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03/09/2024 | FRANCE | N°21/06863

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab a4, 03 septembre 2024, 21/06863


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

JUGEMENT N°24/
du 03 SEPTEMBRE 2024



Enrôlement : N° RG 21/06863 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZBDD

AFFAIRE : S.D.C. [Adresse 2] (Me AUTARD)
C/ S.C.I. LOU DOUPHINEN (l’ASSOCIATION CABINET NAUDIN AVOCATS JURISTES), Me [I], S.A. AXA FRANCE IARD (la SARL ATORI AVOCATS)





DÉBATS : A l'audience Publique du 09 avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Présidente : Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Greffière : Madame Pauline ESPAZE
>A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 09 juillet 2024, puis prorogée au 03 septembre 2024



PRONONCÉ : Par mise ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

JUGEMENT N°24/
du 03 SEPTEMBRE 2024

Enrôlement : N° RG 21/06863 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZBDD

AFFAIRE : S.D.C. [Adresse 2] (Me AUTARD)
C/ S.C.I. LOU DOUPHINEN (l’ASSOCIATION CABINET NAUDIN AVOCATS JURISTES), Me [I], S.A. AXA FRANCE IARD (la SARL ATORI AVOCATS)

DÉBATS : A l'audience Publique du 09 avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Présidente : Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Greffière : Madame Pauline ESPAZE

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 09 juillet 2024, puis prorogée au 03 septembre 2024

PRONONCÉ : Par mise à disposition au greffe le 03 septembre 2024

Par Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Assistée de Madame Pauline ESPAZE, Greffière

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Syndicat des Copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2]
représenté par son Syndic en exercice la S.A.R.L. SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE GESTION exerçant sous l’enseigne IMMOGEST
immatriculée au RCS de Marseille sous le numéro 353 640 758
dont le siège social est sis [Adresse 5]
prise en la personne de son représentant légal en exercice

représenté par Maître Stéphane AUTARD, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DÉFENDEURS

S.C.I. LOU DOUPHINEN
domiciliée chez son administrateur de biens la S.A.S. SIAB IMMO
immatriculée au RCS de Marseille sous le numéro 337 755 276
dont le siège social est sis [Adresse 1]
prise en la personne de son représentant légal

représentée par Maître Benjamin NAUDIN de l’ASSOCIATION CABINET NAUDIN AVOCATS JURISTES, avocats au barreau de MARSEILLE

Maître [A] [I]
dont le cabinet est sis [Adresse 4]
es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. LES DEUX B connue sous le nom “Bar l’Européen” selon jugement du Tribunal de commerce de Marseille en date du 9 mars 2020

défaillant

S.A. AXA FRANCE IARD
immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 722 057 460
dont le siège social est sis [Adresse 3]
prise en la personne de son représentant légal

représentée par Maître Yves SOULAS de la SARL ATORI AVOCATS, avocats au barreau de MARSEILLE

EXPOSE DU LITIGE

La SCI LOU DOUPHINEN est propriétaire du lot n°1 au sein de la copropriété de l’immeuble [Adresse 2].

Elle a donné à bail commercial ce lot à la SARL LES DEUX B, qui y exerçait l’activité de bar sous la dénomination Bar L’Européen.

Le 25 juillet 2016, le syndic de la copropriété a procédé à une déclaration de sinistre auprès de son assureur en raison de la présence d’infiltrations d’eau.
Monsieur [H], propriétaire d’une cave en sous-sol, a procédé également à une déclaration de sinistre.

Par courrier du 29 juillet 2016, le syndic a mis en demeure la SCI LOU DOUPHINEN et la SARL LES DEUX B de mettre fin aux infiltrations de manière durable.

Une recherche de fuite a montré qu’elle provenait des canalisations du bar.

Plusieurs mises en demeure de procéder aux réparations ont été adressées à la SCI LOU DOUPHINEN et la SARL LES DEUX B.

Le syndic de la copropriété a fait établir un rapport par un BET [E] ainsi que divers devis de remise en état.

Le syndicat des copropriétaires a fait procéder à un étaiement du plancher du rez-de-chaussée afin d’éviter un effondrement.

