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03/09/2024 | FRANCE | N°22/04080

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 03 septembre 2024, 22/04080


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 04
N° RG 22/04080 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WIQW

JUGEMENT DU 03 SEPTEMBRE 2024

DEMANDEURS :

M. [H] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Philippe TALLEUX, avocat au barreau de LILLE

Mme [R] [L] épouse [Z]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Philippe TALLEUX, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

M. [F] [V]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Arnaud VERCAIGNE, avocat au barreau de LILLE


COMPOSITION DU TRIBUNALr>
Président : Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur : Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur : Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER : Yacin...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 22/04080 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WIQW

JUGEMENT DU 03 SEPTEMBRE 2024

DEMANDEURS :

M. [H] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Philippe TALLEUX, avocat au barreau de LILLE

Mme [R] [L] épouse [Z]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Philippe TALLEUX, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

M. [F] [V]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Arnaud VERCAIGNE, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur : Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur : Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER : Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu la clôiture différée de l’instruction au 15.12.2023.

A l’audience publique du 16 Mai 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 03 Septembre 2024.

Sophie DUGOUJON, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 03 Septembre 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte notarié en date du 28 juillet 2020, Monsieur [H] [Z] et Madame [R] [L] épouse [Z] (ci-après ''les acquéreurs'') ont fait l’acquisition d’une maison à usage d'habitation et des fonds et terrains en dépendant sis [Adresse 1] à [Localité 4] (Nord), appartenant à Monsieur [F] [V] (ci-après ''le vendeur''), moyennant la somme de 294.000 euros, dont 20.000 euros au titre de mobilier.

Se plaignant rapidement de divers désordres et malfaçons au sein de l'immeuble, les époux [Z] ont fait réaliser une expertise amiable hors la présence du vendeur et le cabinet d'expertise bâtiments E2P a déposé son rapport le 14 août 2020.

Sur la base, notamment, de ce rapport, Monsieur et Madame [Z] ont sollicité et obtenu du juge des référés de Lille, suivant ordonnance en date du 20 août 2021, l'organisation d'une expertise judiciaire, laquelle a été confiée à Monsieur [P] [M].

L'expert a déposé son rapport définitif le 29 mars 2022.

Par acte d’huissier de Justice en date du 23 juin 2022, les époux [Z] ont assigné Monsieur [F] [V] devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.

Monsieur [V] a constitué avocat le 21 juillet 2022.

Suivant ordonnance en date du 18 octobre 2023, la clôture des débats a été différée au 15 décembre 2023 et l’affaire fixée à l’audience de plaidoiries du 16 mai 2024.

* * *

Au terme de leurs conclusions récapitulatives notifiées le 17 octobre 2023, les époux [Z] demandent au tribunal, au visa des articles 1641 et suivants du Code civil, de :

- débouter Monsieur [V] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner Monsieur [V] à payer les travaux de reprise suivants, tels que préconisés par l’Expert judiciaire :
- 30.000 € au titre du coût des travaux de reprise de l’extension,
- 4.000 € au titre du coût des travaux de réfection de la baie vitrée du salon,
- 6.630 € au titre du coût des travaux de reconstruction de la terrasse,
- condamner Monsieur [V] au paiement d’une somme de 5.263, 45 € TTC au titre du coût des travaux pour la reprise de la terrasse à l’entrée,- condamner Monsieur [V] au paiement d’une somme de 4.686 € au titre du coût de reprise de la couverture du garage,- condamner Monsieur [V] au paiement d’une somme de 10.000 € au titre du préjudice de jouissance subi par Monsieur et Madame [Z],- condamner Monsieur [V] au paiement de la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de l’instance en ce compris les frais d’expertise judiciaire.

