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09/08/2024 | FRANCE | N°24/00159

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Jex, 09 août 2024, 24/00159


COUR D’APPEL DE DOUAI
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
_______________________
JUGE DE L’EXÉCUTION

JUGEMENT rendu le 09 Août 2024


N° RG 24/00159 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YFQI


DEMANDERESSE :

Madame [U] [N]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Rémi GIROUTX, avocat au barreau de LILLE


DÉFENDERESSE :

S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Me François-xavier WIBAULT, avocat au barreau d’ARRAS, substitué par Me Pierre AZAR


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MAGISTRAT TENANT L’AUDIENCE : Damien CUVILLIER, Premier Vice-Président Adjoint du tribunal judiciaire de LILLE

Juge de l’exécution par délégation de Mon...

COUR D’APPEL DE DOUAI
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
_______________________
JUGE DE L’EXÉCUTION

JUGEMENT rendu le 09 Août 2024

N° RG 24/00159 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YFQI

DEMANDERESSE :

Madame [U] [N]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Rémi GIROUTX, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSE :

S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Me François-xavier WIBAULT, avocat au barreau d’ARRAS, substitué par Me Pierre AZAR

MAGISTRAT TENANT L’AUDIENCE : Damien CUVILLIER, Premier Vice-Président Adjoint du tribunal judiciaire de LILLE

Juge de l’exécution par délégation de Monsieur le Président du tribunal judiciaire de LILLE

GREFFIERS : Sophie ARES, greffier lors des débats
Coralie DESROUSSEAUX, greffier lors du délibéré

DÉBATS : A l’audience publique du 31 Mai 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 28 Juin 2024, prorogé au 09 Août 2024

JUGEMENT prononcé par décision CONTRADICTOIRE rendue en premier ressort par mise à disposition au Greffe

Tribunal judiciaire de Lille N° RG 24/00159 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YFQI

EXPOSE DU LITIGE

FAITS ET PROCEDURE

Le 17 janvier 2012, Madame [U] [N], commerçante, a souscrit auprès de la CAISSE D'EPARGNE deux prêts pour l'achat de terrains et la construction de sa résidence :
un prêt à taux zéro « +Profil 10 » n° 8105479 pour un montant de 14 620 €un prêt Primolis 2 Phases n° 8105480 pour un montant de 121 295 €.
La Compagnie Européenne de Garanties et Cautions s'est portée caution solidaire de Madame [N] sur lesdits prêts.

Suivant jugement du Tribunal de commerce de LILLE METROPOLE en date du 1er mars 2017, Madame [N] a été placée en liquidation judiciaire.

La CAISSE D'EPARGNE a alors actionné la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions pour obtenir remboursement des prêts.
La Compagnie Européenne de Garanties et Cautions s'est alors trouvée subrogée dans les droits de la CAISSE D'EPARGNE.

Par jugement en date du 8 juillet 2020, la procédure de liquidation judiciaire ouverte au bénéfice de Madame [N] a été clôturée pour insuffisance d'actifs.

Par décision réputée contradictoire en date du 9 février 2021, le Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE a, notamment :
donné injonction à Madame [U] [N] de payer à la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions les sommes de 4 953,60 € et 126 939,85 € au titre des prêts initialement souscrits auprès de la CAISSE D'EPARGNE.
Cette décision, signifiée à étude, n'a pas été frappée d'appel.

En vertu de ce titre, la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions a régularisé une inscription d'hypothèque judiciaire sur le bien immobilier appartenant à Madame [N].

Lors de la vente du bien immobilier appartenant à Madame [N], la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions a obtenu paiement de la somme de 163 310,53 €.

Par acte de commissaire de justice en date du 13 avril 2023, Madame [U] [N] a fait assigner la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions devant le juge de l'exécution aux fins de contester cette inscription d'hypothèque, d'obtenir restitution du prix de vente de son immeuble et indemnisation de ses préjudices.

Les parties ont comparu à l'audience du 18 septembre 2023.

