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08/08/2024 | FRANCE | N°22/03706

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 02, 08 août 2024, 22/03706


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 02
N° RG 22/03706 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WC6R


JUGEMENT DU 08 AOUT 2024



DEMANDERESSE :

S.A.S. ATD, RCS ROUEN n°B720 500 800, venant aux droits de la société SIGENCI
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Sébastien CARNEL, avocat au barreau de LILLE, Me Jérôme VERMONT, avocat au barreau de ROUEN




DÉFENDERESSE :

S.A. MAISONS & CITES SA D’HABITATION à LOYERS MODERES
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Loïc JARSAILLON, av

ocat au barreau de LILLE


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Claire MARCHALOT, Vice Présidente
Assesseur : Sarah RENZI, Juge
Assesseur : Mau...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 02
N° RG 22/03706 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WC6R

JUGEMENT DU 08 AOUT 2024

DEMANDERESSE :

S.A.S. ATD, RCS ROUEN n°B720 500 800, venant aux droits de la société SIGENCI
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Sébastien CARNEL, avocat au barreau de LILLE, Me Jérôme VERMONT, avocat au barreau de ROUEN

DÉFENDERESSE :

S.A. MAISONS & CITES SA D’HABITATION à LOYERS MODERES
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Loïc JARSAILLON, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Claire MARCHALOT, Vice Présidente
Assesseur : Sarah RENZI, Juge
Assesseur : Maureen DE LA MALENE, Juge

Greffier

Dominique BALAVOINE, Greffier

DÉBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 22 Mars 2024.

A l’audience publique du 16 Mai 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 08 Août 2024.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 08 Août 2024 par Claire MARCHALOT, Président, assistée de Dominique BALAVOINE, Greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Maisons & Cités, société d'HLM, a entrepris, en sa qualité de maître de l'ouvrage, des travaux de réhabilitation de 105 logements sis [Adresse 5] à [Localité 4].

Dans le cadre de cette opération, elle a notifié le 16 septembre 2016 à la société Sigenci (absorbée par la suite par la société ATD puis par la société EPC Demosten) l'attribution de deux marchés de travaux relatifs au lot désamiantage (n°11) moyennant la somme totale de 149.999,30 euros HT.

La réception des travaux du lot n°11 est intervenue le 2 mai 2019 sans réserve.

A la même date, la société ATD a remis en mains propres au maître d’œuvre un projet de décompte général qu'il a contesté suivant courrier du 27 août 2019.

Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue par la société Maisons & Cités le 7 octobre 2019, la société ATD lui a adressé son projet de décompte pour un coût final des travaux de 198.362,22 euros TTC, dont 93.239,92 euros TTC encore dus par cette dernière.

Par courrier du 11 octobre 2019, le maître d’œuvre a à nouveau contesté le projet de décompte général établi par la société ATD.

En l'absence d'accord, la société ATD a mis en demeure le maître de l'ouvrage de lui payer la somme de 93.239,93 euros TTC au titre du solde des deux marchés de travaux par lettre recommandée avec accusé de réception réceptionnée le 17 septembre 2021, et dont copie a été envoyée au maître d’œuvre par lettre recommandée avec accusé de réception distribuée le 20 septembre 2019.

Les parties ne se sont pas accordées sur le montant des sommes restant dues.