Au terme de ses conclusions récapitulatives notifiées le 14 novembre 2023, Monsieur [V] demande au tribunal, au visa des articles 1641 et 1643 du Code civil, de :

A titre principal,
- déclarer Monsieur [V] comme étant un vendeur non-professionnel,
- juger que Monsieur [V] est de bonne foi et qu’il est donc légitime à opposer la clause de non garantie des vices cachés contenue dans l’acte de vente du 28 juillet 2020,
- débouter les époux [Z] de l’intégralité de leurs demandes indemnitaires,
A titre subsidiaire, limiter l’indemnisation due à juste proportion au regard des réparations strictement nécessaires,

Reconventionnellement, condamner les époux [Z] au paiement d’une somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre leur condamnation aux dépens.

Il est renvoyé aux conclusions récapitulatives des parties susvisées pour l'exposé des moyens, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’une demande tendant à “déclarer” à ''juger'' ou à “constater” ne constitue pas nécessairement une prétention au sens juridique du terme devant être tranchée par le tribunal. Par conséquent, ces demandes ne seront, le cas échéant, pas retenues en tant que telles mais seront étudiées en leur qualité de moyens des parties.

Sur l'action en garantie des vices cachés

Aux termes de l'article 9 du Code de procédure civile, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

L'article 1625 du Code civil dispose que la garantie que le vendeur doit à l'acquéreur a deux objets : le premier est la possession paisible de la chose vendue ; le second, les défauts cachés de cette chose ou les vices rédhibitoires.

Aux termes de l’article 1641 du même code, « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».

L’article 1643 précise que « il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie. ».

L'action en garantie des vices cachés ouvre droit, pour l'acquéreur soit de solliciter la remise de la chose moyennant restitution de son prix, soit de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix. Par ailleurs, le vendeur qui connaissait les vices de la chose est tenu, outre la restitution du prix (ou de partie du prix) qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

En l'espèce, les époux [Z] font valoir l'existence d'un certain nombre de désordres affectant la cave, l'extension, la terrasse arrière, le garage et la terrasse à l'entrée de l'habitation, désordres dont ils estiment qu'ils constituent des vices cachés au sens des articles 1641 et suivants du Code civil leur ouvrant droit à action estimatoire et, plus précisément à prise en charge du montant des travaux de remise en état.

Monsieur [V] leur oppose, néanmoins, l'existence d'une clause de non-garantie des vices cachés insérée à l'acte authentique de vente du 28 juillet 2020 et ainsi rédigée :

« L'ACQUEREUR prend le BIEN dans l'état où il se trouve au jour de l'entrée en jouissance, sans recours contre le VENDEUR pour quelque cause que ce soit notamment en raison :
des vices apparents,des vices cachés. S'agissant des vices cachés, il est précisé que cette exonération de garantie ne s'applique pas :
si le VENDEUR a la qualité de professionnel de l'immobilier ou de la construction, sauf si l'ACQUEREUR a également cette qualité,ou s'il est prouvé par l'ACQUEREUR, dans les délais légaux, que les vices cachés étaient en réalité connus du VENDEUR » (pièce n°1 demandeurs, page 9).
Cette clause excluait donc toute garantie du vendeur à raison des vices cachés pouvant affecter l’immeuble. Une telle clause de non-garantie peut, cependant, toujours être écartée en cas de connaissance du vice par les vendeurs, laquelle est présumée lorsque le vendeur a la qualité de professionnel de l'immobilier.

Il convient dès lors d’examiner chacun des vices dénoncés par les acquéreurs afin non seulement de déterminer s’il était au moment de la vente apparent ou caché aux acheteurs, connu ou non du vendeur et s’il remplit les conditions de gravité de l’article 1641 du Code civil, mais également de savoir si l'action en garantie des vices cachés se heurte à la clause de non-garantie stipulée à l’acte de vente.

Sur l'existence de désordres affectant la cave

Les époux [Z] se plaignent, tout d'abord, d'un taux d'humidité trop important au niveau de la cave en sous-sol.

L'expert amiable avait, à cet égard, relevé en août 2020, soit un mois après le transfert de propriété, un taux d'humidité au sol et sur les murs de la cave de l'immeuble variant entre 70% et 80% et ne permettant pas « le stockage d'objets fragiles », ce qu'il imputait à une insuffisante ventilation. Il ne s'était, néanmoins, pas prononcé sur l'anormalité ni la gravité d'un tel taux d'hygrométrie au regard de la pièce considérée et de sa localisation (pièce n°2, pages 4 et 8).

