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08/07/2024 | FRANCE | N°22/03291

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 08 juillet 2024, 22/03291


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 22/03291 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WFMD


JUGEMENT DU 08 JUILLET 2024



DEMANDEUR :

M. [S] [G]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Gabriel DENECKER, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

M. [R] [C]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Calliope GUIONNET, avocat au barreau de LILLE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/008660 du 24/06/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LILLE)


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur : Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur : Sophie DUGOUJON...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 22/03291 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WFMD

JUGEMENT DU 08 JUILLET 2024

DEMANDEUR :

M. [S] [G]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Gabriel DENECKER, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

M. [R] [C]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Calliope GUIONNET, avocat au barreau de LILLE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/008660 du 24/06/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LILLE)

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur : Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur : Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER : Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 05 Juillet 2023.

A l’audience publique du 11 Mars 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 08 Juillet 2024.

Leslie JODEAU, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 08 Juillet 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Le 12 mai 2020, M. [S] [G] a fait l'acquisition d'un véhicule de marque Triumph TR4 immatriculé [Immatriculation 5], mis en circulation pour la première fois le 1er janvier 1963, au prix de 26.111 euros.

Ce véhicule était la propriété de M. [R] [C] depuis le 14 février 2018.

M. [S] [G] a mandaté la société Disposeo aux fins de se rendre à [Localité 2] pour récupérer le véhicule et lui livrer. La livraison a eu lieu le 22 mai 2020.

Se plaignant d'un bruit anormal provenant du véhicule, M. [S] [G] a missionné le cabinet LB Expertises lequel a rendu un rapport le 31 août 2020.

Suite à cela, M. [S] [G] a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille lequel a, par ordonnance en date du 20 août 2021, ordonné une expertise confiée à M. [M] [W].

L'expert a déposé son rapport le 14 mars 2022.

Suivant exploit délivré le 13 mai 2022, M. [S] [G] a fait assigner M. [R] [C] devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins principalement d'obtenir la résolution de la vente.

M. [R] [C] a saisi le juge de la mise en état d'un incident.

Par ordonnance en date du 15 décembre 2022, le juge de la mise en état a rejeté l'exception de nullité de l'assignation et réservé les frais irrépétibles et les dépens.

Les parties ont fait notifier leurs dernières écritures par voie électronique le 24 mars 2023 pour M. [S] [G] et le 21 novembre 2023 pour M. [R] [C].

Après révocation de la première ordonnance de clôture, la clôture des débats est intervenue le 30 novembre 2023, et l’affaire fixée à l’audience du 11 mars 2024.

* * * *

Aux termes de ses dernières écritures, M. [S] [G] demande au tribunal de  :

Vu les articles 1240, 1641 et suivants du code civil,

prononcer la résolution de la vente intervenue le 12 mai 2020 avec M. [R] [C] portant sur le véhicule de marque Triumph, modèle TR4, immatriculé [Immatriculation 5], au visa de l'article 1641 du code civil,juger que M. [R] [C] a la qualité de professionnel dans le cadre de la vente de son véhicule Triumph,subsidiairement, juger que M. [R] [C] avait connaissance des vices affectant son véhicule,condamner M. [R] [C] à lui rembourser la somme de 26.111 euros correspondant au prix de vente du véhicule, avec intérêts au taux légal à compter du 20 août 2021, date de l'ordonnance de référé expertise,condamner M. [R] [C] au versement des sommes suivantes au titre de la réparation des préjudices subis :* 594 euros au titre des frais de livraison du véhicule effectuée par l'entreprise Disposeo,
* 859,14 euros au titre des frais d'assurance engagés sur la période du 15 mai 2020 au 15 avril 2022 et à parfaire jusqu'au jour où le véhicule sera récupéré par M. [R] [C],

