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30/07/2024 | FRANCE | N°23/08397

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 02, 30 juillet 2024, 23/08397


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 02
N° RG 23/08397 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XQ5B


JUGEMENT DU 30 JUILLET 2024



DEMANDERESSE:

Mme [W] [X]
[Adresse 1]
[Localité 9]
représentée par Me Marie-christine DUTAT, avocat au barreau de LILLE


DÉFENDERESSES:

S.A. MAAF ASSURANCES SA
[Adresse 8]
[Localité 5]
représentée par Me Anne LOVINY, avocat au barreau de LILLE

S.A. BOUYGUES IMMOBILIER
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Clotilde HAUWEL, avocat au barreau de LILLE,

Me Marion LEMERLE, avocat au barreau de LILLE

S.A.R.L. NOVA CONCEPT
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Anne LOVINY, avocat au barreau de...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 02
N° RG 23/08397 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XQ5B

JUGEMENT DU 30 JUILLET 2024

DEMANDERESSE:

Mme [W] [X]
[Adresse 1]
[Localité 9]
représentée par Me Marie-christine DUTAT, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSES:

S.A. MAAF ASSURANCES SA
[Adresse 8]
[Localité 5]
représentée par Me Anne LOVINY, avocat au barreau de LILLE

S.A. BOUYGUES IMMOBILIER
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Clotilde HAUWEL, avocat au barreau de LILLE, Me Marion LEMERLE, avocat au barreau de LILLE

S.A.R.L. NOVA CONCEPT
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Anne LOVINY, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Claire MARCHALOT, Vice Présidente
Assesseur : Maureen DE LA MALENE, Juge
Assesseur : Sarah RENZI, Juge
Greffier : Dominique BALAVOINE, Greffier

DÉBATS

Vu l’ordonnance de clôture en date du 22 Mars 2024.

A l’audience publique du 21 Mai 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 30 Juillet 2024.

Vu l’article 804 du Code de procédure civile, [T] [L]
, juge préalablement désigné par le Président, entendu en son rapport oral, et qui, ayant entendu la plaidoirie, en a rendu compte au Tribunal.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 30 Juillet 2024 par Claire MARCHALOT, Présidente, assistée de Dominique BALAVOINE, Greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Bouygues Immobilier a entrepris la construction d'un ensemble immobilier composé de quatre bâtiments sis [Adresse 7] et [Adresse 10] à [Localité 9].

Dans le cadre de cette opération, elle a notamment confié à la société K-bane l'exécution du lot plomberie suivant marché de travaux en corps d'état séparés en date du 15 décembre 2014.

Suivant acte notarié en date du 11 juillet 2016, la société Bouygues Immobilier a vendu en l'état futur d'achèvement l'un des lots à Madame [W] [X].

La livraison du bien est intervenue le 28 septembre 2016.

Par la suite, Madame [W] [X] a confié à la société Nova Concept, assurée auprès de la société MAAF Assurances, des travaux de pose d'une douche à l'italienne.

Elle s'est ensuite plainte de l'apparition de désordres notamment dans la salle de bain et les toilettes.

Par ordonnance en date du 23 avril 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lille a ordonné une expertise judiciaire à la demande de Madame [W] [X] et l’a confiée à Monsieur [V] [U]. Par la suite, le juge des référés a rendu les opérations d'expertise communes et opposables à d'autres constructeurs suivant ordonnance en date du 6 décembre 2019.

L'expert a rendu son rapport en octobre 2020.

* * *

Par actes d’huissier en date des 24 et 25 mars 2021, Madame [W] [X] a assigné la société Bouygues Immobilier et la société Nova Concept en réparation devant le tribunal judiciaire de Lille.

Suivant ordonnance en date du 2 décembre 2022, le juge de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire du rang des affaires en cours en raison du défaut de diligences de la demanderesse.

