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02/09/2024 | FRANCE | N°21/01741

France | France, Tribunal judiciaire de Nanterre, Ctx protection sociale, 02 septembre 2024, 21/01741


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE



PÔLE SOCIAL

Affaires de sécurité sociale et aide sociale

JUGEMENT RENDU LE
02 Septembre 2024


N° RG 21/01741 -
N° Portalis DB3R-W-B7F-XAZE

N° Minute : 24/01226


AFFAIRE

Société [11]

C/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE D’ILLE ET VILAINE


Copies délivrées le :



DEMANDERESSE

Société [11]
[Adresse 9]
[Localité 5]

représentée par Me Morgane COURTOIS D’ARCOLLIERES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0503,


substituée à l’audience par Me Alix ABEHSERA, avocate au barreau de PARIS


DEFENDERESSE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE D’ILLE ET VILAINE
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 4]

r...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE NANTERRE

PÔLE SOCIAL

Affaires de sécurité sociale et aide sociale

JUGEMENT RENDU LE
02 Septembre 2024

N° RG 21/01741 -
N° Portalis DB3R-W-B7F-XAZE

N° Minute : 24/01226

AFFAIRE

Société [11]

C/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE D’ILLE ET VILAINE

Copies délivrées le :

DEMANDERESSE

Société [11]
[Adresse 9]
[Localité 5]

représentée par Me Morgane COURTOIS D’ARCOLLIERES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0503,
substituée à l’audience par Me Alix ABEHSERA, avocate au barreau de PARIS

DEFENDERESSE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE D’ILLE ET VILAINE
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 4]

représentée par Mme [E] [K], munie d’un pouvoir régulier

***

L’affaire a été débattue le 04 Juin 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :

Matthieu DANGLA, Vice-Président
Gérard BEHAR, Assesseur, représentant les travailleurs salariés
Isabelle BASSINI, Assesseur, représentant les travailleurs non-salariés

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats et du prononcé : Arthur LUDOT.

JUGEMENT

Prononcé avant dire droit, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon la déclaration du 1er octobre 2019, Monsieur [Y] [D], salarié intérimaire de la SAS [11] mis à la disposition de la société [6] en qualité de coffreur, a subi un accident du travail le 30 septembre 2019 dans les circonstances suivantes : " en coffrant des éléments béton. Selon les dires de l'entreprise utilisatrice : la victime déclare qu'alors qu'elle élevait l'étai de stabilisation d'une banche, elle a ressenti une vive douleur dans le bras gauche ".

Monsieur [D] a joint un certificat médical initial du 30 septembre 2019 constatant un lumbago.

Le 17 octobre 2019, la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine a pris en charge d'emblée cet accident au titre de la législation professionnelle.

Monsieur [D] a produit un certificat médical du 15 mai 2020 faisant état d'une nouvelle lésion consistant en un syndrome de maigne identifié. Par décision du 30 juin 2020 faisant suite à un avis favorable du médecin-conseil de la CPAM du 24 juin 2020, la caisse a retenu que cette lésion nouvelle était imputable à l'accident.

L'état de santé de Monsieur [D] a été déclaré consolidé avec séquelles indemnisables à la date du 15 avril 2021.

Contestant la prise en charge des soins et arrêts de travail consécutifs à cet accident, la SAS [11] a saisi la commission médicale de recours amiable de la CPAM d'Ille-et-Vilaine le 11 mai 2021.

Lors de sa séance du 17 août 2021, la commission médicale de recours amiable a rejeté cette demande et confirmé l'imputabilité de l'ensemble des arrêts de travail et des soins prescrits à Monsieur [D] à l'accident du travail du 30 septembre 2019.

Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception le 21 octobre 2021, la SAS [11] a alors saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre.

L'affaire a été appelée à l'audience du 4 juin 2024, à laquelle les parties, représentées, ont été entendues en leurs observations.

