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08/07/2024 | FRANCE | N°22/03558

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 08 juillet 2024, 22/03558


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
Chambre 04
N° RG 22/03558 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WFEJ

JUGEMENT DU 08 JUILLET 2024
DEMANDEURS :

Mme [C] [X] épouse [E]
[Adresse 2]
[Localité 14]
représentée par Me Marc-antoine ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE

M. [R] [T]
[Adresse 15]
[Localité 12]
représenté par Me Marc-antoine ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE

M. [J] [T]
[Adresse 17]
[Localité 11]
représenté par Me Marc-antoine ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE

Mme [F] [E] [O], en sa qualité d’ayant droit de M.[A

] [E]
[Adresse 22], [Localité 7]
ESPAGNE
représenté par Me Marc-antoine ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE

Mme [V] [E], en ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
Chambre 04
N° RG 22/03558 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WFEJ

JUGEMENT DU 08 JUILLET 2024
DEMANDEURS :

Mme [C] [X] épouse [E]
[Adresse 2]
[Localité 14]
représentée par Me Marc-antoine ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE

M. [R] [T]
[Adresse 15]
[Localité 12]
représenté par Me Marc-antoine ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE

M. [J] [T]
[Adresse 17]
[Localité 11]
représenté par Me Marc-antoine ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE

Mme [F] [E] [O], en sa qualité d’ayant droit de M.[A] [E]
[Adresse 22], [Localité 7]
ESPAGNE
représenté par Me Marc-antoine ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE

Mme [V] [E], en sa qualité d’ayant droit de M.[A] [E]
[Adresse 19]
[Localité 12]
représenté par Me Marc-antoine ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE

M. [D] [E], en sa qualité d’ayant droit de M. [A] [E]
[Adresse 6]
[Localité 1]
représenté par Me Marc-antoine ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE
DEFENDEURS :

La S.A. BPCE ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 18]
[Localité 16]
représentée par Me Emmanuel RIGLAIRE, avocat au barreau de LILLE

M. [I] [L]
[Adresse 5]
[Localité 13]
représenté par Me Véronique VITSE-BOEUF, avocat postulant au barreau de LILLE, Me Georges LACOUEILHE avocat plaidant au barreau de PARIS

L’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections iatroègnes et des infections nosocomiales, représenté par son Directeur
[Adresse 3]
[Localité 20]
représentée par Me Gaëlle MOQUET, avocat postulant au barreau de LILLE, Me Olivier SAUMON avocat plaidant au barreau de PARIS.

La CPAM DE [Localité 25] [Localité 21], prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 10]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur : Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur : Sophie DUGOUJON, Juge

Greffier : Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS : Vu la clôture différée au 30 Septembre 2023.

A l’audience publique du 11 Mars 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 27 Mai 2024 et prorogé au 08 Juillet 2024.

Leslie JODEAU, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré.

JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 08 Juillet 2024 par Leslie JODEAU, Vice-Présidente pour la Présidente empêchée, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

En juillet 2019, Mme [C] [X] épouse [E], alors âgée de 60 ans, s'est vue détecter par son cardiologue une sténose de l'artère rénale droite justifiant une angioplastie.

Le 15 juillet 2019, elle a consulté le Dr [N], chirurgien vasculaire au sein de l'Hôpital Privé de [Localité 13], ci-après l'HPVA, pour envisager une angioplastie, par pose d'un stent.

L'opération a finalement été réalisée le 5 août 2019 par le Dr [I] [L], chirurgien vasculaire.

L'acte d'angioplastie de l'artère rénale droite s'est compliqué d'une hémorragie ayant conduit à un choc hémorragique, une néphrectomie droite et une défaillance multiviscérale nécessitant un séjour prolongé en réanimation puis en hospitalisation puis en service de soins de suite et de réadaptation.

Mme [C] [E] a finalement regagné son domicile le 2 décembre 2019.

Les époux [E] ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille lequel a, par ordonnance en date du 23 novembre 2021, ordonné une expertise confiée au Pr [Z] [Y], spécialisé en néphrologie. L'expert s'est adjoint le concours du Dr [G], radiologue.

L'expert a déposé son rapport le 12 avril 2022 et a conclu à la survenue d'un aléa thérapeutique.

Suivant exploit délivré les 12, 13 et 31 mai 2022, Mme [C] [X] épouse [E], M. [A] [E], M. [R] [T] et M. [J] [T], ci-après les consorts [E] [T], ont fait assigner le Dr [I] [L], l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, ci-après l'ONIAM, la société BPCE Assurances et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de de Lille Douai, ci-après la CPAM, devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins d'indemnisation.

Bien que régulièrement assignée, la CPAM n'a pas constitué avocat.

M. [A] [E] est décédé en cours d'instance, le [Date décès 8] 2023. Par conclusions notifiées par RPVA le 30 juin 2023, Mme [F] [E] [O], Mme [V] [E] et M. [D] [E] sont intervenus volontairement à l'instance en leur qualité d'ayants-droit de leur père décédé.

Les parties ont fait notifier leurs dernières conclusions par voie électronique le 30 juin 2023 pour les consorts [E] [T], le 5 septembre 2023 pour le Dr [I] [L], le 1er juin 2023 pour l'ONIAM et le 25 septembre 2023 pour la société BPCE.

La clôture des débats est intervenue le 30 septembre 2023, et l’affaire fixée à l’audience du 11 mars 2024.

* * * *

Aux termes de leurs dernières écritures, les consorts [E] [T] demandent au tribunal de :

Vu les articles L1111-2 et L1142-1 du code de la santé publique,
Vu l'article L113-5 du code des assurances,

débouter le Dr [I] [L], l'ONIAM et la société BPCE de l'intégralité de leurs demandes,dire et juger que le Dr [I] [L] a manqué à son obligation d'information pré-opératoire à l'égard de sa patiente,dire et juger que le préjudice corporel subi par Mme [C] [E] dans les suites de l'opération chirurgicale réalisée le 5 août 2019 au sein de l'établissement HPVA est la conséquence de la réalisation d'un aléa thérapeutique et que l'ONIAM doit indemniser Mme [C] [E], M. [A] [E], M. [R] [T] et M. [J] [T] de l'intégralité des préjudices liés à l'accident médical,à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où il serait contesté, contre l'avis des experts, que le préjudice n'est pas la conséquence d'un aléa thérapeutique mais d'une faute technique, dire et juger que le Dr [I] [L] serait alors tenu à indemnisation,dire et juger que la société BPCE, conformément au contrat « garantie des accidents de la vie 007035733 » la liant à eux, doit indemniser Mme [C] [E], M. [A] [E], M. [R] [T] et M. [J] [T] de l'intégralité des préjudices subis,
En conséquence :

A titre principal (aléa thérapeutique) :

condamner solidairement le Dr [I] [L] et la société BPCE à payer à Mme [C] [E] la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'information et préjudice d'impréparation,condamner solidairement l'ONIAM et la société BPCE Assurances à lui payer la somme de 480.569,43 euros à titre de dommages et intérêts (provisions déduites de 15.000 euros) selon le détail ci-après :* frais TV : 201 euros
* DSA : 90 euros
* DSF : 2.999,76 euros
* Transports : 7.805 euros
* FLA : 5.611,67 euros
* ATP avant consolidation : 15.058 euros
* ATP après consolidation : 173.620 euros
* PGP/IP : 61.787 euros
* DFT : 8.397 euros
* SE : 40.000 euros
* préjudice esthétique temporaire : 3.000 euros
* préjudice esthétique définitif : 5.000 euros
* DFP : 150.000 euros
* préjudice sexuel : 10.000 euros
* préjudice d'agrément : 12.000 euros
condamner solidairement l'ONIAM et la société BPCE Assurances à payer à M. [A] [E] la somme principale de 30.000 euros au titre du préjudice d'affection et du préjudice sexuel subis,condamner solidairement l'ONIAM et la société BPCE Assurances à payer à M. [R] [T] et M. [J] [T] la somme principale de 3.000 euros chacun au titre du préjudice d'affection,

A titre infiniment subsidiaire (faute technique) :

condamner solidairement le Dr [I] [L] et la société BPCE à payer à Mme [C] [E] la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'information et préjudice d'impréparation,condamner solidairement le Dr [I] [L] et la société BPCE Assurances à lui payer la somme de 480.569,43 euros à titre de dommages et intérêts (provisions déduites de 15.000 euros) selon le détail ci-après :* frais TV : 201 euros
* DSA : 90 euros
* DSF : 2.999,76 euros
* Transports : 7.805 euros
* FLA : 5.611,67 euros
* ATP avant consolidation : 15.058 euros
* ATP après consolidation : 173.620 euros
* PGP/IP : 61.787 euros
* DFT : 8.397 euros
* SE : 40.000 euros
* préjudice esthétique temporaire : 3.000 euros
* préjudice esthétique définitif : 5.000 euros
* DFP : 150.000 euros
* préjudice sexuel : 10.000 euros
* préjudice d'agrément : 12.000 euros
condamner solidairement le Dr [I] [L] et la société BPCE Assurances à payer à Mme [F] [E] [O], Mme [V] [E] et M. [E] en leur qualité d'ayants droit de leur père décédé [A] [E] la somme principale de 30.000 euros au titre du préjudice d'affection et du préjudice sexuel subis par ce dernier,condamner solidairement le Dr [I] [L] et la société BPCE Assurances à payer à M. [R] [T] et M. [J] [T] la somme principale de 3.000 euros chacun au titre du préjudice d'affection,
En toutes hypothèses :

condamner solidairement le Dr [I] [L], l'ONIAM et la société BPCE Assurances à payer à Mme [C] [E], Mme [F] [E] [O], Mme [V] [E], M. [D] [E], M. [R] [T] et M. [J] [T] la somme de 12.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,les condamner solidairement aux dépens de l'instance outre les dépens de l'instance ayant conduit à l'ordonnance de référé du 23 novembre 2021 et les frais d'expertise judiciaire,dit n'y avoir lieu à déroger à l'exécution provisoire de la décision à intervenir qui est de droit,déclarer la décision à intervenir opposable à la CPAM.
Aux termes de ses dernières conclusions, le Dr [I] [L] demande au tribunal de :