L'affaire a été réinscrite au rang des affaires en cours en juillet 2023.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 26 juillet 2023, Madame [W] [X] demande au tribunal, au visa des articles 1646-1, 1792 et 1792-4-1 du code civil et de la théorie jurisprudentielle des désordres intermédiaires, de :
A titre principal,
- dire et juger que les désordres affectant les WC sont de nature décennale ;
A titre subsidiaire,
- dire et juger que les désordres affectant les WC sont de nature intermédiaire ;
- dire que la société Bouygues Immobilier a commis une faute personnelle dans le cadre du contrat VEFA et en sa qualité de maître d’ouvrage ;
En tout état de cause,
- ordonner la réinscription de l’affaire au rôle ;
- débouter le société Bouygues Télécom et la société Nova Concept de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- dire et juger que les désordres concernant la douche à l’italienne sont de nature décennale
- dire et juger que la société Novea Concept est responsable des désordres décennaux concernant la douche à l’italienne ;
- dire et juger que la société Bouygues Immobilier est responsable des désordres concernant les WC;
En conséquence,
- condamner la société Nova Concept à lui verser une somme de 7.989 euros en réparation des préjudices matériels concernant la douche à l’italienne ;
- condamner la société Nova Concept à lui verser une somme de 3.250 euros au titre de la réparation de son préjudice de jouissance s’agissant de la douche à l’italienne ;
- condamner la société Nova Concept à lui verser une somme de 1.500 euros en réparation de son préjudice moral s’agissant de la douche à l’italienne ;
- condamner la société Bouygues Immobilier à lui verser une somme de 3.250 euros en réparation de son préjudice de jouissance s’agissant des WC ;
- condamner la société Bouygues Télécom à lui verser une somme de 1.500 euros en réparation de son préjudice moral s’agissant des WC ;
- condamner la société Bouygues Immobilier et la société Nova Concept conjointement et solidairement, aux entiers dépens, en lesquels seront compris les frais d’expertise, tels qu’ils ont été liquidés et taxés à la somme de 4.478,35 euros par ordonnance du tribunal judiciaire de Lille du 16 novembre 2020 ;
- condamner la société Bouygues Immobilier et la société Nova Concept conjointement et solidairement à lui verser la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles et dépens de l’article 700 du code de procédure civile ;
- ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 28 septembre 2023, la société Bouygues Immobilier demande au tribunal, au visa des articles 1240, 1310 et 1792 et suivants du code civil, de :
- débouter Madame [W] [X] de ses demandes, fins et prétentions étant manifestement infondées ;
- débouter Madame [W] [X] de ses demandes, fins et prétentions au titre du préjudice moral dirigées à l’encontre de la société Bouygues Télécom qui n’est pas partie à la procédure ;
A titre subsidiaire,
- dire et juger qu'elle n’a commis aucune faute ayant concouru à la réalisation des dommages invoqués ;
En conséquence,
- débouter Madame [W] [X] de ses demandes, fins et prétentions dirigées à son encontre et notamment in solidum avec la société Nova Concept et son assureur la société MAAF Assurances ;
A titre très subsidiaire,
- limiter le quantum de l’indemnisation de Madame [W] [X] à la somme 250 euros TTC au titre du préjudice de jouissance actuel et futur et moral lié à la gêne occasionnée par le refoulement des WC ;
A titre reconventionnel,
- condamner la société Nova Concept et son assureur la société MAAF Assurances à la garantir de toutes condamnations tant en principal, intérêts, frais et accessoires de toute nature qui pourraient être prononcées à son encontre et ce au profit de Madame [W] [X] ;
En tout état de cause,
- rejeter toute demande de condamnation solidaire ou in solidum et en garantie éventuelle formée à son encontre ;
- condamner Madame [W] [X] et/ou tout succombant à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;
- débouter Madame [W] [X] de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l’expertise ;
- rejeter la demande d'exécutoire formulée par Madame [W] [X] ;
- prononcer l'exécution provisoire de l'appel en garantie formulé par elle.

Enfin, dans leurs dernières conclusions notifiées le 8 mars 2024, la société Nova Concept et la société MAAF Assurances demandent au tribunal, au visa des articles 1240 et 1792 et suivants du code civil, de :
- déclarer recevable l’intervention volontaire de la société MAAF Assurances ès-qualité d’assureur décennal de la société Nova Concept ;

