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02/09/2024 | FRANCE | N°17/02690

France | France, Tribunal judiciaire de Nanterre, Ctx protection sociale, 02 septembre 2024, 17/02690


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE



PÔLE SOCIAL

Affaires de sécurité sociale et aide sociale

JUGEMENT RENDU LE
02 Septembre 2024


N° RG 17/02690 -
N° Portalis DB3R-W-B7B-UHSK

N° Minute : 24/01228


AFFAIRE

[O]-[L] [S]

C/

Association HOPITAL [5], CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE


Copies délivrées le :



DEMANDERESSE

Madame [O]-[L] [S]
[Adresse 1]
[Localité 4]

comparante,

représentée par Me Nolwenn AGBOVOR, avocat au barreau d

e PARIS, vestiaire : D 1996, substituée à l’audience par Me Malvina MAJOUX, avocate au barreau de PARIS



DEFENDERESSES

Association HOPITAL [5]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE

PÔLE SOCIAL

Affaires de sécurité sociale et aide sociale

JUGEMENT RENDU LE
02 Septembre 2024

N° RG 17/02690 -
N° Portalis DB3R-W-B7B-UHSK

N° Minute : 24/01228

AFFAIRE

[O]-[L] [S]

C/

Association HOPITAL [5], CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

Copies délivrées le :

DEMANDERESSE

Madame [O]-[L] [S]
[Adresse 1]
[Localité 4]

comparante,

représentée par Me Nolwenn AGBOVOR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 1996, substituée à l’audience par Me Malvina MAJOUX, avocate au barreau de PARIS

DEFENDERESSES

Association HOPITAL [5]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Anne QUENTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0381, substituée à l’audience par Me Fiona TIEN, avocate au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE
Division du contentieux
[Localité 3]

représentée par Mme [Y] [V], munie d’un pouvoir régulier

***

L’affaire a été débattue le 04 Juin 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :

Matthieu DANGLA, Vice-Président
Gérard BEHAR, Assesseur, représentant les travailleurs salariés
Isabelle BASSINI, Assesseur, représentant les travailleurs non-salariés

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats et du prononcé : Arthur LUDOT.

JUGEMENT

Prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par jugement du 11 avril 2019 du pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre (procédure RG 17/2690), auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des faits et de la procédure, et des moyens et prétentions des parties, il a notamment été jugé que :
- la demande de reconnaissance d'une faute inexcusable de l'association hôpital [5], s'agissant de la rechute déclarée suivant certificat médical du 19 novembre 2015 relative à l'affection professionnelle déclarée le 21 août 2015 a été rejetée ;
- un sursis à statuer a été prononcé sur " toutes les autres demandes des parties relatives à l'action de Madame [S] en reconnaissance de la faute inexcusable de l'association hôpital [5] s'agissant de l'affection déclarée le 25 août 2015, dans l'attente de l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Normandie désigné par jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine rendu le 21 décembre 2018 dans le cadre du recours l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine aux fins de prise en charge par l'organisme social de cette maladie au titre de la législation sur les risques professionnels (recours RG n°17-2691) " ;
- un renvoi à l'audience du 14 octobre 2019 a été décidé pour évoquer les demandes de fond de Madame [S] aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'association hôpital [5], s'agissant de la maladie déclarée le 25 août 2015 après avis du CRRMP désigné.

Par jugement du 3 mai 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre a débouté Madame [S] de sa demande de prise en charge de sa maladie professionnelle déclarée le 21 janvier 2016 (procédure RG n°17/02691).

Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Versailles en date du 14 avril 2022.

L'affaire enrôlée sous le numéro RG 17/02690 a été rappelée, après plusieurs renvois, à l'audience du 4 juin 2024, à laquelle les parties, représentées, ont comparu et ont été entendues en leurs observations.

