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18/07/2024 | FRANCE | N°23/04065

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 18 juillet 2024, 23/04065


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 04
N° RG 23/04065 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XE5I

JUGEMENT DU 18 JUILLET 2024

DEMANDEUR :

Mme [X] [V]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Angélique OPOVIN, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEURS :

Le BUREAU CENTRAL FRANCAIS, pris en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par Me Pierre VANDENBUSSCHE, avocat au barreau de LILLE

La CPAM DE [Localité 9] [Localité 5], prise en la personne de son représentant légalr>[Adresse 3]
[Localité 5]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur : Leslie...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 23/04065 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XE5I

JUGEMENT DU 18 JUILLET 2024

DEMANDEUR :

Mme [X] [V]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Angélique OPOVIN, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEURS :

Le BUREAU CENTRAL FRANCAIS, pris en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par Me Pierre VANDENBUSSCHE, avocat au barreau de LILLE

La CPAM DE [Localité 9] [Localité 5], prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 5]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur : Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur : Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER : Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 05 Octobre 2023.

A l’audience publique du 16 Mai 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 18 Juillet 2024.

Sophie DUGOUJON, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 18 Juillet 2024 par Sophie DUGOUJON, Juge, pour la Présidente empêchée, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 12 novembre 2018, Madame [X] [V], alors âgée de 57 ans, a été victime d'un accident de la circulation au cours duquel, alors qu'elle était au volant de son véhicule, elle a été percutée par le véhicule conduit par Madame [C] [T] et immatriculé en Belgique.

Le lendemain, se plaignant du gonflement de son poignet gauche ainsi que de difficultés à bouger ce dernier, Madame [V] s'est rendue aux urgences du centre hospitalier de [Localité 10] où a été objectivé une entorse du poignet gauche ainsi que des douleurs musculaires diffuses du bras gauche.

Elle a, par suite, fait état de douleurs persistantes, notamment au poignet gauche ainsi qu'au pouce gauche.

Face à la persistance de ces douleurs, Madame [X] [V] a, par actes d'huissier de Justice en dates des 24 et 26 septembre 2019, fait assigner le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS (ci-après ''le B.C.F.'') et la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (ci-après ''CPAM'') de [Localité 9]-[Localité 5] devant le tribunal de grande Instance de Lille, aux fins que le B.C.F. soit jugé tenu de l’indemniser des préjudices subis à la suite de l’accident du 12 novembre 2018, que soit ordonnée avant dire-droit une mesure d’expertise médicale et que lui accordée la somme de 20.000 euros à titre provisionnel.

Le B.C.F. a constitué avocat le 06 mars 2020.

Assignée à personne morale, la CPAM de [Localité 9]-[Localité 5] n'a pas constitué avocat.

Suivant jugement en date du 28 février 2020, le tribunal judiciaire de Lille a, notamment :

- dit que le B.C.F. serait tenu d'indemniser les préjudices subis par Mme [X] [V] à la suite de l’accident de la circulation du 12 novembre 2018,
- condamné le B.C.F. à lui verser la somme provisionnelle de 3.000 euros à valoir sur la liquidation de son préjudice,
- ordonné une expertise médicale de Madame [V] et missionné le Docteur [W] [S] pour ce faire,
- condamné le B.C.F. aux dépens déjà engagés pour cette partie de l'instance.

L'expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 23 janvier 2022, fixant la date de consolidation de l'état de santé de Madame [V] au 08 mars 2019 et concluant, notamment, à la persistance d'un déficit fonctionnel permanent de 1%.

Contestant les conclusions du rapport d'expertise, Madame [V] a, par conclusions en ouverture de rapport notifiées par voie électronique le 18 avril 2023, sollicité la reprise de l'instance et à titre principal, que soit ordonnée une contre-expertise judiciaire.

La clôture des débats est intervenue le 05 octobre 2023, par ordonnance du même jour, et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 16 mai 2024.