A titre principal :

débouter les consorts [E] [T] de l'intégralité de leurs demandes dirigées à son encontre,débouter tout concluant de l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre,condamner les consorts [E] [T] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,condamner les consorts [E] [T] aux entiers dépens,
A titre subsidiaire :

dire que l'indemnisation mise à sa charge ne saurait excéder l'euro symbolique,débouter les consorts [E]-[T] du surplus de leurs demandes dirigées à son encontre,
A titre infiniment subsidiaire :

limiter sa part de responsabilité à 10%,appliquer ces 10% aux sommes sollicitées par les consorts [E] [T],débouter Mme [C] [E] de ses demandes formulées au titre :* des dépenses de santé actuelles et futures,
* des frais de télévision,
* des frais d'aménagement du domicile,
* des frais de transports,
* des pertes de gains professionnels actuels,
* de l'incidence professionnelle,
* du préjudice esthétique temporaire,
* du préjudice d'agrément,
réduire les prétentions indemnitaires de Mme [C] [E] à de plus justes proportions,déduire, en priorité, les sommes versées par la société BPCE à Mme [C] [E] à hauteur de 166.640 euros et en conséquence, juger qu'il ne saurait être tenu de verser la moindre somme au titre de :* l'assistance par tierce personne temporaire et permanente,
* des préjudices professionnels,
* des souffrances endurées,
* du déficit fonctionnel permanent,
* du préjudice sexuel,
* du préjudice d'agrément,
réduire les sommes sollicitées au titre de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions,débouter Mme [F] [E] [O], Mme [V] [E], M. [D] [E] de leurs demandes formulées au titre du préjudice sexuel de M. [A] [E],débouter Mme [F] [E] [O], Mme [V] [E], M. [D] [E] de leurs demandes formulées au titre du préjudice d'affection de M. [A] [E] ; à titre très subsidiaire, réduire le montant des demandes à de plus justes proportions,débouter M. [R] [T] et M. [J] [T] de leurs demandes,
En tout état de cause :

débouter l'ONIAM de sa demande d'expertise judiciaire,déduire, en priorité, des sommes qui pourraient être mises à sa charge les sommes versées par la société BPCE à Mme [C] [E] à hauteur de 166.640 euros,suspendre l'exécution provisoire.
Aux termes de ses dernières écritures, l'ONIAM demande au tribunal de :

Vu l'article L1142-1 du code de la santé publique,

A titre principal :
constater que des manquements fautifs sont à l'origine des dommages subis par Mme [C] [E],constater qu'il n'intervient qu'à titre subsidiaire de toute faute,prononcer sa mise hors de cause,
A titre subsidiaire :

ordonner la tenue d'une expertise au contradictoire de l'ensemble des parties,nommer tel expert qu'il lui plaira aux fins de procéder aux opérations d'expertise, selon mission reprise aux conclusions auxquelles il est renvoyé,lui donner acte de ses protestations et réserves sur le bien fondé de sa mise en cause,ordonner une sursis à statuer dans l'attente de la production du rapport d'expertise,
A titre infiniment subsidiaire :

constater qu'il ne s'oppose pas au principe d'indemnisation des postes de préjudices subis par Mme [C] [E] liquidés comme suit

à défaut de communication de pièces justificatives, rejeter toute demande d'indemnisation au titre des dépenses de santé, assistance par tierce personne, perte de gains professionnels, incidence professionnelle,subsidiairement, retenir une indemnisation de l'assistance tierce personne temporaire à hauteur de 4.863,54 euros, soit 0 euros à sa charge, la société BPCE indemnisant à hauteur de 6.640 euros,subsidiairement, retenir une indemnisation de l'assistance tierce personne définitive à hauteur de 77.913,15 euros sous forme de rente semestrielle et sous réserve des justificatifs de non perception d'aides, soit 47.913,15 euros à sa charge, déduction faite de l'indemnisation par la société BPCE,rejeter les demandes indemnitaires au titre du préjudice d'agrément et les demandes indemnitaires pour l'époux et les enfants,en conséquence, l'indemnisation des préjudices subis par Mme [C] [E] ne saurait excéder la somme de 9.783,28 euros à sa charge,
En tout état de cause :

constater qu'il ne peut être solidairement condamné avec un responsable fautif,rejeter la demande formée au titre des frais irrépétibles en ce qu'elle est dirigée à son encontre,écarter l'exécution provisoire,statuer ce que de droit sur les dépens.
Aux termes de ses dernières écritures, la société BPCE Assurances demande au tribunal de :

Vu les articles L1111-2 et L1142-1 du code de la santé publique,
Vu l'article L113-5 du code des assurances,

la condamner à verser à Mme [C] [E] la somme de 149.904,08 euros, provision déduite, se décomposant comme suit :* ATP avant consolidation : 6.640 euros
* ATP après consolidation : 28.264,08 euros
* incidence professionnelle : 30.000 euros
* SE : 15.000 euros
* préjudice esthétique permanent : 2.000 euros
* DFP : 75.000 euros
* préjudice sexuel : 5.000 euros
* préjudice d'agrément : 3.000 euros
provisions à déduire : 15.000 euros
dire n'y avoir lieu à déduire les sommes versées par elle à la condamnation du Dr [I] [L],débouter Mme [C] [E] du reste de ses demandes,débouter M. [R] [T] et M. [J] [T] de leurs demandes,débouter Mme [F] [E] [O], Mme [V] [E] et M. [D] [E] de leurs demandes,dire n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision à intervenir.
Pour l’exposé des moyens respectifs des parties, il sera fait application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et procédé au visa des dernières conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la qualification du jugement

La CPAM n'ayant pas constitué avocat et la décision étant susceptible d’appel, il sera statué par jugement réputé contradictoire, conformément à l’article 474 du code de procédure civile.

Conformément à l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond ; le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable, et bien fondée.

Sur la responsabilité du Dr [I] [L] au titre d'un défaut d'information

Aux termes de l’article L 1111-2 du code de la santé publique :
“Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver.
Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser.
Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel.
[...] En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen.”
Il découle de ces dispositions qu'il existe une obligation légale d'informer le patient des risques même exceptionnels consécutifs à un acte de soins, dès lors que ces risques sont graves et normalement prévisibles. En effet, tout professionnel de santé est tenu de donner à son patient une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés et n'est pas dispensé de cette obligation par le seul fait qu'un tel risque grave ne se réalise qu'exceptionnellement. En tout état de cause, l'information doit également porter sur les risques spécifiques à la personne.

Indépendamment des cas dans lesquels le défaut d'information sur les risques inhérents à un acte d'investigation, de traitement ou de prévention a fait perdre au patient une chance d'éviter le dommage résultant de la réalisation de l'un de ces risques, en refusant qu'il soit pratiqué, le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d'information cause à celui auquel l'information était due, lorsque ce risque se réalise, un préjudice résultant d'un défaut de préparation aux conséquences d'un tel risque.

Sur les manquements au devoir d'information
Mme [C] [E] fait valoir qu'aucun document ne lui a été remis avant l'intervention pour l'informer des risques, qu'aucune information orale ne lui a été donnée sur la possibilité de complications graves et qu'elle n'a jamais rencontré le Dr [I] [L] avant l'intervention.

Le Dr [I] [L] soutient qu'une information orale complète a été délivrée à la patiente le 15 juillet 2019 par le Dr [N], notamment sur le risque d'hématome périrénal et qu'un délai de réflexion de 22 jours lui a été laissé. Il estime donc qu'aucun manquement ne peut lui être reproché.

Sur ce, il est acquis que Mme [C] [E] a rencontré le Dr [N], chirurgien vasculaire, le 15 juillet 2019 en vue de la réalisation d'une angioplastie de l'artère rénale droite. Dans son compte rendu de consultation, le Dr [N] indique qu'il a expliqué à la patiente « les risques inhérents, ponction fémorale à l'angioplastie rénale avec notamment le risque d'hématome périrénale ».

Elle a finalement été opérée le 5 août 2019 par le Dr [I] [L] sans l'avoir au préalable rencontré.

Au décours de l'opération, elle a subi une complication sous forme de choc hémorragique qui a conduit à la réalisation d'une néphrectomie droite et d'une iléostomie et qui a nécessité une hospitalisation de plusieurs mois.

S'agissant de l'information, le Pr [Y] retient qu'elle n'a pas été complète puisque formulée oralement par le Dr [N] et non par le Dr [L]. Il indique que Mme [C] [E] a retenu que les complications étaient « minimes au pire une nuit ou 2 d'hospitalisation supplémentaires ».

Sur dire du conseil du Dr [I] [L], le Pr [Y] a maintenu ses conclusions en relevant que, selon les déclarations du chirurgien, aucun formulaire écrit n'est donné en pré-opératoire aux patients avant angioplastie et en retenant que l'information orale délivrée par le Dr [N] a minimisé les risques de complications.

Il rappelle que le Dr [I] [L] n'a rencontré la patiente qu'au bloc opératoire et n'a donc pas pu lui donner l'information en temps utile et ajoute que l'information, pour être complète, nécessite du temps, comme en témoigne la longueur du formulaire d'information remis par le conseil du chirurgien à l'expert. Formulaire dont l'expert, comme le tribunal, relève qu'il n'a pas été signé par Mme [C] [E] et qu'il est daté du 9 mars 2022, soit bien postérieurement à l'intervention.

S'il n'est pas exigé du chirurgien qu'il délivre à son patient une information écrite sur les risques inhérents à l'intervention, il lui appartient néanmoins de justifier de l'information qu'il a délivrée et de sa complétude. Le devoir d'information pèse sur chaque praticien amené à prendre en charge la patiente. Le Dr [I] [L] ne peut donc se retrancher derrière l'information donnée par le Dr [N] laquelle a été limitée au risque d'hématome périrénal et n'a visiblement pas porté sur les complications finalement subies par la patiente. Il lui appartenait, à tout le moins, de s'assurer que sa patiente avait reçu une information complète sur les risques de complications graves de l'angioplastie et notamment des risques d'hémorragie par rupture de l'artère, ce qu'il ne démontre pas avoir fait, alors même que cette complication figure dans le document écrit qu'il a transmis à l'expert et dont il est acquis qu'il n'a pas été donné à Mme [C] [E].

