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02/09/2024 | FRANCE | N°21/01625

France | France, Tribunal judiciaire de Nanterre, Ctx protection sociale, 02 septembre 2024, 21/01625


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE



PÔLE SOCIAL

Affaires de sécurité sociale et aide sociale

JUGEMENT RENDU LE
02 Septembre 2024


N° RG 21/01625 -
N° Portalis DB3R-W-B7F-W7CE

N° Minute : 24/01230


AFFAIRE

S.A.S. [4] ([4])

C/

URSSAF ILE-DE-FRANCE


Copies délivrées le :



DEMANDERESSE

S.A.S. [4] ([4])
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Jean DE CALBIAC de la SELAS ALVA AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : L0307, substitué à l’a

udience par Me Jeanne REYNOLD DE SERESIN, avocate au barreau de PARIS


DEFENDERESSE

URSSAF ILE-DE-FRANCE
Division des recours amiables et judiciaires
[Adresse 5]
[Localité 3]

r...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE

PÔLE SOCIAL

Affaires de sécurité sociale et aide sociale

JUGEMENT RENDU LE
02 Septembre 2024

N° RG 21/01625 -
N° Portalis DB3R-W-B7F-W7CE

N° Minute : 24/01230

AFFAIRE

S.A.S. [4] ([4])

C/

URSSAF ILE-DE-FRANCE

Copies délivrées le :

DEMANDERESSE

S.A.S. [4] ([4])
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Jean DE CALBIAC de la SELAS ALVA AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : L0307, substitué à l’audience par Me Jeanne REYNOLD DE SERESIN, avocate au barreau de PARIS

DEFENDERESSE

URSSAF ILE-DE-FRANCE
Division des recours amiables et judiciaires
[Adresse 5]
[Localité 3]

représentée par Mme [P] [R], munie d’un pouvoir régulier

***

L’affaire a été débattue le 04 Juin 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :

Matthieu DANGLA, Vice-Président
Gérard BEHAR, Assesseur, représentant les travailleurs salariés
Isabelle BASSINI, Assesseur, représentant les travailleurs non-salariés

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats et du prononcé : Arthur LUDOT.

JUGEMENT

Prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société [4] (ci-après : société [4]) a fait l'objet d'un contrôle par l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales d'Île-de-France (ci-après : URSSAF) de l'application des législations de sécurité sociale, de l'assurance chômage et de la garantie des salaire AGS, portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.

A l'issue de la phase de contrôle, l'inspecteur chargé du recouvrement a adressé à la société une lettre d'observations en date du 3 novembre 2015 notifiant divers crédits, pour un montant de 66.172 €, ainsi que d'autres points débiteurs.

Une mise en demeure a été notifiée par l'URSSAF le 22 février 2016, mentionnant :
- 131.905 € des cotisations dues au principal ;
- 8.061 € des majorations de retard ;
- 53.262 € au titre des montants à déduire.

La société [4] a contesté cette mise en demeure devant la commission de recours amiable le 22 mars 2016.

Dans le silence gardé par ladite commission, la société [4] a introduit un recours contentieux devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny le 22 juin 2016 (procédure RG n°16-01351/B).

Finalement, la commission de l'amiable a rejeté le recours de la société [4] le 12 décembre 2016.

La société [4] a contesté cette décision explicite devant la même juridiction le 17 mars 2017 (procédure RG n°17-00444/B).

Par jugement du 5 octobre 2017, joignant ces deux recours, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a notamment :
- dit prescrites les sommes réclamées au titre de l'année 2012 ;
- constaté la nullité de la mise en demeure du 22 février 2016 pour un montant de 84.704 € au titre des années 2012 à 2014 ;
- annulé la décision de la CRA de l'URSSAF d'île de France du 12 décembre 2016 ;
- annulé la mise en demeure du 22 février 2016.

A la suite de cette décision, la société [4] a sollicité par courrier du 1er décembre 2017 :
- le remboursement des sommes versées au titre du redressement, soit 48.115 € ;
- le remboursement des crédits constatés dans la lettre d'observations, soit 66.172 €.

Une nouvelle demande en ce sens a été faite par la société [4] à la date du 16 avril 2018.

Le 4 mai 2018, l'URSSAF a informé la société [4] du remboursement de la somme de 48.370 € correspondant aux sommes versées au titre du redressement annulé.

Par courrier électronique du 7 octobre 2019, la société [4] a réitéré sa demande de remboursement de la somme de 66.172 € correspondant aux crédits retenu dans le cadre du redressement.

L'URSSAF a répondu, par courrier du 30 mars 2021, qu'elle ne pouvait donner une suite favorable à cette demande au motif que le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny avait annulé la mise en demeure constituant la décision du redressement, ce qui entraînait par conséquent l'annulation du contrôle, et donc l'annulation des débits et crédits dégagés par l'inspecteur du recouvrement.

La société [4] a saisi le 28 mai 2021 la commission de recours amiable aux fins d'obtenir le paiement de ces crédits, puis le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre, par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 28 septembre 2021.

L'affaire a été appelée à l'audience du 4 juin 2024, à laquelle les parties ont comparu et ont été entendues en leurs observations.

