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30/08/2024 | FRANCE | N°24/00183

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Serv. contentieux social, 30 août 2024, 24/00183


Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 24/00183 - N° Portalis DB3S-W-B7I-YYX6
Jugement du 30 AOUT 2024

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY



JUGEMENT CONTENTIEUX DU 30 AOUT 2024


Serv. contentieux social
Affaire : N° RG 24/00183 - N° Portalis DB3S-W-B7I-YYX6
N° de MINUTE : 24/01571

DEMANDEUR

Société [8]
Service AT/MP
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Maître Bertrand PATRIGEON de l’AARPI MLP AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : K0073

DEFENDEUR
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[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Mylène BARRERE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 2104


COM...

Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 24/00183 - N° Portalis DB3S-W-B7I-YYX6
Jugement du 30 AOUT 2024

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 30 AOUT 2024

Serv. contentieux social
Affaire : N° RG 24/00183 - N° Portalis DB3S-W-B7I-YYX6
N° de MINUTE : 24/01571

DEMANDEUR

Société [8]
Service AT/MP
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Maître Bertrand PATRIGEON de l’AARPI MLP AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : K0073

DEFENDEUR

CPAM DE SEINE-SAINT-DENIS
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Mylène BARRERE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 2104

COMPOSITION DU TRIBUNAL

DÉBATS

Audience publique du 24 Juin 2024.

Madame Pauline JOLIVET, Présidente, assistée de Madame Christelle AMICE, Greffier.

A défaut de conciliation, à l’audience du 24 juin 2024, l’affaire a été plaidée,le tribunal statuant à juge unique conformément à l’accord des parties présentes ou représentées

JUGEMENT

Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Pauline JOLIVET, Première vice-présidente adjointe, assistée de Denis TCHISSAMBOU, Greffier.

Transmis par RPVA à : Me Mylène BARRERE, Maître Bertrand PATRIGEON de l’AARPI MLP AVOCATS

FAITS ET PROCÉDURE

M. [O] [Z], salarié de la société [8] en qualité d’agent de tri / fret, mis à la disposition de la société [6], a été victime d’un accident du travail le 10 juin 2022.

La déclaration d’accident du travail établie le 14 juin 2022 par l’employeur et transmise à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Seine-Saint-Denis, est ainsi rédigée :
“- Activité de la victime lors de l’accident : lors du déchargement de containers,
- Nature de l’accident : en déchargeant u colis, M. [Z] aurait ressenti une douleur au niveau du dos.
- Objet dont le contact a blessé la victime : aucun.
- Siège des lésions : dos global,
- Nature des lésions : douleur(s)”.

Le certificat médical initial du 10 juin 2022 établi par le service des urgences de l’hôpital [7] constate “lombalgie d’effort” et prescrit un arrêt de travail jusqu’au 13 juin 2022.

Par décision adressée en recommandé et reçue le 8 juillet 2022, la CPAM de Seine-Saint-Denis a pris en charge l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

108 jours sont inscrits au titre de ce sinistre sur le compte employeur.

Par lettre du 4 juillet 2023, adressée en recommandée et reçue le 7 juillet, la société [8] a saisi la commission médicale de recours amiable aux fins de contester la durée et l’imputabilité des arrêts de travail prescrits à M. [Z] à la suite de son accident.

Par requête reçue le 3 janvier 2024 au greffe, la société [8] a saisi le service du contentieux social du tribunal judiciaire de Bobigny en l’absence de réponse de la commission, aux fins de contester la durée et l’imputabilité des arrêts de travail prescrits à M. [Z].

A défaut de conciliation possible, l’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 24 juin 2024, date à laquelle les parties, présentes ou représentées, ont été entendues en leurs observations.

La société [8], représentée par son conseil, sollicite le bénéfice de sa requête introductive d’instance et demande au tribunal de :
- à titre principal, lui déclarer inopposable l’ensemble des soins et arrêts prescrits à M. [Z] dans les suites de l’accident du travail du 10 juin 2022,
- à titre subsidiaire, lui déclarer inopposable les arrêts de travail prescrits à son salarié qui ne sont pas en relation directe et unique avec l’accident du 10 juin 2022 et à cette fin, ordonner une expertise avant dire-droit.