Après renvoi à leur demande, puis radiation, l'instance a été réinscrite à l'audience du 31 mai 2024.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

A cette audience, Madame [U] [N] a présenté les demandes suivantes :
Sur la compétence du juge de l'exécution :juger que le juge de l'exécution est compétent,juger irrecevable et débouter la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions de ses demandes d'incompétence, celles-ci étant infondées et la juridiction censée être compétente n'étant pas renseignée en application de l'article 75 du code de procédure civile,Sur le fond :juger nul l'acte de signification du 16 mars 2021 du jugement réputé contradictoire rendu par le tribunal de commerce de LILLE le 9 février 2021,juger nul et non avenu le jugement réputé contradictoire du Tribunal de Commerce de LILLE du 9 février 2021, lequel est non avenu au visa de l'article 478 du code de procédure civile,ordonner la radiation de l'inscription d'hypothèque prise par la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions,juger que la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions a commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle au titre de mesures abusives et disproportionnées,condamner la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions au remboursement de la somme de 164 285, 56 € à Madame [N], en remboursement des sommes perçues en exécution du jugement déclaré non avenu,condamner la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions au paiement de la somme de 10 000 € en indemnisation du préjudice subi, toute cause confondue,condamner la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions au paiement de la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, et en réponse à l'argumentation adverse présentée in limine litis, Madame [N] fait d'abord valoir que l'exception d'incompétence soulevée par la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions est irrecevable par application des dispositions de l'article 75 du code de procédure civile faute pour la défenderesse de préciser quelle serait la juridiction compétente pour connaître du litige.
Madame [N] prétend par ailleurs qu'en tout état de cause, le juge de l'exécution est parfaitement compétent puisque les demandes tendent à faire perdre à un jugement son caractère exécutoire et que la Cour de cassation a dit pour droit que le juge de l'exécution était bien compétent pour ce faire et pour statuer de même sur les conséquences de la perte du caractère exécutoire d'une décision.

Madame [N] fait ensuite valoir que la signification en date du 16 mars 2021 du jugement du Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE en date du 9 février 2021 est nulle puisqu'elle a été faite à une mauvaise adresse et que l'huissier n'a effectué aucune démarche utile et suffisante pour s'assurer qu'il signifiait son acte à la bonne adresse.
En effet, Madame [N] soutient que la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions l'a faite convoquer par le tribunal puis lui a fait signifier la décision obtenue à son ancienne adresse professionnelle qu'elle n'occupait plus depuis plusieurs années alors pourtant que la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions connaissait parfaitement son adresse personnelle où elle lui écrivait depuis 2017. Faite sciemment à une mauvaise adresse alors que la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions connaissait parfaitement et depuis longtemps l'adresse de Madame [N], la signification de ce jugement doit être déclarée nulle.

Madame [N] ajoute que la signification du 16 mars 2021 étant nulle, la décision en date du 9 février 2021, réputée contradictoire, n'a pas été valablement signifiée dans les six mois et se trouve dès lors non avenue par application des dispositions de l'article 478 du code de procédure civile.

C'est donc sans disposer d'aucun titre exécutoire que la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions a pris son hypothèque sur le bien de Madame [N], laquelle hypothèque ne pourra qu'être radiée et la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions condamnée à rembourser à Madame [N] la somme de 164 285,56 € obtenue indument en exécution de cette hypothèque infondée.

Madame [N] affirme encore que la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions s'est rendue coupable d'une fraude au jugement en la faisant convoquer puis en lui signifiant la décision ainsi obtenue en son absence à une adresse qu'elle savait pertinemment fausse. Madame [N] prétend ainsi que la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions a commis une faute qui lui a causé un préjudice important puisque, grâce à cette fraude, la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions a pu faire réaliser une saisie de 164 285,53 € sur le prix de vente de l'immeuble de Madame [N], ce qui n'a pu manquer de lui occasionner un grave préjudice.
Madame [N] demande en conséquence la condamnation de la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts.