Dans ces conditions, il doit être retenu que le Dr [I] [L] a manqué à son devoir d'information.

Sur le préjudice
Ainsi qu'il a été dit, le manquement au devoir d'information d'un médecin peut être à l'origine d'une perte de chance de renoncer au traitement envisagé et/ou d'un préjudice d'impréparation aux conséquences du risque qui s'est finalement réalisé.
Mme [C] [E] sollicite la somme de 15.000 euros faisant valoir que si, mieux informée, elle avait renoncé à l'opération proposée, elle ne se serait exposée qu'à un risque mesuré d'aggravation de son état et qu'elle a donc été privée de la possibilité d'effectuer un choix éclairé. Elle ajoute qu'elle subit un préjudice d'impréparation n'ayant pu anticiper les difficultés subies et le handicap qui en est résulté.

Le Dr [I] [L] fait valoir qu'aucune perte de chance de renoncer à l'intervention ne peut être retenue et que seule une somme de 1 euro symbolique peut être allouée au titre du préjudice moral.

Devant l'expert, Mme [C] [E] a convenu que si elle avait été informée du risque hémorragique grave, dont l'incidence est estimée à 1% environ selon l'expert, elle n'aurait pas renoncé à l'intervention. Elle ne peut donc réclamer une indemnisation au titre de la perte de chance de renoncer à l'angioplastie.

En revanche, il est évident que le manquement au devoir d'information l'a privée de la possibilité de se préparer à toutes les complications qui se sont effectivement réalisées. Ce préjudice d'impréparation doit être indemnisé et le sera à hauteur de 2.000 euros.

Le Dr [I] [L] sera donc tenu de lui verser cette somme au titre du préjudice d'impréparation.

Sur la mise en jeu de la solidarité nationale

En application de l’article L.1142-1 du code de la santé publique :

“ I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.

II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.
Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret.”

L'article D1142-1 du même code dispose que :
« Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L.1142-1 est fixé à 24 %.
Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %.
A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu :
1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ;
2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence ».

L'article L.1142-1 du code de la santé publique exprime donc un principe de subsidiarité de l’indemnisation par l’ONIAM.
Les dispositions du II font obstacle à ce que l'ONIAM supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d'un dommage en vertu du I.

Ces dispositions n'excluent cependant toute indemnisation par l'office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d'un fait engageant leur responsabilité. Un partage de la charge de l'indemnisation est donc concevable.

Ainsi, dans l’hypothèse où une faute commise par une telle personne a fait perdre à la victime une chance d’échapper à l’accident ou de se soustraire à ses conséquences, l’accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si l’ensemble de ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique. Dans ce dernier cas, l’indemnité due par l’ONIAM est seulement réduite du montant de celle mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance et correspondant à une fraction des différents chefs de préjudice subis.

L'aléa thérapeutique se caractérise par la survenance, en dehors de toute faute du praticien, d'un risque accidentel inhérent à l'acte médical et qui ne peut être maîtrisé.

Pour ouvrir droit à indemnisation au titre la solidarité nationale, le dommage doit remplir plusieurs conditions cumulatives :
être imputable à un acte de diagnostic, de prévention ou de soins,entraîner des conséquences anormales pour le patient au regard de son état de santé et de l'évolution prévisible de celui-ci,présenter un caractère de gravité fixé par décret.
En l'espèce, Mme [C] [E] recherche, à titre principal, la mise en jeu de la solidarité nationale faisant valoir, en se basant sur le rapport de l'expert judiciaire, qu'elle a été victime d'un aléa thérapeutique. Ce n'est qu'à titre subsidiaire qu'elle entend rechercher la responsabilité du chirurgien. Elle s'oppose à toute nouvelle expertise.

L'ONIAM demande à être mis hors de cause soutenant que le dommage est la conséquence d'un manquement fautif du chirurgien. Subsidiairement, il sollicite une nouvelle expertise faisant valoir que l'expert n'a pas répondu à toutes les questions de la mission, s'agissant notamment d'un manquement fautif, et que ses conclusions sont incohérentes avec ses constatations.

Le Dr [I] [L] fait valoir quant à lui qu'il n'a commis aucune faute lors de l'intervention chirurgicale puisque l'expert a conclu à la survenue d'un aléa thérapeutique.

Sur ce, il ressort du rapport d'expertise du Pr [Y], lequel s'est adjoint le concours d'un sapiteur radiologue, le Dr [G], les éléments suivants :

Entre 2018 et 2019, Mme [C] [E] a connu plusieurs épisodes d'hypertension artérielle nécessitant des arrêts de travail ce qui l'a conduit à consulter le Dr [M], cardiologue, qui, lors de la consultation du 2 juillet 2019, a relevé une sténose de l'artère rénale droite à 70%.

Lors de la consultation avec le Dr [N], chirurgien vasculaire à l'HPVA, en date du 15 juillet 2019, il a été posé l'indication d'une angioplastie (technique permettant de déboucher les artères rétrécies ou obstruées) pour essayer de normaliser la tension ou au moins faire diminuer le niveau tensionnel.

Mme [C] [E] a été hospitalisée le 5 août 2019 et est descendue au bloc à 12h13. L'intervention d'angioplastie a été menée par le Dr [I] [L] aux fins de pose d'un stent au niveau de l'artère rénale droite.

La patiente est remontée en salle de réveil à 14h14.

A 17h15, elle a fait un malaise vagal et a été mise sous O2. A 17h45, la pression artérielle est descendue à 7/5 cmHG avec induration et douleur du flanc droit ce qui a conduit à un remplissage vasculaire et à la réalisation d'un scanner en urgence. Le scanner a mis en évidence un hématome rétro-péritonéal droit et péri rénal droit avec saignement.

La patiente est retournée au bloc opératoire à 18h52 pour embolisation d'une branche segmentaire de l'artère rénale droite.
Le lendemain, le 6 août 2019, un nouveau scanner a été réalisé à 14h40 en raison de l'état hémodynamique préoccupant de la patiente, lequel a mis en évidence une augmentation de l'hématome rétropéritonéal droit et un épanchement péri hépatique et péri splénique.

La patiente a de nouveau été transférée au bloc opératoire pour embolisation du rein droit. L'angiographie retrouvait un saignement actif du pôle inférieur du rein droit. Lors de la procédure et avant le geste opératoire, elle a fait un arrêt cardiaque de 10 minutes.

En salle de surveillance post-interventionnelle, elle a fait un nouvel arrêt cardiaque et il a été relevé une désaturation et une hyperpression abdominale liée à une rupture de la capsule rénale. Elle a donc bénéficié d'une néphrectomie droite avec drainage d'un hémopéritoine de 3,5 litres. Avant la levée de la décompression, elle a présenté un troisième arrêt cardiaque.

Elle a été transférée en réanimation chirurgicale au CHRU de [Localité 25] le 6 août 2019 à 21h45. Elle est arrivée en défaillance multi viscérale sur choc hémorragique, insuffisance rénale, hépatique et respiratoire et sous sédation.

Dans la nuit du 7 au 8 août 2019, elle a subi une colectomie droite partielle avec iléocolostomie en canon de fusil sur une nécrose colique droite.

Elle a été placée sous ventilation mécanique jusqu'au 20 août 2019 et a dû bénéficier d'une hémodialyse périodique compte tenu de l'insuffisance rénale.

Le 28 août 2019, elle a été transférée au service de néphrologie du CHRU de [Localité 25]. Le sevrage de la dialyse est intervenu le 15 septembre avec récupération lente de la fonction rénale. Durant l'hospitalisation, jusqu'au 26 septembre, la colostomie a été maintenue.

Le 26 septembre 2019, elle a été hospitalisée en soins de suite et de réadaptation au centre [24] à [Localité 23] pour prise en charge d'une tétraparésie.

Elle a regagné son domicile le 2 décembre 2019.

A la question n°11 de sa mission, portant précisant sur le point de savoir s'il s'agit d'une perte de chance et si le dommage est imputable à la réalisation d'un aléa thérapeutique, le Pr [Y] a répondu :
« Si on considère que les accidents hémorragiques par perforation ou rupture de l'artère rénale après angioplastie sont rares (3%), on peut estimer que la perte de chance liée à l'accident est au moins de 95%. Au vu des comptes rendus opératoires, il ne semble pas y avoir eu de faute technique. Il s'agit donc d'un aléa thérapeutique. L'accident médical non fautif est rare et inhérent à l'acte médical, et ne pouvait être maitrisé.

La patiente a été surveillée étroitement, et les décisions thérapeutiques ont été prises lorsqu'il le fallait. L'anticoagulation et l'anti agrégation plaquettaire, recommandée en cas d'angioplastie et de mise en place de stent, ont été arrêtées lorsque le saignement persistant a été constaté. La reprise au bloc opératoire a été effectuée rapidement le 1er jour et décidée également dans les heures suivant la déglobulisation le 2ème jour. La reprise par angiographie pour l'hématome du flanc droit avec une image de saignement au scanner était logique et aurait dû permettre de stopper le saignement.
Par la suite, alors que la patiente continuait à saigner, la décision d'embolisation de l'artère rénale était à mettre en balance avec la néphrectomie qui a finalement été réalisée in extremis ».

A la question n°7 de sa mission, portant sur le point de savoir si les actes réalisés notamment dans l'établissement du diagnostic, dans le choix de la thérapie, dans la délivrance de l'information, dans la réalisation des actes et des soins, dans la surveillance, ont été consciencieux, attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science à l'époque où ils ont été réalisés, il est vrai que l'expert s'est prononcé uniquement sur l'indication de l'angioplastie, qu'il a estimé justifiée, et sur la délivrance de l'information pré-opératoire, qu'il a estimé insuffisante.

Dans ce paragraphe, il ne s'est pas expressément prononcé sur l'existence ou non d'un manquement fautif du chirurgien lors de la réalisation de l'angioplastie et de la pose du stent. Pour autant, d'une part, le tribunal relève que l'ONIAM n'a pas cru devoir former un dire sur ce point pour permettre à l'expert de compléter son rapport, ce qu'a fait la demanderesse s'agissant de l'obligation d'information, d'autre part, il ressort de la réponse à la question n°11 que l'expert a considéré, à la lecture des comptes rendus opératoires, que le chirurgien n'avait pas commis de faute technique lors de la réalisation de son geste chirurgical.