L'expert judiciaire a, pour sa part, observé un taux d'humidité de 84% le 21 octobre 2021 et un taux de 76% le 03 février 2022, ce qu'il a pu toutefois qualifier de « bon » et d' « acceptable », ayant par ailleurs constaté l'absence de trace d'humidité récente et l'absence d'évolution des traces d'humidité anciennes. Il a, en outre, conclu son rapport en indiquant que le rebranchement du tuyau de VMC effectué par Monsieur [Z] avait suffi à mettre un terme au manque d'aération de la cave. (pièce n°10 pages 13, 29 et 41).

Ainsi, à supposer l'existence d'un désordre relatif au taux d'humidité de la cave et à son insuffisante aération démontrée, ce qui n'est pas le cas au regard des conclusions d'expertise judiciaire, l'expert n'ayant pas pu en faire personnellement le constat, il doit être souligné qu'il n'est pas établi qu'un tel désordre aurait rendu le bien impropre à son usage.

En effet, l'expert judiciaire indique expressément, aux termes de son rapport, que les deux pièces de la cave « sont manifestement dans le même état que lors de la vente » et n'ont subi aucune dégradation particulière. Par ailleurs, s'il n'est pas contesté qu'au moment de la vente, le vendeur utilisait l'une des pièces de la cave comme un bureau, ou avait aménagé cette pièce comme tel, ainsi qu'en témoignent les photographies versées aux débats, la situation en sous-sol de cette pièce ne pouvait laisser aucune ambiguïté quand à sa nature, le tribunal approuvant sur ce point les observations de l'expert judiciaire selon lequel « ce n'est pas parce que c'était utilisé en bureau que cela en fait un bureau pour autant, il est évident que cette zone de la maison est organisée comme une cave, et que les plans mentionnent cette zone comme telle » (page 40).

L'existence d'un vice, a fortiori réunissant les critères définis à l'article 1641 précité, n'est dès lors pas établi s'agissant de la cave de l'immeuble.

Sur l'existence de désordres affectant l'extension de l'habitation et sa toiture

Monsieur et Madame [Z] se plaignent, en outre, de l'absence de construction de l'extension de l'immeuble dans les règles de l'art.

L'expert judiciaire confirme effectivement que l'extension a été réalisée sans respect des règles élémentaires de construction, n'étant pas fondée mais posée sur l'ancienne terrasse en carrelage et ayant été bâtie autour de deux menuiseries bois, l'une en façade, l'autre en retour, autour desquelles ont été posés des murs et une toiture sommaire et installée sans respect des conditions de pose du fabriquant (inclinaison de 12% et non de 14,10 %), tandis que les menuiseries en double vitrage ont été « ''calées'' sur de simples morceaux de bois qui avec le temps et malgré la volonté de composer une étanchéité, se sont largement dégradés », ayant engendré des infiltrations d'eau et le pourrissement du support en bois, près de la baie coulissante, désordres anciens et non-visibles lors de la vente car cachés notamment par le plancher de l'extension.

L'expert estime que de tels désordres obligent au démontage total de l'extension et à sa reconstruction, afin de « pouvoir la reconstruire correctement et notamment effectuer des fondations permettant de supporter l'ouvrage » (pages 14 à 18).

Monsieur [V] oppose néanmoins aux acquéreurs la clause de non-garantie des vices cachés, faisant valoir que sa connaissance des vices et, par la même, sa mauvaise foi ne sont aucunement rapportées, alors qu'il n'est pas un professionnel, qu'il avait parfaitement informé les époux [Z] de la date des travaux et de leur mode opératoire et qu'il est établi qu'aucun désordre n'était visible, même pour l'agent immobilier, au jour de la vente. Il fait, en outre, observer que si des défauts de construction ont été relevés par l'expert judiciaire, ces défauts n'ont vraisemblablement pas empêché une jouissance pérenne de l'extension durant toute sa durée d'occupation, soit pendant 15 ans, l’extension ayant été construite en 2005. Quant à la toiture de l'extension, il souligne que le respect d'une inclinaison de 14,10% n'est qu'une simple recommandation du fabricant et non une norme spécifique impérative et soutient que l'expert n'a relevé aucun désordre précis qui pourrait lui être lié.

