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02/08/2024 | FRANCE | N°22/00583

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 01, 02 août 2024, 22/00583


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01

N° RG 22/00583 - N° Portalis DBZS-W-B7G-V3BR


JUGEMENT DU 02 AOUT 2024



DEMANDERESSE :

S.C.I. DE LA POINTE,
inscrite au RCS de LILLE METROPOLE sous le n°490 402 021, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Laurent CALONNE, avocat au barreau de LILLE



DÉFENDERESSE :

S.A.R.L. BEAUVAL
Immatriculée au RCS d’Evry sous le n°488 233 560r>[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Guillaume BOUREUX, avocat au barreau de LILLE, postulant et Me Gaël PEYNEAU, avocat au barreau ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 01

N° RG 22/00583 - N° Portalis DBZS-W-B7G-V3BR

JUGEMENT DU 02 AOUT 2024

DEMANDERESSE :

S.C.I. DE LA POINTE,
inscrite au RCS de LILLE METROPOLE sous le n°490 402 021, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Laurent CALONNE, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSE :

S.A.R.L. BEAUVAL
Immatriculée au RCS d’Evry sous le n°488 233 560
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Guillaume BOUREUX, avocat au barreau de LILLE, postulant et Me Gaël PEYNEAU, avocat au barreau de PARIS, plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Aurélie VERON, Vice-présidente, statuant en qualité de Juge Unique, en application de l’article R 212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire,

Greffier : Benjamin LAPLUME,

DÉBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 04 Juillet 2023 ;

A l’audience publique du 15 Avril 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 10 juin 2024 puis prorogé pour être rendu le 02 Août 2024.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 02 Août 2024, et signé par Aurélie VERON, Présidente, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 14 mars 2019, la S.C.I. de la Pointe a donné à bail commercial à la S.A.R.L. Beauval un entrepôt situé [Adresse 5] à [Localité 6] pour une durée de neuf ans à compter du 18 mars 2019 et moyennant un loyer annuel de 26 400 euros, taxe sur la valeur ajoutée incluse.

Le local commercial loué a subi une effraction dans la nuit du 13 au 14 décembre 2019.

Se plaignant d'impayés de loyers, par acte du 21 juillet 2020, la S.C.I. de la Pointe a fait délivrer à la S.A.R.L. Beauval un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant en principal de 19 854,62 euros.

Par ordonnance du 18 mai 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision au titre de l'arriéré de loyers et sur la demande reconventionnelle de résiliation du bail de la société Beauval.

Par exploit d’huissier délivré le 20 janvier 2020, la S.C.I. de la Pointe a assigné la S.A.R.L. Beauval devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins de paiement d'une indemnité provisionnelle au titre des loyers de 37 983,72 euros.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 17 mars 2023, la S.C.I. de la Pointe sollicite de la juridiction de :

Dire et juger qu'elle n’a pas failli à son obligation de garantie d’une jouissance paisible et de sécurité des biens loués ;
Dire et juger que la SARL Beauval ne pouvait suspendre le paiement des loyers;
La Débouter en conséquence de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
La Condamner au paiement au titre d’une indemnité provisionnelle au titre des loyers à hauteur de 37 983,72 € selon décompte arrêté au 31 décembre 2020,
La condamner au paiement d’une somme de 2 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens, en ce compris le coût du commandement de payer les loyers.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 6 février 2023, la S.A.R.L. Beauval s’oppose aux demandes formées à son encontre. Elle demande au tribunal de :

La Dire et Juger recevable et bien fondée en ses demandes ;
Y faisant droit,

Dire et Juger que la SCI De la Pointe a gravement failli à son obligation de garantie d’une jouissance paisible et de sécurité des biens loués ;
En conséquence,

Dire et Juger qu'elle était bien fondée à suspendre le paiement des loyers ;
Rejeter les demandes de la SCI De la Pointe ;
Dire et Juger que le bail commercial qui liait les parties est résilié à la date du 9 juillet 2020 par la faute du bailleur ;
En toute hypothèse,

Condamner la SCI De la Pointe à lui payer la somme de 3 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux conclusions récapitulatives des parties pour un plus ample exposé des motifs conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture des débats est intervenue par ordonnance du 4 juillet 2023 avec fixation de l'affaire à l'audience du 15 avril 2024 à l'issue de laquelle la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 10 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir le tribunal "constater" ou "dire et juger" ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31, 768 et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n'y a pas lieu de statuer sur celles ci.