Le Pr [Y] a relevé, en analysant le scanner réalisé le 5 août vers 17h45, que le saignement est à distance du tronc de l'artère rénale et du stent, au niveau du cortex, notamment à la jonction 1/3 inférieur et 1/3 moyen. Pour expliquer le saignement, il a émis l'hypothèse que « la branche artérielle distale aurait été traumatisée (percée) par le guide poussé trop loin » (page 11 du rapport).

C'est ce qui fait dire à l'ONIAM que le dommage est en réalité imputable à une maladresse fautive du chirurgien lors de la réalisation de l'acte.

Le Dr [I] [L] explique que pour réaliser l'angioplastie avec pose de stents, l'opérateur utilise un navigateur artériel, plus communément appelé guide artériel, pour entrer dans l'artère et que ce guide doit franchir la lésion pour poser le stent, ce qui ressort effectivement du compte rendu opératoire qui indique « franchissement de la lésion à l'aide d'un guide terumo 0.035 sur sonde C2 ».

Le seul fait que l'expert ait indiqué que le guide aurait été poussé trop loin, ce qui reste une simple hypothèse, ne suffit pas à dire que le chirurgien aurait commis une maladresse fautive ou aurait manqué de précision lors de la réalisation de son geste opératoire alors même que l'organe atteint est celui-là même sur lequel il devait intervenir. D'ailleurs, l'expert, dans sa réponse à la question n°11, a exclu l'existence d'une faute technique.

La demanderesse verse aux débats le rapport du Dr [K] [H] qui a réalisé une expertise unilatérale à la demande de la société BPCE. Dans son rapport, il rappelle les complications subies par la patiente à savoir la constitution d'un volumineux hématome lié au saignement d'une branche de l'artère rénale au tiers moyen ayant d'abord justifié une embolisation sélective, puis une récidive du saignement ayant conduit à l'embolisation complète de l'artère rénale, puis une néphrectomie.

Il explique que cette succession de complications est à l'origine d'un choc hémorragique avec trois arrêts cardio-circulatoires récupérés, d'une hypoxie réfractaire sur syndrome de détresse respiratoire aiguë et d'une insuffisances rénale aiguë sur nécrose tubulaire aiguë ayant justifié une longue prise en charge en réanimation. Il ajoute qu'il y a également eu une nécrose du colon droit ayant imposé une colectomie droite partielle avec double stomie.

Le Dr [H] conclut à la survenue d'un accident médical en indiquant que les complications lors des procédures d'angioplastie stenting des sténoses de l'artère rénale sont connues et en précisant qu'en per-opératoire, il s'agit principalement des ruptures artérielles, des embolies, des dissections artérielles, ce qui représente dans la majorité des séries, moins de 3% des cas. S'il précise qu'il n'a pas été destinataire du compte rendu opératoire de l'angioplastie et qu'il ne peut se positionner sur le caractère fautif ou non de la complication, il indique que, dans la grande majorité des cas, il s'agit d'un aléa thérapeutique.

Cela rejoint les conclusions de l'expert judiciaire qui rappelle les différentes complications pouvant survenir en cas d'angioplastie, les plus fréquentes étant des hématomes au point de ponction artérielle (environ 15% des cas), la dissection ou la thrombose de l'artère, plus rare, environ 2-3% des cas, et l'hématome péri-rénal (2-3% des cas).

Plus précisément, il indique que les accidents hémorragiques par perforation ou rupture de l'artère rénale après angioplastie sont rares, inférieurs à 3%.

L'ONIAM ne verse aux débats aucun avis technique d'un médecin conseil qui serait de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert judiciaire quant à l'absence de faute technique et quant à la survenance d'un aléa thérapeutique. Ainsi qu'il a été dit, il n'a pas davantage jugé utile de former un dire auprès de l'expert sur ce point.

Dans ces conditions, et sans qu'il ne soit nécessaire d'ordonner une nouvelle expertise, l'expert s'étant prononcé sur l'absence de faute du chirurgien, il ne peut être retenu que le Dr [I] [L] aurait commis une maladresse fautive lors de l'intervention à l'origine de l'hémorragie et des complications qui en sont résultées.

Dès lors qu'il est établi que la patiente a été victime d'un accident médical non fautif et qu'il n'est pas discuté par l'ONIAM que cet accident répond aux conditions posées par l'article L.1142-1 II du code de la santé publique, étant précisé à ce stade que Mme [C] [E] conserve un déficit fonctionnel permanent de 50%, il doit être jugé que l'ONIAM est tenu d'indemniser les préjudices résultant de l'accident médical non fautif.

Sur l’indemnisation du préjudice de la victime directe

Conformément aux dispositions de l'article 9 du Code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

A titre liminaire, il convient de rappeler que l'indemnisation a pour objet de replacer la victime autant qu'il est possible dans la situation où elle se serait trouvée si le fait dommageable n'avait pas eu lieu, de sorte qu'il n'en résulte pour elle ni perte ni profit.

Pour les calculs de capitalisation, il sera retenu le barème de capitalisation de la gazette du palais publié le 31 octobre 2022, au taux de 0%, s’agissant de la table de calcul la plus appropriée au principe de la réparation intégrale du préjudice au regard de l’érosion monétaire et des tables de mortalité, étant rappelé sur ce point que le tribunal apprécie souverainement le taux devant être appliqué.

Il n'y a pas lieu d'appliquer le référentiel de l'ONIAM.

Il sera retenu que la date de consolidation des lésions est intervenue le 18 septembre 2020 et qu'à cette date, Mme [C] [E] était âgée de 61 ans.

Sur la déduction des indemnités perçues ou à percevoir

L’article L1142-17 du code de la santé publique prévoit que les prestations énumérées à l’article 29 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 et plus généralement les indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice doivent être déduites du montant des indemnités qui reviennent à la victime.

Cette disposition s'explique par le caractère subsidiaire du dispositif d'indemnisation par la solidarité nationale.

En l'espèce, il est établi que Mme [C] [E] est bénéficiaire, depuis le 4 juin 2014, d'un contrat d'assurance « Garantie des accidents de la vie » souscrit auprès de la société BPCE. Sont garanties notamment « les conséquences d'accidents médicaux causés à l'occasion d'actes chirurgicaux, de prévention, de diagnostic, d'exploration, de traitements pratiqués par des médecins et auxiliaires médicaux visés dans la Quatrième partie du code de la santé publique ou par des praticiens autorisés à exercer par la législation ou la réglementation du pays dans lequel a lieu l'acte, lorsque ces actes sont assimilables à ceux référencés par la Sécurité sociale française. Il y a accident médical lorsqu'un acte ou un ensemble d'actes à caractère médical a eu sur le bénéficiaire des conséquences dommageables pour sa santé, anormales et indépendantes de l'évolution de l'affection en cause et de l'état antérieur ».

La société BPCE ne conteste pas devoir indemniser Mme [C] [E] suite à l'accident médical non fautif subi le 5 août 2019 mais rappelle qu'en application du contrat qui les lie, seuls les postes de préjudice dont l'indemnisation est spécialement prévue aux conditions générales peuvent être indemnisés.

A cet égard, et pour répondre à la demanderesse, le tribunal rappelle que les conditions de la garantie ressortent à la fois des conditions particulières et des conditions générales du contrat et non seulement des conditions particulières. Elle ne peut donc prétendre avoir droit à indemnisation de l'ensemble de ses préjudices au motif que les conditions particulières visent, sans autre précision, « la couverture des accidents de la vie privée », alors que les conditions générales, dont elle ne conteste pas avoir eu connaissance, listent, à l'article 3, les préjudices indemnisés à savoir :
les frais de logement adaptéles frais de véhicule adaptél'assistance permanente et temporaire par tierce personne,les pertes de gains professionnels actuels et futursl'incidence professionnellele déficit fonctionnel permanentles souffrances enduréesle préjudice sexuelle préjudice esthétique permanentle préjudice d'agrément.
Ces préjudices peuvent être indemnisés lors que l'atteinte à l'intégrité physique et psychique est au moins égale à 5% ce qui est le cas en l'espèce.

Dans ces conditions, et en application du contrat qui lie les parties, seuls les préjudices précisément listés au contrat peuvent donner lieu à indemnisation de la part de la société BPCE.

Par ailleurs, contrairement à ce que sollicite la demanderesse, il ne saurait être prononcé une condamnation solidaire de l'ONIAM et de la société BPCE alors que précisément, les sommes versées par cette dernière doivent venir en déduction de l'indemnisation mise à la charge de la solidarité nationale. Il convient dès lors de déterminer, poste par poste, les montants devant être mis à la charge de l'un et de l'autre.

Par ailleurs, l'ONIAM fait valoir que la PCH et l'APA doivent également être déduites de l'indemnisation devant revenir à la victime.
Il est acquis que la prestation de compensation du handicap, qui vise à compenser les charges supplémentaires supportées par la personne handicapée et liées, notamment, à des besoins en aide humaine ou techniques ou encore à l'aménagement de son logement, constitue une prestation indemnitaire dès lors qu'elle n'est pas attribuée sous condition de ressources mais en fonction des besoins individualisés de la victime d'un handicap. Elle doit donc venir en déduction de l'indemnisation mise à la charge de l'ONIAM, s'agissant particulièrement du poste de l'assistance par tierce personne. Dans le cas d'espèce, il est justifié de ce que la demande de PCH formée par Mme [C] [E] a été rejetée le 5 mars 2020 par la MDPH (pièce 28).

La solution est la même s'agissant de l'allocation personnalisée d'autonomie (l'APA) dès lors qu'il résulte des articles L232-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles qu'elle n'est pas attribuée sous condition de ressources et que, fixée en fonction des besoins individualisés de la victime d'un handicap, elle répare les postes de préjudices relatifs à l'assistance part tierce personne, de sorte qu'elle constitue une prestation indemnitaire.

Les préjudices patrimoniaux temporaires

Les dépenses de santé actuelles

Mme [C] [E] sollicite la somme de 90 euros au titre des frais de gants, protections, alèses et compresses stériles restés à charge. Elle indique que ces fournitures ont été rendues nécessaires par la stomie.

