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20/08/2024 | FRANCE | N°24/01818

France | France, Tribunal judiciaire de Nanterre, Jex, 20 août 2024, 24/01818


DOSSIER N° : N° RG 24/01818 - N° Portalis DB3R-W-B7I-ZIDK
AFFAIRE : S.A.S. ETS PIERRE GILLET / [L] [D] [J]

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 20 AOUT 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL


PRESIDENT : Maëlle POUTCHNINE

GREFFIER présent lors des débats : Marie-Christine YATIM
GREFFIER présent lors du délibéré : Etienne PODGORSKI



DEMANDERESSE

S.A.S. ETABLISSEMENTS PIERRE GILLET
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Gabrielle ODINOT, de la SEL

ARL ODINOT & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : L0271



DEFENDERESSE

Madame [L] [D] [J]
épouse [H] [S]
[Adresse 2]
[Localité 4]...

DOSSIER N° : N° RG 24/01818 - N° Portalis DB3R-W-B7I-ZIDK
AFFAIRE : S.A.S. ETS PIERRE GILLET / [L] [D] [J]

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 20 AOUT 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Maëlle POUTCHNINE

GREFFIER présent lors des débats : Marie-Christine YATIM
GREFFIER présent lors du délibéré : Etienne PODGORSKI

DEMANDERESSE

S.A.S. ETABLISSEMENTS PIERRE GILLET
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Gabrielle ODINOT, de la SELARL ODINOT & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : L0271

DEFENDERESSE

Madame [L] [D] [J]
épouse [H] [S]
[Adresse 2]
[Localité 4]

ET

INTERVENANT VOLONTAIRE

Monsieur [T] [H] [S]
[Adresse 2]
[Localité 4]

comparants et assistés par Maître François MUSEREAU, avocat plaidant de la SELARL JURICA, avocats au barreau de POITIERS et de Maître Cécile TURON, avocat postulant au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 306

Le Tribunal après avoir entendu les parties et/ou leurs avocats en leurs conclusions à l'audience du 27 Juin 2024 a mis l'affaire en délibéré et indiqué que le jugement serait rendu le 20 Août 2024, par mise à disposition au Greffe.

FAITS ET PROCÉDURE :

Par arrêt du 6 juillet 2023, la cour d'appel de Versailles a :
- infirmé le jugement déféré du 3 décembre 2020 du tribunal judiciaire de Nanterre dans toutes ses dispositions,
- prononcé la nullité de la vente conclue entre M. et Mme [H] [S] et M. [K] de l'immeuble sis à [Localité 4] (92) [Adresse 2], cadastré section AY n° [Cadastre 1], d'une contenance de 00ha 01a 46 ca,
- dit que la partie la plus diligente fera inscrire le présent arrêt au fichier immobilier tenu par les services de la publicité foncière,
- condamné M. [K] à payer à M. et Mme [H] [S] la somme de 1 180 000 euros au titre de la restitution du prix de vente et celle de 93 716,37 euros au titre des frais afférents à la vente,
- condamné la société Établissements Pierre Gillet à payer à M. et Mme [H] [S] la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral,
- condamné in solidum M. [K] et la société Établissements Pierre Gillet à payer à M. et Mme [H] [S] la somme de 100 000 euros au titre de de la perte de chance de faire une plus value et la somme de 35 808,73 euros en remboursement de travaux,
- rejeté les demandes indemnitaires formées contre M. et Mme [H] [S] par M. [K] et la société Etablissements Pierre Gillet,
- condamné in solidum M. [K] et la société Établissements Pierre Gillet à payer la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum M. [K] et la société Établissements Pierre Gillet aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, avec recouvrement direct selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Cet arrêt a été signifié à la société Établissements Pierre Gillet le 19 septembre 2023.

Par arrêt du 9 novembre 2023, la cour d'appel de Versailles a :
- déclaré recevables et bien-fondés M. et Mme [H] [S] dans leurs demandes et prétentions formulées dans le cadre de la requête déposée le 24 juillet 2023,
- ordonné la rectification de l'arrêt rendu en date du 6 juillet 2023 (RG 21/00227) par la 3e chambre civile de la cour d'appel de Versailles,
- rectifié le dispositif de cet arrêt en ajoutant, après "de leur préjudice moral", les termes suivants :
« Condamne la société Ets Pierre Gillet à verser la somme de 10 000 euros à M. et Mme [H] [S] en réparation de leur préjudice de jouissance »,
- ordonné que la décision rectificative soit mentionnée sur la minute et sur les expéditions de l'arrêt déféré rendu le 6 juillet 2023 et qu'elle soit notifiée dans les formes de l'arrêt,
- dit qu'aucune expédition ne pourra être délivrée sans que cette mention y soit portée,
- laissé les dépens à la charge de l'Etat.

Cet arrêt a été signifié à la société Etablissements Pierre Gillet le 18 janvier 2024.