Madame [O]-[I] [S], assistée de son conseil, demande au présent tribunal de :
in limine litis,
- dire que la péremption n'est pas acquise ;
- rejeter les fins de non-recevoir soulevées par l'association hôpital [5] ;
- dire la faute de l'association hôpital [5], inexcusable, dans la survenance de la maladie professionnelle de l'épicondylite du coude droit et de la maladie professionnelle de la rupture de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite ;
- condamner en conséquence l'association hôpital [5] à réparer le préjudice consécutif à cette faute inexcusable ;
- ordonner en conséquence la majoration des rentes ou des capitaux servis à Madame [S] au taux de 100 % du salaire annuel retenu de l'assurée dès lors que lui sera attribué ce capital ou cette rente ;
- ordonner le rappel de rente ou de capitaux à compter de l'attribution de ceux-ci ;
- allouer à Madame [S] la somme de 5.000 € de provision en réparation des préjudices subis en application des dispositions de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale ;
- ordonner la désignation d'un expert aux fins d'évaluation du préjudice de Madame [S] suivant la mission annexée ;
- dire que les frais seront supportés par l'association association hôpital [5] ;
- condamner l'association hôpital [5] à lui verser la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner l'association association hôpital [5] aux dépens ;
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

En réplique, l'association hôpital [5] demande au présent tribunal de :
in limine litis,
- constater la péremption d'instance ;
en conséquence ;
- déclarer irrecevable l'ensemble des demandes de Madame [S] ;
à titre principal,
- déclarer irrecevable la demande de faute inexcusable concernant la maladie professionnelle déclarée le 21 août 2014 ;

- déclarer irrecevable la demande de faute inexcusable concernant la maladie reconnue non professionnelle déclarée le 25 août 2015 ;
en conséquence ;
- débouter Madame [S] de l'ensemble de ses demandes ;
à titre subsidiaire,
- constater l'absence de caractère professionnel de la maladie déclarée le 25 août 2025 ;
- déclarer que l'association hôpital [5] n'a commis aucune faute inexcusable ;
en conséquence,
- débouter Madame [S] de l'intégralité de ses demandes ;
en tout état de cause,
- condamner Madame [S] à verser à l'association hôpital [5] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine conclut pour sa part comme suit :
- débouter Madame [S] de sa demande de faute inexcusable concernant la maladie professionnelle du 25 août 2015 ;
- constater que le tribunal n'est pas valablement saisi pour la demande de faute inexcusable concernant la maladie professionnelle déclarée le 21 août 2014 et concernant la maladie professionnelle du 9 décembre 2019 ;
Si, par extraordinaire, le tribunal de céans s'estimait valablement saisi de la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur par rapport à la maladie professionnelle du 21 août 2014 :
- débouter Madame [S] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
Dans le cas où le tribunal reconnaîtrait la faute inexcusable de l'employeur ;
- débouter Madame [S] de sa demande de majoration de rente ;
- ordonner une expertise afin de déterminer les préjudices indemnisables présentés par Madame [S] ;
- donner acte à la concluante de ce qu'elle se réserve le droit de discuter le quantum correspondant à la réparation des préjudices personnels, lesquels ne devront pas excéder les montants ordinairement alloués par les juridictions de droit commun ;
- débouter Madame [S] de sa demande de provision ;
- dire et juger que les sommes attribuées au bénéficiaire par le tribunal conformément aux dispositions des articles L452-2 et L452-3 du code de la sécurité sociale seront avancées par la caisse ;
- accueillir la caisse en son action récursoire contre l'association hôpital [5] ;
- condamner l'association hôpital [5] en sa qualité d'employeur à rembourser la caisse l'intégralité des sommes dont elle aura fait l'avance dans le cadre du présent litige ;
en tout état de cause,
- laisser les dépens à la charge de la partie qui succombe, soit Madame [S] en cas de rejet de la demande, soit l'association hôpital [5] en cas de reconnaissance de sa faute inexcusable.

Il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré au 2 septembre 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIF DE LA DÉCISION

* Sur la péremption de l'instance

L'article 386 du code de procédure civile prévoit que " l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ".