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] a saisi le juge des référés, qui par ordonnance du 22 juin 2018 a désigné Monsieur [D] en qualité d’expert.
Le rapport a été déposé le 28 janvier 2019.

Par jugement du 19 novembre 2018, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SARL LES DEUX B.
Le 9 mars 2020 le tribunal de commerce de Marseille a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL LES DEUX B.
Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] a déclaré sa créance auprès de Maître [A] [I] ès qualité de liquidateur de la SARL LES DEUX B le 3 août 2020.

Par ordonnance du 6 novembre 2020, le juge des référés a désigné à nouveau Monsieur [D] pour une consultation sur la qualité des réparations entreprises dans le local de la SCI LOU DOUPHINEN.

Par arrêt du 13 janvier 2023, la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE a notamment condamné in solidum la SCI LOU DOUPHINEN et la SARL LES DEUX B à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] la somme provisionnelle de 30.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice.

Monsieur [D] a déposé son rapport le 13 juin 2023 et l’a modifié par note du 21 juin 2023.

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] a entrepris les travaux de réparation.

*

Suivant exploits des 25 et 28 juin 2021, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] pris en la personne de son syndic en exercice la SARL SOCIETE IMMOBILIERE DE GESTION a fait assigner devant le présent tribunal la SCI LOU DOUPHINEN, Maître [A] [I] ès qualité de liquidateur de la SARL LES DEUX B et la SA AXA FRANCE IARD en qualité d’assureur de la SARL LES DEUX B.

Par conclusions notifiées par RPVA le 22 juin 2023, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] demande au tribunal, sur le fondement des articles 1231-1 et 1240 du code civil, ainsi que les articles 9 et 14 de la loi du 10 juillet 1965 et L113-1 du code des assurances, de :
- dire la SARL LES DEUX B responsable des infiltrations affectant la copropriété,
- dire qu'en sa qualité de bailleresse, et de copropriétaire, la SCI LOU DOUPHINEN est responsable des agissements fautifs de son locataire,
- condamner solidairement la SARL LES DEUX B, et son assureur la SA AXA France IARD, et la SCI LOU DOUPHINEN à régler au syndicat des copropriétaires :
- 41.624,60 € au titre des dépenses engagées par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] pour mettre fin aux désordres consécutifs aux infiltrations,
- 10.000 € à titre de dommage et intérêts,
- 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les entiers dépens, y compris l'intégralité des frais d'expertise issus de la première Ordonnance de référé du 22/06/2018, et ceux issus de la deuxième ordonnance de référé du 6/11/2020,
- déclarer opposable à Maître [A] [I], es-qualité de liquidateur judiciaire de la SARL LES DEUX B, désigné comme tel par Jugement du Tribunal de commerce du 9 mars 2020 prononçant la liquidation judiciaire, la décision à intervenir,
- fixer la créance du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la SARL LES DEUX B aux sommes indiquées ci-dessus,
- dire qu'il n'y a pas lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par conclusions notifiées par RPVA le 24 octobre 2023, la SCI LOU DOUPHINEN demande au tribunal, sur le fondement des articles 1240 et 1728 et suivants du code civil, et L113-1 du code des assurances, de :
- à titre principal, débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la SCI LOU DOUPHINEN,
- à titre reconventionnel :
- condamner solidairement la SARL LES DEUX B prise en la personne de Maître [A] [I] es qualité de liquidateur judiciaire et son assureur, la société AXA France à verser à la SCI LOU DOUPHINEN la somme de 30.000 euros qu'elle a réglée à titre provisionnel au syndicat des copropriétaires de l' immeuble sis [Adresse 2] en exécution de l'arrêt rendu par la Cour d'appel le 13 janvier 2022,
- déclarer opposable à Maître [A] [I], es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL LES DEUX B la décision à intervenir,
- à titre subsidiaire :
- réduire le montant des demandes du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à de plus justes proportions,
- condamner la société AXA France en sa qualité d'assureur de la SARL LES DEUX B et la SARL LES DEUX B représentée par Maître [A] [I] es qualité de liquidateur judiciaire à relever et garantir la SCI LOU DOUPHINEN de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] en principal, frais et dépens.