Par acte de commissaire de justice du 29 janvier 2024, au visa de ces arrêts, Mme [L] [D] [J] épouse [H] [S] a fait pratiquer à l'encontre de la société Établissements Pierre Gillet une saisie-attribution sur ses comptes ouverts auprès de la Banque Palatine, pour la somme de 78 936,33 euros.

Cette saisie-attribution a été dénoncée à la société Établissements Pierre Gillet le 1er férier 2024.

Par assignation délivrée le 26 février 2024 à l’encontre de Mme [H] [S], la société Établissements Pierre Gillet a saisi le juge de l’exécution de ce tribunal afin de contester la saisie-attribution pratiquée.

Par conclusions notifiées par voie de RPVA le 19 juin 2024, M. [T] [H] [S] est intervenu volontairement à la procédure.

L’affaire a été évoquée à l’audience du 27 juin 2024 lors de laquelle les parties ont été entendues.

Le juge de l’exécution a sollicité de Mme [H] [S] les justificatifs des sommes versées par M. [K], en autorisant la société Établissements Pierre Gillet à produire une note en délibéré consécutivement.

La société Établissements Pierre Gillet, s'en rapportant à ses conclusions visées à l'audience, demande au juge de l'exécution de :
- annuler la saisie-attribution opérée le 31 janvier 2024 (en réalité le 29 janvier 2024 à la lecture de la pièce-versée aux débats) à la demande de Mme [H] [S],
- en conséquence, ordonner sa mainlevée,
- assortir cette décision d'une astreinte de 100 euros par jour de retard laquelle commencera à courir à l'issue d'un délai de trois jours à compter de la signification à partie de la décision à venir,
- condamner Mme [H] [S] à lui payer la somme de 3 500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter Mme [H] [S] de ses demandes reconventionnelles,
- condamner Mme [H] [S] en tous les dépens.

Les époux [H] [S], s'en rapportant à leurs conclusions visées à l'audience, demandent au juge de l'exécution de :
- débouter la société Établissements Pierre Gillet de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la société Établissements Pierre Gillet à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance et procédure abusives,
- condamner la société Établissements Pierre Gillet à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, 
- condamner la société Établissements Pierre Gillet aux entiers dépens,
- autoriser Maître Cécile Turon à recouvrer directement les frais dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision dans les termes de l'article 699 du code de Procédure Civile.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions précitées.

L’affaire a été mise en délibéré au 20 août 2024, par mise à disposition au greffe.

Par note en délibéré notifiée par voie de RPVA le 28 juin 2024, Mme [H] [S] a communiqué des pièces relatives aux sommes réglées par M. [K].

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la saisie-attribution :

Aux termes de l’article L211-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.

L’article R.211-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose notamment que l’acte de saisie-attribution contient à peine de nullité le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation.

Aux termes de l’article 1310 du code civil, la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas.

En l’espèce, le décompte de la saisie-attribution litigieuse pratiquée le 29 janvier 2024 se présente comme suit :
- principal : 76 633,19 euros,

- frais : 165,30 euros
- intérêts échus : 1 166,04 euros,
- coût du présent acte : 439,88 euros,
- A.444-31 code de commerce : 31,92 euros,
- provision sur frais : 500 euros.

Il ressort de ces éléments que le décompte est clair en ce qu’il distingue le principal, les frais et les intérêts échus. L’erreur invoquée dans les montants recouvrés à titre principal au motif que la saisie-attribution a été diligentée uniquement par l’un des créanciers, Mme [H] [S], ou encore le fait que des paiements n’auraient pas été pris en compte ne constituent pas des motifs de nullité de la saisie-attribution mais, le cas échéant, de son cantonnement.

En effet, Mme [H] [S] était en droit de pratiquer seule une mesure d’exécution forcée mais dans la limite de la moitié des sommes qui lui ont été accordées ainsi qu’à son époux. L’intervention volontaire ultérieure dans la présente instance de son époux n’est pas de nature à modifier ce point, à savoir que la mesure d’exécution forcée litigieuse a été pratiquée au seul nom de Mme [H] [S].

A la lecture des arrêts fondant les poursuites, la société Établissements Pierre Gillet a été condamnée à payer aux époux [H] [S] les sommes suivantes :
- préjudice moral : 10 000 euros,
- préjudice de jouissance : 10 000 euros,
- perte de chance de faire une plus-value accordée : 100 000 euros (condamnation prononcée in solidum avec M. [K]),
- remboursement de travaux : 35 808,73 euros (condamnation prononcée in solidum avec M. [K]),
- article 700 du code de procédure civile : 7 000 euros (condamnation prononcée in solidum avec M. [K]).

Par ailleurs, l’ensemble du décompte étant contesté par le débiteur, il n’y a pas lieu d’intégrer les dépens qui ne peuvent être recouvrés, par voie d'exécution forcée, qu'au vu d'un certificat de vérification ou d'une ordonnance de taxe exécutoires.