Sur ce, si Monsieur [V] ne peut être qualifié, à proprement parler, de professionnel de l'immobilier, il est constant qu'il a lui-même procédé à la création de l'extension litigieuse, sans faire appel à une entreprise qualifiée, se comportant ainsi en maître d’œuvre et constructeur de l'ouvrage, de sorte qu'il est, au même titre qu'un professionnel de l'immobilier, présumé avoir connaissance des vices affectant ce dernier.

Le vendeur ne peut, dès lors, se prévaloir de la clause de non-garantie des vices cachés insérée à l'acte authentique de vente.

Par ailleurs, bien qu'elle ait manifestement pu être utilisée dans des conditions normales pendant quinze années, il est incontestable que le vice dont est affectée l'extension, et dont il n'est pas contesté qu'il n'était pas apparent lors de la vente, la rend impropre à sa destination comme portant atteinte à sa solidité (en l'absence, notamment, de fondations) et, par voie de conséquence, susceptible de porter atteinte à la sécurité des personnes.

Monsieur et Madame [Z] seront, dans ces conditions, reçus en leur action estimatoire au titre des vices dont est atteinte l'extension de l'habitation.

Sur l'existence de désordres affectant la baie vitrée du salon

Monsieur et Madame [Z] sollicitent, en outre, la prise en charge par le vendeur du coût de dépose et de remplacement de la baie vitrée du salon donnant sur la terrasse arrière.

L'expert judiciaire a, en effet, indiqué, au terme de son rapport, avoir constaté que, « comme sur l'extension, cette menuiserie est posée sur des cales en bois en agglomérés hydrofuges qui sont maintenant pourries », tandis qu'il n'a pas été posé de système d'isolation, engendrant de nombreux ponts thermiques.

Il n'est pas contesté que ce vice n'était pas apparent lors de la vente, a fortiori pour un profane, et que la pose de cette baie vitrée a été réalisée à la même période et dans les mêmes conditions que l'extension. Monsieur [V] est donc pareillement considéré comme vendeur-constructeur de cet ouvrage et réputé avoir connu les vices l'affectant, de sorte qu'il ne peut valablement invoquer à ce titre la clause de non-garantie stipulée à l'acte notarié.

Monsieur [V] fait néanmoins observer qu'aucun désordre de nature à rendre cette baie impropre à son usage n'est démontré, alors qu'elle fonctionnait parfaitement au moment de la vente et lors des opérations d'expertise, de sorte que son remplacement complet n'est pas du tout justifié, le remplacement des cales et la pose d'un système d'isolation étant suffisant à remédier aux désordres constatés.

Sur ce, il est exact qu'il n'est ni démontré ni soutenu que ladite baie vitrée serait intrinsèquement affectée d'un quelconque désordre, seule sa pose ne respectant pas les règles de l'art, comme ne reposant sur aucune fondation et n'étant accompagnée d'aucune isolation (pièce n°10, page 20), caractérisant ainsi une impropriété à son usage puisque portant atteinte, à l'instar de l'extension, à la solidité de l'ensemble.

C'est ainsi que, contrairement à ce qu'affirme le défendeur, la nécessité de procéder au remplacement intégral de la baie-vitrée du salon a été reconnue et chiffrée par l'expert judiciaire, pour les mêmes motifs que s'agissant de la baie de l'extension précédemment indiqués, ce d'autant qu'il est à craindre qu'aucune entreprise n'accepte de procéder à la pose, sur des fondations nouvelles, d'une menuiserie ancienne et datant aujourd'hui de vingt années.