* 840 euros au titre des frais d'intervention de M. [X] [L], expert automobile,
* 18.172,56 euros au titre des préjudices d'immobilisation et de privation de jouissance pour la période du 18 juin 2020 au 15 mai 2022 sur la base d'une indemnité journalière de 26,11 euros,
condamner M. [R] [C] au paiement d'une indemnité complémentaire journalière de 26,11 euros à compter du 16 mai 2022 au titre des préjudices d'immobilisation et de privation de jouissance jusqu'au jour où il récupérera son véhicule après règlement des indemnités dues à M. [S] [G],condamner M. [R] [C] au paiement d'une indemnité de 2.000 euros au titre du préjudice moral subi,condamner M. [R] [C], sous réserve de la bonne exécution préalable de l'ensemble des condamnations mises à sa charge, à procéder à l'enlèvement du véhicule à ses frais et à son domicile ou en tout autre lieu indiqué par lui,condamner M. [R] [C] au paiement de la somme de 4.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,condamner M. [R] [C] aux entiers frais et dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ainsi que tous frais à sa charge en application de la prestation de recouvrement ou d'encaissement figurant au numéro 129 du tableau 3-1 visé à l'article A444-32 du code de commerce (ancien article 10 du tarif des huissiers de justice).
Aux termes de ses dernières écritures, M. [R] [C] demande au tribunal de :

Vu les dispositions des articles 1147, 1343-5, 1353, 1641, 1642, 1644, 1645 et 1646 du code civil,
Vu l'article liminaire du code de la consommation,
Vu les dispositions des articles 6,514 et 514-1 du code de procédure civile,

à titre principal, débouter M. [S] [G] de toutes ses demandes pour vice caché,à titre subsidiaire :* juger qu'il a la qualité de vendeur non professionnel
* juger qu'il a réalisé la vente de bonne foi, sans conscience de l'ampleur des vices mécaniques affectant le véhicule,
* ramener ses condamnations à de plus justes proportions et notamment :
concernant les frais occasionnés par la vente :
* statuer ce que de droit concernant les frais de livraison du véhicule,
* débouter M. [S] [G] de sa demande au titre des frais d'assurance engagés pour la période du 15 mai 2020 au 15 avril 2022 et au delà pour défaut de justificatif régulier,
concernant les dommages et intérêts complémentaires :
* débouter M. [S] [G] de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice moral et des préjudices d'immobilisation et de privation de jouissance,
* lui accorder des délais de paiement pour toutes condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 23 mensualités de 100 euros et le solde le 24ème mois,
* dire que les sommes ne porteront intérêts qu'au taux légal, à compter de la signification du jugement à intervenir,
à titre très subsidiaire :concernant les frais occasionnés par la vente :
* statuer ce que de droit concernant les frais de livraison du véhicule,
* débouter M. [S] [G] de sa demande au titre des frais d'assurance engagés pour la période du 15 mai 2020 au 15 avril 2022 et au delà pour défaut de justificatif régulier,
concernant les dommages et intérêts complémentaires :
* débouter M. [S] [G] de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice moral,
* le condamner au règlement de 646,22 euros au titre des préjudices d'immobilisation et de privation de jouissance pour la période du 18 juin 2020 au 15 mai 2022 à parfaire selon cette proposition au jour de l'enlèvement du véhicule,
* lui accorder des délais de paiement pour toutes condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 23 mensualités de 100 euros et le solde le 24ème mois,
* dire que les sommes ne porteront intérêts qu'au taux légal, à compter de la signification du jugement à intervenir,
en tout état de cause :* statuer ce que de droit pour les dépens et les fais irrépétibles,
* minorer les demandes formulées au titre de l'article 700,
* écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Pour l’exposé des moyens des parties, il sera fait application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et procédé au visa des dernières conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il y a lieu de dire qu’une demande tendant à “dire constater et juger” ne constitue pas une prétention en justice devant être tranchée par le tribunal mais simplement un exposé des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions.

Sur l’application de la garantie au titre des vices cachés

Sur l'existence de vices cachés

Aux termes de l’article 1641 du Code civil, « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’ils les avait connus ».

L’article 1642 de ce même code précise que « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ».

L’acquéreur doit ainsi rapporter la preuve d’un défaut grave, compromettant l’usage de la chose, non apparent et antérieur à la vente.

Il est rappelé qu’en matière de vente de véhicules d’occasion, un vice d'une particulière gravité est exigé pour mettre en œuvre la garantie prévue à l'article 1641 du Code civil, l'acheteur devant s'attendre en raison même de l'usure dont il est averti, à un fonctionnement de qualité inférieure à celui d'un véhicule neuf, ce qui explique qu’un véhicule d’occasion subisse une décote importante avec le temps et le kilométrage.