Selon l'article 387 du code de procédure civile, " la péremption peut être demandée par l'une quelconque des parties. Elle peut être opposée par voie d'exception à la partie qui accomplit un acte après l'expiration du délai de péremption ".

L'article 388 du code de procédure civile précise : " la péremption doit, à peine d'irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ; elle est de droit. Le juge peut la constater d'office après avoir invité les parties à présenter leurs observations ".

Enfin, aux termes de l'article 389 du code de procédure civile, " la péremption n'éteint pas l'action ; elle emporte seulement extinction de l'instance sans qu'on puisse jamais opposer aucun des actes de la procédure périmée ou s'en prévaloir ".

Dans le cas présent, le jugement du présent tribunal du 11 avril 2019 avait ordonné un sursis à statuer sur une partie des demandes de Madame [S], dans l'attente de de l'avis du CRRMP de Normandie désigné dans le cadre d'une procédure distincte. Dès lors que cet avis a été rendu le 18 décembre 2019, il appartenait en principe à Madame [S] de ressaisir le tribunal de cette affaire dans le délai de deux ans à compter de cette date, ce qu'elle s'est abstenue de faire puisqu'elle n'a fait parvenir ses conclusions que le 28 septembre 2023, soit près de quatre ans après.

Toutefois, l'examen du jugement du 11 avril 2019 et de la côte du dossier fait apparaître que ce dossier n'a pas été retiré du rôle, mais a fait l'objet de plusieurs renvois, dont un au 12 décembre 2022, " dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles devant statuer sur le caractère professionnel de la maladie ". L'affaire a ensuite été renvoyée pour conclusions au 6 novembre 2023, puis au 4 juin 2024.

Il en résulte que le tribunal a procédé à des renvois successifs dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles qui a finalement été rendu le 14 avril 2022, puis pour conclusions, de sorte que la péremption alléguée par l'association hôpital [5] n'est pas acquise, les différents renvois valant diligence au sens de l'article 386 du code de procédure civile.

Il sera surabondamment relevé que, en matière de sécurité sociale, les dispositions des articles R142-22 ancien et R142-10-10 du code de la sécurité sociale prévoient que la péremption ne peut être prononcée que dans le cas où des diligences qui ont été expressément mises à la charge des parties par la juridiction n'ont pas été effectuées alors que, en l'espèce, aucune diligence particulière n'avait été mise à la charge de Madame [S].

Par conséquent, l'association hôpital [5] sera déboutée de sa demande tendant à faire constater la péremption de l'instance introduite par Madame [S].

* Sur la recevabilité de la demande de reconnaissance d'une faute inexcusable déclarée le 21 août 2014

L'article 122 du code de procédure civile dispose que " constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ".

Aux termes de l'article 480 du code de procédure civile dans sa version en vigueur à la date d'introduction de l'instance, " le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.
Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4 ".

L'association hôpital [5] soutient que le tribunal avait dans son jugement du 11 avril 2019 rejeté la demande de Madame [S] relative à la maladie professionnelle du 21 août 2014 et que Madame [S] avait renoncé à solliciter la reconnaissance de cette maladie professionnelle ; elle en déduit que ce chef de demande formé de nouveau lors de l'audience du 4 juin 2024 est irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 11 avril 2019.

Il apparaît néanmoins que le jugement du 11 avril n'a expressément statué dans son dispositif que sur la demande de reconnaissance d'une faute inexcusable afférente à la rechute déclarée par certificat médical du 19 novembre 2015 de la maladie professionnelle du 21 août 2014, de sorte qu'il ne peut être considéré que le tribunal a tranché le litige relatif à cette maladie professionnelle.

Par ailleurs, ce même jugement a relevé dans sa motivation (cf page 3 du jugement) que Madame [S] avait renoncé à solliciter la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur relative à cette maladie du 21 août 2014, mais, cette renonciation n'ayant pas été expressément reprise dans le dispositif du jugement, il ne peut être considéré que la demande formée lors de l'audience du 4 juin 2024 se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du présent tribunal en date du 11 avril 2019.