Monsieur et Madame [Z] sont, dans ces conditions, parfaitement bien fondés en leur action estimatoire de ce chef.

Sur l'existence de désordres affectant la terrasse arrière

S'agissant de la terrasse carrelée arrière, l'expert amiable comme l'expert judiciaire ont pu constater l'existence d'une importante fissure « qui fragilise l'ensemble et constitue un désordre esthétique évident » (pièce n°10, page 19).

L'expert judiciaire reconnaît néanmoins que cette fissure ne met « apparemment pas en cause la solidité de l'ouvrage », de sorte que l'existence d'un vice rendant la chose impropre à son usage ou diminuant ne serait-ce que significativement son usage n'est pas démontrée.

De surcroît et en tout état de cause, rien ne permet d'établir que Monsieur [V] est à l'origine de la création de la terrasse ni qu'il avait connaissance d'une telle fissure, alors qu'il est constant qu'elle n'était pas visible au moment de la vente, la terrasse carrelée étant recouverte de caillebotis en bois dont il n'est ni démontré ni soutenu que la pose aurait été relativement récente et destinée à dissimuler l'existence d'une fissure.

La clause de non-garantie des vices cachés stipulée à l'acte authentique de vente doit, dès lors, trouver application et fait obstacle à l'exercice de la garantie des vices cachés s'agissant du désordre affectant la terrasse arrière de l'habitation.

Enfin, si les époux [Z] se prévalent des conclusions du rapport d'expertise judiciaire selon lesquelles « il sera de toute façon impossible d'intervenir en réfection de l'extension, tout en conservant une partie de la terrasse arrière », le tribunal relève, en considération des contestations adverses, que l'absence de développement de la position de l'expert sur ce point et l'absence de précision quant aux modalités pratiques d’exécution des travaux de reconstruction de l'extension et à leur impact sur la terrasse arrière ne permettent pas de retenir la reprise intégrale de cette dernière comme étant nécessitée par les travaux de réfection de l'extension.

La demande formulée à ce titre sera, en conséquence, rejetée.

Sur l'existence de désordres affectant le garage

S'agissant du garage de l'immeuble, l'expert judiciaire a effectivement pu constater l'existence d'une ''fuite'' au niveau de la charpente, laquelle était masquée sous les lattes en PVC du plafond posées quelques mois avant la vente par Monsieur [V] lui-même.

Il est constant que ces infiltrations d'eau ont pour origine une fuite apparue sur la toiture-terrasse de la voisine, sinistre que cette dernière a, au demeurant, déclaré à son assureur. Les circonstances de survenance de cette fuite sont, toutefois, inconnues du tribunal.

Au regard de la chronologie demeurée relativement lacunaire des événements, telle que reprise par l'expert judiciaire dans son rapport, il est établi qu'une fuite avait déjà eu lieu au sein des deux garages mitoyens courant 2018. Néanmoins, ces désordres avaient donné lieu à des réparations de part et d'autre (celles concernant l'immeuble objet du litige ayant été effectuées par Monsieur [V] lui-même en septembre 2019), lesquelles s'étaient manifestement trouvées, du moins pour un temps, efficaces, puisque les acquéreurs ne se sont plaints d'une fuite qu'en janvier 2021, soit six mois après la vente et un an et demi après la réalisation des travaux de reprise.

L'expert judiciaire a conclu à l'absence de fuite au jour de la vente, faute d'élément en ce sens (pièce n°10, pages 39 et 40).

L'existence d'un vice antérieur à la vente n'est donc pas suffisamment établie, de sorte que les acquéreurs seront déboutés de leur demande indemnitaire à ce titre.

Sur l'existence de désordres affectant la terrasse de l'entrée

Enfin, les époux [Z] font valoir avoir découvert, après démontage des lattes en bois de la terrasse côté entrée de l'immeuble que la structure porteuse était totalement pourrie, de sorte que l'intégralité de la terrasse doit être reprise intégralement.

