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03/09/2024 | FRANCE | N°23/08637

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 03 septembre 2024, 23/08637


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 04
N° RG 23/08637 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XOXB

JUGEMENT DU 03 SEPTEMBRE 2024

DEMANDEUR :

M. [F] [S]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Louise BARGIBANT, avocat au barreau de LILLE

Mme [U] [V]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Louise BARGIBANT, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

M. [T] [E]
[Adresse 1]
[Localité 3]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur

: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur : Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER : Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en dat...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 23/08637 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XOXB

JUGEMENT DU 03 SEPTEMBRE 2024

DEMANDEUR :

M. [F] [S]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Louise BARGIBANT, avocat au barreau de LILLE

Mme [U] [V]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Louise BARGIBANT, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

M. [T] [E]
[Adresse 1]
[Localité 3]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur : Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur : Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER : Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 18 Octobre 2023.

A l’audience publique du 16 Mai 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 18 juillet 2024 et prrorogé au 03 Septembre 2024.

Sophie DUGOUJON, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 03 Septembre 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant exploit délivré le 05 septembre 2023, Monsieur [F] [S] et Madame [U] [V] ont fait assigner Monsieur [T] [E] devant la présente juridiction aux fins de voir le tribunal, au visa de l'article 1103 du Code civil :

- dire et juger que leurs demandes sont recevables et bien fondées,
- condamner Monsieur [T] [E] à leur payer la somme de 11.400 euros au titre de l’application de la clause pénale prévue dans la promesse synallagmatique de vente en dates des 24 et 29 novembre 2022,
- condamner Monsieur [T] [E] à leur payer la somme de 4.000 euros au titre des préjudices distincts subis par le défaut de réitération du compromis,
- condamner Monsieur [T] [E] à leur payer la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Monsieur [T] [E] aux entiers frais et dépens d’instance.

Au soutien de leurs prétentions, ils exposent que, par acte sous seing-privé en dates des 24 et 29 novembre 2022, ils se sont portés acquéreurs d'un appartement et d'un emplacement de parking appartenant à Monsieur [T] [E] et faisant partie d'un ensemble immobilier soumis au régime de la copropriété sis [Adresse 5] à [Localité 3] (Nord), moyennant la somme de 114.000 euros dont 5.000 euros au titre de biens mobiliers.

Ils indiquent, néanmoins, qu'alors qu'ils ont obtenu un financement et que la réitération par acte authentique devait intervenir au plus tard le 10 février 2023, cette dernière n'est jamais intervenue, l'agence immobilière et le notaire du vendeur n'ayant plus eu de nouvelles de ce dernier à compter de la signature de la promesse synallagmatique de vente, hormis un courriel daté du 18 juin 2023 par lequel il indiquait ne pas avoir l'occasion de se déplacer ni d'être présent à l'un des rendez-vous fixé pour la signature, de sorte qu'après la fixation d'un ultime rendez-vous, un procès-verbal de carence a dû être dressé le 03 juillet 2023.

Faisant valoir l'absence de réitération fautive du compromis de vente par le vendeur, ils sollicitent la condamnation de ce dernier à leur régler le montant de la clause pénale d'un montant de 11.400 euros insérée à la promesse.

Ils se prévalent, en outre, de préjudices distincts de ceux indemnisés par la clause pénale et soulignent, à cet égard, qu'au-delà des frais engagés pour les différentes démarches notamment par courriers recommandé avec accusé de réception, la situation a occasionné pour eux une contrariété importante, ce d'autant qu'ils perdent la chance d’acheter un bien immobilier du même type dans les mêmes conditions bancaires que celles applicables en décembre 2022 lesquelles étaient plus favorables que les conditions bancaires actuelles qui ne font que se durcir. Ils sollicitent ainsi la condamnation du vendeur à les indemniser de ces préjudices par l'octroi d'une indemnité complémentaire d'un montant de 4.000 euros.

Assigné suivant procès-verbal de recherches infructueuses, conformément aux dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile, Monsieur [E] n'a pas constitué avocat.

La clôture de la procédure est intervenue le 18 octobre 2023, suivant ordonnance du même jour, et le dossier fixé à l'audience de plaidoiries du 16 mai 2024.

Pendant le cours du délibéré, a été communiqué, à la demande de la présidente, l'exemplaire signé électroniquement de l'acte sous seing-privé des 24 et 29 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de rappeler qu’en application de l'article 472 du Code de procédure civile, "si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée".

Sur la demande en paiement de la clause pénale

L’article 1231-5 du Code civil prévoit que “lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a provoqué au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.

Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite. Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure”.

Il résulte de cet article que les parties peuvent insérer à leur contrat une clause pénale prévoyant de manière anticipée le montant forfaitaire des dommages et intérêts dus par une partie en cas d’inexécution contractuelle. Cette clause survit à la résolution amiable du contrat. Le juge peut en modifier le montant s’il le juge dérisoire ou excessif par rapport au préjudice réellement subi par la partie non défaillante.

En l'espèce, aux termes de l'acte sous-seing privé de vente daté des 24 et 29 novembre 2022, la réitération par acte authentique devait intervenir au plus tard le 10 février 2023, le compromis précisant que cette date ne serait pas extinctive mais constitutive du point de départ à partir duquel l'une des parties pourrait, à condition que toutes les conditions suspensives soient réalisées, obliger l'autre à s'exécuter en lui adressant une lettre recommandée avec demande d'avis de réception (pièce n°1, pages 18 et 19).
L'acte sous seing-privé stipule, à cet égard, que « A défaut de s’être exécutée dans un délai de DIX JOURS suivant la date de première présentation de cette lettre, la partie non défaillante aura le choix entre :
- invoquer la résolution de plein droit des présentes sans qu’il soit besoin de la faire constater judiciairement. La partie défaillante lui versera, à titre d'indemnité forfaitaire et de clause pénale, la somme de onze mille quatre cents euros ( 11400 €),
- ou poursuivre en justice la réalisation de la vente, la partie défaillante supportant tous les frais de poursuites ou de justice, augmentés du montant de l’indemnité forfaitaire prévue à l’alinéa ci-dessus. […] ».