L'ONIAM conclut au rejet de la demande en l'absence de toute pièce justificative.

Le tribunal relève que la demanderesse ne produit aucun justificatif de la somme qu'elle réclame et qu'elle est censée avoir exposée.

En effet, s'il peut être admis que ces fournitures ont été nécessaires, s'agissant de dépenses antérieures à la consolidation et donc par définition d'ores et déjà engagées, Mme [C] [E] doit être en mesure de produire le justificatif des sommes déboursées à ce titre, ce qu'elle ne fait pas. Elle se contente de proposer une évaluation forfaitaire sur la base de 10 euros par mois allant de la sortie d'hospitalisation en décembre 2019 à la date de consolidation.

La demande sera par conséquent rejetée.

Les frais divers

Il s’agit des frais divers exposés par la victime avant la date de consolidation de ses blessures, tels les honoraires du médecin assistant la victime aux opérations d’expertise, les frais de transport survenus durant la maladie traumatique, dont le coût et le surcoût sont imputables à l’accident.

* les frais de location de télévision au centre [24]

Mme [C] [E] sollicite la somme de 201 euros au titre des frais de télévision, somme dont elle justifie qu'elles sont restées à charge (pièces 18 et 25).

Ces frais n'étant pas prévus par la garantie accidents de la vie, ils ne peuvent être mis à la charge de la société BPCE.

L'ONIAM ne conteste pas devoir cette somme.
Il sera donc fait droit à la demande.

* les frais de transports pour suivi médical

Mme [C] [E] sollicite la somme de 7.805 euros au titre des frais de transport comprenant les déplacements de son époux pour lui rendre visite, les déplacements pour se rendre aux soins et suivis post-hospitalisation, les déplacements pour se rendre à l'expertise judiciaire ainsi que les frais de parking et de repas de son époux.

Ces frais n'étant pas prévus par la garantie accidents de la vie, ils ne peuvent être mis à la charge de la société BPCE.

L'ONIAM conclut au rejet des demandes formées pour les déplacements, frais de parking et repas de son époux ainsi que pour les déplacements de la demanderesse à ses divers rendez-vous médicaux faute de justificatifs suffisants. Il propose de verser la somme de 302,88 euros au titre des frais de déplacement pour se rendre à l'expertise médicale.

Sur, comme l'indique à juste titre l'ONIAM, ne peuvent être indemnisés que les frais de transports, de parking et de repas exposés par la victime directe et non ceux exposés par son époux.

S'agissant des déplacements de Mme [C] [E], il est seulement versé aux débats un tableau réalisé par ses soins, ou par son époux, reprenant les dates, les motifs de consultation et le nombre de kilomètres effectués. Malgré les contestations émises en défense sur la faible valeur probante de ce tableau, Mme [C] [E] n'a pas produit d'autres justificatifs, ce d'autant que le tribunal relève qu'il est mentionné, dans ces rendez-vous, une consultation en ophtalmologie, sans que cette consultation ne semble avoir de lien avec les complications de l'angioplastie. Dans ces conditions, la demande à ce titre sera rejetée.

Seuls seront indemnisés, ce qui n'est pas contesté par l'ONIAM, les frais de déplacements pour se rendre à l'expertise dont les parties s'accordent à dire que le trajet aller-retour représente 480 kilomètres.

Il est justifié de la carte grise du véhicule utilisé qui présente 6 chevaux.

En tenant compte du barème kilométrique de 2022, il peut donc être alloué la somme de 302,88 euros tel que proposée (480 km x 0,631).

Il sera donc mis à la charge de l'ONIAM, au titre des frais divers, la somme de (201 + 302,88) :
503,88 euros

Les frais d'aménagement du logement

Mme [C] [E] sollicite la somme de 5.611,67 euros décomposée comme suit :
28,80 euros au titre de l'achat d'un tabouret de douche1.004 euros au titre de l'installation d'un point d'eau au rez-de-chaussée pour éviter les escaliers dans un contexte d'importante fatigabilité motrice et de l'installation de barres de relevage dans les WC397 euros au titre de l'installation d'une rampe d'escalier4.181,87 euros au titre de l'installation d'une climatisation compte tenu des difficultés de régulation de température.
La société BPCE, qui admet que rentre dans les prévisions contractuelles l'indemnisation de l'aménagement du logement, conclut au rejet de la demande au motif qu'aucune pièce ne vient démontrer la nécessité de l'installation d'un lave-mains au rez-de-chaussée de l'habitation.

L'ONIAM accepte de verser la somme de 1.401 euros au titre de l'installation d'une rampe d'escalier et d'un point d'eau au rez-de-chaussée, seuls aménagements prévus par l'expert.

Sur ce, il ressort du rapport d'expertise que l'aménagement du logement a été limité à la mise en place d'une rampe d'escalier et à l'installation d'un lave mains au rez-de-chaussée.

En l'absence d'autres éléments, il ne peut être retenu que l'achat d'un tabouret de douche et d'une climatisation sont imputables à l'accident médical non fautif.

En vertu du contrat, la société BPCE doit indemniser les frais d'aménagement du logement de sorte que l'ONIAM n'est pas tenu à indemnisation pour ce poste de préjudice.

Il sera donc mis à la charge de la société BPCE, au titre des frais d'aménagement du logement, la somme de :
1.401 euros

L’assistance par tierce personne

Il s’agit des dépenses liées à l’emploi de tiers pour une activité que la victime ne peut effectuer seule durant cette période temporaire, tels les frais de garde d’enfants, les soins ménagers, ou encore pour les besoins de la vie courante. A ce titre, il est constant que l’indemnisation s’effectue sur la base de factures produites, sauf en cas d’entraide familiale.

En l’espèce, Mme [C] [E] sollicite la somme de 15.058 euros sur la base d'un taux horaire de 23 euros. Elle conteste l'évaluation faite par l'expert à hauteur de 8h par semaine et propose de retenir un besoin d'assistance de 2h par jour.

L'ONIAM conclut à titre principal au rejet de la demande faute pour Mme [C] [E] de justifier de ce qu'elle perçoit ou non la PCH ou l'APA. Subsidiairement, s'il est justifié qu'elle n'a perçu aucune aide, il accepte de liquider le poste sur la base de 8h par semaine durant 412 jours par an pour tenir compte des congés payés et d'un taux horaire de 13 euros, soit 4.863,54 euros. Il fait toutefois observer que la société BPCE accepte de verser la somme de 6.640 euros de sorte qu'aucune somme n'est due par lui à ce titre.

La société BPCE propose effectivement, aux termes de son dispositif, de verser la somme de 6.640 euros au titre de l'assistance par tierce personne avant consolidation sans préciser les modalités de son calcul.

Sur ce, le Pr [Y] a évalué le besoin d'assistance par tierce personne avant consolidation à 8h par semaine en retenant que Mme [C] [E] avait besoin d'une tierce personne pour les gestes de la vie courante mais qu'elle était autonome pour la toilette. Il a précisé que son mari a repris la plupart des activités ménagères et a arrêté son travail de consultant ce qui fait dire à la demanderesse que l'expert a sous-évalué son besoin d'assistance au motif que les tâches ménagères ont été reprises par l'époux. Ce n'est pas ce que comprend le tribunal qui considère que l'expert a seulement voulu signifier que l'assistance par tierce personne était assurée par son époux.

Pour contester cette évaluation, Mme [C] [E] se base sur le rapport du Dr [H] lequel a fixé le besoin d'aide humaine avant consolidation à 2h par jour jusqu'au 1er mars 2020. Comme l'expert judiciaire, il a retenu qu'elle était autonome pour les tâches élémentaires de la vie quotidienne mais qu'elle était restée, pendant trois mois, totalement dépendante pour les tâches domestiques. Il indique que sur cette période, elle était très fatigable et sensiblement apathique suite à sa sortie d'hôpital. Le Dr [H] indique qu'à compter du 2 mars 2020, elle a pu reprendre la plupart de ses activités domestiques antérieures, qui restaient toutefois fractionnées et qui nécessitaient une aide de son époux pour les tâches les plus pénibles. Il a dès lors évalué les aides humaines de compensation à 2h par semaine.

Il convient de rappeler qu'en raison des complications, Mme [C] [E], alors âgée de 60 ans, a subi un choc hémorragique et a dû être ré-opérée à trois reprises suite à l'intervention initiale. Elle a subi une néphrectomie droite (ablation du rein) et une colectomie droite (ablation partielle du colon) avec iléocolostomie (poche extérieure). Elle a été hospitalisée pendant plusieurs mois.

A son retour au domicile, ainsi qu'il ressort du rapport du Dr [H], une infirmière venait quotidiennement pour les changements de poches et elle est restée confinée pendant trois mois chez elle, ne sortant que pour les rendez-vous médicaux. Elle n'assurait alors aucune tâche domestique.

Dans ces conditions, il est justifié de réévaluer les conclusions de l'expert judiciaire sur la période du 2 décembre 2019 au 1er mars 2020 et de retenir un besoin d'assistance de 2h par jour. A compter du 2 mars 2020 et jusqu'au 18 septembre 2020, date de la consolidation, il sera retenu un besoin d'assistance de 8h par semaine ce qui n'est contesté ni par l'ONIAM ni par la société BPCE.

S'agissant du taux horaire, il sera rappelé que l’indemnité allouée au titre de l’assistance par tierce personne ne saurait être réduite en cas d’assistance par un proche de la famille de la victime.

Ainsi, s’agissant d’une aide non spécialisée sans recours à un prestataire, elle peut être évaluée à 23 euros de l’heure.

Dès lors, le besoin d'assistance par tierce personne avant consolidation peut être évalué comme suit:
du 2 décembre 2019 au 1er mars 2020 : 91 jours x 2h x 23 € = 3.276 eurosdu 2 mars 2020 au 18 septembre 2020 : (201 jours/7 jours) x 8h x 23 € = 5.283,42 euros
soit un sous total de 8.559,42 euros, auquel il convient d’ajouter la majoration pour congés payés de 10%, soit 9.415,36 euros.