* * *

Par acte d’huissier en date du 28 avril 2022, la société EPC Demosten venant aux droits de la société ATD et de la société Sigenci a assigné la société Maisons & Cités devant le tribunal judiciaire de Lille en paiement du solde des marchés de travaux.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 6 février 2024, elle demande au tribunal, au visa des articles 1103 et suivants et 1190 du code civil, de :
- déclarer recevable son intervention volontaire en lieu et place de la société ATD ;
- condamner la société Maisons & Cités à lui payer la somme de 93.239,92 euros TTC, avec intérêts au taux contractuel de 8,76 % par jour de retard à compter du 7 octobre 2019 ;
- condamner la société Maisons & Cités à lui payer la somme de 40 euros au titre de l’indemnité forfaitaire contractuelle ;
- condamner la société Maisons & Cités à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Maisons & Cités aux entiers dépens sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile ;
- rappeler que l’exécution provisoire est de droit.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 janvier 2024, la société Maisons & Cités demande au tribunal de :
- débouter comme non fondée la demande de la société EPC Demosten formée à son encontre sur le fondement du CCAG 2009 - version 2014 ;
- fixer le décompte général définitif des parties à la somme de 127.588,04 euros HT et après règlement de la somme par ses soins à hauteur de 92.212,54 euros HT, arrêter le solde à 35.375,50 euros HT, avec intérêt à compter de deux mois après la signification du jugement à intervenir ;
- débouter la société EPC Demosten de sa demande tendant à fixer le décompte des intérêts à compter du 7 octobre 2019 et de sa demande d’indemnité forfaitaire de 40 euros ;

- débouter la société la société EPC Demosten de toutes demandes, fins et conclusions formées à son encontre et contraires aux présentes comme nulles, irrecevables ou mal fondées ;
- la condamner à lui verser la somme de 4.000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, le tribunal se réfère expressément à leurs dernières écritures, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été ordonnée au 22 mars 2024 et l’affaire a été fixée à plaider à l’audience collégiale du 16 mai 2024.

La décision a été mise en délibéré au 8 août 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

SUR L'INTERVENTION VOLONTAIRE DE LA SOCIETE EPC DEMOSTEN

La société EPC Demosten intervient volontairement dans le cadre de la présente instance en lieu et place de la société ATD qu'elle a absorbée, et qui venait elle-même aux droits de la société Sigenci qui a conclu les marchés de travaux faisant l'objet du présent jugement avec la société Maisons & Cités.

Cette dernière ne s'oppose pas à l'intervention volontaire de la société EPC Demosten.

Il y a donc lieu de recevoir son intervention volontaire conformément aux dispositions des articles 328 et 329 du code de procédure civile.

SUR LES DEMANDES DE CONDAMNATION FORMEES PAR LA SOCIETE EPC DEMOSTEN

I. Sur la demande en paiement du solde du prix :

Sur le Cahier des Clauses Administratives Générales applicable :

La société EPC Demosten argue que les parties se sont engagées sur un prix forfaitaire et global suivant acte d'engagement de 2016, qui renvoie au Cahier des Clauses Administratives Particulières (CCAP), qui lui-même prévoit dans son article 2 que le Cahier des Clauses Administratives Générales (CCAG) applicable aux marchés publics de travaux approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009 fait partie des pièces constitutives du marché.
Elle soutient ainsi que la version de l'arrêté du 8 septembre 2009 applicable en l'espèce est celle modifiée par l'arrêté du 3 mars 2014, dans la mesure où s'agissant d'un simple texte modificatif, il n'y a pas lieu de faire de distinction entre ces deux versions, et en ce que ses dispositions sont entrées en vigueur trois mois après la publication, de sorte que la version modifiée doit s'appliquer aux marchés conclus postérieurement à cette date, ce qui est le cas en l'espèce.
La société demanderesse ajoute que dès lors que la société Maisons & Cités, en charge seule de la rédaction du CCAP, n'a pas expressément exclu de l'arrêté applicable ses modifications postérieures, le doute sur la rédaction de cette clause doit lui profiter, s'agissant en effet d'un contrat d'adhésion, conformément aux dispositions de l'article 1190 du code civil qui dispose que dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé.

