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04/09/2024 | FRANCE | N°24/03845

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 8/section 2, 04 septembre 2024, 24/03845


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
JUGE DE L'EXÉCUTION

JUGEMENT CONTENTIEUX DU
04 Septembre 2024

MINUTE : 2024/769

N° RG 24/03845 - N° Portalis DB3S-W-B7I-ZEWR
Chambre 8/Section 2


Rendu par Monsieur UBERTI-SORIN Stephane, Juge chargé de l'exécution, statuant à Juge Unique.
Assisté de Madame MOUSSA Anissa, Greffière,

DEMANDEUR :

Madame [E] [D]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Me Daniel SAADAT, avocat au barreau de PARIS



ET

DÉFENDEUR:

S.A.S. BULL Immatriculée au RCS de VERSAILLES

sous le numéro 642 058 739, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]

représ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
JUGE DE L'EXÉCUTION

JUGEMENT CONTENTIEUX DU
04 Septembre 2024

MINUTE : 2024/769

N° RG 24/03845 - N° Portalis DB3S-W-B7I-ZEWR
Chambre 8/Section 2

Rendu par Monsieur UBERTI-SORIN Stephane, Juge chargé de l'exécution, statuant à Juge Unique.
Assisté de Madame MOUSSA Anissa, Greffière,

DEMANDEUR :

Madame [E] [D]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Me Daniel SAADAT, avocat au barreau de PARIS

ET

DÉFENDEUR:

S.A.S. BULL Immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le numéro 642 058 739, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Me Cyrille FRANCO, avocat au barreau de PARIS, subsituté par Me TURET Marie-Sophie, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS :

Monsieur UBERTI-SORIN, juge de l’exécution,
Assistée de Madame MOUSSA, Greffière.

L'affaire a été plaidée le 26 Juin 2024, et mise en délibéré au 04 Septembre 2024.

JUGEMENT :

Prononcé le 04 Septembre 2024 par mise à disposition au greffe, par décision Contradictoire et en premier ressort.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par arrêt rendu le 11 septembre 2019, la cour d'appel de Paris a notamment ordonné " la remise par la SAS BULL à Madame [E] [D] de bulletins de paye conformes au présent arrêt ".

Par jugement du 1er septembre 2020, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny a notamment " enjoint la SAS BULL à remettre à Madame [E] [D] les bulletins de paie des mois de janvier 2019 et d'avril à octobre 2019 rectifiés tel qu'ordonné par la cour d'appel de Paris le 11 septembre 2019 et ce dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement et, à défaut, sous astreinte de 100 euros par mois de retard et par bulletin sur une période maximale de 6 mois ".

Par jugement du 4 novembre 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny a notamment :
- rejeté la demande de liquidation d'astreinte formée par Madame [E] [D] faute de signification de la décision du 1er septembre 2020 précitée ;
- assorti la condamnation prononcée par jugement en date du 1er septembre 2020 du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny d'une nouvelle astreinte provisoire de 300 euros par mois de retard et par document,
- dit que cette astreinte courra à compter d'un délai de deux mois après la signification de la présente décision, et pour une durée de 6 mois.

Par jugement du 30 mars 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny a :
- LIQUIDE l'astreinte provisoire prononcée par jugement du 4 novembre 2021 rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny à la somme de 10 000 euros,
- CONDAMNE la société BULL SAS à payer à Madame [E] [D] cette somme de 10 000 euros,
- ASSORTIT la condamnation prononcée par jugement en date du 1er septembre 2020 du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny d'une nouvelle astreinte provisoire de 300 euros par mois de retard et par document,
- DIT que cette astreinte courra à compter d'un délai de deux mois après la signification de la présente décision, et pour une durée de 6 mois,
- CONDAMNE la société BULL SAS à payer à Madame [E] [D] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles,
- CONDAMNE la société BULL SAS aux dépens,

Le jugement précité a été signifié à la SAS BULL le 12 mai 2023.

Par exploit d'huissier du 8 avril 2024, Madame [E] [D] a fait assigner la SAS BULL aux fins de voir :
-liquider l'astreinte à hauteur de 14.400 euros ;
-prononcer une nouvelle astreinte ;
-la voir condamner à lui verser 15.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive, 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles outre les dépens.