- déclarer que leur prise en charge au titre des travaux de reprise de la douche à l’italienne n’excédera pas la somme de 5.291 euros HT ;
- débouter Madame [W] [X] du surplus de ses demandes ;
Subsidiairement,
- minorer le quantum du préjudice de jouissance en ce qu’il ne peut qu’être résiduel ;
- dire et juger que la condamnation susceptible d’être prononcée à leur encontre sera proportionnelle aux désordres relatifs à la douche à l’italienne ;
En tout état de cause,
- condamner la société Bouygues Immobilier à les garantir de toutes condamnations tant en principal, intérêts, frais et accessoires de toute nature susceptibles d’être prononcées à leur égard au profit de Madame [W] [X] ;
- débouter la société Bouygues Immobilier de sa demande de garantie à l’égard de la société MAAF Assurances ;
- débouter la société Bouygues Immobilier en ce qu’elles sont dirigées à l’égard de la société MAAF Assurances ;
- débouter Madame [W] [X] de sa demande relative à l’article 700 du code de procédure civile ;
- dire et juger que les condamnations susceptibles d’être prononcées à leur égard relatives au préjudice de jouissance, les frais d’expertise et l’article 700 du code de procédure civile seront proportionnelles aux seuls désordres relatifs à la douche à l’italienne ;
- rejeter la demande d’exécution provisoire formulée par Madame [W] [X] ;
- prononcer l’exécution provisoire de l’appel en garantie formulé par elles.

Pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, le tribunal se réfère expressément à leurs dernières écritures, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 22 mars 2024 et l’affaire a été fixée à plaider à l’audience du 21 mai 2024.

La décision a été mise en délibéré au 30 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes des parties reprises dans leurs dispositifs, et notamment celles de la demanderesse, tendant notamment à voir le tribunal « dire et juger que », ne constituent pas une demande en justice au sens des articles 4, 5 et 31 du code de procédure civile mais uniquement le rappel de moyens de fait et de droit au soutien de leurs réelles prétentions, si bien qu'il n'y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

SUR L'INTERVENTION VOLONTAIRE DE LA SOCIETE MAAF ASSURANCES

La société MAAF Assurances est intervenue volontairement à l'instance opposant son assurée la société Nova Concept à Madame [W] [X], demanderesse.

Aucune des parties ne s'oppose à cette intervention.

Il y a donc lieu de recevoir l’intervention volontaire de la société MAAF Assurances conformément aux dispositions des articles 328 et 329 du code de procédure civile.

SUR LES DEMANDES DE CONDAMNATION FORMEES PAR MADAME [W] [X] :

A titre liminaire, le tribunal relève que Madame [W] [X] forme certaines de ses demandes dans son dispositif à l'encontre de la société Bouygues Télécom en lieu et place de la société Bouygues Immobilier et à l'encontre de la société Novea Concept en lieu et place de la société Nova Concept.

Il s'agit manifestement d'une erreur de plume commise par la demanderesse si bien qu'il y a lieu de retenir que ses prétentions sont bien formulées à l’encontre de la société Bouygues Immobilier et de la société Nova Concept, régulièrement attraites à la cause.

I. Sur la demande de réinscription de l'affaire au rôle :

Madame [W] [X] demande au tribunal dans ses dernières écritures aux fins de réinscription et récapitulatives notifiées par voie électronique le 26 juillet 2023 d'ordonner la réinscription de l’affaire au rôle.

Toutefois, dans la mesure où elle n'a pas réactualisé ses écritures depuis cette date, il y a lieu de dire cette demande sans objet, l'affaire ayant été réinscrite au rôle depuis presqu'un an.

II. Sur les demandes de condamnation formées à l'encontre de la société Nova Concept

Madame [W] [X] sollicite dans un premier temps la condamnation de la société Nova Concept au paiement notamment de la somme de 7.989 euros au titre de la reprise des désordres affectant la douche à l'italienne, outre un préjudice de jouissance et un préjudice moral, sur le fondement principal de la garantie décennale de l'article 1792 du code civil.

Cet article dispose que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

Sur l'existence d'un désordre, son origine et sa qualification :
Madame [W] [X] dénonce la présence d'une fuite dans l'appartement situé en-dessous de son bien lorsqu'elle utilise sa douche à l'italienne, et soutient que ce désordre présente un caractère décennal.

La société Nova Concept et son assureur la société MAAF Assurances ne contestent pas le caractère décennal de ce désordre ; « la compagnie MAAF Assurances n'entend pas contester la mobilisation de sa garantie décennale pour la reprise de la douche à l’italienne ».

En l'espèce, l'expert judiciaire a constaté à l'occasion de ses opérations l'apparition d'une fuite au droit de la douche à l'italienne dans l'appartement situé en dessous de celui de la demanderesse dès ses premières utilisations.