La société Maisons & Cités soutient à l'inverse que doit être fait application en l'espèce du CCAG Travaux de 2009 (et publié au JO du 1er octobre 2009) dans sa version initiale, conformément aux stipulations prévues dans le CCAP des deux marchés litigieux, et non pas celle modifiée par l'arrêté du 3 mars 2014 puisque non visée contractuellement. Elle ajoute que cette clause est suffisamment précise, dans la mesure où elle a expressément indiqué la date de publication au Journal Officiel.
Elle indique également que la société ATD a elle-même fait application de la version initiale du CCAG dans son courrier du 15 septembre 2021 où elle vise expressément les dispositions de l'article 13.4.2 du CCAG dans sa rédaction issue de 2009.

L'article 1134 du code civil dans sa version applicable au présent litige dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Le Cahier des Clauses Administratives Particulières portant sur les travaux de réhabilitation des 105 logements de la [Adresse 5] à [Localité 4] stipule dans son article 2 que « le Cahier des Clauses Administratives Générales applicable aux marchés publics de travaux approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009 (publié au JO du 1er octobre 2009) » fait partie des pièces constitutives du marché.

En l'espèce, il y a lieu de faire application de la version de cet arrêté tel que modifiée par l'arrêté du 3 mars 2014 modifiant l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, dans la mesure où ce texte n'a pas eu objet d’abroger l'arrêté du 8 septembre 2009 et de créer un nouveau CCAG mais seulement, comme cela résulte de son intitulé, d'en modifier certaines dispositions applicables aux marchés de travaux conclus à compter de trois mois suivant sa publication.

La stipulation telle que précisée dans le CCAP, renvoyant les parties au CCAG applicable aux marchés de travaux publics approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009 et publié au Journal Officiel du 1er octobre 2009, ne peut à elle seule, en l'absence d'autres mentions stipulant que les parties entendaient rendre applicable uniquement la version initiale de 2009, être considérée comme venant exclure la version de l'arrêté telle que modifiée par l'arrêté du 3 mars 2014, alors même qu'il s'agissait de la version applicable lors de la conclusion des marchés de travaux liant les parties en 2016. Il ne résulte en effet d’aucune des stipulations du CCAP que les parties auraient entendu déroger à l’applicabilité du CCAG dans sa version modifiée par l’arrêté du 3 mars 2014.

Par ailleurs, le tribunal relève que l'argument soulevé par la société Maisons & Cités tendant à soutenir que la demanderesse elle-même a fait application de la version initiale dans son courrier du 15 septembre 2021 est inopérant. En effet, si la société ATD y met en demeure le maître de l'ouvrage de lui notifier le décompte général définitif, conformément aux prescriptions de l'article 13.4.2 de l'arrêté du 8 septembre 2009 dans sa version initiale, elle lui notifie également par ce même courrier, avec copie au maître d’œuvre, un projet de décompte général composé de l'ensemble des documents listés, conformément à la procédure prévue par l'arrêté du 8 septembre 2009 dans sa version modifiée par l'arrêté du 3 mars 2014 en cas d'absence de notification du décompte général dans les délais par le maître de l'ouvrage au titulaire. Aussi, au regard de ces éléments, il ne peut pas être considéré que la société ATD a fait application uniquement de la version initiale de l'arrêté, ou qu'elle aurait expressément renoncé à l'application de l'arrêté dans sa version modifiée.

Ainsi, en visant le CCAG pris en application de l’arrêté du 8 septembre 2009, le marché fait référence à cet arrêté du 8 septembre 2009 dans son état modifié par celui du 3 mars 2014, si bien que les marchés litigieux sont soumis au CCAG applicable aux marchés publics de travaux du 8 septembre 2009 tel que modifié par l'arrêté du 3 mars 2014.

La société Maisons & Cités n’est donc pas fondée à soutenir que ces stipulations ne lui sont pas opposables.

Sur le montant des sommes restant dues par la société Maisons & Cités :

La société EPC Demosten soutient que faute pour le maître de l'ouvrage d'avoir respecté la procédure relative à l'établissement du DGD prévue à l'article 13 de l'arrêté du 8 septembre 2009 dans sa version applicable au présent litige, il y a lieu de retenir comme décompte définitif le projet de décompte établi par elle dans le cadre de son courrier du 15 septembre 2021 envoyé par lettres recommandées avec accusé de réception au maître de l'ouvrage et au maître d’œuvre.

