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06/08/2024 | FRANCE | N°23/00113

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Expropriations 2, 06 août 2024, 23/00113


Décision du 06 Août 2024
Minute n° 24/00195


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION
DE LA SEINE-SAINT-DENIS

JUGEMENT FIXANT INDEMNITÉS

du 06 Août 2024

:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:

Rôle N° RG 23/00113 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XX2Z

Le juge de l’expropriation du département de la SEINE-SAINT-DENIS


DEMANDEUR :


S.A. SOREQA (SOCIETE DE REQUALIFICATION DES QUARTIERS ANCIENS)
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Maître Geneviève CARALP DELION de la

SCP NORMAND & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
DÉFENDEURS :
Monsieur [L] [B]
[Adresse 1]
[Localité 4]
défaillant

Madame [U] [E] épouse [B...

Décision du 06 Août 2024
Minute n° 24/00195

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION
DE LA SEINE-SAINT-DENIS

JUGEMENT FIXANT INDEMNITÉS

du 06 Août 2024

:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:-:

Rôle N° RG 23/00113 - N° Portalis DB3S-W-B7H-XX2Z

Le juge de l’expropriation du département de la SEINE-SAINT-DENIS

DEMANDEUR :

S.A. SOREQA (SOCIETE DE REQUALIFICATION DES QUARTIERS ANCIENS)
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Maître Geneviève CARALP DELION de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
DÉFENDEURS :
Monsieur [L] [B]
[Adresse 1]
[Localité 4]
défaillant

Madame [U] [E] épouse [B]
[Adresse 1]
[Localité 4]
défaillante

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Karima BRAHIMI, Vice-Présidente, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d’appel de Paris

Cécile PUECH, Greffière, présente lors de la mise à disposition

PROCÉDURE :

Date de la visite des lieux : 03 Octobre 2023; 05 Décembre 2023 ;
Date des débats : 27 Février 2024 ; 07 Mai 2024 ; 11 Juin 2024
Date de la mise à disposition : 06 Août 2024

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [U] [E] est titulaire d'un contrat de location daté du 1er mai 2020 portant sur un appartement situé [Adresse 1] à [Localité 4].

Le contrat mentionne un appartement de type T2 de 35m2. Il est renvoyé au procès-verbal de visite du 05 décembre 2023 (annexé au présent jugement), pour une description des lieux.

La communauté d'Agglomération Plaine Commune et la Société de Requalification des Quartiers Anciens (ci-après dénommée "SOREQA") ont signé un traité de concession le 13 novembre 2018 ayant pour objet le traitement multisites de l'habitat indigne, l'immeuble en litige faisant partie de cette opération.

Le traité de concession a délégué à la SOREQA l'exercice du droit de préemption urbain.

Par acte de vente du 25 juillet 2022, la SOREQA a acquis par voie de préemption l'appartement occupé par Madame [U] [E] et son époux Monsieur [L] [B], et a souhaité, suite à cette acquisition, procéder à leur éviction définitive en application des dispositions des l'article L314-2 du code de l'urbanisme et des articles L423-2 et L423-3 et suivants du code de l'expropriation.

Par une requête datée du 24 mai 2023 et reçue le 31 mai 2023, la SOREQA a sollicité la fixation de ses obligations à l'égard de Monsieur [L] [B] et Madame [U] [E].

Par ordonnance du 03 août 2023, le juge de l'expropriation a fixé le transport sur les lieux et l'audition des parties au 03 octobre 2023. Par ordonnance du 03 octobre 2023 modifiant la date de visite des lieux, le juge de l'expropriation a fixé le transport sur les lieux et l'audition des parties au 05 décembre 2023.

La SOREQA a notifié cette décision à Monsieur [L] [B] et à Madame [U] [E] par actes de commissaire de justice délivrés le 02 novembre 2023, selon les dispositions de l'article 655 du code de procédure civile.

Le jour du transport sur les lieux, Monsieur [L] [B] et Madame [U] [E] étaient absents.

