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02/09/2024 | FRANCE | N°21/01715

France | France, Tribunal judiciaire de Nanterre, Ctx protection sociale, 02 septembre 2024, 21/01715


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE



PÔLE SOCIAL

Affaires de sécurité sociale et aide sociale

JUGEMENT RENDU LE
02 Septembre 2024


N° RG 21/01715 -
N° Portalis DB3R-W-B7F-XAEE

N° Minute : 24/01222


AFFAIRE

S.A.S. [5]

C/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’AISNE


Copies délivrées le :



DEMANDERESSE

S.A.S. [5]
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Me Gabriel RIGAL, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1406
substitué à l’audience par Me

Maria BEKMEZCIOGLU, avocate au barreau de PARIS


DEFENDERESSE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’AISNE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]

représentée par Mme [B] [P], munie d...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE

PÔLE SOCIAL

Affaires de sécurité sociale et aide sociale

JUGEMENT RENDU LE
02 Septembre 2024

N° RG 21/01715 -
N° Portalis DB3R-W-B7F-XAEE

N° Minute : 24/01222

AFFAIRE

S.A.S. [5]

C/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’AISNE

Copies délivrées le :

DEMANDERESSE

S.A.S. [5]
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Me Gabriel RIGAL, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1406
substitué à l’audience par Me Maria BEKMEZCIOGLU, avocate au barreau de PARIS

DEFENDERESSE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’AISNE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]

représentée par Mme [B] [P], munie d’un pouvoir régulier

***

L’affaire a été débattue le 04 Juin 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :

Matthieu DANGLA, Vice-Président
Gérard BEHAR, Assesseur, représentant les travailleurs salariés
Isabelle BASSINI, Assesseur, représentant les travailleurs non-salariés

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats et du prononcé : Arthur LUDOT.

JUGEMENT

Prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [E] [V], salarié de la SAS [5], exerçant en qualité d'opérareur machine depuis 2000, a déclaré une maladie professionnelle le 9 décembre 2019 au titre d'une " discopathie dégénérative avec hernie discale médiane L5/S1 ", sur la base d'un certificat médical initial daté du même jour faisant notamment état de " lombosciatalgies L5-S1 sur hernie discale ".

Après instruction et transmission du dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de la région des Hauts de France qui a rendu le 15 décembre 2020 un avis favorable quant à l'existence d'un lien entre la pathologie déclarée et le travail du salarié, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aisne a pris en charge cette pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels le 18 décembre 2020.

Par courrier en date du 17 février 2021, la SAS [5] a saisi la commission de recours amiable et la commission médicale de recours amiable aux fins de contester le bien-fondé de la décision de prise en charge de la caisse.

A la suite d'une décision implicite de rejet de ces commissions, la société a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 octobre 2021.

L'affaire a été appelée à l'audience du 4 juin 2024, à laquelle les parties représentées, ont été entendues en leurs observations.

La SAS [5] demande au tribunal de :
A titre principal :
- déclarer que la CPAM a violé le principe du contradictoire dans le cadre de la procédure devant le CRRMP en n'offrant pas la possibilité à l'employeur de formuler des observations ;
- déclarer que la CPAM ne rapporte pas la preuve ni que la condition tenant à la désignation exigée par le tableau 98 est respectée, ni qu'un avis du CRRMP établit le lien essentiel et direct entre le travail de Monsieur [V] et sa maladie ;
- déclarer en conséquence inopposable à son encontre la décision de la caisse de prendre en charge la maladie déclarée par Monsieur [V] au titre de la législation sur les risques professionnels.
En tout état de cause :
- condamner la CPAM aux entiers dépens.

En réplique, la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Aisne demande au tribunal de :
- juger que la CPAM de l'Aisne a parfaitement respecté le principe du contradictoire à l'égard de la SAS [5] dans le cadre de l'instruction du dossier de Monsieur [V] ;
- juger que la condition tenant à la désignation de la maladie est parfaitement remplie ;
- juger que l'avis du CRRMP de la région des Hauts de France est clair, précis et que par conséquent, il s'impose à la caisse conformément à l'article L461-1 du code de la sécurité sociale ;
- juger ce que de droit quant à la désignation d'un autre comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles pour avis.

Il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré au 2 septembre 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* Sur le moyen tiré du non-respect du principe du contradictoire

L'article L461-1 du code de la sécurité sociale dispose que, " si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.
Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.
Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L315-1 ".

En vertu de l'article R460-10 du code de la sécurité sociale, applicable à compter du 1er décembre 2019, " lorsque la caisse saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, elle dispose d'un nouveau délai de cent-vingt jours francs à compter de cette saisine pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie. Elle en informe la victime ou ses représentants ainsi que l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.
La caisse met le dossier mentionné à l'article R441-14, complété d'éléments définis par décret, à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu'à celle de l'employeur pendant quarante jours francs. Au cours des trente premiers jours, ceux-ci peuvent le consulter, le compléter par tout élément qu'ils jugent utile et faire connaître leurs observations, qui y sont annexées. La caisse et le service du contrôle médical disposent du même délai pour compléter ce dossier. Au cours des dix jours suivants, seules la consultation et la formulation d'observations restent ouvertes à la victime ou ses représentants et l'employeur.
La caisse informe la victime ou ses représentants et l'employeur des dates d'échéance de ces différentes phases lorsqu'elle saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.
A l'issue de cette procédure, le comité régional examine le dossier. Il rend son avis motivé à la caisse dans un délai de cent-dix jours francs à compter de sa saisine.
La caisse notifie immédiatement à la victime ou à ses représentants ainsi qu'à l'employeur la décision de reconnaissance ou de refus de reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie conforme à cet avis ".