Ainsi qu'il a été dit, il ressort de la garantie accidents de la vie que la société BPCE prend en charge l'indemnisation de l'assistance temporaire par tierce personne. Les conditions générales ne prévoient pas de mode de calcul de ce poste de préjudice mais seulement un plafond d'indemnisation fixé à 1.000.000 euros par victime et par événement en cas d'AIPP égale ou supérieure à 5%. Il est en outre indiqué que l'indemnité est fixée par référence au droit commun, c'est à dire selon les modes d'évaluation habituellement retenus par les tribunaux du lieu de domicile du bénéficiaire. Il n'est pas dit que l'évaluation faite par le médecin conseil quant à la durée et la nature du besoin d'assistance lie les parties.

Dans ces conditions, l'indemnisation de l'assistance par tierce personne temporaire doit être mise à la charge de la société BPCE.

Par conséquent, il convient d’allouer à Mme [C] [E] au titre de la tierce personne temporaire, la somme de :
9.415,36 euros
Les préjudices patrimoniaux permanents

Les dépenses de santé futures

Il s'agit des frais médicaux et pharmaceutiques, non seulement les frais restés à la charge effective de la victime, mais aussi les frais payés par des tiers (sécurité sociale, mutuelle...), les frais d'hospitalisation et tous les frais paramédicaux (infirmiers, kinésithérapie...), même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation.

Mme [C] [E] sollicite la somme de 2.999,76 euros au titre des dépenses de santé futures correspondant à l'achat du matériel d'hygiène et de soins qu'elle chiffre à 10 euros par mois.

L'ONIAM n'a pas formé d'observation spécifique sur le poste de dépenses de santé futures ayant seulement indiqué, pour les dépenses de santé en général, qu'il n'est produit aucun justificatif.

Ainsi qu'il a été dit, la garantie accidents de la vie ne prévoit pas la prise en charge des dépenses de santé futures par l'assureur.

Seul l'ONIAM est donc tenu d'indemniser ce poste de préjudice.

Il n'est pas contesté, dans le principe, la nécessité d'acheter des gants et des compresses pour les soins de l'iléostomie.

Il est justifié de prix de gants sur internet de l'ordre de 19,90 euros pour une boîte de 100 gants.

Il peut être considéré que la somme de 10 euros par mois n'est pas excessive. En revanche, peuvent seulement être indemnisées les dépenses à échoir à compter de la décision en l'absence de tout justificatifs pour la période échue.

Le besoin s'élève à :
120 euros/an x 22,826 euro rente viagère d'une femme de 65 ans au jour où il est statué = 2.739,12 euros.

Dès lors, il sera mis à la charge de l'ONIAM, au titre des dépenses de santé futures, la somme de :
2.739,12 euros

L’assistance par tierce personne

Il s’agit d’indemniser la victime du coût lié l’embauche d’une tierce personne l’assistant dans les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne. Ces dépenses visent à indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d’une tierce personne à ses côtés pour l’assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d’autonomie.

En l'espèce, Mme [C] [E] sollicite la somme de 173.620 euros au titre de l'assistance par tierce personne définitive sur la base d'un taux horaire de 23 euros. Elle conteste l'évaluation faite par l'expert à hauteur de 4h par semaine et propose de retenir un besoin de 5,5h par semaine.

L'ONIAM conclut à titre principal au rejet de la demande faute de justification de la perception de la PCH ou de l'APA. A titre subsidiaire, il évalue le besoin d'assistance à 77.913,15 euros sur la base de 4h par semaine tel que retenu par l'expert et d'un taux horaire de 13 euros. Il rappelle que doivent être déduites les sommes prises en charge par la société BCPE.

La société BPCE conteste l'évaluation de l'expert judiciaire et propose de retenir 2h par semaine. Elle propose ainsi de verser la somme de 28.264,08 euros sur la base d'un taux horaire de 10 euros.

Sur ce, l'expert judiciaire a chiffré à 4h par semaine le besoin d'assistance après consolidation. Sur dire de la demanderesse, aux termes duquel elle proposait de retenir 5,5h par semaine pour tenir compte du fait qu'elle ne conduit plus et qu'elle est dépendante pour les déplacements, l'expert a maintenu son évaluation à 4h par semaine indiquant que la conduite automobile n'est ni contre indiquée, ni impossible. En l'absence de tout autre élément, il n'y a pas lieu d'envisager une ré-évaluation à la hausse du besoin d'assistance, étant précisé que le décès de son époux, aussi regrettable soit-il, n'est pas de nature à modifier, en soi, le volume horaire du besoin d'assistance.

La société BPCE n'a pas formé de dire auprès de l'expert pour contester l'évaluation du Pr [Y]. Elle indique, se fondant sur une note du Dr [B], son médecin conseil, que Mme [C] [E] conserve une autonomie pour les actes élémentaires et habituels de la vie quotidienne, et que 2h par semaine suffisent pour accomplir certains actes ménagers lourds.

S'il est acquis que le besoin d'assistance concerne essentiellement les tâches les plus pénibles, les autres actes de la vie quotidienne ayant été repris par la demanderesse, les 4h par semaine proposées par l'expert judiciaire ne paraissent pas excessives, ce d'autant que celle-ci conserve une fatigabilité intellectuelle et motrice qui se répercute sur les activités habituelles. Le préjudice sera donc liquidé sur cette base.

S’agissant d’une aide non spécialisée sans recours à prestataire, il y a lieu d’évaluer les besoins de Mme [C] [E] sur la base de 23 € de l’heure.

* L’assistance tierce personne échue

Entre le lendemain de la date de consolidation et le jour où il est statué, l’assistance à tierce personne s’élève à :
(1389 jours/7jours) x 23 euros x 4h = 18.255,42 euros auquel il convient d’ajouter la majoration pour congés payés de 10%, soit 20.081 euros.

* L’assistance tierce personne à échoir

Pour l’avenir, il en résulte que les besoins d’assistance par tierce personne peuvent être évalués annuellement à 5.415 euros [soit (412 jours incluant les congés payés/7 jours) x 23 euros x 4h]. Mme [C] [E] étant âgée de 65 ans au jour où il est statué, les besoins en assistance par tierce personne seront capitalisés comme suit :

5.415 euros x 22,826 euro rente viager d'une femme de 65 ans au jour où il est statué = 123.602,79 euros

Le besoin d'assistance s'élève donc à 143.683,79 euros (20.081 + 123.602,79).

Ainsi qu'il a été dit, la garantie accidents de la vie couvre le besoin d'assistance par tierce personne définitive et les conditions générales ne prévoient pas de mode de calcul particulier pour l'évaluation de ce besoin, si ce n'est un plafond à 1.000.000 euros qui n'est pas atteint. En effet, le contrat prévoit, en page 8, que « l'indemnité est fixée entre vous et nous, par référence au droit commun, c'est à dire selon les modes d'évaluation habituellement retenus par les tribunaux du lieu de domicile du bénéficiaire ». S'agissant de la durée et de la nature du besoin d'assistance, il n'est pas soutenu par la BPCE que les parties seraient liées par l'évaluation faite par le médecin conseil de l'assureur.

Dans ces conditions, l'indemnisation repose uniquement sur la société BPCE puisque les sommes versées par elle viennent en déduction des sommes normalement imputables à l'ONIAM.

En conséquence, il sera mis à la charge de la société BPCE, au titre de la tierce personne définitive, la somme de :
143.683,79 euros

La perte de gains professionnels future

Ce poste indemnise la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l’incapacité permanente à laquelle elle est confrontée du fait du dommage dans la sphère professionnelle après la consolidation de son état de santé.

Il est constant que l’auteur d’un fait dommageable est tenu d’en réparer toutes les conséquences sans que l’on puisse exiger de la victime qu’elle limite son préjudice en acceptant des conditions de travail radicalement différentes de celles qui étaient les siennes avant l’accident.

En l'espèce, Mme [C] [E] sollicite la somme de 36.787 euros au titre de la perte de gains professionnels subie entre le 5 août 2019 et le 31 mai 2023, date à laquelle elle a eu 64 ans. Elle indique qu'elle était dessinatrice au sein du service urbanisme de la Ville de [Localité 25], qu'elle a dû être placée en congé longue maladie puis en retraite anticipée à compter du 1er janvier 2021 alors qu'elle aurait voulu continuer à travailler jusqu'à 64 ans, soit deux ans après l'âge auquel elle pouvait prendre sa retraite.

L'ONIAM conclut à titre principal au rejet de la demande faisant valoir qu'il n'est pas produit le relevé des indemnités journalières de la CPAM de sorte qu'il n'est pas démontré qu'elle a subi une perte de revenus. A titre subsidiaire, il retient une perte de revenu de 4 euros par mois jusqu'aux 62 ans, date de départ légal à la retraite.

La société BPCE conclut au rejet de la demande au motif qu'il n'est produit aucun justificatif de la perte de salaire.

A titre liminaire, il convient de relever que la demanderesse n'a pas fait la distinction entre les pertes de gains avant consolidation et après consolidation, ce qui n'a pas été contesté en défense. Le tribunal entend donc reprendre la même méthode que les parties.

Sur ce, le Pr [Y] indique, ce qui ne fait l'objet d'aucune contestation des parties, que les complications subies ont empêché Mme [C] [E] de reprendre son activité professionnelle.

Il est justifié de ce qu'elle a été placé en congé longue maladie le 5 août 2019, date de l'intervention, et il n'est pas contesté qu'elle a été placée en retraite anticipée à compter du 1er janvier 2021.

Pour rappel, elle était âgée de 60 ans au jour de l'intervention et elle indique qu'elle devait prendre sa retraite à 62 ans. Il lui restait donc deux années à travailler. Il n'est versé aux débats aucune pièce permettant d'établir que, passionnée par son travail, elle souhaitait le poursuivre jusqu'à ses 64 ans de sorte que, si une perte de revenus est établie, elle ne pourra être calculée que jusqu'à l'âge de 62 ans, soit jusqu'au 31 mai 2021.

Contrairement à ce qui est indiqué en défense, il est justifié d'un mail de la CPAM aux termes duquel elle indique n'avoir exposé aucun débours. Il n'est en toute hypothèse pas fait état de versement d'indemnités journalières (pièce 23).