Elle fait valoir que le principe du contradictoire n’a pas été respecté, les pièces médicales n’ayant pas été transmises à son médecin.
A titre subsidiaire, elle indique que le salarié a bénéficié de 108 jours d’arrêt de travail pour une lombalgie d’effort alors que le référentiel [5] estime que la durée d’arrêt pour ce type de lésion est de cinq jours. Elle soutient qu’en l’absence de tout élément relatif à l’état de santé du salarié et à son évolution, il existe indéniablement un doute sur la continuité des arrêts, soins et symptômes et qu’à défaut pour la caisse de remplir son obligation de transmission des pièces médicales au stade de la CMRA, l’employeur n’a aucun moyen, en dehors de la mise en oeuvre d’une expertise, d’obtenir des informations.
Elle soutient qu’en l’absence de décision de la commission médicale de recours amiable, elle a été privée de l’effectivité de son recours et qu’une mesure d’expertise est nécessaire pour vérifier si les arrêts et soins sont tous directement liés à l’accident.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, la CPAM de Seine-Saint-Denis, représentée par son conseil, demande au tribunal de :
- débouter la société [8] de l’ensemble de ses demandes,

Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 24/00183 - N° Portalis DB3S-W-B7I-YYX6
Jugement du 30 AOUT 2024

- lui déclarer opposable l’ensemble des arrêts et soins prescrits à l’assuré au titre de l’accident du travail du 10 juin 2022,
- la condamner à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle indique que l’absence de communication du rapport en phase précontentieuse ne caractérise pas une violation du principe du contradictoire et ajoute que les textes applicables ne prévoient aucune sanction en cas de non transmission du rapport du médecin conseil au médecin désigné par l’employeur et que la Cour de cassation juge qu’il n’y a pas d’atteinte au procès équitable.
Elle se prévaut de la présomption d’imputabilité qui s’applique à l’ensemble des arrêts pris en charge au simple constat d’un arrêt de travail initialement prescrit ou d’un certificat médical initial assorti d’un arrêt de travail. Elle estime que la société demanderesse n’apporte aucun élément permettant de la détruire et qu’il n’y a donc pas lieu d’ordonner une mesure d’expertise.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le tribunal, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions de celles-ci.

L’affaire a été mise en délibéré au 30 août 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande principale d’inopposabilité de l’ensemble des arrêts et soins

Aux termes de l’article L. 142-6 code de la sécurité sociale, “pour les contestations de nature médicale, hors celles formées au titre du 8° de l'article L. 142-1, le praticien-conseil du contrôle médical du régime de sécurité sociale concerné transmet, sans que puisse lui être opposé l'article 226-13 du code pénal, à l'attention exclusive de l'autorité compétente pour examiner le recours préalable, lorsqu'il s'agit d'une autorité médicale, l'intégralité du rapport médical reprenant les constats résultant de l'examen clinique de l'assuré ainsi que ceux résultant des examens consultés par le praticien-conseil justifiant sa décision. A la demande de l'employeur, ce rapport est notifié au médecin qu'il mandate à cet effet. La victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle est informée de cette notification.
Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article.”

Aux termes de l’article R. 142-8-2 du même code, “Le secrétariat de la commission médicale de recours amiable transmet dès sa réception la copie du recours préalable au service du contrôle médical fonctionnant auprès de l'organisme dont la décision est contestée.
Dans un délai de dix jours à compter de la date de la réception de la copie du recours préalable, le praticien-conseil transmet à la commission, par tout moyen conférant date certaine, l'intégralité du rapport mentionné à l'article L. 142-6 ainsi que l'avis transmis à l'organisme de sécurité sociale ou de mutualité sociale agricole.”

Aux termes de l’article R. 142-8-3 du même code, “lorsque le recours préalable est formé par l'employeur, le secrétariat de la commission médicale de recours amiable notifie, dans un délai de dix jours à compter de l'introduction du recours, par tout moyen conférant date certaine, le rapport mentionné à l'article L. 142-6 accompagné de l'avis au médecin mandaté par l'employeur à cet effet. Le secrétariat informe l'assuré ou le bénéficiaire de cette notification.
[...]
Dans un délai de vingt jours à compter de la réception du rapport mentionné à l'article L. 142-6 accompagné de l'avis ou, si ces documents ont été notifiés avant l'introduction du recours, dans un délai de vingt jours à compter de l'introduction du recours, l'assuré ou le médecin mandaté par l'employeur peut, par tout moyen conférant date certaine, faire valoir ses observations. Il en est informé par le secrétariat de la commission par tout moyen conférant date certaine.”