La société Maisons & Cités soutient à l'inverse que les parties se sont en réalité engagées pour un coût total de 127.588,04 euros HT, dans la mesure où la société ATD n'est intervenue que sur 68 logements au lieu de 80 logements et qu'elle n'a pas respecté la procédure relative aux travaux supplémentaires et au surcoût engendré par les amenés et replis, si bien qu'elle ne reste redevable que de la somme finale de 35.375,50 euros HT.
Elle reproche par ailleurs à la société EPC Demosten d'avoir tardé à exercer son action, si bien qu'elle devra être déboutée de sa demande formée au titre des intérêts de retard.
La société défenderesse reproche également à la société EPC Demosten de ne pas avoir envoyé son projet de décompte simultanément au maître d’œuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur, en violation des prescriptions de l'article 13.3.2 de l'arrêté du 8 septembre 2009 dans sa version modifiée, si bien que seul le projet rectifié par le maître d’œuvre, qui l'a contesté dès août 2019, trouve à s'appliquer.
Enfin, la société Maisons & Cités lui reproche de ne pas avoir signé le projet transmis dans sa mise en demeure adressée en septembre 2021, si bien que le délai de 10 jours n'a pas commencé à courir.

L'article 13 de l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, dans sa version applicable au présent litige suite à sa modification par l'arrêté du 3 mars 2014 dispose notamment que :
13.3.2. Le titulaire transmet son projet de décompte final, simultanément au maître d'œuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux (…).
13.3.4. En cas de retard dans la transmission du projet de décompte final et après mise en demeure restée sans effet, le maître d'œuvre établit d'office le décompte final aux frais du titulaire (…).
13.4.2. Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général.
Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général à la plus tardive des deux dates ci-après :
- trente jours à compter de la réception par le maître d'œuvre de la demande de paiement finale transmise par le titulaire ;
- trente jours à compter de la réception par le représentant du pouvoir adjudicateur de la demande de paiement finale transmise par le titulaire (..).
13.4.3. Dans un délai de trente jours compté à partir de la date à laquelle ce décompte général lui a été notifié, le titulaire envoie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, ce décompte revêtu de sa signature, avec ou sans réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer.
Ce décompte lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne les montants des révisions de prix et des intérêts moratoires afférents au solde (…).
13.4.4. Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais stipulés à l'article 13.4.2, le titulaire notifie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, un projet de décompte général signé, composé :
- du projet de décompte final tel que transmis en application de l'article 13.3.1 ;
- du projet d'état du solde hors révision de prix définitive, établi à partir du projet de décompte final et du dernier projet de décompte mensuel, faisant ressortir les éléments définis à l'article 13.2.1 pour les acomptes mensuels ;
- du projet de récapitulation des acomptes mensuels et du solde hors révision de prix définitive.
Dans un délai de dix jours à compter de la réception de ces documents, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie le décompte général au titulaire. Le décompte général et définitif est alors établi dans les conditions fixées à l'article 13.4.3.
Si, dans ce délai de dix jours, le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas notifié au titulaire le décompte général, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif. Le délai de paiement du solde, hors révisions de prix définitives, court à compter du lendemain de l'expiration de ce délai.
Le décompte général et définitif lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne les montants des révisions de prix et des intérêts moratoires afférents au solde (…).

La société Maisons & Cités a notifié à la société Sigenci, suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 16 septembre 2016, l'attribution de deux marchés au titre lot désamiantage et déplombage :
- la réhabilitation de 80 logements en Amélioration de l'Habitat Complémentaire (AHC) suivant marché n°046352 pour un montant de 146.143,30 euros HT,
- et la réhabilitation de 25 logements en Gros Entretien/Grosses Réparations (GE/GR) suivant marché n°046413 pour montant de 3.856 euros HT.

