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30/07/2024 | FRANCE | N°22/06232

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 02, 30 juillet 2024, 22/06232


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 02
N° RG 22/06232 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WOD2


JUGEMENT DU 30 JUILLET 2024



DEMANDEURS:

Mme [Y] [H] épouse [U]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Cécile CARRILLON, avocat au barreau de LILLE

M. [K] [U]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Cécile CARRILLON, avocat au barreau de LILLE


DÉFENDEUR:

M. [N] [E] autoentrepreneur exerçant sous l’enseigne “Nord Rénovation”
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par M

e François RABIER, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Claire MARCHALOT, Vice Présidente
Assesseur : Sarah RENZI, juge
Assesseur...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 02
N° RG 22/06232 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WOD2

JUGEMENT DU 30 JUILLET 2024

DEMANDEURS:

Mme [Y] [H] épouse [U]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Cécile CARRILLON, avocat au barreau de LILLE

M. [K] [U]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Cécile CARRILLON, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDEUR:

M. [N] [E] autoentrepreneur exerçant sous l’enseigne “Nord Rénovation”
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me François RABIER, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Claire MARCHALOT, Vice Présidente
Assesseur : Sarah RENZI, juge
Assesseur : Maureen DE LA MALENE, juge
Greffier : Dominique BALAVOINE, Greffier

DÉBATS

Vu l’ordonnance de clôture en date du 22 Mars 2024.

A l’audience publique du 21 Mai 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 30 Juillet 2024.

Vu l’article 804 du Code de procédure civile, Sarah RENZI, juge préalablement désigné par le Président, entendu en son rapport oral, et qui, ayant entendu la plaidoirie, en a rendu compte au Tribunal.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 30 Juillet 2024 par Claire MARCHALOT, Présidente, assistée de Dominique BALAVOINE, Greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Courant octobre 2019, Monsieur [K] [U] et Madame [Y] [H] épouse [U] (ci-après les consorts [U]) ont confié à Monsieur [N] [E], entrepreneur individuel exerçant sous l’enseigne Nord Rénovation, des travaux de remplacement de la toiture de l'extension de leur habitation sise [Adresse 2] à [Localité 4] moyennant la somme de 14.000 euros TTC.

Par chèques datés des 16 octobre et 29 novembre 2019 et 14 janvier 2020, les maîtres de l'ouvrage se sont acquittés de l'intégralité du prix du marché de travaux.

En octobre 2020, les consorts [U] se sont plaints d'un dégât des eaux survenu au droit de la toiture, entraînant une nouvelle intervention de Monsieur [N] [E] le mois suivant pour mettre un terme aux causes de ces infiltrations. Ils ont par ailleurs saisi leur assureur protection juridique, la Matmut Protection Juridique (ci-après la Matmut), laquelle a mandaté le cabinet Equadom qui a établi un rapport d'expertise amiable déposé le 28 juin 2021.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 juillet 2021 distribuée le lendemain au destinataire, la Matmut a mis en demeure Monsieur [N] [E] de prendre en charge l’intégralité du préjudice allégué par les consorts [U].

Demeurant sans retour, les maîtres de l'ouvrage ont, par acte du 28 octobre 2021, assigné Monsieur [N] [E] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille pour obtenir la désignation d’un expert. Le juge a fait droit à leur demande et a confié la réalisation de l'expertise judiciaire à Monsieur [R] [C] suivant ordonnance en date du 30 novembre 2021.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 5 avril 2022.