Il l'explique par le fait que le coude PVC de l'évacuation est seulement emboîté, sans collage, dans l'attente PVC de la dalle entraînant l'absence d'étanchéité de la douche.

Aussi, dans la mesure où le caractère décennal du désordre entachant la douche à l'italienne n'est contesté par aucune des parties, sa réparation relève de la garantie décennale de l'article 1792 du code civil.

Sur la responsabilité de la société Nova Concept :
Les conditions de l’article 1792 du code civil étant réunies, la présomption de responsabilité qui y est édictée pèse sur l’ensemble des intervenants à l’acte de construction toutes les fois où la cause du dommage se situe dans leur sphère d'intervention.

En l'espèce, l'expert judiciaire conclut que les défauts entachant l'étanchéité de la douche à l'italienne de Madame [W] [X] trouvent leur cause dans une mauvaise exécution des travaux par la société Nova Concept dont elle avait la charge, ce qui n'est pas davantage discuté par les parties concernées ; « les désordres afférents étant en lien avec les prestations réalisées par son assurée, la société Nova Concept ».

En conséquence, la société Nova Concept, qui n'établit aucune cause étrangère susceptible de l'exonérer, est responsable de plein droit sur le fondement de la garantie décennale envers la maître de l'ouvrage du désordre affectant la douche à l'italienne.

Sur la réparation des préjudices :
Sur la réparation du préjudice matériel :

Madame [W] [X] sollicite la condamnation de la société Nova Concept au paiement de la somme de 7.989 euros au titre de la reprise de la douche à l'italienne et produit au soutien de sa demande trois devis établis en octobre 2020 et mai 2021 faisant état d'un chiffrage différent de celui retenu par l'expert judiciaire.

La société Nova Concept et la société MAAF Assurances indiquent dans leur dispositif être redevables de la somme de 5.291 euros HT correspondant au montant des travaux de reprise évalué par l'expert judiciaire et contestent en conséquence le chiffrage opéré par la demanderesse, recouvrant parfois une double indemnisation au titre de certains postes, et se basant sur des devis qui n'ont pas été soumis à l'expert lors de ses opérations.

En l'espèce, l'expert judiciaire préconise dans son rapport, afin de remédier aux infiltrations de la douche, la dépose et la repose du meuble vasque, des parois vitrées et de la porte de douche, la réfection de l’entièreté du sol de la salle de bain, la fourniture et la pose d'un siphon d'évacuation de la nouvelle douche, outre la prise en charge du sondage destructif lors de la réunion d'expertise.

Aussi, ces travaux, que l'expert évalue à la somme totale de 5.291 euros HT non contestée par les défenderesses, apparaissent justifiés au regard du désordre relevé et de la nécessité d'y mettre un terme définitif.

Il convient donc de retenir ce chiffrage et d'écarter en conséquence les devis transmis par Madame [W] [X] de montants supérieurs dans la mesure où d'une part, et ce malgré les 18 mois d'expertise judiciaire, ils n'ont jamais été soumis à l'analyse de l'expert judiciaire, et d'autre part en ce qu'ils apparaissent disproportionnés par rapport à la réalité du désordre.

La société Nova Concept sera donc condamnée à payer à Madame [W] [X] la somme de 5.291 euros HT au titre de la reprise des désordres affectant la douche à l'italienne.

Sur la réparation du préjudice de jouissance :

Madame [W] [X] sollicite également la somme de 3.250 euros en réparation de son préjudice de jouissance résultant de son impossibilité d'utiliser la douche depuis son installation et de l'exécution des travaux de reprise.

La société Nova Concept et la société MAAF Assurances reprochent à la demanderesse, qui dispose d'une seconde salle de bain dans son logement, de ne pas établir la réalité du préjudice invoqué dont elle fait une évaluation arbitraire et forfaitaire.

Il est constant que le trouble de jouissance s’analyse comme l’impossibilité dans laquelle s'est trouvée la demanderesse d’utiliser le bien pendant une période déterminée.

En l'espèce, il ressort des opérations d'expertise que la douche à l'italienne n'a jamais pu être utilisée par Madame [W] [X] depuis son installation, et que de plus elle bénéficie d'une autre salle de bain dans son logement.

Par ailleurs, l'expert évalue à une semaine les travaux de reprise.