Par conclusions notifiées par RPVA le 20 octobre 2023, la SA AXA FRANCE IARD demande au tribunal, sur le fondement des articles L113-1 du code des assurances, 1103 et suivants du code civil, 1964 du code civil, de :
- à titre principal,
- juger que les exclusions de garantie conventionnelles et légales opposées par la SA AXA FRANCE IARD sont bien fondées,
- débouter le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] de ses demandes à l’encontre de la SA AXA FRANCE IARD et plus généralement rejeter toute demande à l’encontre de la SA AXA FRANCE IARD,
- condamner (?) au paiement d’une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens distraits au profit de Maître Yves SOULAS,
- à titre subsidiaire,
- limiter le dommage du syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] du fait des dépenses engagées et des dépenses à engager à la somme de 19.693,85 euros,
- débouter le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] de ses plus amples demandes,
- juger que la SCI LOU DOUPHINEN ne démontre pas que les conditions nécessaires à la mobilisation des garanties souscrites auprès de la SA AXA FRANCE IARD sont bien réunies,
- débouter la SCI LOU DOUPHINEN de ses entières demandes à son égard.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties.

Régulièrement assigné par remise à domicile Maître [A] [I] ès qualité de liquidateur de la SARL LES DEUX B n’a pas constitué avocat.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 26 octobre 2023. L’affaire avait été fixée à plaider le 25 janvier 2024. Compte tenu de l’indisponibilité du magistrat, elle a été réorientée et plaidée le 9 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des demandes à l’encontre de la SARL LES DEUX B prise en la personne de son liquidateur

L’article L622-21 du code de commerce énonce que :
I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
II.-Sans préjudice des droits des créanciers dont la créance est mentionnée au I de l'article L. 622-17, le jugement d'ouverture arrête ou interdit toute procédure d'exécution tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.
III.-Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus.
IV.-Le même jugement interdit également de plein droit, tout accroissement de l'assiette d'une sûreté réelle conventionnelle ou d'un droit de rétention conventionnel, quelle qu'en soit la modalité, par ajout ou complément de biens ou droits, notamment par inscription de titres ou de fruits et produits venant compléter les titres figurant au compte mentionné à l'article L. 211-20 du code monétaire et financier, ou par transfert de biens ou droits du débiteur.
Toute disposition contraire, portant notamment sur un transfert de biens ou droits du débiteur non encore nés à la date du jugement d'ouverture, est inapplicable à compter du jour du prononcé du jugement d'ouverture.
Toutefois, l'accroissement de l'assiette peut valablement résulter d'une cession de créance prévue à l'article L. 313-23 du code monétaire et financier lorsqu'elle est intervenue en exécution d'un contrat-cadre conclu antérieurement à l'ouverture de la procédure. Cet accroissement peut également résulter d'une disposition contraire du présent livre ou d'une dérogation expresse à son application prévue par le code monétaire et financier ou le code des assurances.

En l’espèce, la SARL LES DEUX B a fait l’objet d’un jugement de liquidation judiciaire le 9 mars 2020 après conversion d’une procédure de redressement judiciaire.

Même si le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] justifie avoir déclaré sa créance, il n’en demeure pas moins que son instance au fond introduite à l’encontre de la SARL LES DEUX B postérieurement à cette date, le 28 juin 2021, est irrecevable. Ses demandes sont de la compétence exclusive du juge commissaire et le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] ne produisant pas les jugements du tribunal de commerce ne démontre ni n’allègue que le juge commissaire a renvoyé devant le présent tribunal l’examen de ses créances à l’égard de la SARL LES DEUX B.

Sur les désordres

Monsieur [D] dans son premier rapport d’expertise a constaté des infiltrations d’eau en provenance du plafond dans le couloir des caves.
Le comptoir du bar où se trouvent l’évier, le circuit réfrigérant des fûts de bière et la machine à glaçon sont situés au dessus du couloir des caves.
L’expert a noté que les alimentations d’eau chaude et d’eau froide de ces équipements et les évacuations sont vétustes.
Les équipements de la cuisine située derrière le comptoir sont dans le même état.
Par ailleurs, le tuyau d’évacuation de ces réseaux, en plafond de la cave du bar est sous-dimensionné.