En droit, au stade du recours préalable, l'absence de transmission du rapport médical et de l'avis au médecin mandaté par l'employeur n'entraînent pas l'inopposabilité à l'égard de ce dernier de la décision de prise en charge par la caisse des soins et arrêts de travail prescrits jusqu'à la date de consolidation ou guérison, dès lors que l'employeur dispose de la possibilité de porter son recours devant la juridiction de sécurité sociale.
L’absence de notification du rapport visé à l’article R. 142-8-3 précité n’est assortie d’aucune sanction.

Le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire en l’absence de transmission des pièces au médecin désigné par l’employeur par le secrétariat de la commission médicale de recours amiable ne peut emporter inopposabilité de la prise en charge de l’ensemble des arrêts et soins.

Par suite, la demande principale doit être rejetée.

Sur la demande subsidiaire tendant à se voir déclarer inopposable les arrêts et soins sans relation avec l’accident

En application de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d’imputabilité au travail s’attachant aux lésions survenues au temps et sur le lieu de travail, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit, s’étend sauf preuve contraire à toute la durée d’incapacité de travail précédent soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime.

En application de cet article et de l’article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d'imputabilité à l'accident des soins et arrêts subséquents trouve à s'appliquer dans la mesure où la caisse justifie du caractère ininterrompu des arrêts de travail y faisant suite, ou, à défaut, de la continuité de symptômes et de soins.

Il appartient alors à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire, soit celle de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les arrêts de travail postérieurs. Cette présomption peut être combattue par le recours à une mesure d'expertise qui ne peut être ordonnée que si l'employeur qui la sollicite apporte au soutien de sa demande des éléments médicaux de nature à accréditer l'existence d'une cause distincte de l'accident du travail et qui serait à l'origine exclusive des prescriptions litigieuses. La simple absence de continuité des symptômes et soins est insuffisante pour écarter la présomption d’imputabilité à l’accident du travail des soins et arrêts.

Aux termes de l’article 146 du code de procédure civile, “une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve”.

En application de ces dispositions, il appartient au juge du fond de rechercher si la présomption d’imputabilité est ou non utilement combattue par une appréciation des éléments de preuve produits. Il peut à cet égard ordonner une expertise s’il l’estime nécessaire.

En l’espèce, le certificat médical initial est assorti d’un arrêt de travail.
Par conséquent, la présomption d’imputabilité au travail de l’ensemble des arrêts et soins prescrits dans les suites de l’accident du travail s’applique jusqu’à la consolidation.

La CPAM produit une attestation de paiement des indemnités journalières à M. [Z] dont il résulte que ce dernier a bénéficié d’arrêts de travail au titre de l’accident du 11 juin au 25 septembre 2022.

Pour contester l’opposabilité de ces arrêts à l’accident, la société [8] se contente de contester la durée de l’arrêt de travail estimant que celui-ci est trop long au regard du référentiel applicable pour une lombalgie.
Elle soutient qu’en l’absence de transmission à son médecin des éléments médicaux du dossier, seule une expertise ordonnée par le tribunal peut permettre de renverser cette présomption.

Toutefois, en dehors de considération générale sur la durée des arrêts de travail, la société n’apporte aucun élément au soutien de ses demandes.
Le salarié, qui occupait un poste d’agent de tri / fret au moment de l’accident, a bénéficié de 105 jours d’arrêt de travail dans les suites d’une lombalgie d’effort.
Dans ces circonstances, la mise en oeuvre d’une expertise n’apparait pas justifiée.

L’employeur ne caractérisant pas l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou une cause postérieure totalement étrangère auxquels se rattacheraient exclusivement les arrêts de travail postérieurs à l’arrêt initial, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’inopposabilité.

Sur les mesures accessoires

La société [8], partie perdante, supportera les dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu de faire droit à la demande au titre de l’article 700 du même code présentée par la CPAM

L’exécution provisoire sera ordonnée en application de l’article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

Déboute la société [8] de l’ensemble de ses demandes ;

Met les dépens à la charge de la société [8] ;

Rejette la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée par la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis ;

Ordonne l’exécution provisoire ;

Rappelle que tout appel à l'encontre de la présente décision doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai d'un mois à compter de sa notification.

Fait et mis à disposition au greffe, la minute étant signée par :

Le greffier La présidente
Denis Tchissambou Pauline Jolivet


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Serv. contentieux social
Numéro d'arrêt : 24/00183
Date de la décision : 30/08/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 07/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-30;24.00183 ?
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