L'expert judiciaire a indiqué, au terme de son rapport définitif, ne pas avoir été en mesure de constater personnellement le désordre allégué, compte tenu du fait que la terrasse avait été totalement démontée par les acquéreurs antérieurement aux opérations expertales.

L'expert amiable n'avait pas davantage opéré de constatations à ce titre en août 2020, aucune doléance n'ayant manifestement été élevée à l'époque s'agissant de cette terrasse.

Dès lors, et en l'absence d'autres éléments justificatifs, il doit être retenu que les époux [Z] défaillent à rapporter la preuve de l'existence d'un vice, a fortiori remplissant les critères définis à l'article 1641 du Code civil.

La demande indemnitaire formulée à ce titre sera, en conséquence, également rejetée.

Sur le coût des réparations et les préjudices annexes

Sur le montant des travaux de reprise
En l'espèce, les époux [Z] sollicitent une réduction du prix d'acquisition de l'immeuble correspondant au coût total des travaux de reprise des vices constatés, soit, s'agissant des travaux de réfection de l'extension et de remplacement de la baie vitrée du salon, la somme totale de 34.000 euros, tenant compte du contexte global d'augmentation du coût des matières premières et notamment du bois.

L'action estimatoire prévue l'article 1644 du Code civil visant à rétablir aussi exactement que possible l’équilibre contractuel initialement défini par les parties en compensant, par la restitution d'une partie du prix de vente aux vendeurs, la perte d'utilité et de valeur du bien résultant de l'existence d'un vice caché au jour de la vente et en replaçant la victime dans la situation où elle se serait trouvée si le vice n'avait point existé, les époux [Z] sont légitimes, dans le cas d'espèce, à obtenir une réduction du prix correspondant au coût de la réfection complète de l'extension, remplacement des menuiseries inclus. L'expert précise, en effet, que la reprise de l'extension requiert l'emploi de menuiseries neuves intégrant le respect des règles de l'art actuelles et tenant compte des dernières normes de la profession, ce qui, s'agissant de l'extension, n'est pas contesté.

S'agissant du coût de remplacement de la baie vitrée du salon, il y a lieu rappeler que la garantie des vices cachés ne doit avoir ni pour objet ni pour effet de conduire à des améliorations conduisant à un enrichissement de la victime, voire à une véritable remise à neuf d'un bien pourtant acquis d'occasion et/ou en l'état.

Or, dans le cas d'espèce, la baie vitrée considérée, laquelle n'est elle-même foncièrement atteinte d'aucun vice, date de la création de l'extension, soit de 2005, ce que les époux [Z] n'ignoraient pas au regard des termes de l'acte de vente, de sorte qu'elle était déjà ancienne de quinze ans au jour de l'acquisition.

Dès lors, si le remplacement prématuré de la baie vitrée est indéniablement causé par la nécessité de procéder à la création d'une fondation et d'un système d'isolation, il convient d'appliquer au coût de ce remplacement un coefficient de vétusté, lequel sera fixé, compte tenu de son ancienneté et de son matériau bois, à 80%.

Monsieur [V] ne sera, en conséquence, s'agissant du vice atteignant cette menuiserie du salon, tenu à restitution de partie du prix de vente qu'à hauteur de 20% du coût de son remplacement.

A cet égard, l'expert judiciaire a chiffré, au 09 mars 2022, lesdits travaux de reprise sur la base de prix constatés pendant les trois mois précédents, comme suit :

- 23.961,60 euros T.T.C. s'agissant de la réfection de l'extension,
- 3.988,80 euros T.T.C. d'agissant du remplacement de la baie-vitrée du salon,

soit à un montant total de 27.950,40 euros.

Si l'expert a pris soin de préciser à son rapport que cette estimation chiffrée était susceptible d'évolution à la baisse (tout en la considérant peu probable) comme à la hausse en raison du contexte sanitaire, de la guerre en Ukraine, de restrictions sur les matières premières et du risque d'inflation, force est de constater que les demandeurs ne versent à la cause aucun justificatif propre à rapporter la preuve de l'augmentation effective du coût des matières premières depuis le mois de mars 2019 et, le cas échéant, de l'ampleur d'une telle augmentation.