L’expert déclare avoir fait vérifier l’étanchéité des réseaux d’alimentation sanitaire, des réseaux d’évacuation et des appareils sanitaires du bar. Le rapport de la société SAPITECH mandatée montre l’absence d’étanchéité de :
- l’alimentation du circuit réfrigérant des futs de bière, entraînant un ruissellement continu au sol,
- raccordement en eau froide de la machine à glaçon,
- l’alimentation en eau froide des WC,
- l’évacuation de l’évier situé à droite du bar,
- trop-plein de l’évier au comptoir,
- l’évacuation du siphon du lave-main des toilettes,
- l’évacuation du lave-vaisselle de la cuisine,
- l’évacuation de la machine à laver,
- la culotte de raccordement des réseaux d’évacuation situés sous le plancher du bar et un défaut d’étanchéité à l’air, qui entraîne de la condensation en sous-face du plancher,
- le tout dans un contexte où le tuyau d’évacuation dans la cave qui récolte l’ensemble des équipements sanitaires qui a un diamètre insuffisant de 80 mm.

L’expert confirme les déclarations du BET [E] dans son rapport du 26 octobre 2017, suivant lesquelles l’altération des poutrelles métalliques du plancher situé entre le bar et les caves résulte du ruissellement de l’eau consécutif aux fuites constatées.

Sur la responsabilité de la SCI LOU DOUPHINEN

L’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa version applicable au présent litige issue de l’ordonnance du 30 octobre 2019 énonce que :
I.-Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble.
Les travaux supposant un accès aux parties privatives doivent être notifiés aux copropriétaires concernés au moins huit jours avant le début de leur réalisation, sauf impératif de sécurité ou de conservation des biens.

II.-Un copropriétaire ne peut faire obstacle à l'exécution, même sur ses parties privatives, de travaux d'intérêt collectif régulièrement décidés par l'assemblée générale des copropriétaires, dès lors que l'affectation, la consistance ou la jouissance des parties privatives n'en sont pas altérées de manière durable. La réalisation de tels travaux sur une partie privative, lorsqu'il existe une autre solution n'affectant pas cette partie, ne peut être imposée au copropriétaire concerné que si les circonstances le justifient.
Pour la réalisation de travaux d'intérêt collectif sur des parties privatives, le syndicat exerce les pouvoirs du maître d'ouvrage jusqu'à la réception des travaux.
III.-Les copropriétaires qui subissent un préjudice par suite de l'exécution des travaux, en raison soit d'une diminution définitive de la valeur de leur lot, soit d'un trouble de jouissance grave, même s'il est temporaire, soit de dégradations, ont droit à une indemnité. En cas de privation totale temporaire de jouissance du lot, l'assemblée générale accorde au copropriétaire qui en fait la demande une indemnité provisionnelle à valoir sur le montant de l'indemnité définitive.
L'indemnité provisionnelle ou définitive due à la suite de la réalisation de travaux d'intérêt collectif est à la charge du syndicat des copropriétaires. Elle est répartie en proportion de la participation de chacun des copropriétaires au coût des travaux.

En l’espèce, l’expert a mis en évidence le fait que les désordres proviennent exclusivement des canalisations internes du lot de la SCI LOU DOUPHINEN.

Aucune discussion n’est formulée par la SCI LOU DOUPHINEN au sujet de l’origine privative des désordres.

La SCI LOU DOUPHINEN se borne à développer des arguments sur la responsabilité de son locataire. Or, la répartition des obligations d’entretien entre bailleur et locataire n’est pas opposable au syndicat des copropriétaires.
S’il est exact de dire que le syndicat des copropriétaires dispose d’un recours direct contre le locataire à l’origine des désordres, cette responsabilité n’exonère pas le propriétaire du lot de sa responsabilité à l’égard du syndicat des copropriétaires.

Les diligences réalisées par la SCI LOU DOUPHINEN à l’égard de la SARL LES DEUX B ne sont pas de nature à l’exonérer de sa responsabilité. D’ailleurs il convient de constater qu’au cours des nombreuses années d’infiltrations subies par la copropriété, la SCI LOU DOUPHINEN n’a jamais agi en justice à l’encontre de la SARL LES DEUX B pour la contraindre à réaliser les travaux ou à lui laisser l’accès aux locaux pour réaliser elle-même les travaux. Elle s’est bornée à considérer que son locataire avait fait les réparations adéquates, sans procéder à aucune vérification.