* * *

Au terme de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 08 septembre 2023, Madame [V] demande au tribunal de :

- A titre principal : ordonner une contre-expertise judiciaire selon des modalités identiques à celle ordonnée par jugement en date du 28 février 2020 et permettant d’évaluer l’ensemble des préjudices résultant de l’accident en date du 12 novembre 2018 dont elle a été victime ;

- A titre subsidiaire,
- condamner le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à indemniser son entier préjudice tel que résultant de l’accident en date du 12 novembre 2018 ;- liquider son préjudice à la somme de 92.035,83€ à parfaire ;- fixer la créance de la CPAM de [Localité 9]-[Localité 5] à la somme de 2.008,54 € ;- condamner le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à lui payer la somme de 90.027,29 € se décomposant comme suit :- 175 € au titre des dépenses de santé actuelles ;- 207,58 € au titre des pertes de gains professionnels actuels ;- 10.380,78 € au titre des frais divers ;- 3.721,50 € au titre du déficit fonctionnel temporaire ;- 4.000 € au titre des souffrances endurées ;- 1.000 € au titre du préjudice esthétique temporaire ;- 127,13 € au titre des frais de santé futurs ;- 43.315,30 € au titre de l’assistance par tierce personne définitive ;- 10.000 € au titre de l’incidence professionnelle ;- 15.600 € au titre du déficit fonctionnel permanent ;- 1.500 € au titre du préjudice esthétique définitif ;- rappeler qu’il convient de déduire de son indemnisation définitive l’indemnité provisionnelle d’un montant de 3.000 euros accordée par jugement du tribunal judiciaire de Lille en date 28 février 2020,- condamner le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;- condamner le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d’expertise judiciaire ;- juger n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Au terme de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 07 juin 2023, le B.C.F. demande au tribunal :

- de débouter Madame [V] de sa demande de contre-expertise,
- d'entériner le rapport d’expertise du Docteur [S],
- de liquider le préjudice corporel de Madame [V] comme suit :
- DSA : 25 euros
- DFT : 508,75 euros
- Souffrances endurées : 2.500 euros
- DFP : 1.400 euros
- de déduire des sommes ci-dessus les provisions allouées à hauteur de 3.000 euros,
- de débouter Madame [V] du surplus de ses demandes, fins et conclusions.

Il est renvoyé aux conclusions récapitulatives des parties susvisées pour l'exposé des moyens, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Au regard de la non-constitution de la CPAM de [Localité 9]-[Localité 5], il convient de rappeler que, conformément aux dispositions de l’article 472 du Code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la demande de contre-expertise

En application des articles 144 et suivants du Code de procédure civile, une mesure d'expertise peut être ordonnée lorsque le demandeur à la mesure d'expertise produit des éléments de nature à établir qu'il existe effectivement des éléments de faits accréditant sa demande. Il est alors fondé à obtenir la preuve de ces faits. Une telle mesure ne peut, en revanche, pas être ordonnée pour suppléer la carence des parties.

Il en résulte que lorsqu'une mesure d'expertise a déjà été mise en œuvre et que l'expert a déposé son rapport, une nouvelle mesure d'expertise ne peut être ordonnée que pour autant que les constatations et conclusions du premier rapport sont insuffisantes au regard de la mission qui lui a été confiée pour permettre au tribunal de statuer.

En revanche, une nouvelle mesure ne peut être ordonnée si l'expert a répondu à ses différents chefs de mission au seul motif qu'une partie est en désaccord avec ses constatations ou conclusions. Dans une telle hypothèse, il appartient au demandeur de formuler ses demandes comme il estime pouvoir les formuler en expliquant les motifs de son désaccord et en produisant des éléments de preuve de nature à établir le bien-fondé de sa contestation. Un complément d'expertise pourra alors être ordonné ponctuellement si les éléments produits sont insuffisants pour justifier sa demande mais suffisants pour qu'une mesure d'instruction complémentaire soit ordonnée.

Enfin, il y a lieu de rappeler qu'aux termes de l'article 246 du Code de procédure civile, le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien. Ainsi, les juges du fond sont libres de faire leurs ou d'écarter les conclusions de l'expert judiciaire, ainsi que d'en apprécier souverainement la valeur, l'objectivité et la portée.

En l'espèce, il n'est pas rapporté que le déroulement de l'expertise médicale de Madame [X] [V] ait fait l'objet d'un quelconque incident.

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que l'expert a pris connaissance des documents et pièces que les parties lui ont communiqués, décrit l'historique de l'accident, du suivi médical de la victime et de l'évolution de son état, entendu les doléances de la victime avant de procéder à l'examen de cette dernière et confronté ses constatations non-seulement aux informations obtenues directement des parties, mais également à celles contenues dans les documents médicaux à lui communiqués.