En défense, la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions a pour sa part formulé les demandes suivantes :
in limine litis :déclarer irrecevable Madame [U] [N] en ses demandes en ce qu'elles sont étrangères à toute mesure d'exécution forcée et, partant, n'entrent pas dans les pouvoirs juridictionnels du juge de l'exécution,au besoin, se déclarer incompétent au profit de la juridiction au fond pour statuer sur la validité du titre exécutoire querellé et de l'inscription d'hypothèque légale subséquemment régularisée,en tout état de cause :débouter Madame [U] [N] de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et conclusions,condamner Madame [U] [N] à payer à la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,condamner Madame [U] [N] au paiement des entiers frais et dépens engagés dans le cadre de la présente instance.
Au soutien de ses demandes, la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions fait d'abord valoir, in limine litis, que Madame [N] serait irrecevable en son action puisque la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions n'aurait fait effectuer aucune mesure d'exécution forcée à son encontre. Or, la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions soutient que le juge de l'exécution ne peut être saisi de difficultés relatives à un titre exécutoire qu'à l'occasion d'une mesure d'exécution forcée engagée ou opérée sur le fondement de ce titre.

La Compagnie Européenne de Garanties et Cautions soutient que la prise d'une hypothèque ne constitue pas une mesure d'exécution mais uniquement une prise de garantie, qui ne diminue pas le patrimoine du débiteur. Cette prise de garantie peut même être effectuée si le débiteur est en situation de surendettement, situation dans laquelle au contraire toute mesure d'exécutionforcée est interdite. L'hypothèque est enfin régie, non pas par le code des procédures civiles d'exécution, mais par le titre « DES SURETES » du code civil.
L'hypothèque n'est donc pas une mesure d'exécution et le juge de l'exécution n'a pas le pouvoir de statuer sur la demande de radiation de cette hypothèque et sur les difficultés relatives au titre exécutoire en vertu duquel cette hypothèque a été prise. Seul le juge du fond a le pouvoir juridictionnel de connaître de ces demandes.
La Compagnie Européenne de Garanties et Cautions soutient dès lors que Madame [N] ne pourra qu'être déclarée irrecevable en ses demandes, lesquelles ne relèvent pas des pouvoirs juridictionnels du juge de l'exécution.

La Compagnie Européenne de Garanties et Cautions soutient ensuite que Madame [N] ne justifierait d'aucun grief résultant de l'irrégularité par elle alléguée de la signification du jugement.
La défenderesse soutient en effet que si la signification est annulée, elle pourra réitérer la procédure et obtenir exactement la même décision. Madame [N] ne démontre donc pas le préjudice que lui causerait l'irrégularité alléguée de la signification.
Dans ces conditions, la défenderesse prétend que la nullité de l'acte ne saurait être prononcée.

La Compagnie Européenne de Garanties et Cautions souligne également qu'en tout état de cause, l'huissier qui a procédé à la signification contestée a procédé aux vérifications utiles afin de s'assurer de l'efficacité de son acte et a reçu la confirmation, par le voisin habitant au numéro 3 de la rue, de ce que Madame [N] habitait bien à l'adresse visée.

La Compagnie Européenne de Garanties et Cautions affirme enfin que Madame [N] ne justifie ni de la faute commise par la défenderesse ni du préjudice qu'elle en aurait subi. Elle ne saurait donc prétendre à aucun dommages et intérêts alors que la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions n'a fait qu'obtenir paiement des sommes dues par Madame [N].

A l'issue des débats les parties ont été informées que la décision serait rendue, après plus ample délibéré, par jugement mis à disposition au greffe le 28 juin 2024.
Ce délibéré a dû être prorogé au 9 août 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

SUR LA RECEVABILITE DES DEMANDES PRESENTEES DEVANT LE JUGE DE L'EXECUTION

Aux termes de l'article L 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en œuvre.
Le juge de l'exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle.
Il connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires.
Il connaît de la saisie des rémunérations, à l'exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
Le juge de l'exécution exerce également les compétences particulières qui lui sont dévolues par le code des procédures civiles d'exécution.

En l'espèce, Madame [N] demande que soit constaté le caractère non avenu de la décision de condamnation en date du 9 février 2021 et, par voie de conséquence, que soit radiée l'hypothèque « judiciaire » définitive prise sur la base de cette décision et que lui soient restituées les sommes prélevées sur le prix de vente de son bien. Elle demande enfin l'allocation de dommages et intérêts.

