direction du procès éventuellement contenue dans les contrats d'assurance applicables, ou, le cas échéant, au responsable des dommages, sauf le droit pour ceux-ci de contester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées. L'office et l'Établissement français du sang peuvent en outre obtenir le remboursement des frais d'expertise. Quelle que soit la décision du juge, le montant des indemnités allouées à la victime ou à ses ayants droit leur reste acquis.
Lorsque l'office a indemnisé une victime, ou lorsque les tiers payeurs ont pris en charge des prestations mentionnées aux 1 à 3 de l'article 29 de la loi n°81-677 du 1er juillet 1981 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, ils peuvent directement demander à être garantis des sommes qu'ils ont versées ou des prestations prises en charge par les assureurs des structures reprises par l'Établissement français du sang en vertu du B de l'article 18 de la loi n° 98-131 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire de produits destinés à l'homme, de l'article 60 de la loi de finances rectificative pour 2000 (n° 2000-1313 du 30 décembre 2000) et de l'article 14 de l'ordonnance n°2001-1087 du 1er septembre 2001 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine, que le dommage subi par la victime soit ou non imputable à une faute.
L'office et les tiers payeurs, subrogés dans les droits de la victime, bénéficient dans le cadre de l'action mentionnée au septième alinéa du présent article de la présomption d'imputabilité dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Les assureurs à l'égard desquels il est démontré que la structure qu'ils assurent a fourni au moins un produit sanguin labile ou médicament dérivé du sang, administré à la victime, et dont l'innocuité n'est pas démontrée, sont solidairement tenus de garantir l'office et les tiers payeurs pour l'ensemble des sommes versées et des prestations prises en charge.
L'office et les tiers payeurs ne peuvent exercer d'action subrogatoire contre l'Établissement français du sang, venu aux droits et obligations des structures mentionnées à l'avant-dernier alinéa, si l'établissement de transfusion sanguine n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou encore dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré.
Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État".

Le tribunal rappelle que, afin de faciliter l'indemnisation des victimes souvent confrontées à une impossibilité d'apporter la preuve d'un lien de causalité entre les produits sanguins qu'elles avaient pu recevoir et la contamination par le virus de l'hépatite C dont elles étaient atteintes, la Cour de cassation a affirmé, dès le 9 mai 2001, que lorsqu'une personne démontrait, d'une part, que la contamination virale dont elle était atteinte était survenue à la suite de transfusions sanguines, d'autre part, qu'elle ne présentait aucun mode de contamination qui lui soit propre, il appartenait au centre de transfusion sanguine dont la responsabilité était recherchée, de prouver que les produits sanguins qu'il avait fournis étaient exempts de tout vice. La Cour régulatrice a ainsi estimé qu'encourait une cassation l'arrêt qui rejetait la demande d'indemnisation des préjudices nés d'une contamination par le virus de l'hépatite C au motif que la preuve n'est pas rapportée que les produits administrés à la victime pendant la période probable de contamination provenaient exclusivement du centre de transfusion sanguine dont la responsabilité était recherchée, alors que les juges d'appel constataient que la contamination était d'origine transfusionnelle, et que, durant la période présumée de contamination, certains des produits sanguins administrés à la victime, à l'encontre de laquelle il n'était pas allégué qu'elle présentât des modes de contamination qui lui fussent propres, avaient été fournis par ce centre de sorte qu'il appartenait à ce dernier de rapporter la preuve de leur innocuité.

Le tribunal rappelle également que la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a instauré un dispositif d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et infections médicaux fondé sur la solidarité nationale. Les contaminations par le virus de l'hépatite C survenues antérieurement à la date d'entrée en vigueur de cette disposition ont été exclues de ce dispositif mais le législateur a créé un régime de preuve spécifique. L'article 102 énonce ainsi : "en cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable".

La Cour de cassation a ainsi prononcé au visa de l'article 102 plusieurs annulations d'arrêts rendus avant la loi du 4 mars 2002 et frappés de pourvoi à cette date. Elle a notamment relevé que devaient être annulés par application de l'article 102, rendu applicable aux instances n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable, les arrêts qui, pour débouter des personnes contaminées par le virus de l'hépatite C de leurs demandes d'indemnisation, retenaient qu'il appartenait à la personne de rapporter la preuve de l'imputabilité de sa contamination avec la transfusion subie.

