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12/08/2024 | FRANCE | N°24/05663

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 8/section 1, 12 août 2024, 24/05663


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT CONTENTIEUX DU
12 Août 2024

MINUTE : 24/889

RG : N° 24/05663 - N° Portalis DB3S-W-B7I-ZMMI
Chambre 8/Section 1


Rendu par Monsieur UBERTI-SORIN Stephane, Juge chargé de l'exécution, statuant à Juge Unique.
Assisté de Madame HALIFA Zaia, Greffière,

DEMANDEUR

Madame [L] [X]
[Adresse 1]
[Localité 5]

assistée par Me Alexandra DEFOSSE-MONTJARRET, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS - 57


ET

DEFENDEURS

Monsieur [V] [N] [Z]
[Adress

e 2]
[Localité 4]

Madame [P] [N] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentés par Me Frédéric GONDER, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué par...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT CONTENTIEUX DU
12 Août 2024

MINUTE : 24/889

RG : N° 24/05663 - N° Portalis DB3S-W-B7I-ZMMI
Chambre 8/Section 1

Rendu par Monsieur UBERTI-SORIN Stephane, Juge chargé de l'exécution, statuant à Juge Unique.
Assisté de Madame HALIFA Zaia, Greffière,

DEMANDEUR

Madame [L] [X]
[Adresse 1]
[Localité 5]

assistée par Me Alexandra DEFOSSE-MONTJARRET, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS - 57

ET

DEFENDEURS

Monsieur [V] [N] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 4]

Madame [P] [N] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentés par Me Frédéric GONDER, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué par Me SANKARA

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS

Monsieur UBERTI-SORIN, juge de l’exécution,
Assisté de Madame HALIFA, Greffière.

L'affaire a été plaidée le 12 Août 2024, et mise en délibéré au 12 Août 2024.

JUGEMENT

Prononcé le 12 Août 2024 par mise à disposition au greffe, par décision Contradictoire et en premier ressort.

EXPOSE DU LITIGE

Par requête du 16 mai 2024, Madame [L] [X] a sollicité une mesure de sursis à expulsion de 12 mois poursuivie en exécution d'un jugement rendu le 13 décembre 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bobigny, signifié le 15 février 2024, suivi d'un commandement de quitter les lieux du 29 avril 2024.

Le commandement de quitter les lieux a été dénoncé à la préfecture qui en a accusé réception le 30 avril 2024.

L'affaire a été retenue à l'audience du 12 août 2024 et la décision mise en délibéré le jour même, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées.

A l'audience, Madame [L] [X], assistée, a soutenu sa demande. Elle explique occuper les lieux avec ses deux enfants mineurs, percevoir un salaire mensuel de 2.000 euros mais qui n'est pas toujours versé par son employeur. Elle indique avoir effectué récemment un virement de 1.000 euros pour apurer sa dette locative.

Dans ses conclusions déposées et soutenues à l'audience, le conseil de Madame et Monsieur [N] [Z] s'est opposé à la demande de sursis notamment aux motifs que le moratoire accordé par le juge du fond n'a pas été respecté par la requérante qui, de fait, a bénéficié de larges délais pour se maintenir dans les lieux alors même qu'elle ne s'acquitte pas de l'indemnité courante et qu'ainsi l'arriéré locatif a fortement augmenté.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, à la requête précitée et, le cas échéant, aux dernières écritures des parties sus-visées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de délais pour quitter les lieux

Aux termes des dispositions de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution ne peut délivrer de titre exécutoire hors les cas prévus par la loi et est dépourvu des pouvoirs juridictionnels pour accorder des délais de grâce lorsqu'aucune procédure d'exécution forcée n'est en cours.

Aux termes du premier alinéa de l'article L. 412-3 du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Depuis la Loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite, ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque les occupants dont l'expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

Conformément à l'article L. 412-4 du code des procédures civiles d'exécution, dans sa rédaction en vigueur à compter du 29 juillet 2023, la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

C'est ainsi que la loi prescrit au juge d'examiner trois éléments pour statuer sur une demande de délai pour quitter les lieux :

- la bonne ou mauvaise volonté de l'occupant dans l'exécution de ses obligations ;
- les situations respectives du propriétaire et de l'occupant ;
- les diligences que l'occupant justifie avoir effectuées en vue de son relogement.

Enfin, le juge de l'exécution ne peut, en vertu des textes précités, accorder qu'un délai maximal de 12 mois.

Il ressort de l'avis d'imposition établi en 2024 au titre des revenus de 2023 que Madame [L] [X] a perçu 24.202 euros, soit un revenu mensuel d'environ 2.017 euros. Selon sa fiche de paie relative au mois de juillet 2024, elle perçoit un salaire mensuel, avant retenue à la source, de 2.027 euros. Par ailleurs, il ressort de l'attestation établie par la caisse d'allocations familiales le 9 août 2024 que Madame [L] [X] perçoit également 351,82 euros au titre des prestations sociales, soit un revenu mensuel moyen de 2.369 euros.