Par suite, il n'est pas contesté que l'expert a développé son avis au sein d'un pré-rapport qui a été contradictoirement communiqué à chacune des parties, ces dernières ayant été mises en mesure de formuler des dires dans un délai raisonnable d'un mois, ce qu'a d'ailleurs fait le conseil de la demanderesse, lequel a communiqué, le 20 août 2021, un courrier du Docteur [R], médecin-conseil (pièces n°67/16 et 67/17).

Le déroulement de l'expertise elle-même n'est pas en cause.

Mme [V] fait, en revanche, grief à l'expert judiciaire de considérablement limiter son droit à indemnisation au motif qu'elle présente un état antérieur caractérisé par une rhizarthrose au niveau du pouce évoluant, selon l'expert, « pour son propre compte » et ce, alors qu'avant l'accident, elle était totalement asymptomatique, ne présentait aucune gêne ni douleur de son poignet et de son pouce et que cet état allégué n'impliquait aucune répercussion tant dans sa vie personnelle que professionnelle.

Le B.C.F. conclut au rejet de la demande de contre-expertise, estimant pour sa part que le Docteur [S] a parfaitement rempli sa mission tant sur le fond que sur la forme. Il fait valoir que c'est à bon droit que l'expert a écarté toute imputabilité à l'accident des conséquences de l'affection dégénérative du pouce gauche dont souffre la demanderesse, affection qui s'était manifestée bien avant l'accident de novembre 2018 et aurait conduit à une intervention chirurgicale du pouce quinze années auparavant.

Sur ce, le jugement du 28 février 2020 avait notamment fixé pour mission à l'expert de (pièce n°66/5) :

« Après avoir décrit un éventuel état antérieur physique ou psychique, pouvant avoir une incidence physique ou psychique, pouvant avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles, rechercher si cet état antérieur était révélé et traité avant l’accident (préciser les périodes, la nature et l’importance des déficits et des traitements antérieurs) ; déterminer cet état antérieur en différenciant les difficultés d’apprentissage et de comportement, en décrivant comment ces troubles antérieurs ont été pris en charge (type de rééducation, type de soutien scolaire, autre type de soutien, type de scolarité, en précisant bien la chronologie) ».

Sur cette question spécifique d'un état antérieur, le Docteur [S] a retenu, au terme de son rapport, que le traumatisme bénin d'entorse du poignet gauche de Madame [V] imputable à l'accident « est survenu sur un état antérieur représenté par une affection dégénérative du pouce (rhizarthrose) et les suites d'une intervention chirurgicale qui n'a pas pu être précisée par l'intéressée », la victime ayant fait état, face au constat d'une cicatrice au niveau du pouce gauche, d'un traumatisme datant de plus de quinze ans pour lequel elle a déclaré avoir bénéficié d'une intervention chirurgicale à la Clinique SOS Mains suivie d'une immobilisation par attelle durant trois semaines (pages 14 et 10 du rapport). L'expert affirme que cet état antérieur a, parallèlement à l'entorse, continué à évoluer pour son propre compte et conduit à une intervention chirurgicale le 21 mai 2021, de sorte que cette dernière ne doit pas être prise en charge au titre de la réparation de l'accident.

Il rajoute qu'il en est de même des douleurs irradiant dans le membre supérieur jusqu'à l'épaule et le cou, et des douleurs dysesthésiques de l'avant-bras (sensation d’œdème et de brûlure) qui ne peuvent s'expliquer par une seule lésion ligamentaire du poignet.

Si le Docteur [R], médecin-conseil de la victime, n'a, aux termes du dire communiqué le 20 août 2021, élevé aucune critique relative à cette position de l'expert judiciaire, le tribunal relève néanmoins que le Docteur [S] n'indique pas sur quels éléments objectifs il se fonde pour soutenir que la la rhizarthrose (remaniements dégénératifs de l'articulation trapèzo-métacarpienne) visible au scanner effectué le 11 janvier 2019, soit deux mois après l'accident et dont le stade d'évolution n'est pas précisé, serait constitutif d'un état antérieur pré-existant.

