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04/09/2024 | FRANCE | N°24/05927

France | France, Tribunal judiciaire de Bobigny, Chambre 8/section 2, 04 septembre 2024, 24/05927


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
JUGE DE L'EXÉCUTION

JUGEMENT CONTENTIEUX DU
04 Septembre 2024

MINUTE : 2024/728

N° RG 24/05927 - N° Portalis DB3S-W-B7I-ZNWY
Chambre 8/Section 2


Rendu par Monsieur UBERTI-SORIN Stephane, Juge chargé de l'exécution, statuant à Juge Unique.
Assisté de Madame HALIFA Zaia, Greffière,

DEMANDEUR

Monsieur [Z] [N]
[Adresse 3]
[Localité 4] FRANCE

représenté par Me Laurence APITZ, avocat au barreau de PARIS - R166



ET

DÉFENDEUR

Madame [U] [O] [E] [J]
[Adresse

2]
[Localité 4]

représentée par Me Ludivine ABITBOL-TURGEMAN, avocat au barreau de PARIS - C2239


COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS

Monsieu...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
JUGE DE L'EXÉCUTION

JUGEMENT CONTENTIEUX DU
04 Septembre 2024

MINUTE : 2024/728

N° RG 24/05927 - N° Portalis DB3S-W-B7I-ZNWY
Chambre 8/Section 2

Rendu par Monsieur UBERTI-SORIN Stephane, Juge chargé de l'exécution, statuant à Juge Unique.
Assisté de Madame HALIFA Zaia, Greffière,

DEMANDEUR

Monsieur [Z] [N]
[Adresse 3]
[Localité 4] FRANCE

représenté par Me Laurence APITZ, avocat au barreau de PARIS - R166

ET

DÉFENDEUR

Madame [U] [O] [E] [J]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Ludivine ABITBOL-TURGEMAN, avocat au barreau de PARIS - C2239

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS

Monsieur UBERTI-SORIN, juge de l’exécution,
Assisté de Madame HALIFA, Greffière.

L'affaire a été plaidée le 19 Juin 2024, et mise en délibéré au 04 Septembre 2024.

JUGEMENT

Prononcé le 04 Septembre 2024 par mise à disposition au greffe, par décision Contradictoire et en premier ressort.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [U], [O], [E] [J] et Monsieur [Z], [T] [N] se sont mariés le [Date mariage 1] 1996 à [Localité 4] sous le régime de la participation aux acquêts selon contrat de mariage préalable reçu le 19 août 1996. De leur union sont nés trois enfants [Y], [I] et [D].

Par jugement rendu le 24 juin 2019, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bobigny a prononcé le divorce pour acceptation de la rupture du mariage et a notamment condamné Monsieur [Z], [T] [N] à verser à son ex épouse la somme de 100.000 euros à titre de prestation compensatoire. Selon les parties, la décision a été signifiée le 6 août 2019.

Monsieur [Z], [T] [N] a interjeté appel du jugement précité le 26 juillet 2019.

Dans son arrêt rendu le 10 novembre 2022, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement précité concernant le quantum de la prestation compensatoire. Selon les parties, la décision a été signifiée le 14 décembre 2022.

Selon Monsieur [Z], [T] [N], il aurait procédé à un premier versement de 50.000 euros le 29 décembre 2022, cette somme provenant d'un prêt familial.

Le 17 novembre 2023, Madame [U], [O], [E] [J] a fait délivrer à Monsieur [Z], [T] [N] un commandement d'avoir à lui payer la somme de 68.816,33 euros comprenant 50.000 euros au titre du solde de la prestation compensatoire, 18.107,38 euros au titre des intérêts, outre divers frais.

Le 8 décembre 2023, Monsieur [Z], [T] [N] a émis en faveur de son ex épouse un virement de 20.000 euros.

Le 4 janvier 2024, deux saisie-attributions réalisées le 29 décembre 2023 à la demande de Madame [U], [O], [E] [J] à l'encontre de Monsieur [Z], [T] [N] pour un montant de 50.519,92 euros lui ont été dénoncées, une saisie concernant les comptes bancaires qu'il détient dans les livres de la Banque populaire, l'autre dans celle du Crédit agricole.