Mme [C] [E] verse aux débats une attestation du Pôle des ressources humaines de la Mairie de [Localité 25] en date du 8 avril 2021 de laquelle il ressort que, sur la période du 5 août 2019 au 31 décembre 2020, Mme [C] [E] a subi une perte de traitement de 6.743,82 euros bruts (pièce 7). Ce qui équivaut à une perte de 5.260,18 euros nets.

Pour la période du 1er janvier 2021 au 31 mai 2021, en l'absence d'attestation d'employeur, il sera fait une comparaison entre les revenus perçus avant l'accident médical non fautif et les revenus perçus en 2021.

En 2018, année précédent l'accident, il ressort de l'avis d'imposition que Mme [C] [E] a perçu la somme de 20.030 euros (pièce 27).

En 2021, il ressort de l'avis d'imposition 2022 qu'elle a perçu un revenu de 21.882 euros (pièce 27).

Il n'est donc justifié d'aucune perte de revenus sur cette période.

Ainsi qu'il a été dit, la société BPCE est tenue de prendre en charge les pertes de gains professionnels et les sommes prises en charge doivent venir en déduction de l'indemnisation mise à la charge de l'ONIAM.

En conséquence, il sera mis à la charge de la société BPCE, au titre de la perte de gains professionnels, la somme de :
5.260,18 euros

L’incidence professionnelle

Ce poste d’indemnisation a pour objet d’indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle, ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a du choisir en raison de la survenance de son handicap.

Ce poste indemnise également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c'est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l’accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.
En l'espèce, Mme [C] [E] sollicite la somme de 25.000 euros faisant valoir les éléments suivants : une fin de carrière précipitée, une impossibilité de finir ses travaux en cours, un impact néfaste sur l'épanouissement personnel, une diminution de sa retraite en raison d'un arrêt d'activité anticipé.

L'ONIAM conclut au rejet de la demande faute de production de justificatifs permettant d'établir une perte de droits à la retraite. Il observe que la société BPCE propose de verser 30.000 euros et que cette somme doit être déduite des montants mis à sa charge.

La société BPCE indique, dans le corps de ses conclusions, que le préjudice lié à l'éviction du monde du travail doit être relativisé et réduit à de plus justes proportions sans préciser de montant. Pour autant, dans son dispositif, qui seul lie le tribunal en application de l'article 768 du code de procédure civile, la société BPCE propose de verser la somme de 30.000 euros au titre de l'incidence professionnelle, soit une somme supérieure à celle réclamée par la demanderesse.

Il s'en déduit que l'incidence professionnelle n'est contestée ni en son principe ni en son montant.

Il est acquis que l'incidence professionnelle doit être prise en charge par la société BPCE dans le cadre de la garantie accidents de la vie.

Dans ces conditions, et le tribunal étant lié par les demandes, il sera mis à la charge de la BPCE, au titre de l'incidence professionnelle, la somme de :
25.000 euros

Les préjudices extra-patrimoniaux temporaires

Le déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d’hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

En l’espèce, Mme [C] [E] sollicite une somme de 8.397 euros sur la base d'une indemnité journalière de 30 euros.

L'ONIAM propose de verser la somme de 4.478,40 euros sur la base d'une indemnité journalière de 16 euros.

Sur ce, le Pr [Y] a évalué le déficit fonctionnel temporaire comme suit :
DFT total du 5 août 2019 au 2 décembre 2019DFT de 70% pendant trois moisDFT de 60% pendant les six mois suivants.
Cette évaluation n'est pas contestée par les parties.

Sur ce, sur la base d'une indemnité journalière de 27 euros, le déficit fonctionnel temporaire peut être évalué comme suit :
DFT total : 119 jours x 27 euros = 3.213 eurosDFT de 70% : 91 jours x 27 euros x 70% = 1.719,90 eurosDFT de 60% : 162 jours x 27 euros x 60% = 2.624,40 eurossoit un total de 7.557,30 euros.

La garantie accidents de la vie ne prévoit pas l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire de sorte que cette somme doit être mise à la charge de l'ONIAM.

En conséquence, il convient d’allouer à la victime, au titre du déficit fonctionnel temporaire, la somme de :
7.557,30 euros

Les souffrances endurées

Il s’agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l’accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre. 

En l'espèce, Mme [C] [E] sollicite la somme de 40.000 euros au titre des souffrances endurées faisant valoir qu'elle a subi cinq opérations lourdes avec pronostic vital engagé et 17 semaines d'hospitalisation dont 22 jours en réanimation. Elle ajoute que les soins et douleurs, qui ont affecté tout le système digestif, ont été particulièrement pénibles et dégradants et que le préjudice psychologique a été extrême.

L'ONIAM propose de chiffrer les souffrances endurées à 10.366 euros en application de son référentiel et rappelle que la société BPCE propose d'indemniser ce poste à hauteur de 15.000 euros de sorte que la demanderesse est remplie de ses droits.

La société BPCE propose d'évaluer les souffrances endurées à 15.000 euros.

Sur ce, le Pr [Y] a évalué à 4 sur 7 les souffrances physiques et à 5 sur 7 les souffrances psychologiques sans qu'il n'explique les raisons pour lesquelles il a procédé à une évaluation différenciée des souffrances physiques et psychiques.

Le Dr [B], médecin conseil de la société BPCE, a quant à lui évalué les souffrances endurées globales à 4,5 sur 7.

Au vu des complications subies par Mme [C] [E], plus haut rappelées, les souffrances endurées peuvent être évaluées à 25.000 euros.

Leur indemnisation doit être prise en charge par la société BPCE dans le cadre de la garantie accidents de la vie.

Compte tenu de ces éléments, il convient de mettre à la charge de la BPCE, au titre des souffrances endurées, la somme de :
25.000 euros

Le préjudice esthétique temporaire

Il s’agit de l’altération physique subie jusqu’à la date de consolidation.

Sont considérés comme faisant partie du préjudice esthétique temporaire, l’apparence générale après les faits, les hématomes, les paralysies, cicatrices, plaies, brûlures et lésions cutanées, les troubles de la voix, de l’élocution, le port d’un fixateur externe, l'utilisation d'un fauteuil roulant, de béquilles, le port d'un plâtre, l'existence d'une boiterie, etc.

En l’espèce, Mme [C] [E] sollicite la somme de 3.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire tenant compte de l'hospitalisation, de l'alitement durant des semaines, de la colestomie.

L'ONIAM propose de verser la somme de 400 euros.

Il est acquis que le préjudice esthétique temporaire ne fait pas partie des préjudices indemnisables au titre de la garantie accidents de la vie.

Le Pr [Y] a chiffré à 3,5 sur 7 le préjudice esthétique temporaire sans préciser ce qu'il recouvre.

Au titre du préjudice esthétique temporaire, il doit être tenu compte de la période d'alitement et de l'iléostomie (poche à la peau).

Compte tenu de ces éléments, il sera mis à la charge de l'ONIAM, au titre du préjudice esthétique temporaire, la somme de :
2.400 euros

Les préjudices extra-patrimoniaux permanents

Le déficit fonctionnel permanent

Il s’agit du préjudice résultant de la réduction définitive du potentiel physique, psycho-sensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours. Il s’agit ici de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime que ce soient les atteintes à ses fonctions physiologiques ou la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans ses conditions d'existence quotidiennes. Ce poste de préjudice doit réparer la perte d’autonomie personnelle que vit la victime dans ses activités journalières, ainsi que tous les déficits fonctionnels spécifiques qui demeurent même après la consolidation.

En l’espèce, Mme [C] [E] sollicite la somme de 150.000 euros sur la base du taux de 50% tel que retenu par l'expert.

L'ONIAM conteste l'évaluation de l'expert et propose d'évaluer le déficit fonctionnel permanent à 36% après application de la règle de Balthazar en retenant 20% pour l'iléocolostomie et 16% pour la maladie rénale. Il ne retient aucune atteinte psychologique définitive.
Il propose donc d'évaluer le déficit fonctionnel permanent à 59.459 euros et observe que la société BPCE propose de verser une somme de 75.000 euros de sorte qu'aucune somme ne doit être mise à sa charge.

La société BPCE conteste également l'évaluation de l'expert et propose de retenir un taux de 35%. Elle relève que le taux de 50% correspond à une addition mathématique des taux correspondant aux troubles neurologiques, aux troubles liés à l'iléostomie et à la maladie rénale chronique. Elle estime que cette évaluation ne tient pas compte de la capacité restante et que le taux neuropsychologique de 10% n'est pas fondé. Elle propose de verser la somme de 75.000 euros.

Il est acquis que le déficit fonctionnel permanent doit être pris en charge par la BPCE conformément aux conditions contractuelles, ce préjudice étant évalué selon le droit commun, de sorte qu'aucune somme ne sera mise à la charge de l'ONIAM.

Le Pr [Y] a évalué à 50% le taux de déficit fonctionnel permanent global, ventilé comme suit : 10% pour les troubles neuropsychologiques, 20% pour l'iléocolostomie, 20% pour la maladie rénale chronique. Etant à cet égard précisé que, selon le Dr [H], au décours d'une angioplastie d'une sténose de l'artère rénale, il ne persiste normalement aucune douleur ni gêne fonctionnelle.

Le tribunal relève que ni l'ONIAM, ni la société BPCE, qui contestent pourtant le taux de déficit fonctionnel permanent retenu, n'ont jugé opportun de former un dire auprès de l'expert pour contester cette évaluation. L'expert indique qu'il s'est fondé sur le barème du concours médical 2001.

L'ONIAM ne verse aux débats aucune analyse critique de l'évaluation de l'expert ni aucun justificatif qui permettrait de remettre en cause cette évaluation et expliquerait la règle de Balthazar qu'elle prétend voir appliquer.

La société BPCE se base quant à elle sur l'avis de son médecin conseil, le Dr [B], qui n'est toutefois pas documenté et qui n'a pas été soumis à l'expert judiciaire pour qu'une discussion technique et médicale puisse avoir lieu sur cette question.