Le tribunal relève que la maître de l'ouvrage n'explique pas son chiffrage.

Aussi, il y a lieu d'évaluer le préjudice de jouissance subi par Madame [W] [X] à la somme de 2.000 euros et de condamner la société Nova Concept à lui payer cette somme en réparation de ce préjudice.

Sur la réparation du préjudice moral :

Enfin, Madame [W] [X] sollicite également la somme de 1.500 euros en réparation de son préjudice moral en raison du stress occasionné par les désordres et de la longueur de la présente procédure.

La société MAAF Assurances et son assurée ne formulent aucune observation sur ce point.

En l'espèce, force est de constater que la demanderesse ne rapporte pas la preuve de la réalité du préjudice allégué, par la production par exemple de pièces médicales. Par ailleurs, la longueur de la procédure judiciaire ne saurait être reprochée aux défenderesses qui contestent une partie des réclamations formée par cette dernière.

En conséquence, Madame [W] [X] sera déboutée de sa demande de condamnation formée à l'encontre de la société Nova Concept au titre de son préjudice moral.

III. Sur les demandes de condamnation formées à l'encontre de la société Bouygues Immobilier :

Madame [W] [X] sollicite dans un second temps la condamnation de la société Bouygues Immobilier, en sa qualité de vendeur d'immeuble en état futur d'achèvement, au paiement d'un préjudice de jouissance et d'un préjudice moral en raison d'un défaut d'évacuation entachant les toilettes de son logement, sur le fondement principal de la garantie décennale de l'article 1792 du code civil, et sur le fondement subsidiaire de la responsabilité contractuelle de droit commun de l'article 1147 de ce même code dans sa version antérieure.

Au titre de la garantie décennale :
Madame [W] [X] soutient que les problèmes d'évacuation des toilettes présentent un caractère décennal, justifiant d'ailleurs la reprise des désordres par l'assureur dommages-ouvrage.

La société Bouygues Immobilier conteste l'applicabilité de la garantie décennale faute pour Madame [W] [X] de rapporter la preuve d'une impropriété à destination de l'ouvrage dans son ensemble en raison de l'existence du désordre allégué.

Il résulte de l'article 1646-1 du code civil que le vendeur d'un immeuble à construire est tenu, à compter de la réception des travaux, des obligations dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage sont eux-mêmes tenus en application des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du présent code.

Pour rappel, l'article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

En l'espèce, l'expert judiciaire a constaté à l'occasion de ses opérations que les deux toilettes composant le logement de Madame [W] [X] se connectaient à la même colonne d'évacuation verticale, alors qu'elles devaient disposer chacune d'une connexion individuelle différenciée sur la colonne verticale, à l'origine de phénomènes de bouchements et de refoulements récurrents.

Il poursuit en indiquant que « l'utilisation des WC est possible. Seul le WC le plus proche du collecteur vertical peut être utilisé sans refoulement ».

Il ressort également de l'expertise judiciaire que ce désordre a finalement été indemnisé par l'assureur dommages-ouvrage, ce que la demanderesse ne conteste pas, et qui justifie qu'elle sollicite la réparation uniquement de préjudices immatériels.

Toutefois, le tribunal relève que Madame [W] [X] n'établit pas dans ses écritures dans quelles mesures ce désordre rendrait l'ouvrage impropre à sa destination ou porterait atteinte à sa solidité, ce qui ne ressort pas davantage des conclusions expertales.

Ce défaut d'évacuation, qui reste ponctuel et circonscrit, ne présente donc aucun caractère décennal si bien qu'il n'est pas susceptible de mettre en jeu la garantie décennale de l'article 1792 du code civil.

En conséquence, la responsabilité de la société Bouygues Immobilier n'est susceptible d'être engagée que sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.

Au titre de la responsabilité contractuelle :
Madame [W] [X] soutient à titre subsidiaire que la société Bouygues Immobilier, en confiant les travaux litigieux à la société K-Bane, a commis une faute engageant sa responsabilité.

La société Bouygues Immobilier rappelle être intervenue uniquement en qualité de maître de l'ouvrage si bien qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution des travaux litigieux.

L'article 1147 du code civil dans sa version applicable au présent litige dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Aussi, ce régime de responsabilité impose à l'acquéreur la démonstration d’une faute personnelle du vendeur en l'état futur d'achèvement dont il poursuit la responsabilité contractuelle, et d’un lien de causalité entre cette faute et le dommage allégué.