Si la Cour de cassation a dit pour droit que le juge de l'exécution était compétent, même en l'absence de toute mesure d'exécution forcée, pour se prononcer sur la demande tendant à faire déclarer un jugement non avenu, celle-ci ayant pour objet de lui faire perdre son caractère de titre exécutoire (2ème civ, 16 mai 20213, pourvoi n°12-15.101, Bull. 2013, II, n°94), elle a également dit pour droit que le même juge n'avait pas compétence pour radier une inscription d'hypothèque définitive (2ème civ., 19 octobre 2000, 98-22,328).

S'il entre donc dans les pouvoirs du juge de l'exécution de statuer sur le caractère éventuellement non avenu de la décision du 9 février 2021, il n'entre pas dans les pouvoirs qu'il tient de l'article L 213-6 du code de l'organisation judiciaire de statuer sur une demande de radiation d'une hypothèque.

Par ailleurs, puisque le juge de l'exécution a le pouvoir de se prononcer sur une demande tendant à faire déclarer un jugement non avenu, même en l'absence de toute mesure exécutoire, le juge de l'exécution doit pouvoir statuer sur les demandes de répétition de l'indu accessoires à cette demande de non avenu comme il peut le faire lorsqu'il statue sur une demande en répétition de l'indu directement en lien avec la contestation d'une mesure d'exécution forcée (2ème Civ, 3 décembre 2015, pourvoi n° 13-28.177, Bull 2015, II, n° 265).
La demande en répétition de l'indu formulée par Madame [N] est donc recevable.

Enfin, il résulte de l'article L 213-6 du code de l'organisation judiciaire que le juge de l'exécution ne connaît que des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires.
En l'absence de toute mesure d'exécution forcée, la demande de dommages et intérêts présentée par Madame [N] échappe aux pouvoirs juridictionnels que le juge de l'exécution tient de l'article L 213-6 du code de l'organisation judiciaire.

En conséquence, les demandes de Madame [N] tendant à obtenir la radiation de l'hypothèque prise par la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions le 9 août 2021 et la condamnation de celle-ci au paiement de dommages et intérêts seront déclarées irrecevables comme échappant au pouvoir juridictionnel du juge de l'exécution. Les demandes relatives au non avenu éventuel de la décision du 9 février 2021 et à la répétition d'indu qui pourrait en découler seront au contraires déclarées recevables.

SUR LE CARACTERE NON AVENU DE LA DECISION DU 9 FEVRIER 2021

Aux termes de l'article 478 du code de procédure civile, le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel est non avenu s'il n'a pas été notifié dans les six mois de sa date.
La procédure peut être reprise après réitération de la citation primitive.

L'article 654 du même code précise que la signification doit être faite à personne.
La signification à une personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet.

L'article 655 ajoute que si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.
L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.
La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.
La copie ne peut être laissée qu'à condition que la personne présente l'accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité.
L'huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise.

L'article 656 précise encore que si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l'huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude de l'huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement mandatée.
La copie de l'acte est conservée à l'étude pendant trois mois. Passé ce délai, l'huissier de justice en est déchargé.
L'huissier de justice peut, à la demande du destinataire, transmettre la copie de l'acte à une autre étude où celui-ci pourra le retirer dans les mêmes conditions.

L'article 114 du code de procédure civile dispose enfin qu'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

En l'espèce, le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE le 9 février 2021 était susceptible d'appel et a été rendu en l'absence de Madame [N], laquelle n'a pas été touchée par la convocation revenue avec la mention « inconnue à l'adresse ».
Ce jugement est donc réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel.

Ce jugement a été signifié à Madame [N] le 16 mars 2021 par acte d'huissier de justice par dépôt à l'étude à l'adresse du [Adresse 1] à [Localité 4].

Il résulte des pièces produites de part et d'autre à l'instance que cette adresse était l'adresse du débit de boissons antérieurement exploité par Madame [N] jusqu'à sa liquidation judiciaire en date du 1er mars 2017.

Les contrats de prêts souscrits par Madame [N] et dont la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions s'est portée caution précisent que ces prêts sont faits pour financer la construction de l'habitation principale de Madame [N] situé au [Adresse 2] – voir pièce °2 de la demanderesse.

Depuis le 14 avril 2017, la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions envoie par ailleurs ses courriers recommandés à Madame [N] a son adresse personnelle, soit le [Adresse 2] et non plus au [Adresse 1] à [Localité 4] – voir en ce sens la pièce n°11 de la défenderesse.