En l'espèce :

*S'agissant de la matérialité des transfusions, il ressort des éléments médicaux produits et notamment du carnet de santé d'hémophile, que Monsieur [I] a reçu trois transfusions :
- en janvier 1972 : " front, phimosis, saignements abondants. Traitement : facteur A deux transfusions par jour pendant 4 jours ",
- entre le 21 février et le 1er mars 1976 : extraction dentaire sous anesthésie générale. A reçu 5 flacons 500 cc facteur VIII ",
- du 13 septembre 1980 au 14 septembre 1980 : hématome du psoas. A reçu 700 + 350 U cryoprécipité VIII ".
Ainsi, la matérialité des transfusions reçues par Monsieur [I] est établie. Cette matérialité n'est d'ailleurs pas contestée par la société AXA FRANCE IARD.

*S'agissant de l'origine transfusionnelle de la contamination, s'il est vrai que l'ONIAM n'a pas diligenté d'expertise médicale, il convient de rappeler que cette expertise n'est pas obligatoire, qu'en application de l'article 246 du code de procédure civile, l'analyse et les conclusions de l'expert judiciaire ne lient pas le tribunal et surtout que le juge statue en considération des éléments de preuve fournis par les parties.

En l'espèce, et contrairement à ce que soutient la société AXA FRANCE IARD, des pièces médicales ont été produites.

En effet, l'ONIAM transmet les pièces suivantes :
- Le carnet de santé d'hémophile de Monsieur [F] [I],
- La fiche patient établie par le Docteur [Y] [O] le 07 août 2000,
- Le certificat médical établi par le Docteur [Y] [O] le 04 septembre 2003,
- Le certificat médical établi par le Docteur [Y] [O] le 19 janvier 2011,
- L'enquête transfusionnelle diligentée par l'EFS.

Il ressort de ces éléments médicaux, et comme indiqué précédemment, que Monsieur [I] a reçu trois transfusions en janvier 1972, entre le 21 février et le 1er mars 1976 du 13 septembre 1980 au 14 septembre 1980.

Il ressort également du certificat médical du Docteur [O] daté du 04 septembre 2003 que Monsieur [I] présente une hépatite C chronique post transfusionnelle, que cette hépatite a été découverte le 27 décembre 1993 et qu'elle fait suite à une seule injection de facteur VIII pour une extraction dentaire en 1976. La fiche patient établie par le Docteur [O] le 07 août 2000, indique effectivement comme date de 1ère sérologie VHC le 27 décembre 1993. Le certificat médical du Docteur [O] daté du 19 janvier 2011 mentionne de nouveau que Monsieur [I] a reçu une injection de concentrés de facteurs de la coagulation ou une transfusion en 1976 pour une extraction dentaire et que la sérologie Hépatite C a été positive dès le 9 décembre 1993.

L'enquête transfusionnelle diligentée au profit de Monsieur [I] mentionne que les produits transfusés à ce dernier en 1972, 1976 et 1980 ont été distribués par le site de Chambéry. Si la société AXA FRANCE IARD soutient qu'il n'est pas démontré que les produits sanguins ont été fournis par le CTS de Chambéry, le tribunal ne considère pas cette allégation convaincante dès lors que l'enquête transfusionnelle mentionne dans la rubrique complément d'information " le site de Chambéry " en indiquant que ce site ne dispose pas d'archive de distribution nominative antérieures à 1984, cette mention démontrant ainsi qu'un seul site de transfusion sanguine, en l'espèce celui de Chambéry, est visé par cette enquête et non la clinique [8] ou le centre hospitalier de [Localité 7] comme le soutient la société d'assurances.
Il sera ajouté que la distinction entre fourniture et fabrication et la distinction entre fourniture et distribution des produits sanguins n'est pas opportune puisqu'il est admis que la fourniture des produits sanguins par un centre de transfusion sanguine suffit à engager la responsabilité de celui-ci.

Aucun autre facteur de contamination propre à Monsieur [I] n'est démontré. Il sera rappelé, comme le mentionne le Docteur [O] dans son certificat du 04 septembre 2003, que le patient a été contaminé à un age jeune, les transfusions ayant eu lieu alors qu'il était agé de 3 ans, 7 ans et 12 ans, ne permettant pas de suspecter un comportement à risque de la victime. Aucun autre facteur de risque n'est ainsi démontré.

Quant au risque nosocomial allégué par la société AXA FRANCE IARD, il n'est pas suffisamment établi au regard des pièces médicales de Monsieur [I]. Il a en effet subi une opération des végétations le 1er octobre 1970 à la clinique de Chambéry, mais le carnet de santé d'hémophile mentionne " aucun ennui ". Surtout cet élément, connu du Docteur [O], qui suit Monsieur [I] depuis 1995, n'a pas été retenu par ce médecin comme cause de contamination possible.