En l'espèce, M. [S] [G] invoque la garantie des vices cachés pour obtenir la résolution de la vente. Il n'a pas précisément listé les vices qu'ils estiment répondre à la définition posée par l'article 1641. Seront d'emblée écartés les désordres qui, aux termes du rapport de l'expert judiciaire, sont d'évidence apparents, tels que les défauts de finition, même s'il n'est pas contesté que M. [S] [G] n'a pas vu le véhicule avant la vente, puisque ce dernier se trouvait dans le Sud.

Il est acquis aux débats que le véhicule litigieux a été mis en circulation pour la première fois en janvier 1963 et que M. [R] [C] en a fait l'acquisition le 14 février 2018 au prix de 4.000 £ en très mauvais été général avant de le restaurer en intégralité puis de le revendre à M. [S] [G] au prix de 26.111 euros.

Si M. [R] [C] soutient que la vente s'est faite via le site d'enchères privées Catawiki, il n'en rapporte pas la preuve. Au contraire, il est versé aux débats l'annonce publiée sur le site Facebook mentionnant un véhicule de collection entièrement restauré en parfait état, le certificat de cession dressé entre lui et M. [S] [G] le 12 mai 2020, sans mention d'un quelconque intermédiaire, ainsi que les justificatifs du paiement du prix directement entre les mains du vendeur par virements bancaires.

Il n'est pas contesté par l'acquéreur que M. [R] [C] a passé beaucoup de temps à restaurer le véhicule, en faisant appel, pour certains travaux, à des professionnels (peinture, moteur).

Il n'en demeure pas moins que l'expert [W] a relevé l'existence de nombreux défauts affectant le véhicule.

Ainsi, notamment, l'expert indique que l'essai du véhicule n'a pas pu être réalisé du fait d'un grave défaut d'étanchéité de l'alimentation en carburant (risque d'incendie) et du jeu important de la direction. Le moteur n'a ainsi pas pu être vérifié.

L'expert a décelé plusieurs fuites de carburant, les tuyaux d'alimentation étant croqués, perforés et non adaptés. Il a également relevé que la boite de vitesse est perforée, qu'il existe un jeu excessif de la colonne de direction et un défaut de rotule.

L'expert conclut que le véhicule n'est pas apte à l'usage auquel le destinait son acquéreur et qu'il présente un caractère de dangerosité. Il indique que les imperfections relevées ou constatées sont en relation avec un manque de professionnalisme des réparations effectuées par M. [R] [C] en méconnaissance des règles de l'art en la matière.

Il explique que pour remédier aux désordres, il conviendrait, sous réserve de l'état du moteur, non vérifié, de corriger les défauts d'étanchéité au niveau du circuit carburant, les défauts électriques, de remplacer la rotule de direction voir de refaire l'ensemble de la colonne de direction et de reprendre totalement la rénovation carrosserie-peinture-sellerie.

Les défauts relevés par l'expert judiciaire avaient déjà été constatés par le cabinet LB Expertises. En effet, celui-ci avait relevé que le carter de la boîte de vitesse est endommagé, qu'une fuite importante de carburant existe sur un carburateur et que l'essence s'écoule sur le collecteur d'échappement entraînant un risque d'incendie, que la rotule de direction gauche est endommagée, que la colonne de direction n'est pas correctement fixée et que le châssis est déformé à plusieurs endroits. Il avait conclu, comme l'a fait l'expert judiciaire, que le véhicule est dangereux et impropre à son usage.

Le vendeur ne conteste pas que les désordres ainsi relevés existaient au moment de la vente et lui étaient donc antérieurs. Il conteste en revanche le caractère caché des vices et le fait qu'ils rendraient le véhicule impropre à son usage faute pour l'acquéreur d'avoir fait connaître l'usage auquel il destinait le véhicule.