Il ne développe pas davantage le raisonnement l'ayant conduit à tenir pour acquis que le conflit ulno-carpien du poignet gauche développé par Madame [V] (lésions d'arthropathie scapho-trapézo-trapézoïdienne), objectivé en arthroscanner fin mars 2021 et ayant conduit à une intervention chirurgicale d'ostéotomie de la tête de l'ulna en mai 2021 relèverait de l'évolution « pour son propre compte » et par conséquent normale ou à tout le moins habituelle de l'état antérieur (supposé de rhizarthrose), alors que le Docteur [U], chirurgien orthopédiste et traumatologue, indique qu'il s'agit « d'une décompensation post-traumatique d'une lésion dégénérative au niveau du compartiment ulnaire du poignet gauche » (pièce n°58), laissant ainsi entendre que l'accident serait à l'origine de cette décompensation.

Or, il est juridiquement communément admis que le droit d'une victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice ne peut valablement être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est issue n'a été provoquée, décompensée ou révélée que par le fait dommageable (état antérieur latent) et ce, alors même qu'il peut être considéré que ladite pathologie se serait fort probablement manifestée spontanément ultérieurement, mais dans un délai non-prévisible.

Dans le cas d'espèce, aucun élément discuté au rapport d'expertise ne permet d'affirmer que, suite au traumatisme manifestement ancien présenté par Madame [V] au niveau du pouce gauche, celle-ci persistait à se plaindre de douleurs, bénéficiait d'un quelconque suivi voire d'un traitement, ni qu'antérieurement à l'accident, l'existence d'une rhizarthrose avait été diagnostiquée ou s'était manifestée d'une quelconque manière. Au contraire, dans un certificat daté du 28 octobre 2020, le médecin traitant de Madame [V], le Docteur [Y], déclarait que cette dernière n'avait jamais souffert de son poignet gauche avant l'accident du 12 novembre 2018 (pièce n°37).

Dans ces conditions, la réponse partielle du Docteur [S] à sa mission sur ce point ne saurait suffire à éclairer de manière satisfaisante les parties et la présente juridiction sur :

- l'état antérieur précis, au jour de l'accident, de Madame [V], son état latent ou patent et ses incidences éventuelles notamment sur la vie quotidienne, tant personnelle que professionnelle de cette dernière avant l'accident ;
- le cas échéant, la part du déficit fonctionnel permanent relevé imputable à cet état antérieur et la part imputable au fait dommageable.

L’évaluation de l'ensemble des postes de préjudices étant susceptibles d'être affectée par la ou les réponse(s) apportées à ces questions, les éléments ci-dessus développés conduisent à considérer comme nécessaire une nouvelle expertise médicale, de sorte qu'il sera fait droit à la demande de Madame [V] à ce titre.

Les modalités de cette expertise seront précisées au dispositif de la présente décision.

Dans l'attente du dépôt de ce nouveau rapport d'expertise, il sera sursis à statuer sur l'intégralité des demandes de liquidation définitive du préjudice subi par Madame [V].

Sur les mesures accessoires

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Il résulte, en outre, des dispositions de l’article 700 du même code que « dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. ».

En l'espèce, le B.C.F., partie succombante principale, sera condamnée aux entiers dépens déjà engagés pour cette partie de l’instance, en ce compris le coût de la première expertise judiciaire.

Il sera, en outre, condamné à verser à Madame [V] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles déjà engagés pour cette partie de l'instance.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats en audience publique par jugement réputé contradictoire avant dire-droit, prononcé par mise à disposition au greffe,

Ordonnons une expertise médicale de Madame [X] [V] et commettons pour y procéder :

Dr [F] [H]
Cabinet d'expertise [Adresse 8]
[Localité 6]

lequel s'adjoindra si nécessaire tout sapiteur de son choix ;

Donnons à l'expert la mission suivante :

Convoquer les parties et leurs conseils en les informant de leur droit de se faire assister par un médecin conseil de leur choix ;
Se faire communiquer par la victime, son représentant légal ou tout tiers détenteur, tous documents médicaux relatifs à l’accident, en particulier le certificat médical initial ;
Analyse médico-légale

Fournir le maximum de renseignements sur l’identité de la victime, ses conditions d’activités professionnelles, son niveau scolaire s’il s’agit d’un enfant ou d’un étudiant, son statut exact et/ou sa formation s’il s’agit d’un demandeur d’emploi ;
À partir des déclarations de la victime imputable au fait dommageable et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d’hospitalisation et de rééducation et, pour chaque période d’hospitalisation ou de rééducation, la nature et le nom de l’établissement, le ou les services concernés et la nature des soins ;
Indiquer la nature de tous les soins et traitements prescrits imputables à l’accident et, si possible, la date de la fin de ceux-ci ;