Par suite, cette fin de non-recevoir sera rejetée.

* Sur la recevabilité et sur le bien-fondé de la demande de reconnaissance de la faute inexcusable déclarée le 25 août 2015

L'article 4 du code de procédure civile dispose que " l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ".

Selon l'article 70 du même code, " les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Toutefois, la demande en compensation est recevable même en l'absence d'un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout ".

L'association hôpital [5] et la CPAM soutiennent que le tribunal avait été initialement saisi d'une demande relative à la maladie professionnelle du 21 août 2014 et que la demande relative à la maladie déclarée le 25 août 2015 constitue une demande nouvelle qui doit être déclarée irrecevable sur le fondement des articles 4 et 70 du code de procédure civile.

Madame [S] soutient pour sa part qu'il existerait un lien de connexité entre ces deux maladies professionnelles du 21 août 2014 et du 25 août 2015, la seconde étant survenue à la suite de la première et en raison de l'absence de prise en compte de restrictions ordonnées par le médecin du travail.

Le certificat médical afférant à la maladie professionnelle du 21 août 2014 met en évidence une épicondylite du coude droit tandis que le certificat médical afférant à la maladie du 25 août 2015 mentionne une rupture non-transfixiante du supra-épineux de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite. Ces deux maladies concernent ainsi le côté droit du corps de Madame [S], ce qui corrobore l'affirmation de de cette dernière en ce qui concerne la connexité existant entre ces deux maladies.

Cette fin de non recevoir sera donc rejetée.

L'association hôpital [5] et la CPAM soutiennent par ailleurs que Madame [S] ne peut obtenir la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur au titre de la maladie déclarée le 25 août 2015 dès lors qu'elle a été déboutée de sa demande de prise en charge au titre de la législation professionnelle de cette maladie, en vertu de l'arrêt définitif de la cour d'appel de Versailles du 14 avril 2022.

Si Madame [S] ne conteste pas cette décision, elle allègue que la CPAM aurait néanmoins reconnu le caractère professionnel de cette maladie le 7 avril 2022.

Elle s'appuie à cet égard sur trois pièces (n°44, 50 et 51 de son bordereau) : les pièces n°50 et 51 sont afférentes à des décisions de justice ayant confirmé la décision de prise en charge d'une maladie déclarée le 21 janvier 2016 tandis que la pièce n°44 est afférente à une décision de prise en charge d'une maladie professionnelle en date du 7 avril 2022, mais non celle du 25 août 2015, à savoir une maladie postérieure datée du 9 décembre 2019,

Madame [S] soutient que cette pathologie du 9 décembre 2019 correspondrait à une rechute de celle du 25 août 2015, s'appuyant sur le fait que la date de première constatation médicale est le 27 mai 2015, soit la même date que celle de la maladie du 25 août 2015.

S'il est exact que la date de première constatation médicale des pathologies des 25 août 2015 et du 9 décembre 2019 sont identiques selon les pièces médicales versées aux débats, il n'en demeure pas mois qu'elles constituent deux pathologies qui ont été instruites par la CPAM de façon distincte et il n'est pas établi que la demanderesse ait cherché, en dehors de la présente instance, à faire reconnaître l'identité qui existeraient entre ces pathologies.

Par conséquent, l'objection soulevée par Madame [S] tenant au fait que la CPAM des Hauts-de-Seine aurait reconnu le caractère professionnel de la maladie en cause sera écartée par le tribunal.

En tout état de cause la reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur étant conditionnée par la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie[1], la demande de reconnaissance d'une faute inexcusable de Madame [S] au titre de la maladie du 25 août 2015 ne pourra qu'être rejetée dès lors que l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 14 avril 2022 a expressément écarté l'origine professionnelle de cette maladie.