Sur ce dernier point, même si le caractère de véhicule de collection n'a pas été spécialement discuté par les parties, il ressort de l'annonce Facebook que le véhicule a une carte grise collection. L'ancienneté du véhicule implique que l'acheteur ne le destinait pas à un usage quotidien pour la vie privée et professionnelle. Néanmoins, même en l'absence de précision de M. [S] [G] sur ce point, il est évident qu'en achetant un véhicule de collection, il attendait que celui-ci puisse circuler, même de manière réduite, ce qui est impossible eu égard au risque d'incendie. Il est donc parfaitement établi que le véhicule est impropre à l'usage attendu d'un véhicule de collection.

Par ailleurs, dès lors que les désordres affectaient le circuit carburant et l'organe de direction, qui ne sont pas visibles par simple examen visuel du véhicule, il doit être considéré qu'ils étaient nécessairement cachés aux yeux de l'acquéreur, simple profane. Et il ne peut être soutenu, comme le fait le défendeur, que les malfaçons mécaniques auraient nécessairement interpellé le transporteur, la société Disposeo, et auraient ainsi dû conduire l'acheteur à refuser la livraison alors que la vente était déjà parfaite et que l'acquéreur ne disposait pas d'un droit de rétraction ne s'agissant pas d'une vente soumise au droit de la consommation.

Sur l'action rédhibitoire

L'article 1644 du Code civil dispose qu'en cas de vice caché, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, étant précisé que cette option entre l'action rédhibitoire et l'action estimatoire est ouverte au seul acquéreur, sans qu'il ait à en justifier.

Au sens des articles 1304-3 alinéa 2 et 1304-7 du Code civil, la résolution d'un acte juridique consiste dans l'anéantissement rétroactif des effets de celui-ci et a pour conséquence de remettre les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient à la date de sa conclusion, sans remettre en cause, le cas échéant, les actes conservatoires et d'administration.

L'article 1352 du Code civil dispose que la restitution d'une chose autre que d'une somme d'argent a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution.

En l'espèce, M. [S] [G] a fait le choix de solliciter la résolution de la vente du véhicule litigieux.

En conséquence, il y a lieu de prononcer la résolution de la vente intervenue entre les parties le 12 mai 2020.

Sur les conséquences de la résolution et les demandes indemnitaires

Conformément à une lecture combinée des articles 1645 et 1646 du Code civil, seul le vendeur de mauvaise foi qui connaissait les vices de la chose est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur ; dans le cas contraire, il n'est tenu qu'à la restitution du prix et au remboursement à l'acquéreur des frais occasionnés par la vente.

Le vendeur professionnel est présumé avoir connaissance des vices de la chose.

En l'espèce, par suite de la résolution, M. [R] [C] sera tenu de restituer à M. [S] [G] le prix de vente du véhicule soit la somme de 26.111 euros dont il est justifié. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de l'assignation et non de l'ordonnance de référé comme sollicité.

La restitution du véhicule par M. [S] [G] sera en outre ordonnée, à charge pour M. [R] [C] de récupérer le véhicule, à l'endroit où il se trouve et dans son état. Il n'est pas justifié de prévoir que la restitution du véhicule devra avoir lieu après paiement des sommes dues par le vendeur.

S'agissant des frais occasionnés par la vente, M. [R] [C] ne conteste pas sérieusement devoir rembourser les frais de livraison du véhicule par la société Disposeo qui se sont élevés, selon facture du 29 mai 2020, à la somme de 549 euros (pièce 2 en demande). Il sera donc condamné à verser cette somme à l'acquéreur.

Le vendeur conteste en revanche devoir verser la somme de 859,14 euros telle que réclamée au titre des cotisations d'assurance au motif que les justificatifs versés aux débats ne mentionnent pas que le véhicule litigieux est le véhicule assuré. Le tribunal constate, comme le vendeur, que les justificatifs d'assurance versés aux débats font état d'une assurance Auto 4 roues divers sans toutefois qu'il ne soit mentionné que le véhicule assuré est le véhicule Triumph (pièces 5, 6 et 7). En l'état des contestations émises en défense, M. [S] [G] n'a pas jugé opportun de produire d'autres justificatifs. Dans ces conditions, la demande au titre des cotisations d'assurance sera rejetée.

S'agissant des dommages et intérêts, M. [S] [G] soutient que M. [R] [C] est un professionnel de la vente automobile et qu'en tant que tel, il est présumé avoir connaissance des vices de la chose. Pour autant, force est de constater qu'il ne verse aux débats aucun élément permettant de considérer que M. [R] [C] serait spécialisé dans l'achat de véhicules à bas prix dans le but de les remettre en état et de les revendre.