Retranscrire dans son intégralité le certificat médical initial et, si nécessaire, reproduire totalement ou partiellement les différents documents médicaux permettant de connaître les lésions initiales et les principales étapes de l’évolution ;
Prendre connaissance et interpréter les examens complémentaires produits ;
Recueillir les doléances de la victime en l’interrogeant sur les conditions d’apparition, l’importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle et leurs conséquences ;
Dire si chacune des lésions, anomalies, pathologies constatées est la conséquence de l’accident ou/et d’un état antérieur ;
Dans l’hypothèse d’un état antérieur, préciser :

- si cet état était révélé voire suivi et/ou traité avant l’accident OU si cet état a été révélé, décompensé ou aggravé par l'accident,
- s’il entraînait un déficit fonctionnel avant l’accident et, dans l’affirmative, estimer le taux d'incapacité alors existant (déficit fonctionnel antérieur),
- au cas où il n’y aurait pas de déficit fonctionnel antérieur, dire si le traumatisme a été la cause déclenchante du déficit fonctionnel actuel ou si celui-ci se serait de toute façon manifesté spontanément dans l’avenir ; dans ce second cas, si même en l'absence de l’accident, l'état antérieur aurait entraîné un déficit fonctionnel, dire dans quel délai et à concurrence de quel taux ;

Procéder à un examen clinique détaillé (y compris taille et poids) en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime, en assurant la protection de son intimité, et informer ensuite contradictoirement les parties et leurs conseils de façon circonstanciée de ses constatations et de leurs conséquences ;
Analyser dans une discussion précise et synthétique l’imputabilité entre l’accident, les lésions initiales et les séquelles invoquées en se prononçant sur :- la réalité des lésions initiales,
- la réalité de l’état séquellaire en décrivant les actes, gestes et mouvements rendus difficiles ou impossibles en raison de l’accident,
- l’imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales,
- et en précisant l’incidence éventuelle d’un état antérieur ;

Évaluation médico-légale

Déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine et directe avec l’accident, la victime a dû interrompre totalement ses activités scolaires ou professionnelles, ou ses activités habituelles ; Si l’incapacité fonctionnelle n’a été que partielle, en préciser le taux ; Préciser la durée des arrêts de travail au regard des organismes sociaux ; si cette durée est supérieure à l’incapacité temporaire retenue, dire si ces arrêts sont liés au fait dommageable ;
Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées pendant la maladie traumatique (avant consolidation) du fait des blessures subies. Les évaluer selon l’échelle habituelle de sept degrés ;

Donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique temporaire (avant consolidation). Le décrire précisément et l’évaluer selon l’échelle habituelle de sept degrés ;
Décrire, en cas de difficultés éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l’autonomie et, lorsque la nécessité d’une aide temporaire avant consolidation est alléguée, indiquer si l’assistance d’une tierce personne constante ou occasionnelle a été nécessaire, en décrivant avec précision les besoins (niveau de compétence technique, durée d’intervention quotidienne) ;
Fixer la date de consolidation, qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu’un traitement n’est plus nécessaire, si ce n’est pour éviter une aggravation ; Si la date de consolidation ne peut pas être fixée, l’expert établira un pré-rapport décrivant l’état provisoire de la victime et indiquera dans quel délai celle-ci devra être réexaminée ;
Chiffrer, par référence au « Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun » le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (état antérieur inclus) imputable à l’accident, résultant de l’atteinte permanente d’une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu’elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après consolidation ; dans l’hypothèse d’un état antérieur, préciser en quoi l’accident a eu une incidence sur celui-ci et décrire les conséquences de cette situation ;
Donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique permanent ; le décrire précisément et l’évaluer selon l’échelle habituelle de sept degrés, indépendamment de l’éventuelle atteinte fonctionnelle prise en compte au titre du déficit ;
Si la victime allègue un préjudice d’agrément, à savoir l’impossibilité de se livrer à des activités spécifiques de sport et de loisir, ou une limitation de la pratique de ces activités, donner un avis médical sur cette impossibilité ou cette limitation et son caractère définitif, sans prendre position sur l’existence ou non d’un préjudice afférent à cette allégation ;
Dire s’il existe un préjudice sexuel ; le décrire en précisant s’il recouvre l’un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la morphologie, l’acte sexuel (libido, impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction) ;
Si la victime allègue une répercussion dans l’exercice de ses activités scolaires ou professionnelles, recueillir les doléances, les analyser, les confronter avec les séquelles retenues, en précisant les gestes professionnels rendus plus difficiles ou impossibles ; dire si un changement de poste ou d’emploi apparaît lié aux séquelles ;
Perte d’autonomie après consolidation : indiquer, le cas échéant :- si l’assistance d’une tierce personne constante ou occasionnelle est nécessaire, en décrivant avec précision les besoins (niveau de compétence technique, durée d’intervention quotidienne) ;
- si des appareillages, des fournitures complémentaires et si des soins postérieurs à la consolidation sont à prévoir ; préciser la périodicité du renouvellement des appareils, des fournitures et des soins ;