A cette lettre de notification est jointe l'acte d'engagement signé par les parties le 4 mai 2016 qui prévoit en son article 4.2 un prix global et forfaitaire égal à 149.999,30 euros HT, soit 158.249,26 euros TTC après application d'une TVA à 5,5 %.

Ce même acte d'engagement stipule en son article 4.1 que « le marché est passé à prix ferme actualisable » et que « les modalités éventuelles de révision et/ou d'actualisation des prix sont fixées au CCAP (article 3.3) ».

L'article 7.1.2 de ce CCAP stipule par ailleurs que le titulaire transmet au maître d’œuvre son projet de décompte final à compter notamment de la date de notification de réception.

En l'espèce, la société ATD a notifié son projet de décompte final signé dès le 2 mai 2019, date des opérations de réception, au maître d’œuvre, et par lettre recommandée avec accusé de réception distribuée le 7 octobre 2019 à la société Maisons & Cités.

Si l'article 13.3.2 prévoit une transmission simultanée de ce projet au maître d’œuvre d'une part et au représentant du pouvoir adjudicateur d'autre part (qui sont donc bien deux entités distinctes, le maître d’œuvre ne pouvant être considéré comme la personne habilitée par le pouvoir adjudicateur), il dispose également qu'en l'absence de celle-ci, et après mise en demeure du titulaire, il appartient au maître d’œuvre d'établir le DGD. Or, force est de constater en l'espèce que la société Maisons & Cités ne justifie ni de cette mise en demeure, ni du DGD établi par son maître d’œuvre et notifié à la société ATD. Aussi, le maître de l'ouvrage ne saurait maintenant reprocher à la société demanderesse cette absence de simultanéité dont il n'a jamais tiré aucune conséquence pour se départir de ses propres obligations tirées du respect de la procédure imposée par le CCAG.

Le maître de l'ouvrage ou son représentant dûment habilité, en sa qualité de représentant du pouvoir adjudicateur, avait donc jusqu'au 7 novembre 2019 pour notifier à la société ATD le décompte général, ce qu'il ne justifie pas avoir fait.

Aussi, cette dernière a transmis, suivant lettres recommandées avec accusé de réception distribuées respectivement les 17 et 20 septembre 2019 à la société Maisons & Cités et au maître d’œuvre :
- le projet de décompte final,
- le projet d'état du solde hors révision de prix définitive,
- et le projet de récapitulation des acomptes mensuels et du solde hors révision de prix définitive.

La société Maisons & Cités avait donc jusqu'au 30 septembre 2021 pour notifier à la société ATD le décompte général définitif, ce qu'elle ne justifie pas avoir fait, si bien qu'il y a lieu de considérer le projet de décompte général transmis par cette dernière comme le décompte général et définitif, sans qu'il y ait lieu de donner suite aux moyens de fait et de droit soulevés par la société défenderesse dans ses dernières écritures tendant à contester le montant des sommes restant dues.

Il importe en effet peu que dans le même temps, le maître d’œuvre ait contesté le projet établi par la société ATD, celui-ci ne pouvait être considéré comme le pouvoir adjudicateur et n'ayant pas pour autant proposé un décompte définitif.

Le projet de décompte transmis par la société ATD en septembre 2021, et qui doit donc être considéré comme le DGD, fait état d'une somme totale due par le maître de l'ouvrage de 198.362,22 euros TTC au titre des deux marchés de travaux, décomposée comme suit :
- 149.999,30 euros HT, soit 171.620,08 euros TTC, au titre des marchés initiaux,
- 7.348 euros HT, soit 7.752,14 euros TTC, au titre des travaux supplémentaires,
- et 18.000 euros HT, soit 18.990 euros TTC, au titre des quatre amenés et replis.

A cette somme, il convient de déduire celle de 105.122,30 euros réglée par le maître de l'ouvrage au titre des situations 1 à 4 si bien que la société Maisons & Cités reste redevable de la somme totale de 93.239,92 euros TTC au titre du DGD relatif aux deux marchés de travaux de 2016.