La SAS [11] demande au tribunal, avant dire droit, d'ordonner une expertise médicale judiciaire, en précisant que, dans l'hypothèse où la victime ne répondrait pas aux convocations de l'expert, ce dernier pourrait procéder par le biais d'une expertise médicale sur pièces, avec injonction à la CPAM de communiquer à l'expert et à son médecin-conseil, le docteur [W], l'ensemble des pièces médicales sur la prise en charge de l'intégralité des arrêts de travail et tous les documents que l'expert estimera nécessaire à l'accomplissement de sa mission.

En réplique, la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine demande au tribunal de :
à titre principal,
- débouter la SAS [11] de sa demande d'expertise médicale ;
à titre subsidiaire,
- dans l'hypothèse où le tribunal ne s'estimerait pas suffisamment éclairé pour trancher le présent litige, ordonner avant-dire droit mesure d'expertise médicale sur pièces dont elle précise la mission ;
en tout état de cause,
- débouter la SAS [11] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la SAS [11] aux entiers dépens.

Il est fait référence aux écritures déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré au 2 septembre 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* Sur l'imputabilité des soins et arrêts de travail

Des dispositions des articles L411-1, L433-1 et L443-1 du code de la sécurité sociale et 1315 du code civil, il résulte que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant la guérison complète ou la consolidation de l'état de la victime.

Il incombe ainsi à l'employeur, qui ne remet pas en cause les conditions de prise en charge de l'accident du travail, de faire la preuve que les arrêts de travail et les soins prescrits en conséquence de celui-ci résultent d'une cause totalement étrangère au travail. Cette cause étrangère est caractérisée par la démonstration que les arrêts et soins sont la conséquence d'un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte et sans lien aucun avec le travail.

Dès lors, la disproportion entre la longueur des soins et arrêts, et la lésion initialement décrite ou l'arrêt initialement prescrit, ne peut suffire à combattre la présomption d'imputabilité.

En l'espèce, la SAS [11] soutient qu'il existe un doute sérieux sur le lien de causalité direct et certain entre le sinistre déclaré et l'ensemble des arrêts de travail, en raison d'un important état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte et consistant en des discopathies dégénératives T3-T4 et L5-S1, s'appuyant à cet égard sur la note de son médecin-conseil, le docteur [W].

La CPAM d'Ille-et-Vilaine fait valoir qu'elle produit l'attestation de paiement d'indemnités journalières de manière ininterrompue entre le 30 septembre 2019 et le 15 avril 2021, date de consolidation de son état de santé de l'assuré, et que le service du contrôle médical a confirmé à deux reprises la justification des soins et arrêts de travail prescrits. Elle estime ainsi établir l'existence d'une continuité des symptômes et des soins, de sorte que la présomption d'imputabilité doit jouer. En ce qui concerne l'état antérieur évoqué par le médecin conseil de la société, elle considère qu'un accident du travail ou une maladie professionnelle peut révéler un état pathologique antérieur et l'aggraver, justifiant une indemnisation totale du traumatisme, et que la société ne démontre pas que les lésions sont exclusivement liées à l'existence de cet état pathologique antérieur.

Dans le cas présent, la décision du 4 mai 2021 attribuant un taux d'incapacité permanente partielle de 4 % à Monsieur [D] à la date du 16 avril 2021 précise que ce taux est justifié par la " persistance de douleurs lombaires chroniques sur un état antérieur ancien connu ".

Le docteur [W], médecin-conseil de la SAS [11], a indiqué dans sa note du 12 juillet 2021 :

" Du fait de l'accident du travail dont il fut victime le 30 septembre 2019, Monsieur [D], 30 ans, a présenté un lumbago d'efforts sur un état antérieur vertébral dégénératif avec discopathie T3-T4 et L5-S1 ancienne et connue.
L'accident du 30 septembre 2019 a été à l'origine d'une activation traumatique de l'état antérieur et possiblement d'un antélisthésis de L5 sur S1 qui a nécessité le port d'un corset thermo-moulé pendant un mois.
Compte tenu :
- des différents éléments d'appréciation relatifs à l'état antérieur communiqués ;
- de la modicité des séquelles fonctionnelles relevées à la date de la consolidation médico-légale (IPP évaluée à 4 %) ;
- de la modicité du traitement suivi au-delà de la date de la consolidation médico-légale ;
- et de la reprise d'une activité professionnelle d'auto-entrepreneur par la victime ;
rien ne justifie que la date de la consolidation médico-légale des lésions accidentelles du 30 septembre 2019 soit fixée au-delà du 30 décembre 2019, soit trois mois après l'accident (…) ".