* * *

Par acte signifié le 3 octobre 2022, les consorts [U] ont assigné Monsieur [N] [E] en réparation de leurs préjudices devant le tribunal judiciaire de Lille.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 novembre 2023, Madame [Y] [H] épouse [U] et Monsieur [K] [U] demandent au tribunal, au visa principal des articles 1792 et suivants du code civil et au visa subsidiaire des articles 1221 et suivants de ce même code, de :
- débouter Monsieur [N] [E] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
- constater qu’ils n’ont cause d’opposition à ce que Monsieur [N] [E] soit garanti par la société Millenium Insurance Company Limited (MIC) dès qu’elle sera dans la cause
A titre principal,
- condamner Monsieur [N] [E] à leur payer la somme de 40.776,90 euros au titre des travaux de réfection ;
A titre subsidiaire,
- condamner Monsieur [N] [E] à leur payer la somme de 32.559,14 euros au titre des travaux de réfection ;
En tout état de cause,
- condamner Monsieur [N] [E] à leur payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur trouble de jouissance ;
- condamner Monsieur [N] [E] à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire ;
- ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 janvier 2024, Monsieur [N] [E], entrepreneur exerçant sous l'enseigne Nord Rénovation, demande au tribunal, au visa des articles 16, 112 et 160 du code de procédure civile, de :
In limine litis,
- déclarer nul le rapport d’expertise du 5 avril 2022 ;
A titre principal,
- débouter les consorts [U] de leurs demandes formées à son encontre ;
- condamner les consorts [U] à lui payer une indemnité de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire ;
- écarter l’exécution provisoire.

Pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, le tribunal se réfère expressément à leurs dernières écritures, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 22 mars 2024 et l’affaire a été fixée à plaider à l’audience du 21 mai 2024.

La décision a été mise en délibéré au 30 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de rappeler que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, et qu'il appartient en conséquence au juge de se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé, conformément aux articles 4 et 5 du code de procédure civile.

L'article 768 de ce même code dans son alinéa 2 précise ainsi que le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce, force est de constater que Monsieur [N] [E], qui sollicite dans le corps de ses écritures en page 5 que les maîtres de l'ouvrage justifient « de la pleine propriété du bien, faute de quoi le tribunal judiciaire de Lille en tirera les conséquences sur le défaut de qualité à agir et l'irrecevabilité de la procédure », n'a pas reformulé cette prétention dans son dispositif, si bien que le tribunal n'est pas saisi de cette demande.

A titre surabondant, il convient de rappeler qu'en tout hypothèse le juge du fond n'est pas compétent pour statuer sur une telle fin de non-recevoir, s'agissant d'une affaire introduite après le 1er janvier 2020, conformément aux dispositions de l'article 789 du code de procédure civile qui confient l'examen d'une telle demande au juge de la mise en état.

I. A titre liminaire, sur la demande de nullité du rapport d'expertise :

Monsieur [N] [E] se prévaut de la nullité du rapport d'expertise judiciaire du 5 avril 2022 en ce qu'il ne respecte pas le principe du contradictoire imposé par l'article 16 du code de procédure civile.
Il soutient ainsi ne pas avoir été convoqué aux opérations d'expertise selon le formalisme prévu à l'article 160 de ce même code, et ce alors même que l'ordonnance de référé du 30 novembre 2021 ne lui a jamais été signifiée.
Il reproche aussi à l'expert de ne pas lui avoir transmis de document de synthèse ou pré-rapport, et ce en violation de la mission qui lui a été confiée par le juge des référés.

Les consorts [U] soutiennent à l'inverse la validité du rapport d'expertise en ce que d'une part l'assignation en référé et l'ordonnance qui a suivi lui ont bien été signifiées par remise à tiers présent au domicile, et en ce que d'autre part Monsieur [N] [E] a bien été convoqué à la réunion d'expertise du 23 février 2022 par lettre recommandée avec accusé de réception.
Ils affirment par ailleurs que l'expert a bien rempli sa mission en ce qu'il a adressé à l'ensemble des parties un pré-rapport par lettre recommandée avec accusé de réception.

L'article 16 du code de procédure civile dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

L’article 175 de ce même code dispose que la nullité des décisions et actes d’exécution relatifs aux mesures d’instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure.