*S'agissant de l'innocuité des produits transfusés, il convient de rappeler qu'il appartient à la société AXA FRANCE IARD de démontrer l'innocuité des produits transférés, ce qu'elle ne fait nullement en l'espèce.

Au total le tribunal considère :
- d'une part qu'il existe des d'éléments de présomption suffisants permettant d'imputer la contamination de Monsieur [I] par le VHC aux transfusions reçues entre 1972 et 1980, et plus probablement en 1976 selon le Docteur [O], étant rappelé que le doute profite au patient,
- d'autre part que la responsabilité du centre de transfusion sanguine de Chambéry, qui a distribué tous les produits transfusés, est engagée.

Par conséquent, la société AXA FRANCE IARD sera déboutée de sa demande d'annulation du titre exécutoire pour absence de bien-fondé.

Sur la garantie de la société AXA FRANCE IARD

1/ Sur l'existence d'un contrat d'assurance

La société AXA FRANCE IARD soutient qu'il n'est pas démontré par l'ONIAM que les transfusions litigieuses se seraient produites pendant la période de validité du contrat d'assurance souscrit auprès de la société AXA FRANCE IARD, étant précisé que l'ONIAM ne verse aux débats qu'un contrat d'assurance n°10.392.694 à effet du 17 juin 1981.

L'ONIAM soutient que l'ensemble des contrats souscrits par les anciens centres de transfusions sanguines ont été repris par l'Etablissement Français du Sang (EFS) lors de la création de cet établissement public, et non par l'ONIAM qui n'est pas venu aux droits et obligations de l'EFS ; que l'ONIAM demeure donc un tiers à ces contrats et n'a pas obligation de rapporter la preuve littérale de ces contrats ; que la police d'assurance constitue un simple fait juridique dont la preuve est libre.
L'ONIAM ajoute qu'il n'est pas en capacité de produire la police n° 6.734.541 mais qu'il produit cependant la police n°10.392.694 qui couvre la période du 17/06/1981 au 31/12/1981 ; qu'il est bien précisé sur cette police qu'elle remplace la précédente police n° 6.734.541 ; qu'il est ainsi justifié que le site de Chambéry était bien assuré auprès d'AXA avant 1981 ; que AXA ne conteste pas être l'assureur du CTS de la Savoie (Chambery) durant cette période.

En l'espèce, l'ONIAM produit un contrat d'assurance avec un numéro de police 10.392.694 émis le 11 septembre 1981 avec date d'effet au 17 juin 1981 assurant le centre de transfusion sanguine de la Savoie. Ce contrat indique qu'il annule la police n°6.734.541.

Le tribunal considère que l'ONIAM apporte un commencement de preuve de l'existence d'un contrat d'assurance dès lors que le contrat qu'elle produit à effet au 17 juin 1981 mentionne qu'il intervient en remplacement d'un précédent contrat ce qui suppose qu'un précédent contrat entre les mêmes parties existait, plus précisément avec la police 6.734.541 étant rappelé que l'une des transfusions reçues par Monsieur [I] est intervenu le 13 septembre 1980 .

En outre la société AXA FRANCE IARD ne nie pas avoir été l'assureur du CTS de Chambéry avant le 17 juin 1981 mais se contente de reprocher à l'ONIAM de ne pas produire le contrat d'assurance antérieur à celui de 1981 alors que l'office, tiers audit contrat, ne peut nécessairement pas obtenir ce document, tandis que la société d'assurance le peut.

Enfin, le tribunal relève que la société AXA FRANCE IARD ne justifie d'aucune recherche infructueuse, dans ses propres archives, quant à l'existence de ce contrat d'assurance 6.734.541.

Par conséquent, le tribunal déduit du commencement de preuve apportée par l'ONIAM et de l'attitude de l'assureur, que la preuve du contrat d'assurance du CTS de Chambéry par la société AXA FRANCE IARD est rapportée.

Par conséquent, la société AXA FRANCE IARD sera tenue de répondre des conséquences dommageables de la contamination de Monsieur [I].

2/ Sur le quantum des indemnisations

La société AXA FRANCE IARD soutient qu'il n'est pas démontré que l'ONIAM aurait effectivement réglé lesdites sommes à Monsieur [I].

Il est renvoyé sur ce point aux précédents développements ayant amené le tribunal à considérer que le paiement a effectivement été réalisé.

La société AXA FRANCE IARD soutient également qu'il n'est pas justifié des préjudices effectivement subis par Monsieur [I] en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C, en l'absence de tout rapport d'expertise et de toutes pièces médicales en ce sens.
Elle ajoute que l'ONIAM s'est borné à produire son référentiel d'indemnisation qui ne saurait démontrer les préjudices subis et le quantum des sommes prétendument allouées, que l'ONIAM s'abstient de préciser les modalités d'évaluation des préjudices retenus à savoir un DFP évalué à 10% et des troubles dans les conditions d'existence, dont il n'est pas précisé à quoi ils correspondraient.