Par exploit d'huissier du 31 janvier 2024, signifié le 1er février suivant, Monsieur [Z], [T] [N] a fait assigner Madame [U], [O], [E] [J] aux fins de la voir condamner à :
Vu l'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire, Vu les articles L.211-1à L. 211-5 du Code des procédures civiles d'exécution, Vi les articles L. 231-5 à L. 213-7 du Code des procédures civiles d'exécution, Vu l'article L. 313-3 du Code monétaire et financier.
Déclarant la demande de Monsieur [N] recevable et bien fondée,
-Constater que Monsieur [N] a tenté par tous les moyens à sa disposition de régler la dette résultant de l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris, confirmant le jugement de divorce.
-Dire qu'en raison de la bonne foi du débiteur de ses efforts pour régler spontanément sa dette, le montant des intérêts sollicité est abusif.
-A titre principal : dire qu'il n'y a pas lieu à paiement d'intérêts de retard,
-A titre subsidiaire : réduire ce montant à de plus juste proportions.
-Dire et juger qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [N] les frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts En conséquence,
- Condamner Madame [J] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
- Condamner Madame [J] aux entiers dépens

L'affaire a été retenue à l'audience du 19 juin 2024 et la décision mise en délibéré au 4 septembre 2024, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées.

A l'audience, Monsieur [Z], [T] [N], représenté, a soutenu sa demande. Il explique que c'est pour des motifs totalement indépendants de sa volonté qu'il n'a pas été en mesure de verser immédiatement la somme de 100.000 euros à son ex épouse au titre de la prestation compensatoire à laquelle il a été condamné. Il précise notamment que :
-il a été contraint d'emprunter 50.000 euros à sa mère, somme qu'il a reversée à son ex épouse ;
-il a été sans emploi du 8 septembre au 31 décembre 2021, puis à compter du 13 avril 2023 ;
-un accord entre les parties était en cours de négociation quant au paiement du solde de la prestation compensatoire.

Dans ses conclusions déposées à l'audience, Madame [U], [O], [E] [J] demande au juge de l'exécution de :
Vu l'article 1231-7 du Code Civil
Vu l'article L313-3 du Code monétaire et financier,
Vu l'article 1244-1 du Code Civil,
Vu les articles 699 et 700 du Code de procédure civile
A titre principal :
o DEBOUTER Monsieur [N] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions.
A titre subsidiaire :
o Exonérer Monsieur [N] de la majoration des intérêts calculés pour la période postérieure à la délivrance de l'assignation, soit à compter du 31/01/2024,
En tout état de cause :
o CONDAMNER Monsieur [N] à régler à Madame [J] une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
o CONDAMNER Monsieur [N] aux entiers dépens.

La défenderesse soutient notamment que :
-le patrimoine de son ex époux notamment immobilier était de nature à lui permettre de s'acquitter de la prestation compensatoire de 100.000 euros sans aucun délai ;
-son ex époux est de mauvaise foi dès lors qu'il a attendu une année pour commencer à lui verser une partie de la somme.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, à l'exploit introductif d'instance et aux dernières écritures des parties sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Dans son assignation, Monsieur [Z], [T] [N] sollicite :
A titre principal : dire qu'il n'y a pas lieu à paiement d'intérêts de retard,
-A titre subsidiaire : réduire ce montant à de plus juste proportions.

En réalité, le demandeur sollicite que les saisie-attributions dénoncées le 4 janvier 2024 soient cantonnées à la somme représentant le solde dont il est redevable envers son épouse au titre de la prestation compensatoire, soit 30.000 euros, à l'exclusion de tout intérêt de retard.

Il est également observé que Monsieur [Z], [T] [N] ne conteste pas le calcul de l'intérêt légal majoré réalisé par le commissaire de justice, ni son point de départ fixé au 7 octobre 2019. Il n'y aura donc pas lieu à statuer sur ces points.

I - Sur la recevabilité de la contestation de la saisie-attribution

Conformément aux dispositions du 1er alinéa de l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.

En l'espèce, les procès-verbaux des saisie-attributions réalisées le 29 décembre 2023 ont été dénoncés à Monsieur [Z], [T] [N] le 4 janvier 2024 et celui-ci a formé une contestation par assignation signifiée le 1er février 2024, soit dans le délai légal. De plus, il justifie que la contestation a été dénoncée lendemain à l'huissier qui a pratiqué la saisie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

La contestation est donc recevable en la forme.

II - Sur le cantonnement au titre de la suppression de la majoration du taux de l'intérêt légal

Conformément aux dispositions du 1er alinéa de l'article 213-6 du code de l'organisation judiciaire, " Le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. "

L'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.

Aux termes du 1er alinéa de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision.

Le second alinéa de l'article L. 313-3 précité, qui s'applique aux dettes d'aliments à défaut d'exclusion expresse, permet au juge de l'exécution d'exonérer ou de réduire le montant de la majoration du taux de l'intérêt légal à laquelle le débiteur est tenu en vertu du premier alinéa de cet article, sans distinguer selon que les intérêts sont dus pour la période antérieure ou postérieure à la décision de ce juge.

A titre liminaire, il est observé que le fait que Monsieur [Z], [T] [N] ait été sans emploi pour la période du 8 septembre au 31 décembre 2021, période antérieure à l'arrêt précité, est sans effet sur l'appréciation de sa bonne foi au regard de ses obligations à l'égard de son ex épouse.