Il convient de rappeler que ces règles ont pour but de garantir le caractère contradictoire de la procédure durant l'instruction du dossier par la caisse, afin notamment de permettre à l'employeur de faire valoir ses observations préalablement à la décision à intervenir de l'organisme de sécurité sociale.

Ces dispositions présentent un caractère impératif, dès lors qu'elles sont d'ordre public, de sorte que les manquements de la caisse à ce principe sont sanctionnés par l'inopposabilité de sa décision à l'employeur.

En l'espèce, la SAS [5] considère que la caisse a manqué à son obligation d'information telle qu'elle résulte de l'article R460-10 du code de la sécurité sociale alinéa 2, exposant que le courrier du 24 septembre 2020 l'a informée de ce qu'une transmission du dossier au CRRMP était envisagée, qu'elle pouvait consulter et compléter le dossier jusqu'au 26 octobre 2020 et formuler des observations jusqu'au 6 novembre 2020 (sans joindre de nouvelles pièces), mais que le dossier a été transmis prématurément au CRRMP, dès le 24 septembre 2020.

La CPAM réfute pour sa part toute irrégularité afférente à l'article R461-10 du code de la sécurité sociale, faisant valoir que les délais ont été respectés et que, ce texte prévoyant un examen par le CRRMP à l'issue de la période de 40 jours, et non une saisine, elle a respecté ses obligations.

Il ressort du courrier du 24 septembre 2020, adressé par la CPAM de l'Aisne à la SAS [5], que la maladie présentée par Monsieur [V] " ne remplit pas les conditions permettant de la prendre en charge directement. Pour cette raison, nous transmettons cette demande à un comité d'experts médicaux (CRRMP) chargé de rendre un avis sur le lien entre la maladie et son activité professionnelle.
Si vous souhaitez communiquer des éléments complémentaires à ce comité, vous pouvez consulter et compléter votre dossier directement en ligne sur le site https://questionnaires-risquepro.ameli.fr jusqu'au 26 octobre 2020. Vous pourrez toujours formuler des observations jusqu'au 6 novembre 2020 sans joindre de nouvelles pièces.
Nous vous adresserons notre décision après avis du CRRMP au plus tard le 25 janvier 2021 ".

Il n'est ni allégué, ni établi que le calendrier prévu par ce courrier ne respectait pas les délais prévus par l'article R461-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, à savoir une mise à disposition de l'employeur pendant 40 jours francs avec possibilité de le compléter pendant les 30 premiers jours.

Toutefois, l'avis du CRRMP du 15 décembre 2020 mentionne que le comité a reçu le dossier complet le 24 septembre 2020. La SAS [5] souligne donc à juste titre que cette transmission est intervenue avant l'expiration du délai qui lui était ouvert pour consulter les pièces du dossier, mais aussi pour en ajouter et pour faire des observations.

Si l'article R460-10 du code de la sécurité sociale ne définit pas expressément le moment où doit intervenir la transmission du dossier au CRRMP, il n'en demeure pas moins que cette transmission doit nécessairement être postérieure au délai de 40 jours visé à l'alinéa 2 de ce texte, puisqu'un envoi à une date antérieure expose à un risque de transmission incomplète du dossier, celui-ci ayant pu être complété par de nouvelles pièces par une partie (salarié ou employeur), ou encore par des observations [1].

[1]
Voir en ce sens : cour d'appel de Rennes, chambre de la sécurité sociale, 23 novembre 2022, n°20/03744, ayant implicitement retenu qu'une transmission du dossier au CRRMP avant l'expiration du délai de consultation rendait l'instruction irrégulière.

Dans le cas présent, la transmission du dossier au CRRMP intervenue le 24 septembre 2020 est antérieure à l'expiration du délai de 40 jours, à savoir le 6 novembre 2020.

Cette transmission prématurée du dossier caractérise une violation du principe du contradictoire, de sorte que la demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie développée par la SAS [5] sera accueillie.

* Sur les demandes accessoires

En application de l'article 696 du code de procédure civile, désormais applicable aux instances en cours en suite de l'abrogation des dispositions de l'article R144-10 du code de la sécurité sociale à la suite de l'entrée en vigueur du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018, il conviendra de condamner la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aisne aux dépens de l'instance, dès lors qu'elle succombe.

Il sera rappelé que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe.

DIT inopposable à la SAS [5] la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aisne du 18 décembre 2020 de prendre en charge l'affection déclarée par Monsieur [E] [V] selon certificat médical du 9 décembre 2019, au titre de la législation sur les risques professionnels ;

RAPPELLE que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire ;

REJETTE toutes les autres et plus amples demandes ;

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aisne aux dépens de l'instance.

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 2 septembre 2024, et signé par le président et le greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nanterre
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/01715
Date de la décision : 02/09/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-09-02;21.01715 ?
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