Il est, toutefois, constant que la signature de l'acte authentique n'est jamais intervenue, le vendeur ne s'étant pas présenté au rendez-vous fixé par le notaire et ce, malgré mise en demeure par lettres recommandées avec avis de réception adressées, conformément aux termes du compromis, pour l'une au [Adresse 1] et retournée avec la mention « destinataire inconnu à l'adresse » et pour l'autre au [Adresse 5] et retournée avec la mention « pli avisé et non-réclamé » après première présentation le 22 juin 2023 (pièces n°7).

Or, il ressort tant du projet d'acte authentique daté du 08 février 2023 (pièce n°3) que du procès verbal de carence dressé par le notaire instrumentaire le 03 juillet 2023 (pièce n°8) que les conditions suspensives de droit commun stipulées à l'acte sous seing privé de vente avaient, à cette date, toutes été réalisées et les pièces nécessaires à la constatation authentique de cette réalisation obtenues.

Par ailleurs, si une clause suspensive particulière d'obtention d'un prêt avait été insérée à l'acte sous seing-privé, les acquéreurs n'ont pas entendu se prévaloir de sa non-réalisation, ayant au contraire déclaré avoir obtenu un financement. Le notaire instrumentaire a, par ailleurs, confirmé, au procès-verbal de carence, avoir reçu, en sa comptabilité, le prix de vente et les frais d'acquisition.

Dès lors la vente était parfaite, de sorte qu'en faisant obstacle à la réitération authentique de la vente de l'immeuble, Monsieur [E] s'est rendu responsable d'une rétractation fautive de son consentement à la vente.

Monsieur [S] et Madame [V] justifient avoir, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date 05 juillet 2023 doublées d'un envoi par courriel, invoqué la résolution de plein droit du compromis de vente et mis en demeure le vendeur de leur verser la somme de 11.400 euros au titre de la clause pénale (pièces n°9 et 10).

Les acquéreurs sont, en conséquence, parfaitement fondés à solliciter application de la clause pénale prévue au contrat.

Par suite, si la clause pénale a pour objet de contraindre les parties à l'exécution du contrat, elle a aussi pour objet de réparer les conséquences dommageables de l'absence de réitération devant notaire de l'acte sous seing-privé de vente. En prévoyant cette clause pénale, les parties ont entendu évaluer forfaitairement et à l'avance, l'indemnité à laquelle donnerait lieu l'inexécution de l'obligation contractée, sans qu'il y ait lieu de démontrer un préjudice spécifique, le dédommagement étant forfaitairement convenu par les parties.
Dans le cas d'espèce, le montant de la peine forfaitairement prévue, soit 10% du prix de vente, n'apparaît pas manifestement excessif, de sorte que rien ne justifie qu'il soit fait usage, de surcroît d'office, de la faculté de modération prévue à l'article 1231-5, alinéa 2 précité.
En conséquence de quoi, Monsieur [T] [E] sera condamné à verser à Monsieur [S] et Madame [V] la somme de 11.400 euros au titre de la clause pénale.
Sur la demande indemnitaire complémentaire

Les consorts [S]-[V] sollicitent, en sus de l'exécution de la clause pénale, des dommages et intérêts d'un montant de 4.000 euros en vue de réparer des préjudices qu'ils estiment indépendants de ceux déjà réparés par le montant de la clause pénale.

A cet égard, ils font valoir qu'au-delà des frais engagés pour les différentes démarches, notamment par courriers recommandés avec avis de réception, la situation a occasionné pour eux une contrariété importante, ce d'autant qu'ils ont perdu la chance d'acheter un bien immobilier du même type dans les mêmes conditions bancaires que celles applicables en décembre 2022, lesquelles étaient plus favorables que les conditions bancaires actuelles qui ne font que se durcir.

Toutefois, outre que les frais engagés aux fins de voir aboutir la vente puis aux fins de paiement de la clause pénale relèvent des dépens et des frais irrépétibles, il doit être fait le constat que les demandeurs ne versent aux débats aucun élément propre à justifier des préjudices qu'ils invoquent, étant au surplus rappelé que l'existence d'un préjudice indépendant de celui déjà indemnisé par le jeu de la clause pénale doit être appréciée strictement, les parties ayant déjà contractuellement évalué l'indemnité due de manière forfaitaire.

La demande sera, en conséquence, rejetée.

Sur les demandes accessoires

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Il résulte des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

En l'espèce, Monsieur [E], qui succombe, sera condamné aux entiers dépens de la présente instance.

Partie succombante et condamnée aux dépens, l'équité commande de le condamner également à verser aux demandeurs la somme de 1.700 euros au titre des frais irrépétibles non-compris dans les dépens qu'ils ont été contraints d'engager pour faire valoir leurs droits en Justice.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par jugement réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort,

Condamne Monsieur [T] [E] à verser à Monsieur [F] [S] et Madame [U] [V] la somme de 11.400 euros au titre de la clause pénale insérée à l'acte sous seing-privé de vente des 24 et 29 novembre 2022 ;

Déboute Monsieur [F] [S] et Madame [U] [V] de leur demande indemnitaire complémentaire ;

Condamne Monsieur [T] [E] à verser à Monsieur [F] [S] et Madame [U] [V] la somme de 1.700 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [T] [E] aux entiers dépens de la présente instance ;

Le greffier, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 23/08637
Date de la décision : 03/09/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-09-03;23.08637 ?
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