La responsabilité de la SCI LOU DOUPHINEN sera retenue.

Sur la garantie de la SA AXA FRANCE IARD

La SA AXA FRANCE IARD déclare que la SARL LES DEUX B a souscrit à son égard une garantie multirisque professionnelle à effet du 1er décembre 2017, soit après apparition des infiltrations et que le contrat n’est pas susceptible de trouver application compte tenu de l’absence d’aléa.

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] conteste cette date de début de garantie par la SA AXA FRANCE IARD à l’égard de la SARL LES DEUX B, déclarant que ce contrat du 1er décembre 2017 est un avenant à une garantie plus ancienne.

Par ailleurs, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] estime que la SA AXA FRANCE IARD a missionné un expert amiable, le cabinet POLYEXPERT, reconnaissant ainsi sa garantie pour ce sinistre.

La lecture des pièces produites par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] montre que le 6 novembre 2017, soit antérieurement au 1er décembre 2017 invoqué par la SA AXA FRANCE IARD comme date de début de garantie, le cabinet POLYEXPERT a écrit à la SARL LES DEUX B pour lui réclamer des pièces dans le cadre de la gestion du sinistre de dégât des eaux du 25 juillet 2016.
Ce courrier démontre que les garanties de la SA AXA FRANCE IARD à l’égard de la SARL LES DEUX B sont antérieures à l’avenant du 1er décembre 2017 et à la déclaration de sinistre du 25 juillet 2016, qui a été prise en compte par la SA AXA FRANCE IARD au titre du contrat en cours.
Par ailleurs, la lecture des différents courriers montre que le cabinet POLYEXPERT a été désigné au titre de la police d’assurance multirisques et non de la protection juridique.

Les argumentations de la SA AXA FRANCE IARD relatives à l’absence d’aléa sont inopérantes.

La SA AXA FRANCE IARD fait ensuite valoir l’application de clauses d’exclusion de l’article 36 des conditions générales, qui stipulent que ne sont pas garantis par ce contrat :
“Tous dommages :
- résultant d’un fait ou d’un événement dont vous aviez connaissance à la date de prise d’effet de la garantie concernée ou à la date de formation du contrat si elle est antérieure,
- intentionnellement causés ou provoqués par toute personne considéré comme assurée au titre du contrat, ou avec sa complicité.”

Elle invoque également la clause en page 10 des conditions générales qui exclut au titre de la garantie dégât des eaux : “les dommages provenant de défauts de réparation ou d’entretien des installations ou des toitures.”

Il convient de constater au préalable que la SA AXA FRANCE IARD ne produit pas les conditions particulières souscrites par la SARL LES DEUX B, à une date de fait inconnue, mais se borne à verser aux débats les conditions particulières d’un avenant postérieur à la déclaration de sinistre. Par ailleurs, les conditions générales qu’elle verse au dossier ne sont pas signées. Cette absence de production de conditions générales non signées et des conditions particulières applicables au présent litige impose d’écarter ces conditions générales, dont il n’est pas démontré qu’elles sont opposables à la SARL LES DEUX B.

Par ailleurs et à titre surabondant, il doit être constaté que la clause de la page 10 ne pouvait en tout état de cause pas trouver application compte tenu de la très grande imprécision du terme “installations”.

La SA AXA FRANCE IARD n’est pas fondée à invoquer un défaut de garantie.

S’agissant de la faute intentionnelle de l’assuré, il convient de constater que ce dernier a fait une déclaration de sinistre le 25 juillet 2016, dès courrier du syndicat des copropriétaires. Aucune pièce relative à des infiltrations antérieure n’est produite aux débats.
Ensuite, le dossier n’a pas trouvé de solution en raison du litige des parties sur les origines du sinistre, le syndicat des copropriétaires étant en même temps confronté à de très nombreuses mises en surcharge de ses canalisations d’eaux usées communes.