Le chiffrage réalisé par l'expert judiciaire sera, en conséquence, retenu.

Dès lors, Monsieur [V] sera condamné au remboursement de la somme totale de 24.759,36 euros, montant correspondant au coût des travaux de reprise après application du coefficient de vétusté relatif à la baie-vitrée du salon (23.961,60 € + 797,76 €).

Sur le préjudice de jouissance
Les époux [Z] sollicitent, en sus de leur action estimatoire, la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice de jouissance qu'ils subissent, ne pouvant pas jouir pleinement de leur bien alors que l'extension est inutilisable et que la terrasse arrière, fragilisée par la fissure, ne peut pas supporter de charges lourdes et ne peut, de ce fait davantage être utilisée.

Sur ce, il a été retenu que la fissure affectant la terrasse arrière de l'habitation ne constitue pas un vice ouvrant droit pour les acquéreurs à exercice de l'action en garantie, ce d'autant que ledit désordre est de nature essentiellement esthétique.

En revanche, s'agissant de l'extension, il est indéniable que, depuis la dépose du plancher ayant permis la découverte, moins d'un mois après l'acquisition (à en juger par la date de réalisation de l'expertise amiable), d'un vice affectant la solidité de l'ouvrage, Monsieur et Madame [Z] ne sont pas en mesure de jouir de cette pièce de l'habitation. A cet égard, il ne peut valablement être reproché aux acquéreurs d'avoir démonté le plancher de l'extension et d'avoir laissé la pièce en l'état au regard des opérations expertales qui s'en sont suivies et de l'atteinte à la solidité de l'ouvrage qui a été révélée, nécessitant des travaux de réfection complète.

Les acquéreurs sont, dès lors, bien-fondés à réclamer, accessoirement à leur action visant à obtenir la restitution partielle du prix de vente pouvant être estimée au montant des réparations, le paiement de dommages et intérêts au titre de leur préjudice de jouissance.

Compte tenu de la taille de la pièce considérée (entre 6 et 7 m², conformément aux termes du rapport d'expertise, page 38), de sa localisation (extension de la salle à manger, soit d'une pièce de vie, donnant sur le jardin, un autre accès, par la terrasse étant toutefois possible), de la durée de ce préjudice au jour où il est statué (soit quatre années), ainsi que de l'absence de précisions et justificatifs (tels que des attestations) de nature à porter une appréciation plus fine du préjudice subi au quotidien par les demandeurs, le préjudice de jouissance sera justement indemnisé par l'octroi d'une somme de 4.000 euros, somme que Monsieur [V], qui est présumé avoir eu connaissance du vice en sa qualité de vendeur-constructeur, devra leur verser, conformément aux dispositions de l'article 1645 du Code civil.

Sur les mesures accessoires

Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Aux termes de l’article 700 du même code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

En l’espèce, Monsieur [V], qui succombe, seront condamné aux entiers dépens de l’instance ainsi qu'au coût de l'expertise judiciaire.

Partie condamnée aux dépens, il sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles et sera condamné à payer aux époux [Z] une somme en application de l'article 700 précité qu’il est équitable de fixer à 3.500 euros.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe,

Condamne Monsieur [F] [V] à payer à Monsieur [H] [Z] et Madame [R] [L] épouse [Z] les sommes suivantes :

- 24.759,36 euros en restitution de partie du prix de vente,
- 4.000 euros au titre du préjudice de jouissance ;

Déboute Monsieur [H] [Z] et Madame [R] [L] épouse [Z] de leurs autres ou surplus de demandes indemnitaires ;

Condamne Monsieur [F] [V] à payer à Monsieur [H] [Z] et Madame [R] [L] épouse [Z] la somme de 3.500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [F] [V] aux entiers dépens de l’instance, ainsi qu'au coût de l’expertise judiciaire ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 22/04080
Date de la décision : 03/09/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-09-03;22.04080 ?
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