Par ailleurs, l'article 7.3 du CCAP stipule que « le délai maximum de paiement du solde est fixé à 60 jours, à l'article 5.1 de l'acte d'engagement, par dérogation à l'article 13.4.4 du CCAG ». En cas de retard, l'alinéa 3 prévoit que « le taux des intérêts moratoires applicable en cas de dépassement du délai maximum de règlement est égal au taux des intérêts moratoires appliqué par la BCE à ses opérations principales (…), en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de 8 points de pourcentage ».

L'article 5.1 de l'acte d'engagement qui y est visé stipule ainsi que « par dérogation à l'article 13.4.4 du CCAG, le délai maximum de paiement du solde est de 60 jours suivant la réception du projet de décompte finale sur la base des sommes admises par le maître d'ouvrage ».

Aussi, la société ATD ayant envoyé ledit projet suivant lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 7 octobre 2019 par la société Maisons & Cités, elle avait jusqu'au 7 décembre 2019 pour procéder au paiement du solde. Il y a donc lieu de faire courir les intérêts à compter de cette date, étant précisé que la société demanderesse ayant agi dans le délai pendant lequel son action en paiement lui était ouverte, il ne peut pas lui être reproché d'avoir tardé à exercer son action pour justifier le rejet d'une telle demande, comme le soutient le maître de l'ouvrage.

Par ailleurs, le taux contractuel doit être fixé à 8,76% dans la mesure où le taux applicable par la BCE en l'espèce était de 0,76 %, ce que ne conteste pas la société Maisons & Cités.

En conséquence, il y a lieu de condamner la société Maisons & Cités à payer à la société EPC Demosten la somme de 93.239,92 euros TTC avec intérêts au taux de 8,76 % à compter du 7 décembre 2019 jusqu'à parfait paiement.

II. Au titre de l'indemnité forfaitaire contractuelle :

La société EPC Demosten sollicite également la condamnation de la société Maisons & Cités à lui payer la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire contractuelle.

L'article 7.3 du CCAP stipule que « le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, due pour tout retard de paiement, en sus des intérêts moratoires, est fixé à 40 euros».

En l'espèce, la société EPC Demosten ne justifie pas avoir exposé des frais de recouvrement, autres que ceux en lien avec la présente procédure qui sont déjà indemnisés au titre des dépens et des frais irrépétibles.

Elle sera par conséquent déboutée d'une telle demande.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

I. Sur les dépens :

L'article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l’espèce, la société Maisons & Cités, partie perdante, sera condamnée aux dépens.

II. Sur l’article 700 du code de procédure civile :

En vertu de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

En l’espèce, la société Maisons & Cités, partie perdante, sera condamnée à payer à la société EPC Demosten la somme de 3.000 euros à ce titre.

III. Sur l'exécution provisoire :

Enfin, il convient de rappeler que conformément à l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement, pour les instances introduites après le 1er janvier 2020.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe de la juridiction, par jugement contradictoire et en premier ressort,

REÇOIT l'intervention volontaire de la société EPC Demosten venant aux droits de la société ATD ;

CONDAMNE la société Maisons & Cités à payer à la société EPC Demosten la somme de 93.239,92 euros TTC au titre du solde des deux marchés de travaux, avec intérêts au taux contractuel de 8,76 % à compter du 7 décembre 2019 jusqu'à parfait paiement ;

DÉBOUTE la société EPC Demosten de sa demande condamnation formée à l’encontre de la société Maisons & Cités au titre de l'indemnité forfaitaire contractuelle ;

CONDAMNE la société Maisons & Cités à payer à la société EPC Demosten la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Maisons & Cités aux dépens ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Dominique BALAVOINE Claire MARCHALOT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 02
Numéro d'arrêt : 22/03706
Date de la décision : 08/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 14/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-08;22.03706 ?
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