La SA AXA FRANCE IARD est défaillante à démontrer la faute intentionnelle de son assuré.

Elle devra sa garantie au titre de ce sinistre.

Sur les préjudices du syndicat des copropriétaires

- Sur les dépenses engagées par le syndicat des copropriétaires en cours de procédure

Le syndicat des copropriétaires démontre avoir engagé des dépenses au cours du litige afin de faire face aux infiltrations récurrentes :
- frais de recherche de fuite : 115,50 euros,
- étaiement du plancher des caves : 990 euros,
- factures de la société BF Assainissement : 5.973,40 /4 = 1.493,35 euros,
- maîtrise d’oeuvre : 1.260 euros,

Soit un total de 3.858,85 euros. Cette somme lui sera allouée.

- Sur les frais de remise en état

L’expert a évalué ainsi les frais de remise en état des parties communes et parties privatives dégradées :
- confortement du plancher des caves : 12.155 euros TTC,
- maîtrise d’oeuvre : 1.260 euros TTC,
- assurance dommages-ouvrage : 1.815 euros TTC,
- remplacement collecteur EU/EV dans la cave : 605 euros TTC,
- réfection des murs de la cave [H] : 1.113,75 euros TTC,
- réfection des deux autres caves : 2.227,50 euros TTC

Soit un total de 19.176,25 euros TTC.

L’expert a validé le devis présenté par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] au titre du confortement du plancher des caves, de maitrise d’oeuvre, d’assurance dommages-ouvrage. Il a réduit les montants pour la réfection des caves.

Lors de la consultation confiée à l’expert, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] était en train de procéder aux travaux de reprise. A cette occasion, le syndicat des copropriétaires a présenté une facture de 30.754 euros de la société SPRB au titre de la réfection du plancher.

L’expert a validé ce montant en constatant que l’état du plancher avait rendu impossible la reprise partielle dans les modalités qui avaient été envisagées.

Dans ces conditions, les frais de remise en état s’élèvent à la somme de 30.745 + 1.260 + 1.815 + 605 + 1.113,75 + 2.227,50 = 37.766,25 euros TTC.

La SCI LOU DOUPHINEN et la SA AXA FRANCE IARD contestent la qualité pour le syndicat des copropriétaires à réclamer l’indemnisation au titre de la remise en état des caves, qui sont des parties privatives.
Toutefois, il s’agit d’une fin de non recevoir qui n’a pas été soumise au juge de la mise en état. Ces arguments ne sont plus recevables devant le juge du fond suivant les dispositions de l’article 789 du code de procédure civile.

En conséquence, la SA AXA FRANCE IARD et la SCI LOU DOUPHINEN seront condamnés in solidum à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] la somme de 41.624,60 €, étant rappelé qu’il convient de déduire de ce montant la somme de 30.000 euros déjà versée par la SCI LOU DOUPHINEN en exécution de l’arrêt d’appel du 13 janvier 2023.

- sur la demande de dommages et intérêts

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] réclame une indemnisation de son préjudice issu de la longue période au cours de laquelle les infiltrations ont perduré et de l’absence de réalisation des réparations par la SARL LES DEUX B et la SCI LOU DOUPHINEN.

Cette demande ne peut prospérer à l’égard de la SA AXA FRANCE IARD, qui n’a pas commis personnellement de faute.

Il a été dit que la SCI LOU DOUPHINEN n’avait pas agi contre son locataire au cours de cette longue période et n’avait rien mis en oeuvre pour faire cesser les désordres. La répartition de responsabilité avec son locataire n’étant pas opposable au syndicat des copropriétaires, la SCI LOU DOUPHINEN devait tout mettre en oeuvre pour faire cesser les désordres. En se bornant à prendre acte des menues réparations sporadiques réalisées par son locataire, sans s’assurer personnellement de la qualité des réparations, la SCI LOU DOUPHINEN a commis une faute qui a causé un préjudice au syndicat des copropriétaires.

Elle sera condamnée à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande de la SCI LOU DOUPHINEN à l’encontre de la SA AXA FRANCE IARD

La SCI LOU DOUPHINEN réclame la condamnation de la SA AXA FRANCE IARD à lui rembourser la somme de 30.000 €, versée au titre de la provision. En outre, elle réclame la garantie de la SA AXA FRANCE IARD au titre des condamnations prononcées à son encontre.