Il apparaît également que le 23 juillet 2024, la commission de surendettement des particuliers de la Seine Saint Denis a déclaré recevable la demande de la requérante et a orienté le dossier vers des mesures imposées ; elle retient un revenu mensuel de 2.455 euros.

Madame et Monsieur [N] [Z] s'opposent à la demande de sursis indiquant à l'audience supporter la charge de leur propre loyer en plus du crédit relatif au logement occupé par la requérante, sans pour autant justifier de leur situation financière et, le cas échéant, de leurs difficultés.

S'il est indéniable que les propriétaires disposent d'un droit légitime sur leur bien immobilier, il convient cependant de trouver un équilibre entre les intérêts des parties en présence. Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires en veillant à ce que l'atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits de l'occupant, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.

Or, une mesure d'expulsion aurait pour Madame [L] [X] de graves conséquences.

Il ressort du jugement précité qu'à la date du 13 décembre 2023 l'arriéré locatif s'établissait à 2.835,17 euros. Or, selon le décompte locatif produit en défense, la dette s'établirait au 6 juin 2024 à 5.222,06 euros. Pour autant, la bonne volonté de Madame [L] [X] dans l'exécution de ses obligations est établie par les paiements partiels effectués, à savoir 1.037 euros aux mois de janvier, février, mars et juin 2024) ainsi que par ses démarches de relogement puisqu'elle justifie d'une demande de logement social effectuée le 23 mai 2024 et démontre avoir réalisé des démarches auprès de CDC HABITAT, ces dernières apparaissant cependant tardives.

Pour l'ensemble de ces raisons, il conviendra de faire droit à la demande de sursis de Madame [L] [X]. Cependant, ce délai sera nécessairement bref en raison de l'impossibilité pour elle de régler l'intégralité de l'indemnité d'occupation mise à sa charge.

En conséquence, le délai du sursis sera fixé à 6 mois, soit jusqu'au 12 février 2025, pour permettre à Madame [L] [X] de mener à bien sa demande de logement social et ainsi éviter son expulsion.

Ce délai sera subordonné au paiement régulier de la moitié de l'indemnité d'occupation telle que définie par le jugement rendu le 13 décembre 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bobigny, en sorte de tenir compte des difficultés financières de Madame [L] [X].

Sur les demandes accessoires

a) Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Madame [L] [X] supportera la charge des éventuels dépens et ce, malgré le succès de sa prétention, l'instance ayant été introduite dans le seul objectif d'obtenir des délais pour quitter les lieux.

b) Sur les frais irrépétibles

En application de l'article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

Condamné aux dépens, Madame [L] [X] sera également condamnée à verser aux bailleurs la somme de 300 euros au titre de leurs frais irrépétibles.

c) Sur les modalités d'exécution

La nature du litige rend nécessaire de déclarer la présente décision exécutoire au seul vu de la minute, en application des dispositions de l'article R. 121-17 du code des procédures civiles d'exécution, d'autant que le concours de la force publique a été accordée au bailleur. Enfin, le présent jugement sera notifié au préfet de la Seine-Saint-Denis.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l'exécution, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort et prononcé par mise à disposition au Greffe,

ACCORDE à Madame [L] [X], et à tout occupant de son chef, un délai de SIX mois, soit jusqu'au 12 février 2025 inclus, pour se maintenir dans les lieux situés bâtiment A - 1er étage face - [Adresse 1] ;

DIT que Madame [L] [X], ainsi que tout occupant de son chef, devra quitter les lieux le 12 février 2025 au plus tard, faute de quoi la procédure d'expulsion, suspendue pendant ce délai, pourra être reprise ;

DIT qu'à défaut de paiement à son terme de la moitié de l'indemnité d'occupation courante telle que fixée par le jugement rendu le 13 décembre 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bobigny, Madame [L] [X] perdra le bénéfice du délai accordé et Madame [P] [N] [Z] et Monsieur [V] [N] [Z] pourront reprendre la mesure d'expulsion ;

CONDAMNE Madame [L] [X] à payer à Madame [P] [N] [Z] et Monsieur [V] [N] [Z] la somme de 300 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [L] [X] aux entiers dépens ;

RAPPELLE que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire ;

DECLARE la présente décision exécutoire au seul vu de la minute ;

DIT que la présente décision sera notifiée par le greffe, par lettre simple, au Préfet de la Seine-Saint-Denis, [Adresse 3], bureau de la prévention et des affaires locatives - dossier n° 2023-093-0179465 ;

Ainsi jugé et prononcé au Palais de Justice de Bobigny le 12 août 2024.

Le Greffier, Le juge de l'exécution,

Zaia HALIFA Stéphane UBERTI-SORIN


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 8/section 1
Numéro d'arrêt : 24/05663
Date de la décision : 12/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-12;24.05663 ?
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