Dans son dernier mémoire récapitulatif enregistré au greffe de l'expropriation le 08 février 2024 et notifié à Madame [U] [E] et Monsieur [L] [B] le 12 février 2024, la SOREQA sollicite la fixation de ses obligations à l'égard de Madame [U] [E] et Monsieur [L] [B] de la manière suivante :
- de fixer l'indemnité à revenir à Madame [U] [E] et Monsieur [L] [B] au titre de leur éviction des locaux sis [Adresse 1] à [Localité 4] à néant, toutes causes de préjudices confondues,
- de juger que la SOREQA n'a pas d'obligation de relogement dans les conditions prévues par les articles L423-1, L423-2 et L423-3 du code de l'expropriation, L314-1 et L314-2 du code de l'urbanisme.

Madame [U] [E] et Monsieur [L] [B] n'ont pas constitué avocat.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions de la partie demanderesse, il est renvoyé expressément aux écritures déposées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'affaire a été appelée à l'audience du 27 février 2024 et mise en délibéré au 26 mars 2024.

Par jugement du 26 mars 2024, le tribunal a ordonné la réouverture des débats aux fins de permettre à Madame [U] [E] et Monsieur [L] [B] de constituer avocat et renvoyé l'affaire à l'audience du 07 mai 2024, audience renvoyée une dernière fois au 11 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I / Sur les textes applicables

L'article L314-2 du code de l'urbanisme dispose, dans son premier alinéa, que : Si les travaux nécessitent l'éviction définitive des occupants, ceux-ci bénéficient des dispositions applicables en matière d'expropriation. Toutefois, tous les occupants de locaux à usage d'habitation, professionnel ou mixte ont droit au relogement dans les conditions suivantes : il doit être fait à chacun d'eux au moins deux propositions portant sur des locaux satisfaisant à la fois aux normes d'habitabilité définies par application du troisième alinéa de l'article L.322-1du code de la construction et de l'habitation et aux conditions prévues à l'article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 (...).

L'article L423-2 du code de l'expropriation précise, dans son premier alinéa, que : S'il est tenu à une obligation de relogement, l'expropriant en est valablement libéré par l'offre aux intéressés d'un local correspondant à leurs besoins et n'excédant pas les normes relatives aux habitations à loyer modéré. L'article L314-3 du code de l'urbanisme précise dans son premier alinéa et dans l'hypothèse d'une éviction provisoire, dans un local compatible avec leurs besoins, leurs ressources (...).

Le code de l'urbanisme, dans le 1er alinéa de l'article L314-1, étend le champ d'application des obligations qu'il définit aux articles suivants à la personne publique qui a pris l'initiative de la réalisation de l'une des opérations d'aménagement définies dans le troisième livre, intitulé Aménagement foncier, et à la personne qui bénéficie d'une expropriation.

Ce même article précise, dans son second alinéa, que les occupants visés s'entendent au sens de l'article L521-1 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que des preneurs de baux professionnels, commerciaux et ruraux.

Le juge de l'expropriation connaît, en application des dispositions de l'article L423-3 du code de l'expropriation :
- des contestations relatives au relogement des locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel, lesquelles sont instruites et jugées conformément aux dispositions du livre III,
- de la fixation du montant de l'indemnité de déménagement et, s'il y a lieu, de celui d'une indemnité de privation de jouissance.

II / Sur la détermination des obligations de la SOREQA envers Madame [U] [E] et Monsieur [L] [B]

En l'espèce, le droit de relogement de Madame [U] [E] et Monsieur [L] [B] est contesté de même que leur droit à indemnisation.

La SOREQA soutient qu'initialement elle souhaitait procéder au relogement des locataires, que cependant durant la procédure, n'ayant jamais été en capacité de constater la présence effective des époux [B] dans ce logement et souhaitant s'assurer de la réalité de l'occupation des lieux par ces derniers, elle a saisi le juge du contentieux et de la protection du tribunal de proximité d'Aubervilliers aux fins d'obtention d'un droit de faire constater, par huissier de justice, les conditions d'occupation du logement.