En effet, tout au plus M. [R] [C] admet-il, dans ses conclusions, avoir tenté de restaurer deux véhicules sur les deux décennies passées. Le seul fait qu'il ait acheté le véhicule Triumph pour une somme nettement moindre que celle à laquelle il l'a revendu ne peut suffire à considérer qu'il exercerait une activité lucrative alors qu'il a investi du temps et de l'argent dans la restauration du dit véhicule.

A défaut de reconnaissance de sa qualité de professionnel, M. [S] [G] fait valoir que M. [R] [C] est de mauvaise foi en ce qu'il avait connaissance des vices cachés.

Sur ce point, il convient de relever que M. [R] [C] a entrepris de restaurer, en grande partie seul, un véhicule ancien sans démontrer qu'il disposait de compétences particulières en la matière et notamment qu'il connaissait les règles de l'art applicables. Malgré cela, et alors qu'il a été suffisamment établi, par les rapports d'expertise, que le véhicule est dangereux et que les travaux de restauration ont été faits en méconnaissance des règles de l'art, M. [R] [C] n'a pas hésité à présenter son véhicule comme un véhicule en parfait état de marche dans son annonce Facebook. En effet, il a indiqué notamment “voiture entièrement restaurée” et “voiture en parfait état peut-être mieux qu'à sa sortie d'usine”. Il a également précisé que plusieurs équipements étaient neufs. Pourtant, il a reconnu lui-même, devant l'expert, qu'il n'avait jamais fait usage du véhicule depuis sa restauration du fait de sa corpulence. Dans ces conditions, sans remettre en question le temps investi dans la restauration, et quand bien même il aurait pu être rassuré par le fait que le contrôle technique réalisé le 20 février 2019, soit plus d'un an avant la vente, ne mentionnait que des défaillances mineures, il doit être considéré que M. [R] [C] a fait preuve de mauvaise foi en présentant le véhicule comme étant en parfait état et qu'il ne pouvait ignorer les vices affectant le véhicule en raison de la restauration non conforme à laquelle il s'est livré.

Il est donc tenu des dommages et intérêts complémentaires à charge pour le demandeur d'établir la réalité des préjudices dont il demande réparation.

S'agissant des frais d'intervention du cabinet LB Expertises, aucune contestation n'est émise en défense et il est justifié des honoraires de ce cabinet à hauteur de 840 euros (pièce 8 en demande), somme qui sera mise à la charge du vendeur.

S'agissant de l'indemnité d'immobilisation, il est réclamé une somme de 18.172,56 euros au titre de l'immobilisation du véhicule entre le 18 juin 2020 et le 15 mai 2022, sur la base d'une indemnité journalière de 26,11 euros. Il est également demandé que soit fixée à compter du 16 mai 2022 une indemnité de 26,11 euros jusqu'au jour où le véhicule sera récupéré par le vendeur.

Le vendeur propose de limiter l'indemnisation à la somme de 646,22 euros correspondant à 49,5 jours d'utilisation, soit une demi journée par semaine sur la période du 18 juin 2020 au 15 mai 2022, et après diminution par deux du montant de l'indemnité journalière réclamée.

Le tribunal relève que M. [S] [G] n'explique nullement comment il est parvenu à chiffrer une indemnité d'immobilisation journalière de 26,11 euros, pas plus qu'il n'explique l'ampleur du préjudice d'immobilisation et de jouissance qui aurait été le sien. Il convient de rappeler que le véhicule Triumph litigieux est un véhicule de collection qui, par définition, n'était pas destiné à être utilisé quotidiennement mais seulement lors de sorties ponctuelles. Il n'est donc pas sérieux de réclamer l'indemnisation d'un préjudice d'immobilisation et de jouissance d'un montant quasiment équivalent au prix du véhicule alors même qu'il n'est versé aux débats aucun justificatif venant établir la réalité de ce préjudice. Dans ces conditions, l'octroi d'une somme de 1.000 euros sera jugée satisfactoire pour indemniser le préjudice d'immobilisation et de jouissance depuis l'achat jusqu'à la reprise du véhicule par le vendeur.