En l'espèce, l'expert judiciaire conclut que le désordre entachant les toilettes est imputable à la société K-bane, en charge de l'exécution du lot plomberie, « intervenue dans le cadre du chantier dont la maîtrise d'ouvrage est Bouygues Immobilier ».

La société Bouygues Immobilier est en effet intervenue uniquement en qualité de maître de l'ouvrage et de vendeur en état futur d'achèvement, si bien qu'elle n'a pas participé à l'exécution des travaux litigieux. Sa seule qualité de maître de l'ouvrage ne suffit aucunement à caractériser une faute personnelle de celle-ci dans la réalisation du dommage, dont la charge de la preuve pèse sur Madame [W] [X].

En conséquence, Madame [W] [X] sera intégralement déboutée de ses demandes de condamnation formées à l'encontre de la société Bouygues Immobilier.

SUR LES APPELS EN GARANTIE FORMES PAR LES DEFENDERESSES

Les sociétés Bouygues Immobilier d'une part, et Nova Concept et MAAF Assurances d'autre part, forment des appels en garantie réciproques.

Dans leur relation entre eux, les responsables ne peuvent exercer de recours qu’à proportion de leur faute respective, sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil dans sa version applicable au présent litige s'agissant des locateurs d'ouvrage non liés contractuellement entre eux ou s'agissant du recours de l'assureur dommage-ouvrage, ou de l'article 1147 du code civil dans cette même version, s'ils sont contractuellement liés.

En l'espèce, force est de constater que l'appel en garantie formé par la société Bouygues Immobilier, qui a été intégralement mise hors de cause, est devenu sans objet.

Par ailleurs, la société Nova et la société MAAF Assurances ne caractérisent aucune faute commise par la société Bouygues Immobilier dans les désordres affectant la douche à l'italienne dans la mesure où elle n'est pas intervenue dans le cadre de ce marché de travaux distinct de celui objet de la vente en état futur d'achèvement.

Elles seront donc déboutées de leur appel en garantie formé à l'encontre de la société Bouygues Immobilier.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

Sur les dépens :
L'article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l’espèce, la société Nova Concept et la société MAAF Assurances, parties perdantes, seront condamnées aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :
En vertu de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

En l’espèce, la société Nova Concept, partie perdante, sera condamnée à payer à Madame [W] [X] la somme de 1.500 euros à ce titre.

Les parties défenderesses, et notamment la société Bouygues Immobilier en raison de sa situation financière, seront déboutées de leur demande formée également au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire :
L'article 514 du code de procédure civile dispose que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

L'article 514-1 du même code précise que le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

En l'espèce, au regard de la nature de l'affaire, et des condamnations prononcées, il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire, comme le sollicitent les parties défenderesses.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe de la juridiction, par jugement contradictoire et en premier ressort,

REÇOIT L'INTERVENTION VOLONTAIRE de la société MAAF Assurances ;

DIT sans objet la demande de réinscription au rôle de la présente affaire formée par Madame [W] [X] ;

CONDAMNE la société Nova Concept à payer à Madame [W] [X] la somme de 5.291 euros HT au titre de la reprise des désordres affectant la douche à l'italienne ;

CONDAMNE la société Nova Concept à payer à Madame [W] [X] la somme de 2.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

DÉBOUTE Madame [W] [X] de sa demande condamnation formée à l’encontre de la société Nova Concept en réparation de son préjudice moral ;

DÉBOUTE Madame [W] [X] de l'ensemble de ses demandes de condamnation formées à l'encontre de la société Bouygues Immobilier ;

DIT sans objet l'appel en garantie formé par la société Bouygues Immobilier à l'encontre de la société Nova Concept et de la société MAAF Assurances ;

DÉBOUTE la société Nova Concept et la société MAAF Assurances de leur appel en garantie formé à l'encontre de la société Bouygues Immobilier ;

CONDAMNE la société Nova Concept à payer à Madame [W] [X] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les autres parties de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Nova Concept et la société MAAF Assurances aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;

DIT n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

Dominique BALAVOINE Claire MARCHALOT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 02
Numéro d'arrêt : 23/08397
Date de la décision : 30/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-30;23.08397 ?
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