S'agissant des troubles neuropsychologiques, le tribunal comprend qu'il s'agit en réalité davantage des séquelles psychologiques des complications subies. En effet, devant l'expert, Mme [C] [E] a indiqué être traumatisée par ces évènements et avoir eu très peur pour elle. Il doit effectivement être rappelé qu'elle a fait trois arrêts cardiaques. Sa peur est telle qu'elle angoisse à l'idée d'être ré-opérée, d'où sa réticence actuelle pour fermer l'iléostomie. Ses proches attestent des conséquences psychologiques des complications sur Mme [C] [E] la décrivant comme moins enjouée, plus fatiguée, manquant de confiance en elle (pièces 19 à 22).

Dans ces conditions, rien ne justifie de remettre en cause l'évaluation de l'expert et le préjudice sera liquidé sur la base du taux de 50%.

Née le [Date naissance 9] 1959, Mme [C] [E] était âgée de 61 ans à la date de la consolidation.

Il convient donc de mettre à la charge de la société BPCE, au titre du déficit fonctionnel permanent, la somme de :
110.000 euros

Le préjudice esthétique permanent

Il s’agit du préjudice lié aux éléments de nature à altérer définitivement l’apparence physique de la victime.

En l'espèce, Mme [C] [E] sollicite la somme de 5.000 euros au titre du préjudice esthétique permanent tenant compte de la colestomie et des cicatrices.

L'ONIAM accepte l'évaluation faite par la demanderesse à 5.000 euros mais rappelle que doit être déduite la somme offerte par la société BPCE à hauteur de 2.000 euros. Elle estime donc que seuls 3.000 euros peuvent être mis à sa charge.

La société BPCE propose effectivement de verser la somme de 2.000 euros faisant valoir que l'évaluation de l'expert correspond davantage à une amputation ou à une paralysie complète avec des séquelles esthétiques ayant un impact social majeur. Elle observe que la stomie et les cicatrices sont la plupart du temps masquées.

Ainsi qu'il a été dit, le préjudice esthétique permanent est pris en charge par la société BPCE au titre de la garantie accidents de la vie et doit être évalué selon le droit commun de sorte que l'indemnisation intégrale de ce préjudice pèse sur celle-ci.

L'expert judiciaire a évalué à 3,5 sur 7 le préjudice esthétique définitif. Il doit être tenu compte des cicatrices abdominales avec iléostomie, de la cicatrice médiane sus et sous ombilicale de 15 cm environ, fine et non inflammatoire, de la cicatrice de lombotomie droite de 15 cm, fine et non inflammatoire.

Compte tenu de ces éléments, le préjudice esthétique permanent peut être justement évalué à la somme de 5.000 euros tel que réclamée.
En conséquence, il convient de mettre à la charge de la société BPCE, au titre du préjudice esthétique permanent, la somme de :
5.000 euros

Le préjudice d’agrément

Ce poste vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs, suffisamment spécifique pour ne pas avoir déjà été indemnisée au titre du déficit fonctionnel permanent, lequel répare déjà les atteintes aux joies usuelles de la vie quotidienne incluant les loisirs communs.

La simple limitation d'une pratique sportive ou de loisirs antérieure constitue également un préjudice d'agrément indemnisable.

En l'espèce, Mme [C] [E] sollicite la somme de 12.000 euros faisant valoir qu'elle a considérablement réduit ses activités par contrainte physique (interdiction de la piscine ou des bains de mer) ou par peur et perte d'allant (vélo, conduite automobile, longues promenades). Elle ajoute que sa vie sociale s'est fortement réduite.

L'ONIAM conclut au rejet de la demande faisant valoir qu'il n'est pas justifié de la pratique antérieure d'une activité spécifique.

La société BPCE relève l'absence de justificatifs de la pratique d'une activité spécifique antérieure mais propose néanmoins de verser la somme de 3.000 euros.

L'indemnisation du préjudice d'agrément incombe à la société BPCE.

Comme le relèvent, à juste titre, les défendeurs, l'indemnisation du préjudice d'agrément tend à réparer l'existence d'un préjudice dépassant la sphère du déficit fonctionnel permanent, lequel indemnise déjà les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales. Mme [C] [E] ne verse aux débats aucun justificatif propre à rapporter la preuve de la pratique antérieure régulière d'une activité sportive ou de loisir spécifique.

Dans ces conditions, l'offre de la société BPCE doit être déclarée satisfactoire.
Dès lors, il sera mis à la charge de la société BPCE, au titre du préjudice d'agrément, la somme de :
3.000 euros

Le préjudice sexuel

Il s’agit de l’ensemble des préjudices touchant à la sphère sexuelle :
- le préjudice morphologique, lié à l’atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi ;
- le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l’accomplissement de l’acte sexuel (perte de l’envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l’acte, perte de la capacité à accéder au plaisir) ;
- le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer.

En l'espèce, Mme [C] [E] sollicite la somme de 10.000 euros faisant valoir être privée de toute activité sexuelle (perte de libido, peur, honte de la poche).

L'ONIAM propose d'évaluer ce préjudice à 4.500 euros et rappelle qu'aucune somme ne peut être mise à sa charge dès lors que la société BPCE propose d'indemniser le préjudice à hauteur de 5.000 euros.

La société BPCE propose effectivement de verser la somme de 5.000 euros.

Il est acquis que l'indemnisation du préjudice sexuel doit être prise en charge par la société BPCE au titre de la garantie accidents de la vie.

Le Pr [Y] indique dans son rapport que Mme [C] [E] n'a plus de relation sexuelle depuis l'accident médical.

Le principe de ce préjudice n'est pas discuté en défense et n'est pas discutable eu égard à la stomie que conserve Mme [C] [E] et qui est de nature à perturber grandement les relations intimes.

Compte tenu de ces éléments, il sera mis à la charge de la société BPCE, au titre du préjudice sexuel, la somme de :
8.000 euros

* * * *

Les sommes allouées à la victime et mises à la charge de la société BPCE seront versées sous déduction des provisions d’ores et déjà versées par cette dernière, les parties s'accordant à dire qu'elles se sont élevées à 15.000 euros.

Sur l'indemnisation du préjudice des victimes indirectes

En application de l'article L.1142-1 II du code de la santé publique, plus haut rappelé, seule la victime directe peut être indemnisée en présence d'un accident médical non fautif et le législateur n'a pas entendu indemniser les victimes indirectes, tels ses proches, au titre de la solidarité nationale.

Ce n'est qu'en cas de décès consécutif de la victime que les ayants droit peuvent solliciter l'indemnisation d'un préjudice.
En l'espèce, Mme [C] [E] a survécu à l'accident médical non fautif de sorte que son époux, par l'intermédiaire de ses ayants droit, et ses enfants ne peuvent réclamer l'indemnisation de leurs préjudices.
Les demandes formées à ce titre à l'encontre de l'ONIAM seront donc rejetées.

Ensuite, les conditions générales de la garantie accidents de la vie souscrite par Mme [C] [E] prévoient l'indemnisation de certains préjudices des proches, comme le préjudice d'affection, mais uniquement en cas de décès du bénéficiaire (page 7 des conditions générales). Dans ces conditions, les demandes formées à l'encontre de la société BPCE seront également rejetées.

Sur la demande de jugement commun et opposable

La demande est dépourvue d'intérêt dès lors que la CPAM est partie à l'instance et que le jugement lui est réputé contradictoire.

Sur l'exécution provisoire

En application de l’article 514 du code de procédure civile, en vigueur depuis le 1er janvier 2020 dans sa rédaction issue du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019 :

“ Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.”

Il n’y a lieu ni d’ordonner l’exécution provisoire, laquelle assortit le jugement par l’effet de ce décret, ni de déroger à ce principe.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; [...]
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. [...]”.

La société BPCE, qui succombe principalement, supportera la charge des dépens, en ce compris ceux de référé et les frais d’expertise judiciaire.

L’équité commande de condamner la société BPCE à payer aux consorts [E]-[T] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par jugement réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort,
Dit que le Dr [I] [L] a manqué à son devoir d'information,

Condamne le Dr [I] [L] à verser à Mme [C] [E] la somme de 2.000 euros en réparation de son préjudice d'impréparation,

Dit que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est tenu d'indemniser les conséquences de l'accident médical non fautif survenu le 5 août 2019,

Dit que la société BPCE Assurances est également tenue d'indemniser les conséquences de l'accident médical non fautif en application de la garantie accidents de la vie n°007035733 souscrite par Mme [C] [E] à compter du 4 juin 2014,

Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à payer à Mme [C] [E] les sommes suivantes en réparation de son préjudice :
- 503,88 euros au titre des frais divers
- 2.739,12 euros au titre des dépenses de santé futures
- 7.557,30 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
- 2.400 euros au titre du préjudice esthétique temporaire

Condamne la société BPCE Assurances à payer à Mme [C] [E] les sommes suivantes en réparation de son préjudice :
- 1.401 euros au titre des frais d'aménagement du logement
- 9.415,36 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire
- 143.683,79 euros au titre de l'assistance par tierce personne définitive
- 5.260,18 euros au titre de la perte de gains professionnels
- 25.000 euros au titre de l'incidence professionnelle
- 25.000 euros au titre des souffrances endurées
- 5.000 euros au titre du préjudice esthétique permanent
- 110.000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent
- 8.000 euros au titre du préjudice sexuel
- 3.000 euros au titre du préjudice d'agrément

Dit que le paiement des sommes mises à la charge de la société BPCE Assurances interviendra sous déduction des provisions déjà versées par elle à hauteur de 15.000 euros,

Déboute Mme [C] [E] de sa demande au titre des dépenses de santé actuelles,

Déboute Mme [F] [E] [O], Mme [V] [E] et M. [D] [E], en leur qualité d'ayants droit de leur père décédé [A] [E], M. [R] [T] et M. [J] [T] de leurs demandes d'indemnisation,

Condamne la société BPCE Assurances aux dépens, en ce compris ceux de référé et les frais d’expertise judiciaire,

Condamne la société BPCE Assurances à payer à Mme [C] [E], Mme [F] [E] [O], Mme [V] [E] et M. [D] [E], en leur qualité d'ayants droit de leur père décédé [A] [E], M. [R] [T] et M. [J] [T] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que la présente décision est exécutoire de droit par provision,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Le greffier, Pour la présidente empêchée,

Yacine BAHEDI Leslie JODEAU


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 22/03558
Date de la décision : 08/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 23/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-08;22.03558 ?
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