Enfin, s'agissant du préjudice moral, le tribunal relève là encore qu'il n'est versé aucun justificatif de l'ampleur du préjudice moral invoqué. Il n'en demeure pas moins que l'achat d'un véhicule, présenté comme étant en parfait état, alors qu'il se révèle dangereux et inutilisable a nécessairement engendré des désagréments, contrariétés et déceptions qu'il convient d'indemniser à hauteur de 1.000 euros.

Sur les délais de paiement

L'article 1343-5 du code civil prévoit que :

« Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondants aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliment »

En l'espèce, M. [R] [C] justifie de ce qu'il est en retraite et perçoit de faibles revenus, de l'ordre de 900 euros par mois. Il s'acquitte d'un prêt immobilier de 700 euros par mois. Il bénéficie de l'aide juridictionnelle totale. Sa situation financière est objectivement précaire.

Néanmoins, en l’état actuel de la dette, l’offre de règlement par ré-échelonnement ne permet pas un apurement intégral dans le délai maximal légal de deux ans.

Dans ces conditions, la demande de délais de paiement sera rejetée.

Sur la demande relative aux frais d’exécution forcée
 
L’article A. 444-32 du code de commerce prévoit, dans sa rédaction issue de l’arrêté du 26 février 2016, que :
 “ La prestation de recouvrement ou d'encaissement figurant au numéro 129 du tableau 3-1 donne lieu à la perception d'un émolument ainsi fixé :
1° Si le montant de la créance est inférieur ou égal à 188 €, un émolument fixe de 21,45 € ;
2° Au-delà du seuil de 188 € mentionné au 1°, dans la limite de 5 540 €, un émolument proportionnel aux sommes encaissées ou recouvrées au titre de la créance en principal ou du montant de la condamnation, à l'exclusion des dépens, selon le barème suivant (...).
 
Cette prestation est à la charge du créancier en vertu de l’article R.444-55 du même code qui énonce que :
 
“ Les émoluments des prestations mentionnées aux numéros 128 et 129 du tableau 3-1 annexé à l'article R. 444-3, à la charge respectivement du débiteur et du créancier, sont cumulables ».
 
Le tribunal relève que M. [S] [G] n’articule aucun moyen de droit ni de fait au soutien de sa demande et qu'il n'est dès lors aucunement justifié de déroger à la règle posée par ces articles.

Sur l'exécution provisoire

En application de l’article 514 du code de procédure civile, en vigueur depuis le 1er janvier 2020 dans sa rédaction issue du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019 :

“ Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.”

Il n’y a lieu ni d’ordonner l’exécution provisoire, laquelle assortit le jugement par l’effet de ce décret, ni de déroger à ce principe.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; [...]
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. [...]”.

Succombant en l'instance, M. [R] [C] sera condamné aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

La situation économique de M. [R] [C] justifie de le dispenser de toute condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort,

Prononce la résolution de la vente intervenue entre M. [S] [G] et M. [R] [C] le 12 mai 2020 portant sur le véhicule Triumph TR4 immatriculé [Immatriculation 5],

Condamne M. [R] [C] à verser à M. [S] [G] la somme de 26.111 euros euros au titre de la restitution du prix de vente, cette somme portant intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

Ordonne la restitution du véhicule Triumph TR4 immatriculé [Immatriculation 5] par M. [S] [G] à M. [R] [C] à charge pour ce dernier de récupérer le véhicule à l'endroit où il se trouve et dans son état,

Condamne M. [R] [C] à payer à M. [S] [G] les sommes suivantes :
549 euros au titre desfrais de livraison du véhicule,840 euros au titre des frais du cabinet LB Expertises1.000 euros au titre du préjudice d'immobilisation de jouissance,1.000 euros au titre du préjudice moral,
Déboute M. [S] [G] de sa demande au titre des frais d'assurance et du surplus de ses demandes,

Déboute M. [R] [C] de sa demande de délais de paiement,

Condamne M. [R] [C] aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre des frais irrépétibles,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Rappelle que la présente décision est exécutoire de droit par provision.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 22/03291
Date de la décision : 08/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-08;22.03291 ?
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