L’article 114 du code de procédure civile prévoit qu'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

Il en résulte que l’expert judiciaire est tenu de respecter le principe du contradictoire à l’égard des parties. Cependant, la violation du contradictoire n'étant pas visée par l'article 117 du code de procédure civile, il s'agit d'un vice de forme si bien que la nullité du rapport d'expertise n'est encourue que si l'irrégularité commise par l'expert a causé un grief à celui qui l'invoque.

Enfin, aux termes de l'alinéa 1 de l'article 160 du code de procédure civile, les parties et les tiers qui doivent apporter leur concours aux mesures d'instruction sont convoqués, selon le cas, par le greffier du juge qui y procède ou par le technicien commis. La convocation est faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats par les demandeurs, et notamment de l'assignation en référé du 28 octobre 2021, que celle-ci a été remise à tiers présent à domicile, qu'un avis de passage avertissant le signifié de la remise de la copie a également été laissé au domicile de celui-ci, et qu'une lettre comportant les mêmes mentions que l'avis de passage avec copie de l'acte de signification lui a été adressée conformément aux dispositions de l'article 658 du code de procédure civile.

Par ailleurs, il ressort de l'expertise judiciaire que l'expert a « procédé aux convocations dans les conditions 160 CPC » des parties à la réunion du 23 février 2022 aux termes de laquelle il a dressé son rapport.

Il ressort en effet des pièces annexées audit rapport que l'expert a adressé à Monsieur [N] [E] le 4 février 2022 une convocation à cette réunion par lettre recommandée dont l'accusé de réception des services postaux précise qu'elle a été distribuée le 7 février 2022 au destinataire ou au mandataire.

L'expert judiciaire a donc bien respecté le formalisme imposé par l'article 160 du code de procédure civile.

Par ailleurs, il résulte également des annexes du rapport d'expertise que suivant lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 mars 2020, l'expert a transmis à Monsieur [N] [E] son « compte-rendu n°1 associé à [son] projet de rapport », suite à la réunion d'expertise du 23 février 2022. L'avis de réception reproduit au dos de ce courrier précise que ce pli a été présenté à la même date à l'intéressé ou à son mandataire.

L'expert a donc également bien respecté la mission confiée par le juge des référés avec l'établissement de cette note de synthèse afin de permettre aux parties de présenter leurs observations dans un délai imparti à la suite de la tenue de la réunion expertale.

Dès lors, l'expert judiciaire a bien respecté le principe du contradictoire, si bien que la demande formée in limine litis par Monsieur [N] [E] tendant à la nullité du rapport d'expertise du 5 avril 2022 sera rejetée.

II. Sur les demandes de condamnation formées par les consorts [U] :

Les consorts [U] dénoncent différents désordres affectant la toiture de leur habitation, et sollicitent en conséquence la condamnation de Monsieur [N] [E] sur le fondement de la garantie décennale de l'article 1792 du code civil à titre principal et sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun de l'article 1231-1 de ce même code à titre subsidiaire.

L’article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

Par ailleurs, l’article 1231-1 de ce même code dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Ce régime de responsabilité subsidiaire impose au maître de l'ouvrage, en sa qualité de demandeur, la démonstration d’une faute du constructeur dont il poursuit la responsabilité contractuelle, et d’un lien de causalité entre cette faute et le dommage allégué.

Sur la matérialité des désordres et leur qualification :

Les consorts [U] soutiennent que les différents désordres affectant la toiture de l'extension de leur habitation rendent l'ouvrage impropre à sa destination et relèvent par conséquent de la garantie décennale.

Monsieur [N] [E] reproche aux maîtres de l'ouvrage de ne pas rapporter la preuve de l'actualité des désordres allégués, qui ont disparu suite à son intervention en novembre 2020, et qu'en l'absence de désordre actuel, il ne peut pas être tenu à la mise en conformité de son ouvrage.

Sur le dégât des eaux d'octobre 2020 :

En l'espèce, les consorts [U] ont subi en octobre 2020 un dégât des eaux en raison d'infiltrations apparues au droit des sorties de la toiture de l'extension remplacée un an plus tôt par Monsieur [N] [E], ce qui n'est discuté par aucune des parties.