La Compagnie Européenne de Garanties et Cautions connaît donc depuis 2017 l'adresse personnelle de Madame [N] et elle ne peut ignorer que l'activité professionnelle qui se tenait au [Adresse 1] n'existe plus.

Pourtant, c'est à cette ancienne adresse de Madame [N] que la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions a fait signifier la décision du 9 février 2021, à une adresse que la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions savait donc n'être plus d'actualité de longue date.

L'acte de signification de la décision ne mentionne comme seule et unique vérification réalisée par l'huissier qu'une vérification effectuée auprès d'un voisin au n°3, sans autre précision.

Cette unique vérification, fort peu précise, réalisée par l'huissier est insuffisante à garantir l'efficacité de son acte, ce d'autant plus que la décision signifiée indique clairement que Madame [N] est inconnue à l'adresse de signification et que son adresse effective pouvait très aisément et très simplement être trouvée par un simple passage en mairie ou une rapide vérification auprès du mandant.

La signification en date du 16 mars 2021 effectuée à une mauvaise adresse alors que l'adresse effective de Madame [N] était connue de longue date de la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions et pouvait très facilement être retrouvée par l'huissier instrumentaire a donc été irrégulière.

Cette absence de signification régulière a privé Madame [N] de la connaissance de cette décision et du droit d'en faire utilement appel.
L'absence de signification régulière d'une décision la condamnant au paiement de plusieurs dizaines de milliers d'euros et la privant du droit de discuter utilement de cette condamnation a forcément fait grief à Madame [N].

Dans ces conditions, la signification en date du 16 mars 2021 de la décision du Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE an date du 9 février 2021 doit être annulée.

La décision du 9 février 2021, réputée contradictoire au seul motif qu'elle est susceptible d'appel, n'a donc pas été signifiée valablement dans les six mois de sa date.

La décision du 9 février 2021 est donc non avenue.

En conséquence, il convient d'annuler la signification en date du 16 mars 2021 et de dire non avenue la décision du Tribunal de Commerce de LILLE en date du 9 février 2021.

SUR LA DEMANDE EN REMBOURSEMENT

Il résulte de l'article 1302 du code civil que tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.

En l'espèce, il est constant qu'en application du jugement rendu par le Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE le 9 février 2021, la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions a perçu une somme de 163 310,53 € sur le prix de vente du bien de Madame [N] - pièce demanderesse n° 16 et pièce défenderesse n°25.

Ce jugement réputé contradictoire, mal signifié, est non avenu et la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions ne peut plus justifier d'un titre causant le paiement reçu.

En conséquence, il convient de condamner la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions à rembourser à Madame [U] [N] la somme de 163 310,53 €.

SUR LES DEPENS

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par une décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l'espèce, chacune des parties succombe partiellement en ses demandes.

En conséquence, il convient de dire que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

SUR LES FRAIS DE PROCEDURE

Il résulte de l'article 700 du code de procédure civile que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 .
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %.

En l'espèce, chacune des parties succombe partiellement en ses demandes et reste tenue de ses propres dépens.

Dans ces conditions, il convient de dire que chacune des parties supportera la charge de ses propres frais de procédure.

En conséquence, il convient de débouter les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l'exécution, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe,

DIT Madame [U] [N] irrecevable en sa demande de radiation de l'hypothèque inscrite par la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions sur son immeuble en application de la décision du Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE en date du 9 février 2021 ;

DIT Madame [U] [N] irrecevable en sa demande de dommages et intérêts ;

ANNULE l'acte de signification en date du 16 mars 2021 de la décision du Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE en date du 9 février 2021 ;

DECLARE non avenue la décision rendue par le Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE en date du 9 février 2021 ;

ORDONNE à la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions de rembourser à Madame [U] [N] la somme de 163 310,53 € ;

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En foi de quoi le présent jugement a été signé par le juge et le greffier.

La greffière Le Président

Coralie DESROUSSEAUX Damien CUVILLIER

Expédié aux parties le :


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Jex
Numéro d'arrêt : 24/00159
Date de la décision : 09/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 04/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-09;24.00159 ?
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