L'affaire a été retenue à l'audience du 26 juin 2024 et la décision mise en délibéré au 4 septembre 2024, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées.

A l'audience, Madame [E] [D], représentée, a soutenu sa demande. Elle soutient que :
-à ce jour, la SAS BULL ne lui a toujours pas transmis les bulletins de paie litigieux ;
-l'absence de remise de ces documents a pour conséquence de ne pas lui permettre de justifier de sa situation auprès des administrations notamment pour obtenir la liquidation de sa pension de retraite ce qui caractérise une résistance abusive.

Dans ses conclusions déposées à l'audience, la SAS BULL demande au juge de l'exécution de :
o CONSTATER que la société BULL est de bonne foi et que les bulletins sont en cours d'édition ;
o CONSTATER en tout état de cause l'absence de préjudice subi par Madame [D]
Par conséquent :
o DÉBOUTER Madame [D] de l'intégralité de ses demandes ;
o CONDAMNER Madame [D] aux entiers dépens.

La SAS BULL soutient notamment que l'astreinte n'est pas justifiée dès lors que :
-elle est confrontée à une impossibilité matérielle en ce que son prestataire n'est pas en mesure d'éditer les bulletins de paie litigieux en raison de la clôture des exercices comptables ;
-elle vient de trouver un nouveau prestataire qui pourra très prochainement éditer les bulletins de paie.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, à l'exploit introductif d'instance et aux dernières écritures des parties sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur la demande de liquidation de l'astreinte provisoire

Dispositions légales applicables

En application de l'article L. 131-2 du code des procédures civiles d'exécution, l'astreinte est provisoire ou définitive. C'est ainsi que l'astreinte est considérée comme provisoire à moins que le juge n'ait précisé son caractère définitif, étant précisé qu'une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu'après le prononcé d'une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine.

Aux termes de l'article L. 131-4 du code précité, le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et les difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter et l'astreinte est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

En application de l'article 1353 du Code civil, aux termes duquel celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation, il incombe au débiteur condamné de rapporter la preuve de l'exécution conforme et dans le délai imparti de cette obligation de faire.

L'astreinte, mesure de contrainte à caractère personnel destinée à assurer le respect du droit, en ce qu'elle impose, au stade de sa liquidation, une condamnation pécuniaire au débiteur de l'obligation, est de nature à porter atteinte à un intérêt substantiel de celui-ci. Elle entre ainsi dans le champ d'application de la protection des biens protégés par le Protocole n°1 annexé à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Il en résulte que le juge qui statue sur la liquidation d'une astreinte provisoire doit apprécier pour en déterminer le montant, le caractère proportionné de l'atteinte qu'elle porte au droit de propriété du débiteur au regard du but légitime qu'elle poursuit et de l'enjeu du litige.

Réponse du juge de l'exécution

En l'espèce, la décision rendue par le juge de l'exécution de ce siège le 30 mars 2023 a été signifiée à la SAS BULL le 12 mai 2023, tel que cela ressort du procès-verbal de signification produit en pièce 10 en demande.

Or, il n'est pas contesté par la SAS BULL que depuis le 12 juillet 2023, soit deux mois après la signification de la décision précitée, elle n'a produit aucun bulletin de paie conforme au dispositif de la décision rendue le 11 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris.

Pour démontrer sa bonne foi, la SAS BULL produit une seule pièce datée du 7 juin 2024. Il s'agit d'un ticket au terme duquel il est demandé à un prestataire de procéder à la reconstitution des bulletins de paie pour la période de janvier 2019 et du 1er avril au 30 octobre 2019.

Cependant, cette pièce ne permet pas de caractériser une cause étrangère en raison de laquelle la SAS BULL n'aurait pas été en mesure de respecter la décision rendue par la cour d'appel de Paris d'autant plus qu'elle est datée du 7 juin 2024 soit postérieurement à l'assignation en liquidation d'astreinte du 8 avril 2024.

Aucun élément du dossier ne permet ainsi de mettre en doute l'absence de possibilité de faire alléguée par la défenderesse. Par suite, il est établi que cette dernière n'a effectué aucunes diligences pour respecter l'obligation de faire mise à sa charge.