Par ailleurs, le fait qu'il ait tenté de négocier un accord de nature à lui permettre d'échelonner le paiement de sa dette est également sans effet sur le quantum de l'intérêt de retard dû dès lors qu'il ne produit aucun accord signé par son ex épouse ou son conseil.

En l'espèce, Monsieur [Z], [T] [N] démontre avoir fait des efforts pour s'acquitter de sa dette et notamment avoir emprunté de l'argent à sa mère. Il s'est ainsi acquitté de la moitié de la prestation compensatoire due à son ex épouse par un versement dès le mois de décembre 2022 de 50.000 euros.

Cependant, il ressort de l'avis d'imposition de Monsieur [N] établi en 2023 au titre des revenus de 2022, que son revenu fiscal de référence s'est élevé à 98.444 euros, ce revenu tenant compte de diverses charges, étant précisé que son seul revenu d'activité s'est élevé à 114.771 euros, l'impôt dû étant de 24.306 euros, soit environ 7.539 euros net mensuel après impôt.

Pour l'année 2023, Monsieur [N] ne produit pas sa déclaration d'impôt sur le revenu établie en 2024. En revanche, il ressort de son bulletin de paie relatif au mois d'avril 2023 qu'il a perçu au cours des quatre premiers mois d'activité, la somme de 45.037,56 euros ; il a également perçu des indemnités de pôle emploi pour 25.204,23 euros. C'est ainsi que pour l'année 2024, le débiteur a perçu, a minima, 5.843 euros environ de revenus mensuels.

Par ailleurs, s'il ressort de l'attestation établie par pôle emploi le 8 janvier 2024 que Monsieur [N] apparaît comme demandeur d'emploi depuis le 17 mai 2023, il ne ressort pas des pièces versées aux débats les raisons expliquant une période de chômage prolongée compte tenu des qualifications qui sont les siennes et du marché de l'emploi en 2023.

Mais surtout, il ressort de l'arrêt rendu le 10 novembre 2022 que la cour d'appel de Paris a considéré que Monsieur [Z], [T] [N] ne justifiait pas de la nécessité de devoir régler le capital selon des mensualités étalées sur 8 ans du fait qu'il avait la faculté de réaliser des actifs pour verser la prestation compensatoire.

Or, Monsieur [N] n'allègue ni ne prouve avoir recherché à réaliser son actif immobilier étant précisé que son ex épouse n'a pas à supporter les conséquences des investissements qu'il a pus réaliser notamment lors du remploi des fonds issus de la vente du domicile conjugal.

Il est ainsi établi qu'après le premier paiement de 50.000 euros au mois de décembre 2022, aucun paiement n'ait intervenu. Et ce n'est que le 8 décembre 2023 que Monsieur [Z], [T] [N] a émis en faveur de son ex épouse un virement de 20.000 euros, seulement après le commandement de payer qui lui avait été délivré le 17 novembre 2023.

Faute de rapporter la preuve de son indigence et de sa volonté de réaliser son actif immobilier, il n'est pas envisageable d'accorder à Monsieur [Z], [T] [N] une baisse de la majoration de l'intérêt légal de 5 points qui a pour objet de contraindre le débiteur à s'exécuter volontairement de ses obligations, et cela d'autant qu'ayant interjeté appel de la décision rendue par le premier juge le 24 juin 2019, il a de fait bénéficié d'un important délai, la cour d'appel de Paris n'ayant rendu son arrêt que le 10 novembre 2022, délai qui était de nature à lui permettre de prendre toutes dispositions pour s'acquitter de ses obligations le moment venu.

En conséquence, Monsieur [Z], [T] [N] sera débouté de l'ensemble de ses demandes.

III - Sur les demandes accessoires

a) Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Monsieur [Z], [T] [N] qui succombe sera condamné aux entiers dépens.

b) Sur les frais irrépétibles

En application de l'article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; par suite, il sera dit n'y avoir lieu à condamnation à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l'exécution, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort et prononcé par mise à disposition au Greffe,

DÉBOUTE Monsieur [Z], [T] [N] de l'ensemble de ses demandes ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

DIT n'y avoir lieu à condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [Z], [T] [N] aux entiers dépens ;

RAPPELLE que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire.

Ainsi jugé et prononcé au Palais de Justice de Bobigny le 4 septembre 2024.

LA GREFFIÈRE LE JUGE DE L’EXÉCUTION

Zaia HALIFA Stéphane Uberti-Sorin


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bobigny
Formation : Chambre 8/section 2
Numéro d'arrêt : 24/05927
Date de la décision : 04/09/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-09-04;24.05927 ?
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