- donner le cas échéant un avis sur les aménagements du logement, du véhicule, et plus généralement sur l’aptitude de la victime à mener un projet de vie autonome ;

Établir un récapitulatif de l’évaluation de l’ensemble des postes énumérés dans la mission ;
Faisons injonction aux parties de communiquer aux autres parties les documents de toute nature qu'elles adresseront à l'expert pour établir le bien fondé de leurs prétentions ;

Disons que l'expert pourra se faire communiquer tant par les médecins que par les caisses de sécurité sociale et par les établissements hospitaliers concernés, tous les documents médicaux qu'il jugerait utiles aux opérations d'expertise ;

Disons que l'expert ne communiquera directement aux parties les documents médicaux ainsi obtenus directement de tiers concernant la victime qu'avec son accord ; qu'à défaut d'accord de celle-ci, ces éléments seront portés à la connaissance des parties par l'intermédiaire du médecin qu'elles auront désigné à cet effet.

Disons que l'expert devra adresser aux parties un document de synthèse, ou pré-rapport :
- fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse, lesquelles disposeront d'un délai de 4 à 5 semaines à compter de la transmission du rapport ;
- rappelant aux parties, au visa de l'article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu'il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà du terme qu'il fixe

Disons que l'expert répondra de manière précise et circonstanciée à ces dernières observations ou réclamations qui devront être annexées au rapport définitif dans lequel devront figurer impérativement :
- la liste exhaustive des pièces par lui consultées ;
- le nom des personnes convoquées aux opérations d'expertise en précisant pour chacune d'elle la date d'envoi de la convocation la concernant et la forme de cette convocation;
- le nom des personnes présentes à chacune des réunions d’expertise;
- la date de chacune des réunions tenues ;
- les déclarations des tiers entendus par lui, en mentionnant leur identité complète, leur qualité et leurs liens éventuels avec les parties ;

- le cas échéant, l'identité du technicien dont il s'est adjoint le concours, ainsi que le document qu'il aura établi de ses constatations et avis (lequel devra également être joint à la note de synthèse ou au projet de rapport)

Dit que l'original du rapport définitif sera déposé en double exemplaire au greffe, tandis que l'expert en adressera un exemplaire aux parties et à leur conseil, au plus tard le 14 février 2025 sauf prorogation expresse ;

Dit que si le demandeur bénéficie de l'aide juridictionnelle, il est dispensé de consignation ;

Fixe à la somme de 800 euros, le montant de la provision à valoir sur les frais d'expertise qui devra être consignée par Madame [X] [V] à la régie d’avances et de recettes du tribunal judiciaire au plus tard le 16 septembre 2024 ;

Dit que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;

Désigne le magistrat chargé du contrôle des expertises de la chambre pour contrôler les opérations d'expertise ;

Sursoit à statuer sur l'intégralité des demandes relatives à la liquidation définitive du préjudice subi par Madame [X] [V] ;

Dit que l'instance sera reprise à l'initiative de la partie la plus diligente sur justification, par la partie la plus diligente, de la notification ou de la signification de ses conclusions une fois le rapport d'expertise déposé ;

Condamne le BUREAU CENTRAL FRANCAIS à verser à Madame [X] [V] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne le BUREAU CENTRAL FRANCAIS aux entiers dépens déjà engagés pour cette partie de l’instance, en ce compris le coût de la première expertise judiciaire ;

Le greffier, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 23/04065
Date de la décision : 18/07/2024
Sens de l'arrêt : Désigne un expert ou un autre technicien

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-18;23.04065 ?
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