Aussi, ils ont fait intervenir à nouveau Monsieur [N] [E] aux fins de reprendre l'étanchéité de son ouvrage.

Le 3 novembre 2020, il a ainsi procédé à la pose de silicone, ce qui a mis un terme aux infiltrations, ce que les consorts [U] reconnaissent eux-mêmes dans leurs écritures ; « l'entreprise Nord Rénovation est intervenue en novembre 2020 pour refaire l'étanchéité sur le pourtour des sorties de toiture (pose de silicone). Depuis, Monsieur et Madame [U] n'ont plus constaté d'infiltrations aux sorites de toiture ».

Ni l'expert amiable ni l'expert judiciaire n'ont d'ailleurs constaté la persistance de ces fuites.

Si l'expert judiciaire a en effet fait état lors de ses opérations de la dégradation d'une large zone du plafond suspendu de l'extension au droit de la porte d'accès à la chaufferie, il poursuit en précisant que cette tache « indique l'emplacement d'une ancienne fuite ». De même, s'il a constaté la présence de traces de fuite de moindre importance dans la cuisine et la salle de bain, il ne fait état d'aucune infiltration.

L'expert précise d'ailleurs que le détecteur d'humidité n'a révélé aucune hygrométrie anormale.

Ainsi, il relève que « lors de son intervention en service après-vente, l'entreprise Nord Rénovation a mastiqué la périphérie des platines, ce qui s'est révélé efficace (..) ».

Aussi, au jour des opérations d'expertise, le désordre tiré du défaut d'étanchéité de la toiture à l'origine du dégât des eaux d'octobre 2020 ne présente plus aucune actualité.

Si l'expert judiciaire poursuit en effet en indiquant que les travaux de reprise effectués par le défendeur ne garantissent « aucune pérennité », tout comme l'expert amiable qui conclut que « les réparations en silicone transparent réalisées (…) ne sont pas pérennes dans le temps », force est de constater que les maîtres de l'ouvrage ne rapportent pas la preuve que depuis le dépôt du rapport d'expertise judiciaire les infiltrations seraient réapparues, et ce contrairement à ce qu'ils indiquent dans la fin de leurs écritures, en contradiction avec leurs premiers propos.

En conséquence, à défaut d'actualité du désordre ayant conduit au dégât des eaux d'octobre 2020, il ne présente de fait aucun caractère de gravité décennale en ce qu'il ne compromet pas la solidité de l'ouvrage et ne le rend pas impropre à sa destination, la toiture jouant désormais son rôle d'étanchéité à l'air et à l'eau.

Aussi, la réparation des conséquences de ce désordre, dont les causes ont déjà fait l'objet de travaux de reprise par le défendeur, ne peut relever que de la responsabilité contractuelle de droit commun, à charge pour les consorts [U] de rapporter la preuve d'une faute commise par Monsieur [N] [E] dans l'exécution des travaux litigieux.

Sur les non-conformités relevées à l'occasion des opérations d'expertise :

Le dégât des eaux d'octobre 2020 a donné lieu à une déclaration de sinistre des maîtres de l'ouvrage qui a conduit à la réalisation dans un premier temps d'une expertise amiable par le cabinet Equadom, qui a constaté à l'occasion de ses opérations :
- que la pente de la toiture est comprise entre 2,27% et 5,42% alors que selon le DTU 40.35 applicable en la matière, elle devrait être au minimum de 7%,
- que la section de l'unique chéneau est de 160 cm² alors qu'au regard de la surface des eaux récoltées, elle devrait être de 308 cm²,
- que le dimensionnement de la charpente est insuffisant,
- et que le nombre de tôles translucides polycarbonates est largement supérieur au nombre prévu dans la facture.

L'expert judiciaire a procédé à des constatations similaires.