[1] Voir en ce sens : cour de cassation, 2ème chambre civile, 18 novembre 2010 - n°09-17.276.

* Sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur au titre de la maladie professionnelle du 21 août 2014

Il résulte de l'article L452-1 du code de la sécurité sociale que lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants-droits ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.

L'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation légale de sécurité de résultat, le manquement à cette obligation ayant le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé ses salariés et qu'il n'a pas pris les mesures de prévention ou de protection nécessaires pour l'en préserver.

La charge de la preuve de la faute inexcusable de l'employeur incombe à la victime.

L'article R4541-3 du code du travail dispose que " l'employeur prend les mesures d'organisation appropriées ou utilise les moyens appropriés, et notamment les équipements mécaniques, afin d'éviter le recours à la manutention manuelle de charges par les travailleurs ".

L'article R4541-4 du code du travail indique que, " lorsque la nécessité d'une manutention manuelle de charges ne peut être évitée, notamment en raison de la configuration des lieux où cette manutention est réalisée, l'employeur prend les mesures d'organisation appropriées ou met à la disposition des travailleurs les moyens adaptés, si nécessaire en combinant leurs effets, de façon à limiter l'effort physique et à réduire le risque encouru lors de cette opération ".
L'article R4541-5 du code du travail précise que " Lorsque la manutention manuelle ne peut pas être évitée, l'employeur :
1° Evalue les risques que font encourir les opérations de manutention pour la santé et la sécurité des travailleurs ;
2° Organise les postes de travail de façon à éviter ou à réduire les risques, notamment dorso-lombaires, en mettant en particulier à la disposition des travailleurs des aides mécaniques ou, à défaut de pouvoir les mettre en œuvre, les accessoires de préhension propres à rendre leur tâche plus sûre et moins pénible. "

Selon l'article R4121-2 du code du travail, " la mise à jour du document unique d'évaluation des risques est réalisée :
1° Au moins chaque année ;
2° Lors de toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, au sens de l'article L. 4612-8 ;
3° Lorsqu'une information supplémentaire intéressant l'évaluation d'un risque dans une unité de travail est recueillie ".

En espèce, il résulte du contrat de travail de Madame [S] que celle-ci a été embauchée par l'association hôpital [5] en qualité d'agent des services logistiques.

Le travail de Madame [S] consistait, selon sa fiche de poste, à " assurer le bionettoyage, l'entretien, le ravitaillement, l'approvisionnement et l'hygiène des salles d'opération, des arsenaux du bloc opératoire selon des protocoles établis dans l'établissement ".

Le tribunal doit statuer sur une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur relative à la maladie professionnelle du 21 août 2014 consistant en une épicondylite du coude droit.

Il sera observé à titre liminaire que le caractère professionnel de cette maladie n'est pas contesté par l'association hôpital [5].

En ce qui concerne la question de la conscience des risques, Madame [S] fait essentiellement valoir que l'association hôpital [5] n'a pas respecté les fiches d'aptitude établies par le médecin du travail et prévoyant des restrictions à son activité professionnelle, que le document unique d'évaluation des risques (DUERP), dont elle a sollicité la production, date de 2011 et n'a pas été remis à jour annuellement en violation de l'article R4121-2 du code du travail, qu'elle n'a pas participé à la formation organisée en 2013 dont se prévaut son employeur et enfin que la nature des tâches qui lui étaient confiées, impliquant le port de charges lourdes et des cadences élevées du fait de la réalisation de 60 interventions quotidiennes, parfois avec un personnel réduit à 3 agents sur une journée, ne pouvait être ignorée de son employeur.

L'association hôpital [5] réfute ces différents moyens, arguant de ce qu'un matériel adéquat de manutention a été mis à sa disposition (chariots, machines professionnelles de nettoyage), qu'une formation de prévention des troubles musculo-squelettiques a été assurée le 21 novembre 2013, que l'absence de mise à jour du DUERP après 2011 n'est pas démontrée, et que les éléments invoqués par Madame [S] sont postérieurs au 21 août 2014 et ne peuvent être pris en compte pour caractériser son éventuelle faute inexcusable. Elle évoque par ailleurs une insuffisance des éléments de preuve produits par la demanderesse et demande au tribunal de déclarer irrecevable sur le fondement de l'article 202 du code de procédure civile d'une attestation d'une collègue de Madame [S].