La SOREQA soutient que le procès-verbal du 19 janvier 2024 permet de constater que, de toute évidence, les époux [B] n'occupent pas les lieux et que ce logement est occupé par des personnes tierces sans droit ni titre.

La SOREQA en déduit que Madame [U] [E] et Monsieur [L] [B] ne peuvent être considérés comme occupant les lieux conformément aux dispositions de l'article L521-1 du code de l'urbanisme et qu'en conséquence aucune indemnité n'est proposée.

La SOREQA ajoute que les conditions de l'article L314-2 du code de l'urbanisme ne sont pas acquises et qu'elle est par conséquent libérée de son obligation de relogement.

En l'espèce, la SOREQA produit le procès-verbal de constat dressé le 19 janvier 2024 par Maître [D], commissaire de justice, agissant en vertu d'une ordonnance du juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité d'Aubervilliers en date du 18 décembre 2023, indiquant clairement que lors de sa visite, quatre personnes étaient présentent sur les lieux, Messieurs [P] [O], [F] [Z], [C] [V] et [K] [V], l'un deux déclarant vivre dans les lieux depuis environ 1 mois, disposer des clefs du logement remises par Monsieur [Y], n'avoir signé aucun contrat de location et ne régler que la facture EDF.
Le commissaire de justice a en outre constaté la présence d'un canapé-lit, d'un lit deux places et d'un matelas deux places au sol.

En ce qui concerne les bénéficiaires du droit au relogement, la lecture des textes précités montre qu'y figure une condition tenant à l'occupation du logement.

Or, en l'espèce, au regard des constatations du commissaire de justice, il apparaît que Madame [U] [E] certes titulaire d'un contrat de location daté du 01 mai 2020 portant sur l'appartement en litige, et Monsieur [L] [B] son époux, n'occupent pas les lieux. En outre, il semble également que cet appartement est occupé par quatre personnes sans droit ni titre.

En outre, le tribunal observe qu'il n'a jamais été possible de visiter le logement. En effet, lors du transport sur les lieux le 05 décembre 2023, Madame [U] [E] et Monsieur [L] [B] étaient absents.

Dès lors que Madame [U] [E] et Monsieur [L] [B] n'occupent pas le logement en litige, les conditions de l'article L314-2 du code de l'urbanisme ne sont pas réunies, et l'obligation de relogement prévue à cet article n'est par conséquent pas applicable à ces derniers, étant par ailleurs relevé qu'aucune demande de relogement n'a été formulée par les époux [B].

S'agissant de l'indemnisation, en l'absence de demande de Madame [U] [E] et Monsieur [L] [B], les obligations de la SOREQA seront fixées selon ses offres, à savoir : une indemnité fixée à néant.

III/ Sur les dépens

L'article L312-1 du code de l'expropriation dispose que l'expropriant supporte seul les dépens de première instance.

Conformément aux dispositions de l'article L312-1 précité la SOREQA, expropriante, supportera seule les dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant par décision réputée contradictoire, rendue publiquement par mise à disposition au greffe, en premier ressort et susceptible d'appel :

ANNEXE à la présente décision le procès-verbal de transport du 05 décembre 2023,

DIT que la SOREQA n'a pas d'obligation de relogement à l'égard de Madame [U] [E] et Monsieur [L] [B] en application des dispositions des articles L314-1 et L314-2 du code de l'urbanisme, L423-2 du code de l'expropriation et L521-1 du code de la construction et de l'habitation,

FIXE l'indemnité due à Madame [U] [E] et Monsieur [L] [B] à néant,

DIT que les dépens de la présente procédure sont à la charge de la SOREQA, au besoin l'y condamne.

Fait à Bobigny, le 06 août 2024

Cécile PUECH Karima BRAHIMI

La Greffière La Vice-présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Expropriations 2
Numéro d'arrêt : 23/00113
Date de la décision : 06/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 12/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-06;23.00113 ?
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