I- Sur la demande en paiement

Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

L’article 1353 du code civil dispose qu'il incombe à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver. Celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Pour s'opposer à la demande en paiement des loyers, la société Beauval se prévaut d'une part de l'exception d'inexécution l'autorisant à suspendre le paiement des loyers et d'autre part de la résiliation du bail à la date du 9 juillet 2020.

Si elle évoque l'estoppel dans le corps de ses conclusions, force est de constater qu'elle ne formule aucune demande à ce titre dans son « Par ces Motifs » alors qu'en application de l'article 768 du code de procédure civile, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Dès lors, il n'y a pas lieu de statuer sur cette question.

A- Sur la suspension du paiement des loyers

Aux termes de l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée, de l'entretenir et de l'en faire jouir paisiblement pendant la durée du bail.

Selon l’article 1217 dudit code, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut notamment refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation.

L'article 1219 du même code précise qu'une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Il est constant que le local a fait l'objet d'un vol avec effraction en décembre 2019, avec dégradation de l'une des portes sectionnelles.

Il résulte du procès-verbal de constat d'huissier du 24 juillet 2020 que la porte sectionnelle n'était pas réparée à cette date.

S'il est certain que la dégradation d'une des portes sectionnelles posait un problème de sécurité des locaux, l'huissier de justice ayant constaté qu'il était possible de créer une ouverture en en poussant les panneaux bas, la SARL Beauval ne produit aucun élément pour établir qu'elle n'a pas pu user normalement des locaux du fait de cet état, pour la période de décembre 2019 à juin 2020. Elle ne s'explique ainsi notamment pas sur le fait qu'elle n'aurait pas pu jouir du bien malgré la sécurisation certes provisoire réalisée dès le 16 décembre 2019.

Il n'est pas contesté que la réparation de la porte sectionnelle était à la charge du bailleur. Cependant, la société Beauval s'est occupée de faire établir un devis de réparation le 16 décembre 2019 d'un montant de 5 754,60 euros TTC (pièce 4 défendeur : devis à son nom).

De plus, il est produit par la S.C.I. De la Pointe en pièce 7 un document intitulé « Décompte BEAUVAL / société civile immobilière DE LA POINTE », dans lequel le montant du devis de réparation de la porte sectionnelle de 5 754 euros est déduit des sommes dues par le preneur au titre des loyers avec la mention « Facture METAL+ pour le remplacement de la porte Métallique du garage = BEAUVAL. s'enchargera pour le remplacement du porte rideau métallique ===$gt;$gt;$gt; Facture faite à la SCI DE LA POINTE pour remboursement par son a ssurance ».

Bien que contesté par la S.A.R.L. Beauval, il résulte de la présentation de ce décompte (intitulé « Décompte BEAUVAL/SCI DE LA POINTE », présentation différente des autres décomptes produits par la bailleresse cf. pièce 8), de certaines de ces mentions (« Régul. Charges 2019 = 2.429,47 € = En attente paiement pour explication », mention du paiement du solde avec le numéro de chèque alors que la bailleresse conteste ce paiement) et du fait que diverses factures de travaux réalisés par la société Beauval sont mentionnées en déduction alors qu'elles n'apparaissent pas sur les décomptes produits par la bailleresse, que ce document a été effectivement établi par la locataire.

Il ressort de ce décompte que la société Beauval avait prévu de faire directement réaliser les travaux de réparation de la porte sectionnelle en en faisant supporter le coût par la bailleresse in fine, par compensation avec les loyers échus.

Ceci est corroboré par le fait que la société Beauval n'a pas demandé à la bailleresse de réaliser les travaux de réparation de la porte sectionnelle avant le 26 juin 2020, soit plus de six mois après l'effraction.