Ainsi, la société Établissements Pierre Gillet était tenu de verser aux époux [H] [S] la somme totale de 162 808,73 euros, hors intérêts et dépens.

La société Établissements Pierre Gillet justifie avoir versé la somme de 17 392,34 euros aux époux [H] [S] par chèque (relevé de son compte bancaire du 31 mai 2021 versé aux débats), en exécution du jugement de première instance totalement infirmé.

Ces sommes doivent donc venir en déduction de celles pouvant être réclamées à la société Établissements Pierre Gillet en exécution des deux arrêts, soit :
162 808,73 euros - 17 392,34 euros = 145 416,39 euros.

En outre, certaines condamnations ont été prononcées in solidum. Toutefois, aucun paiement n’était intervenu de la part de M. [K] lorsque la saisie-attribution du 29 janvier 2024 a été pratiquée à l’encontre de la société Établissements Pierre Gillet. En outre, les paiements ultérieurs résultent de saisies-attributions du 28 février 2024 et n’ont permis d’appréhender que la somme de 11 134,60 euros correspondant principalement et notamment à une créance personnelle à M. [K] d’un montant de 1 180 000 euros au titre de la restitution du prix de vente et de 93 716,37 euros au titre des frais afférents à la vente. Ce dernier n’a pas donc pas payé la dette à laquelle il est tenu in solidum avec la société Établissements Pierre Gillet.

Aussi, en prenant en compte que Mme [H] [S] a entrepris seule cette mesure d’exécution forcée, et après déduction des paiements effectués par la société Établissements Pierre Gillet en exécution du jugement de première instance, au titre de l’exécution provisoire, celle-ci était bien-fondée à pratiquer une mesure d’exécution forcée pour un montant en principal de 72 708, 20 euros (145 416,39 euros/2).

La saisie-attribution litigieuse sera donc cantonnée à ce montant, outre les intérêts et frais à recalculer en conséquence, sans qu’il y ait lieu au prononcé d’une astreinte à ce jour.

Sur la résistance abusive et la procédure abusive :

Aux termes de l’article L.121-3 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive.

Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3 000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

En l’espèce, certes, la société Établissements Pierre Gillet est reconnue débitrice aux termes des contestations et, en effet, celle-ci a été condamnée in solidum avec M. [K] au paiement de certaines sommes de sorte que la totalité de ces condamnations prononcées in solidum peut être réclamée à la société Établissements Pierre Gillet.

Toutefois, les arrêts sur le fondement desquels la saisie-attribution a été pratiquée étaient relativement récents et la société Établissements Pierre Gillet avait soulevé à juste titre une erreur dans le décompte, et particulièrement l’absence de prise en compte de l’ensemble des paiements qu’elle avait effectués.

Dès lors, son comportement ne révèle pas une faute de nature à caractériser une résistance abusive ou encore le caractère abusif de la présente procédure.

La demande de dommages-intérêts présentée par les époux [H] [S] est par conséquent rejetée.

Sur les mesures accessoires :

Dès lors qu’il n’a été fait droit que très partiellement aux contestations de la société Établissements Pierre Gillet, celle-ci sera condamnée aux dépens. L’avocate des époux [H] [S] sera admise au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’équité commande de fixer à la somme de 1 500 euros l’indemnité qui sera versée par la société Établissements Pierre Gillet aux époux [H] [S] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution, statuant par jugement contradictoire, par mise à disposition au greffe, en premier ressort,

REJETTE la demande de la société Établissements Pierre Gillet tendant à annuler la saisie-attribution pratiquée à son encontre par Mme [L] [D] [J] épouse [H] [S] le 29 janvier 2024, et ses demandes subséquentes,

REJETTE la demande des époux [H] [S] tendant à condamner la société Établissements Pierre Gillet à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance et procédure abusives,

CANTONNE la saisie-attribution pratiquée le 29 janvier 2024, au visa d’un arrêt de la cour d'appel de Versailles en date du 6 juillet 2023 et d’un arrêt rectificatif du 9 novembre 2023 par Mme [L] [D] [J] épouse [H] [S] à l'encontre de la société Établissements Pierre Gillet, sur ses comptes ouverts auprès de la Banque Palatine, à la somme de 72 708, 20 euros, outre les intérêts et frais à recalculer en conséquence,

REJETTE la demande d’astreinte,

CONDAMNE la société Établissements Pierre Gillet à payer aux époux [H] [S] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Établissements Pierre Gillet aux dépens,

ADMET Maître Cécile Turon, avocate des époux [H] [S], au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit.

LE GREFFIER LE JUGE DE L'EXÉCUTION


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nanterre
Formation : Jex
Numéro d'arrêt : 24/01818
Date de la décision : 20/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 04/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-20;24.01818 ?
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