Il a été démontré que les désordres sont issus de la vétusté et de l’absence d’entretien des canalisations du local exploité par la SARL LES DEUX B.

La lecture du bail commercial montre que ces réparations étaient à la charge exclusive de la SARL LES DEUX B.

Dans ces conditions, la SA AXA FRANCE IARD sera condamnée à relever et garantir intégralement la SCI LOU DOUPHINEN des condamnations prononcées à son encontre au titre des frais de sécurisation et de reprise. Elle devra alors rembourser la SCI LOU DOUPHINEN de l’intégralité des sommes versées au titre de ces condamnations.

Par contre, la condamnation au paiement de dommages et intérêts est personnelle à la SCI LOU DOUPHINEN. La SA AXA FRANCE IARD ne doit pas sa garantie à ce titre.

Sur les demandes accessoires

L'article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge par décision motivée n'en mette la totalité ou une partie à la charge de l'autre partie.

La SCI LOU DOUPHINEN et la SA AXA FRANCE IARD succombant principalement dans cette procédure, seront condamnées in solidum aux entiers dépens.

Il doit être rappelé qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le sort de l’expertise judiciaire, qui est comprise par définition dans les dépens suivant dispositions de l’article 695 du Code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu à garantie de la SA AXA FRANCE IARD à l’égard de la SCI LOU DOUPHINEN au sujet des dépens.

Il résulte de l'article 700 du code de procédure civile que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %.

En l'espèce, il serait inéquitable de laisser à la charge du syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] la totalité des frais irrépétibles qu’il a pu engager et qui ne sont pas compris dans les dépens.

Il conviendra en conséquence de condamner la SCI LOU DOUPHINEN et la SA AXA FRANCE IARD à payer la somme de 4.000 € au syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Leurs demandes respectives fondées sur l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

En vertu de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Aucune circonstance ne justifie qu’il soit fait obstacle au bénéfice de l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant après débats en audience publique par jugement mis à la disposition des parties au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

Déclare irrecevables toutes les demandes présentées à l’encontre de la SARL LES DEUX B prise en la personne de Maître [A] [I] ès qualité de liquidateur,

Constate que le préjudice matériel du syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] au titre des remises en état s’élève à la somme de 41.624,60 euros,

Constate que la SCI LOU DOUPHINEN a versé la somme de 30.000 euros au syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] à titre de provision en application de l’arrêt de la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE du 13 janvier 2023,

Condamne in solidum la SCI LOU DOUPHINEN et la SA AXA FRANCE IARD à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] pris en la personne de son syndic en exercice le solde de 11.624,60 euros au titre des frais de remise en état,

Condamne la SCI LOU DOUPHINEN à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] la somme de 2.000 euros en réparation de son préjudice moral lié à la durée des infiltrations,

Condamne la SA AXA FRANCE IARD à relever et garantir intégralement la SCI LOU DOUPHINEN des condamnations au titre des remises en état, soit de la somme de 41.624,60 €,

Condamne la SA AXA FRANCE IARD à rembourser à la SCI LOU DOUPHINEN la somme de 30.000 euros versée au titre de la provision,

Déboute la SCI LOU DOUPHINEN de sa demande de relevé et garantie au sujet de la condamnation aux dommages et intérêts, frais irrépétibles et dépens,

Condamne in solidum la SCI LOU DOUPHINEN et la SA AXA FRANCE IARD aux dépens, qui comprennent par définition les frais des deux expertises de Monsieur [D],

Condamne in solidum la SCI LOU DOUPHINEN et la SA AXA FRANCE IARD à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2] pris en la personne de son syndic en exercice la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SCI LOU DOUPHINEN et la SA AXA FRANCE IARD de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu à écarter le bénéfice de l’exécution provisoire.

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ PAR MISE À DISPOSITION AU GREFFE DE LA TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE TROIS SEPTEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab a4
Numéro d'arrêt : 21/06863
Date de la décision : 03/09/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-09-03;21.06863 ?
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