S'il est exact que l'existence d'un état antérieur ne suffit pas à à lui seul à rapporter la preuve que les lésions ont une origine totalement étrangère au travail, cet état antérieur, tel qu'analysé par le médecin-conseil de la SAS [11], constitue un commencement de preuve de nature à mettre en doute l'imputabilité de l'intégralité des soins et arrêts de travail à l'accident et, le tribunal n'étant pas suffisamment éclairé, il y aura lieu d'ordonner une consultation médicale, ainsi qu'il sera précisé au dispositif de la présente décision.

Il sera sursis à statuer sur les autres demandes des parties dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert.

Les dépens seront également réservés dans cette attente.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, et mis à disposition au greffe,

Avant dire droit, ordonne une consultation et commet pour y procéder le :

Dr [F] [I]
[Adresse 2] – [Localité 3]
[Courriel 8]
Tél : [XXXXXXXX01]

qui pourra se faire assister de tout spécialiste de son choix, avec pour mission, de :
- consulter les pièces du dossier qui lui seront transmises par les parties et leur médecin conseil ;
- procéder à l'examen sur pièces du dossier de Monsieur [Y] [D] ;
- déterminer les lésions provoquées par l'accident du travail du 30 septembre 2019 de Monsieur [Y] [D] ;
- fixer la durée des arrêts de travail et des soins en relation directe avec ces lésions ;
- dire si l'accident a seulement révélé ou s'il a temporairement aggravé un état pathologique antérieur ou survenu postérieurement et totalement étranger aux lésions initiales et dans ce dernier cas, dire à partir de quelle date cet état est revenu au statu quo ante ou a recommencé à évoluer pour son propre compte ;
- dire, en tout état de cause, à partir de quelle date la prise en charge des lésions, prestations soins et arrêts au titre de la législation professionnelle n'est plus médicalement justifiée au regard de l'évolution du seul état consécutif à l'accident déclaré ;
- préciser à partir de quelle date cet état pathologique évoluant pour son propre compte est devenu la cause exclusive des arrêts et soins.

Ordonne au service médical de la caisse d'adresser exclusivement par courriel dans un délai maximum de 15 jours à compter de la notification de la présente, à l'expert et au médecin conseil de la SAS [11] ([Courriel 10]) l'ensemble des éléments médicaux concernant Monsieur [Y] [D] (certificat médical initial, certificats de prolongation, certificat de nouvelle lésion éventuelle, décision de consolidation et de séquelles, rapport d'évaluation, avis rendus...) ;

Ordonne également au médecin conseil de la société d'adresser par la même voie à l'expert et au service médical de la caisse en précisant " à destination du service médical ") et dans les mêmes délais toute pièce ou avis qui lui semblerait utile ;

Dit que le consultant devra adresser un rapport écrit au greffe du présent tribunal dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle il aura été avisé de sa mission ;

Dit qu'il en adressera directement copie aux parties et au médecin conseil de la société ;

Rappelle que la rémunération du médecin consultant est réglementée par l'arrêté du 29 décembre 2020 et prise en charge par la CNAM à hauteur de 80,50 € ;

Ordonne un sursis à statuer ;

Dit que le dossier sera rappelé à l'audience dès le dépôt des conclusions d'une des parties après rapport de l'expert désigné, sauf aux parties à accepter une procédure sans audience ou à la société requérante à se désister de son action.

Réserve les dépens.

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 2 septembre 2024, et signé par le président et le greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Nanterre
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/01741
Date de la décision : 02/09/2024
Sens de l'arrêt : Autre décision avant dire droit

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-09-02;21.01741 ?
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