La CPAM des Hauts-de-Seine considère de même que la faute de l'employeur doit être antérieure à la première constatation médicale de la maladie, soit en l'espèce le 21 août 2014, et que Madame [S] ne rapporte pas la preuve d'une conscience du danger par son employeur et de l'absence de mise en œuvre de mesures pour l'en préserver.

Il convient de souligner en premier lieu que, la maladie professionnelle ayant été déclarée le 21 août 2014, seuls des faits antérieurs à cette date peuvent être retenus pour apprécier si l'employeur a commis une faute inexcusable.

L'association hôpital [5] verse aux débats un DUERP daté de 2011 et, s'il n'est pas établi qu'il ait fait l'objet d'une mise à jour annuelle comme le prévoit l'article R4121-2 du code de du travail, cette seule circonstance ne suffit pas à établir que l'association hôpital [5] avait ou aurait dû avoir conscience du risque encouru par sa salariée.

En effet, il n'est pas contesté que des mesures ont été prises par l'association hôpital [5] pour prévenir l'apparition des troubles musculo-squelettiques, à savoir :
- d'une part la mise à disposition de matériels adaptés (chariots pour transporter le matériel lourd, machines de nettoyage) ;
- d'autre part une formation de prévention des risques de ces troubles musculo-squelettiques.

Dans ces conditions, en l'absence d'avis de réserve du médecin du travail antérieur au 21 août 2014 et au regard des mesures mises en œuvre par l'association hôpital [5], il ne peut être considéré que celle-ci avait ou aurait dû avoir conscience du risque encouru par Madame [S].

Par suite, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le surplus des moyens soulevés par la demanderesse, il ne peut être retenu par le tribunal que la faute inexcusable de l'employeur dans la survenance de la maladie professionnelle du 21 août 2014 est établie.

Madame [S] sera donc déboutée de l'intégralité de ses demandes de ce chef.

* Sur les demandes accessoires

En application de l'article 696 du code de procédure civile, désormais applicable aux instances en cours en suite de l'abrogation des dispositions de l'article R144-10 du code de la sécurité sociale à la suite de l'entrée en vigueur du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018, il conviendra de condamner Madame [S] aux dépens de l'instance postérieurs au 1er janvier 2019 dès lors qu'elle succombe.

L'équité ne commande en revanche pas de faire droit à la demande formée par l'association hôpital [5] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'exécution provisoire sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et mis à disposition au greffe,

DÉBOUTE l'association association hôpital [5] de sa demande tendant à faire constater la péremption de l'instance ;

REJETTE les fins de non recevoir soulevées par l'association hôpital [5] et par la CPAM des Hauts-de-Seine et portant sur les demandes de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur au titre des maladies professionnelles des 21 août 2014 et 25 août 2015 ;

DÉBOUTE Madame [O]-[I] [S] de sa demande de reconnaissance d'une faute inexcusable au titre de la maladie du 25 août 2015 ;

DÉBOUTE Madame [O]-[I] [S] de sa demande de reconnaissance d'une faute inexcusable au titre de la maladie professionnelle du 21 août 2014 ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes les autres et plus amples demandes ;

ORDONNE l'exécution provisoire ;

CONDAMNE Madame [O]-[I] [S] aux dépens de l'instance postérieurs au 1er janvier 2019 ;

DIT que tout APPEL de la présente décision doit à peine de forclusion, être interjeté dans le mois de la réception de sa notification.

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 2 septembre 2024, et signé par le président et le greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nanterre
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 17/02690
Date de la décision : 02/09/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-09-02;17.02690 ?
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