Il a ainsi relevé que la pente de la toiture est comprise entre 0% et 5% alors même qu'elle devait être de 7% minimum sur la partie panneaux sandwich et de 10% minimum sur la partie polycarbonate qui représente environ 50% de la surface, ainsi que l'insuffisance de la section du chéneau.

Par ailleurs, il précise dans son rapport que la surface de ces panneaux en polycarbonate, outre le fait qu'elle n'est pas conforme, est exagérée par rapport au besoin d'éclairage entraînant un amoindrissement de la résistance thermique.

L'expert judiciaire conclut ainsi à la non-conformité des travaux de toiture réalisés par Monsieur [N] [E].

Pour autant, force est de constater que ces non-conformités, qui n'ont été révélées aux demandeurs que par la réalisation des expertises amiable et judiciaire, n’entraînent à ce jour aucun désordre, et donc aucun préjudice, pour eux. En effet, il n'apparaît pas à la lecture des écritures des parties et des différentes pièces transmises aux débats que les défauts de pente et de chéneau et l'utilisation en trop grand nombre de panneaux polycarbonates soient à l'origine des infiltrations qui ne présentent plus d'actualité comme cela vient d'être développé.

Or, il est constant que les non-conformités aux règles de l'art ou aux prescriptions des DTU qui ne sont rendues obligatoires ni par la loi ni par le contrat ne peuvent faire l'objet d'une mise en conformité par le constructeur dès lors qu'elles n’entraînent aucun désordre, et donc aucun préjudice, pour les maîtres de l'ouvrage.

Il ressort de la lecture de la facture du 10 janvier 2020 qu'il n'est ni fait mention de prescriptions du DTU applicable en la matière, ni de consignes particulières en matière de pose et de superficie de panneaux polycarbonates. Si on y lit en effet la « fourniture et pose de plaque transparente » pour 5m², l'expert judiciaire se contente d’indiquer dans son rapport que la surface « ne correspond pas au devis », sans préciser la superficie effective. En toute hypothèse, force est de constater que ces plaques, qui correspondent à un coût financier plus important sur le devis, n’entraînent aucun désordre pour les maîtres de l'ouvrage qui ne s'en sont jamais plaints et n'ont jamais fait état d'un mauvais fonctionnement de la résistance thermique de la toiture.

En conséquence, en l'absence de désordres, les non-conformités relevées à l'occasion des opérations d'expertise ne relèvent ni de la garantie décennale de l'article 1792 du code civil, ni de la responsabilité contractuelle de droit commun de l'article 1231-1 de ce même code dont la caractérisation d'un préjudice est indispensable à sa mise en œuvre.

Sur la responsabilité de Monsieur [N] [E] :

Il ressort des développements précédents que seul le désordre résultant du défaut d'étanchéité de la toiture peut donner lieu à réparation.

Il n'est contesté par aucune des parties que ces travaux litigieux ont été confiés à Monsieur [N] [E] en octobre 2019, et que le dégât des eaux survenu un an plus tard lui est directement imputable. Ce sont d'ailleurs ses travaux de reprise qui ont permis de mettre un terme au défaut d’étanchéité de la toiture.

En conséquence, Monsieur [N] [E] engage sa responsabilité contractuelle à l'égard des consorts [U] s'agissant uniquement du désordre relatif au défaut d’étanchéité de la toiture.

Sur la réparation des préjudices :

Sur le préjudice matériel :

Les consorts [U] sollicitent le paiement de la somme principale de 40.776,90 euros et de la somme subsidiaire de 32.559,14 euros correspondant à la réfection en totalité de la toiture litigieuse.

Le régime de la responsabilité contractuelle prévue aux articles 1231-1 et suivants du code civil vise à rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était point produit. Ce principe connaît toutefois une limite, celle de ne pas autoriser l’enrichissement sans cause du maître de l'ouvrage.

En l'espèce, si l'expert judiciaire préconise la réfection totale de la toiture, force est de constater que cette solution, dont le montant est plus de deux fois supérieur à celui du marché de travaux, a pour objectif de mettre la toiture en conformité avec les règles de l'art et le DTU applicable en la matière.