Il sera souligné que le preneur, qui ne s'est pas plaint d'un manquement de son bailleur à son obligation d'entretien ou de jouissance avant cette date, a quitté les locaux moins d'un mois après ce courrier, soit le 22 juillet 2020.

Au regard de ces éléments, la société Beauval n'établit pas que la bailleresse a manqué à ses obligations de manière suffisamment grave pour justifier la suspension de son obligation de payer les loyers.

En conséquence, il convient d'écarter le moyen tiré de l'exception d'inexécution.

B- Sur la résolution du bail

L'article 1224 du code civil dispose que la résolution du contrat résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

Selon l'article 1226 du même code, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat. Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent. Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution.

Selon l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :

1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ;
2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;
3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° D'assurer également la permanence et la qualité des plantations.

Ainsi que cela a été relevé précédemment, il n'est pas établi que la bailleresse a manqué à son obligation de garantir la jouissance paisible des locaux.

Au surplus, il sera relevé que le courrier mettant le bailleur en demeure de réparer la porte sectionnelle n'a été adressé à la société De la Pointe que le 26 juin 2020 soit très tardivement puisque plus de six mois après l'intrusion. Il n'est pas justifié de l'envoi par recommandé de ce courrier et de sa réception par la bailleresse, de sorte qu'il ne peut valoir mise en demeure.

Encore, le délai de dix jours fixé dans la mise en demeure n'est pas un délai raisonnable, de nature à permettre au bailleur de s'exécuter, alors qu'il était nécessaire de recourir à une entreprise dont la disponibilité dans ce délai n'était pas acquise.

En conséquence, faute de justifier d'un manquement suffisamment grave du bailleur, la société Beauval n'était pas fondée à résilier le bail unilatéralement. Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

C- Sur les sommes dues

Compte tenu de ce qui précède, la S.C.I. De la Pointe est fondée à réclamer le paiement de l'ensemble des loyers, la société Beauval ne pouvant se prévaloir ni d'une exception d'inexécution, ni d'une résolution du bail.

Il résulte du décompte arrêté au 31 décembre 2020 un arriéré de loyers de 37 983,72 euros (pièce 8 demandeur).

La société Beauval n'apporte aucune critique au quantum réclamé et ne justifie pas d'autres paiements que ceux imputés par la bailleresse, ni de compensation de la créance avec des factures de travaux.

Si la bailleresse réclame dans son « Par ces motifs » une condamnation au paiement d'une « indemnité provisionnelle », aucun élément des débats n'explique la nécessité d'une condamnation provisoire. Dès lors, il s'agit d'une erreur de plume, la prétention devant s'interpréter comme une demande de condamnation au paiement de la somme définitivement arrêtée au 31 décembre 2020.

Il convient de condamner la société Beauval au paiement de la somme de 37 983,72 euros au titre des loyers et charges arrêtés au 31 décembre 2020.

II- Sur les demandes accessoires

1. Sur l'exécution provisoire

Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

2. Sur les frais irrépétibles et les dépens

La S.A.R.L. Beauval succombant au principal, elle supportera les dépens de la présente instance en ce compris le coût du commandement de payer du 21 juillet 2020 et sera redevable d’une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile qui sera justement fixée à la somme de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort,

DÉBOUTE la S.A.R.L. Beauval de sa demande de résiliation du bail à la date du 9 juillet 2020 ;

CONDAMNE la S.A.R.L. Beauval à payer à la S.C.I. de la Pointe la somme de 37 983,72 euros au titre des loyers et charges arrêtés au 31 décembre 2020 ;

CONDAMNE la S.A.R.L. Beauval à payer à la S.C.I. de la Pointe la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la S.A.R.L. Beauval de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit ;

DÉBOUTE la S.C.I. de la Pointe de ses autres demandes ;

DÉBOUTE la S.A.R.L. Beauval de ses autres demandes ;

CONDAMNE la S.A.R.L. Beauval aux dépens de la présente instance en ce compris le coût du commandement de payer du 21 juillet 2020.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

Benjamin LAPLUME Aurélie VERON


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 01
Numéro d'arrêt : 22/00583
Date de la décision : 02/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-02;22.00583 ?
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