Dès lors, la demande en liquidation de l'astreinte est fondée en son principe.

Faute pour la SAS BULL de justifier d'une cause étrangère ou du caractère disproportionné de l'astreinte prononcée, celle-ci sera liquidée, pour la période à compter du 13 juillet 2023 pendant six mois, à hauteur de 14.400 euros (300 euros x 8 documents x 6 mois), montant que la partie défenderesse sera condamnée à payer.

II - Sur la demande de fixation d'une nouvelle astreinte

Madame [E] [D] sollicite la fixation d'une nouvelle astreinte provisoire de 600 euros par document et par mois qui courra dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision pendant six mois.

Compte tenu des éléments déjà exposés précédemment et du délai de plus de quatre années depuis l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 11 septembre 2029 au cours duquel la SAS BULL ne s'est toujours pas exécutée, il y aura lieu de prononcer une nouvelle astreinte provisoire à son encontre de 400 euros par mois de retard et par document pendant une période de 8 mois et cela dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision.

III - Sur la demande de dommages et intérêts

Madame [E] [D] sollicite 15.000 euros de dommages et intérêts considérant que les agissement de la société défenderesse constitue une résistance abusive.

La SAS BULL s'oppose à cette demande considérant que la demanderesse ne rapporte la preuve d'aucun préjudice.

Conformément aux dispositions du 4ème alinéa de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires.

Conformément aux dispositions de l'article 1240 du Code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Il appartient ainsi au demandeur de démontrer l'existence d'une faute, d'un préjudice et du lien de causalité entre les deux.

En l'espèce, il apparaît que la SAS BULL s'est abstenue depuis l'arrêt rendu le 11 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris de transmettre les documents sociaux nécessaires et utiles à la demanderesse pour lui permettre de réaliser ses démarches administratives, malgré les injonctions qui lui ont été faîtes à plusieurs reprises par l'autorité judiciaire et une première liquidation d'astreinte. Il apparaît qu'à ce jour les documents n'ont toujours pas été transmis ce qui caractérise la résistance abusive de la société défenderesse.

Madame [E] [D] est ainsi fondée à prétendre que la résistance abusive dont a fait preuve la SAS BULL lui cause un préjudice dans le fait même qu'elle a été contrainte, depuis plus de quatre ans, d'agir ou se défendre en justice dans de nombreuses procédures pour obtenir la simple exécution desdites condamnations. Ce préjudice moral sera justement réparé par l'allocation de la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts.

IV - Sur les demandes accessoires

a) Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

La SAS BULL qui succombe sera condamnée aux entiers dépens.

b) Sur les frais irrépétibles

En application de l'article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

Condamnée aux dépens, la SAS BULL sera également condamnée à indemniser Madame [E] [D] au titre de ses frais irrépétibles. Celle-ci sollicite la somme de 3.000 euros à ce titre mais ne produit aucun élément de nature à justifier sa demande telle que la convention d'honoraires conclue avec son conseil. Dans ces conditions, seule la somme forfaitaire de 1.500 euros lui sera allouée.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l'exécution, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort et prononcé par mise à disposition au Greffe,

ORDONNE la liquidation de l'astreinte provisoire prononcée par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny par jugement du 30 mars 2023 à hauteur de 14.400 euros ;

En conséquence,

CONDAMNE la SAS BULL à payer à Madame [E] [D] la somme de 14.400 euros ;

DIT que l'injonction faite à la SAS BULL par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 11 septembre 2019 et dans le jugement du 30 mars 2023 est assortie d'une nouvelle astreinte provisoire d'un montant de 400 euros par mois de retard, passé un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, l'astreinte courant durant HUIT MOIS ;

CONDAMNE la SAS BULL à verser à Madame [E] [D] la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la SAS BULL à verser à Madame [E] [D] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS BULL aux entiers dépens ;

RAPPELLE que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire.

Ainsi jugé et prononcé au Palais de Justice de Bobigny le 4 septembre 2024.

LA GREFFIÈRE LE JUGE DE L’EXÉCUTION
Anissa MOUSSA Stéphane Uberti-Sorin


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 8/section 2
Numéro d'arrêt : 24/03845
Date de la décision : 04/09/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-09-04;24.03845 ?
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