Or, en l'absence de préjudice résultant de ces non-conformités, et comme cela ressort des développements précédents, seul le désordre relatif au défaut d'étanchéité peut donner lieu à réparation.

Cette réparation est en revanche limitée à la reprise des conséquences de ce désordre, dans la mesure où Monsieur [N] [E] a déjà mis un terme aux causes de celui-ci en novembre 2020, prestation qui n'a donné lieu à aucun paiement par les maîtres de l'ouvrage.

Il n'y a donc pas lieu à réfection de la totalité de l’ouvrage litigieux.

Selon devis en date du 13 mars 2022 réalisé par la SARL Hexagone Bâtiment, les travaux de réparation du plafond altéré par le dégât des eaux sont évalués à la somme de 1.056 euros TTC.

En conséquence, Monsieur [N] [E] sera condamné à payer aux consorts [U] la somme de 1.056 euros TTC en réparation des conséquences du dégât des eaux d'octobre 2020.

Sur le préjudice immatériel:

Les consorts [U] sollicitent également la condamnation du constructeur au paiement de la somme de 5.000 euros correspondant à leur préjudice de jouissance.

Il est constant que le trouble de jouissance s’analyse comme l’impossibilité dans laquelle se sont trouvés les demandeurs d’utiliser le bien pendant une période déterminée.

En l'espèce, il ressort des développements précédents que les maîtres de l'ouvrage n'ont pas rapporté la preuve de la persistance des infiltrations, dont seule la trace au plafond perdurait lors de la réalisation des opérations expertales.

Pour autant, cette seule tache, localisée sur une partie du plafond, n'a aucunement troublé la jouissance du bien, le dégât des eaux ayant donné lieu à une solution réparatoire dans le mois de sa survenance.

Les consorts [U] seront donc déboutés de leur demande de condamnation formée à l'encontre de Monsieur [N] [E] au titre du préjudice de jouissance.

III. Sur les demandes accessoires :

Sur les dépens :

L'article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l’espèce, les parties succombant l’une et l’autre, il convient d’ordonner le partage par moitié des dépens en ce compris le coût de l'expertise judiciaire.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

En vertu de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

En l’espèce, et dans la mesure où chacune des parties a succombé en partie à l'instance, elles seront déboutées de leur demande formée à ce titre.

Sur l’exécution provisoire :

L'article 514 du code de procédure civile dispose que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

L'article 514-1 du même code précise que le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

En l'espèce, au regard de la nature de l'affaire, et des condamnations prononcées, il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire, comme le sollicite la partie défenderesse.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe de la juridiction, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DÉBOUTE Monsieur [N] [E], entrepreneur exerçant sous l'enseigne Nord Rénovation, de sa demande en nullité du rapport d'expertise judiciaire du 5 avril 2022 ;

CONDAMNE Monsieur [N] [E], entrepreneur exerçant sous l'enseigne Nord Rénovation, à payer à Monsieur [K] [U] et à Madame [Y] [H] épouse [U] la somme de 1.056 euros TTC en réparation des conséquences du dégât des eaux survenu en octobre 2020 ;

DÉBOUTE Monsieur [K] [U] et Madame [Y] [H] épouse [U] de leur demande condamnation formée à l'encontre de Monsieur [N] [E], entrepreneur exerçant sous l'enseigne Nord Rénovation, au titre du préjudice de jouissance

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

DÉBOUTE Monsieur [K] [U] et Madame [Y] [H] épouse [U] et Monsieur [N] [E], entrepreneur exerçant sous l'enseigne Nord Rénovation, de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE le partage par moitié des dépens entre les parties en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;

DIT n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la présente décision.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

Dominique BALAVOINE Claire MARCHALOT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 02
Numéro d'arrêt : 22/06232
Date de la décision : 30/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-30;22.06232 ?
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