Sur ces points, il sera observé que le certificat médical du Docteur [O] du 19 janvier 2011 mentionne une cirrhose constituée diagnostiquée le 06 juin 2008, un traitement débuté le 20 juillet 2008 (par VIRAFERON PEG REBETOL puis par PEGASYS), traitement arrêté compte tenu des mauvais résultats. Le certificat mentionne que Monsieur [I] a été revu le 07 juin 2010, qu'il présentait une petite hépatomégalie sans splénomégalie, que le reste de l'examen clinique était normal en dehors de problèmes de cheville, que le patient ne prenait plus de médicament.
Est également transmis le fibrotest réalisé le 27 février 2012, date de stabilisation retenue par
l'Office, confirmant le diagnostic de cirrhose constituée.
Dès lors, contrairement à ce que soutient la société AXA FRANCE IARD, des éléments médicaux présents au dossier permettent d'apprécier l'état de santé de Monsieur [I] en lien avec la contamination par le VHC.

En outre, comme le soutient l'ONIAM, dans le cadre du premier protocole, ce dernier a indemnisé Monsieur [I] à hauteur de 50000 euros pour tenir compte des troubles de toute nature dans les conditions d'existence et comprenant l'ensemble des préjudices à caractère patrimonial tant physiques que psychiques préjudices lié à une pathologie évolutive en se basant sur son référentiel ONIAM qui prévoit une évaluation bien précise, référentiel bien connu de la société AXA FRANCE IARD.
Dans le cadre du second protocole, l'ONIAM a indemnisé le déficit fonctionnel permanent évalué à 10% en application du barème d'évaluation des taux d'incapacité de victimes d'accidents médicaux visé au décret n° 2003-314 du 4 avril 2003.

Compte tenu de ces éléments, le tribunal considère que l'ONIAM justifie de sa créance.

Par conséquent, la société AXA FRANCE IARD sera déboutée de sa demande d'annulation du titre exécutoire pour absence de bien-fondé.

Sur les intérêts

Aux termes de l'article 1231-7 du code civil, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.

En l'espèce, il n'y a pas lieu de décider autrement, et les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du jugement.

Sur la capitalisation des intérêts

En application de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit lorsqu'elle est demandée, elle court à compter de la demande qui en est faite.

En l'espèce, la capitalisation des intérêts a été demandée, elle sera ordonnée à compter du présent jugement.

Sur les mesures accessoires

L'article 700 du code de procédure civile dispose que : " Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent. La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 % ".

En l'espèce, la société AXA FRANCE IARD succombant sera condamnée à payer à l'ONIAM la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 précité et sera elle-même déboutée de sa demande sur ce même fondement.

L'article 696 du code de procédure civile dispose que " La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Les conditions dans lesquelles il peut être mis à la charge d'une partie qui bénéficie de l'aide juridictionnelle tout ou partie des dépens de l'instance sont fixées par les dispositions de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ".

En l'espèce, les dépens de la présente instance seront mis à la charge de la société AXA FRANCE IARD qui succombe à l'instance.
Il convient de rappeler que la décision est de droit exécutoire à titre provisoire en application de l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Karima BRAHIMI, Vice-présidente, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, susceptible d'appel :

DÉBOUTE la société AXA FRANCE IARD de sa demande tendant à déclarer l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, irrecevable à émettre un titre exécutoire à l'encontre de la société AXA FRANCE IARD faute de démonter qu'il a indemnisé la victime préalablement à l'émission du titre,

DÉBOUTE la société AXA FRANCE IARD de l'ensemble de ses demandes tendant à l'annulation du titre exécutoire n° 2018-720 d'un montant de 60643 euros émis par l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales,

DIT que le point de départ des intérêts au taux légal courra à compter de la présente décision,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, à compter de la présente décision,

REJETTE toute autre demande,

CONDAMNE la société AXA FRANCE IARD à payer à l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la société AXA FRANCE IARD de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toute autre demande,

RAPPELLE l'exécution provisoire de plein droit de la présente décision,

CONDAMNE la société AXA FRANCE IARD aux dépens.

Bobigny le 24 juillet 2024

Maxime-Aurélien JOURDE Karima BRAHIMI

Le Greffier Vice-présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 21
Numéro d'arrêt : 21/01584
Date de la décision : 24/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-24;21.01584 ?
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