La société [4] ([4]) demande au tribunal de :
- condamner l'URSSAF d'Île-de-France au remboursement de l'ensemble des crédits visés dans la lettre d'observations du 3 septembre 2015, pour un montant de 66.172 €, avec intérêts au taux légal depuis le 1er décembre 2017 ;
- condamner l'URSSAF d'Île-de-France au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement, ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour sa part, l'URSSAF d'Île-de-France, s'appuyant sur la décision de sa commission de recours amiable prise lors de sa séance du 13 décembre 2021, demande au tribunal de rejeter le recours de la société [4] en s'appuyant sur l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du 5 octobre 2017.

Il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

A l'issue des débats, le jugement a été mis en délibéré au 2 septembre 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée

L'article 122 du Code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l'article 480 du même code (et non 490, comme indiqué dans la décision de la commission de recours amiable du 13 décembre 2021), " le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.
Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4 ".

Selon l'article 1355 du Code civil, " l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ".

En l'espèce, l'URSSAF se prévaut de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du 5 octobre 2017, indiquant que la cause de la contestation a été annulée par cette décision, que la société [4] n'en a pas interjeté appel et qu'elle ne serait donc pas fondée à solliciter le remboursement des sommes mises en crédit au jour du contrôle.
Elle ajoute que la jurisprudence visée par la société ne serait pas applicable aux faits de l'espèce.

La société [4] considère pour sa part que, selon diverses décisions de jurisprudence, l'annulation d'une mise en demeure dans le cadre d'une figure de redressement ne fait pas disparaître une créance résultant de la mise à jour de crédit dans une lettre d'observations. Elle s'est notamment valoir qu'aucune demande de remboursement n'avait été formée dans le cadre de la précédente instance.

Il ressort du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du 5 octobre 2017, que cette société avait sollicité :
- à titre principal, l'annulation du redressement notifié par l'URSSAF, pour un montant de 131.905 €, en raison d'une violation du principe du contradictoire ;
- à titre subsidiaire, l'annulation du chef de redressement relatif à l'application du taux bureau, pour un montant de 62.074 € ;
- la constatation d'un crédit de cotisation supplémentaire, de 2.257 € au titre d'un trop versé de contribution versement transport ;
- et enfin la condamnation de l'URSSAF au paiement de la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens (cf. page 2 du jugement).

Il s'avère que la demande principale de la société [4] a été accueillie par le tribunal, la nullité de la mise en demeure du 22 février 2016 ayant en particulier été constatée.

Toutefois, aucune demande de paiement d'une somme correspondant aux crédits mentionnés dans la lettre d'observations du 3 novembre 2015 n'avait été formée par la société [4] dans le cadre de cette instance.

L'article 1355 du Code civil prévoit que l'autorité de la chose jugée ne peut être retenue qu'en cas d'identité de cause, d'objet et de parties.

Par conséquent, le présent tribunal n'étant saisi que d'une demande de remboursement des crédits résultants de la lettre d'observations du 3 novembre 2015, l'URSSAF ne pourrait utilement invoquer l'autorité de la chose jugée que dans l'hypothèse où la société [4] aurait déjà formé une telle demande de remboursement de ces crédits, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Par suite, en l'absence d'identité d'objet entre ces deux instances, la fin de non-recevoir soulevée par l'URSSAF, et reposant sur l'autorité de la chose jugée, ne pourra qu'être rejetée.

* Sur la demande de remboursement des crédits résultant de la lettre d'observations du 3 novembre 2015

La créance invoquée par la société [4], pour un montant de 66.172 €, résulte de la lettre d'observations du 3 novembre 2015 et a donc été mise à jour par le propre inspecteur du recouvrement de l'URSSAF.

Celle-ci ne fait valoir aucun élément pour contester sur le fond l'existence de cette créance, et ne soutient pas plus que l'annulation de la mise en demeure par le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du 5 octobre 2017 ferait juridiquement obstacle à l'admission de cette créance.

En tout état de cause, l'annulation de cette mise en demeure est sans effet sur le droit de la société [4] à solliciter le remboursement d'une créance qu'elle estime lui être due, et qui résulte d'une lettre d'observations qui n'a pas été annulée dans le cadre de la précédente instance.

La créance de la société [4] est par conséquent bien-fondée et la société demanderesse sera donc accueillie en sa demande de condamnation de la somme de 66.172 €.

Elle demande que cette somme produise intérêt au taux légal à compter du 1er décembre 2017. toutefois, le courrier du 1er décembre 2017 ne contenant pas sommation suffisante, les intérêts ne courront qu'à compter du 28 mai 2021, date de saisine de la commission de recours amiable de l'URSSAF.

* Sur les demandes accessoires

En application de l'article 696 du code de procédure civile, désormais applicable aux instances en cours en suite de l'abrogation des dispositions de l'article R144-10 du code de la sécurité sociale à la suite de l'entrée en vigueur du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018, il y aura lieu de condamner l'URSSAF aux entiers dépens.

Elle sera également condamnée au paiement de la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.

L'exécution provisoire du présent jugement, nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu publiquement et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par l'URSSAF d'Île-de-France, et reposant sur l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du 5 octobre 2017 ;

CONDAMNE l'URSSAF d'Île-de-France à payer à la société [4] la somme de 66.172 €, outre intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2021 ;

CONDAMNE l'URSSAF d'Île-de-France à payer à la société [4] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement ;

DÉBOUTE les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE l'URSSAF d'Île-de-France aux entiers dépens.

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 2 septembre 2024, et signé par le président et le greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nanterre
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/01625
Date de la décision : 02/09/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-09-02;21.01625 ?
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