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12/05/2023 | FRANCE | N°20/08191

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Ct0196, 12 mai 2023, 20/08191


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
2ème section

No RG 20/08191
No Portalis 352J-W-B7E-CSVCB

No MINUTE :

Assignation du :
04 Septembre 2020

JUGEMENT
rendu le 12 Mai 2023
DEMANDERESSE

S.A.R.L. [M] CLOTHING LLC
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4] (ÉTATS UNIS D'AMERIQUE)

représentée par Maître Céline BEY de l'AARPI GOWLING WLG (France) AARPI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0127

DÉFENDEUR

Monsieur [X] [M]
[Adresse 1]
[Localité 2]

représenté par Maître Alain BERTH

ET de la SELAFA PROMARK, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0162

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
2ème section

No RG 20/08191
No Portalis 352J-W-B7E-CSVCB

No MINUTE :

Assignation du :
04 Septembre 2020

JUGEMENT
rendu le 12 Mai 2023
DEMANDERESSE

S.A.R.L. [M] CLOTHING LLC
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4] (ÉTATS UNIS D'AMERIQUE)

représentée par Maître Céline BEY de l'AARPI GOWLING WLG (France) AARPI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0127

DÉFENDEUR

Monsieur [X] [M]
[Adresse 1]
[Localité 2]

représenté par Maître Alain BERTHET de la SELAFA PROMARK, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0162

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Madame Irène BENAC, Vice-Présidente
Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge

assisté de Quentin CURABET, Greffier

DEBATS

A l'audience du 15 Février 2023 présidée par Nathalie SABOTIER
tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe, en dernier lieu, le 12 Mai 2023.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

1. M. [X] [M] est titulaire de sept marques françaises, européennes et internationale désignant la France. Il a en effet déposé :
? en 1984 : deux marques semi-figuratives en France pour des produits et services divers dans 11 classes,
? en 2005 : une marque verbale de l'Union européenne "[X] [M]" (no 004373122), aujourd'hui frappée de déchéance ;
? en 2007 : une marque semi-figurative en France pour des produits et services divers dans 10 classes, la même marque pour l'Union européenne (no 005620968) et pour d'autres pays pour des produits et services divers dans 3 classes,
? en 2015 : une marque verbale "[M]" (no 4226920) pour des produits et services divers dans 5 classes,
? en 2020 : une marque verbale "[X] [M]" pour des produits et services divers dans 2 classes.
Le 27 juin 2013, il a donné une licence exclusive d'exploitation des marques de l'Union européenne no 004373122 et no 005620968 à la société LCS International BV (Le coq sportif) pour les chaussures, textiles et bagages.

2. La société de droit américain [M] Clothing, enregistrée le 6 avril 2015, commercialise des vêtements et accessoires pour hommes dans ses boutiques, sur son site internet www.[05].com et via des revendeurs en ligne.
Elle est titulaire de deux marques américaines semi-figuratives déposées respectivement le 26 février 2015 (par M. [C] qui la lui a ultérieurement cédée) pour les sacs de sport, des vêtements et la vente au détail de tels produits et le 11 avril 2019 pour les lunettes de soleil.
Le 13 septembre 2017, elle a déposé une marque verbale de l'Union européenne "[M]" no 17202094 en classes 18 (sacs), 25 (vêtements) et 35 (vente au détail de tels produits), refusée à l'enregistrement suite à opposition de M. [M].
Elle a fait appel de la décision et la chambre de recours de l'EUIPO est saisie.

3. Par acte du 4 septembre 2020, la société [M] Clothing a fait assigner M. [M] devant le tribunal judiciaire de Paris en nullité de la marque verbale [M] no 4226920 pour dépôt frauduleux et réparation de son préjudice consécutif à l'empêchement d'exploiter sa marque sur le territoire français.

4. Par ordonnance du 19 octobre 2020, le juge des référés a débouté M. [M] de ses demandes tendant à voir interdire à la société [M] Clothing, notamment, de faire usage du signe [M] pour désigner les vêtements et accessoires qu'elle commercialise.

5. Saisie par la société [M] Clothing, la division d'annulation de l'EUIPO a prononcé la déchéance à compter du 7 juin 2019 de :
- la marque verbale "[X] [M]" no 004373122 pour défaut d'usage sérieux ; il n'a pas été fait appel de cette décision ;
- la marque semi-figurative no 005620968 sauf pour les "chemises de sport décontractées" de la classe 25; la chambre de recours de l'EUIPO a confirmé la décision sauf pour les "chemises polos ; chandails" de la classe 25 et un appel a été formé devant le tribunal de l'Union européenne en septembre 2022.

6. Par ordonnance du 26 mars 2021, le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par M. [M].
Par une ordonnance du 21 janvier 2022, il a déclaré irrecevable la demande reconventionnelle en contrefaçon de sa marque de l'Union européenne semi-figurative no 005620968 de M. [M].

7. Dans ses dernières conclusions signifiées le 17 octobre 2022, la société [M] Clothing demande au tribunal de : A titre principal,
- annuler la marque verbale française no4226920 appartenant à M. [M] pour l'intégralité des produits et services qu'elle désigne, comme déposée frauduleusement ;
- ordonner la transmission de la décision une fois devenue définitive pour inscription par l'INPI au Registre national des marques ;
- débouter M. [M] de sa demande reconventionnelle en contrefaçon ;
- condamner M. [M] à lui payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial et d'image subi du fait de son détournement du droit des marques et de l'abus de son droit d'ester en justice ;
Subsidiairement,
- prononcer la déchéance pour défaut d'usage de la marque française no 4226920 pour l'intégralité des produits et services visés dans l'acte d'enregistrement à compter du 1er avril 2021 ;
- ordonner la transmission de la décision une fois devenue définitive pour inscription par l'INPI au Registre national des marques ;
- débouter M. [M] de sa demande reconventionnelle en contrefaçon ;
Très subsidiairement,
- débouter M. [M] de sa demande reconventionnelle en contrefaçon en l'absence de risque de confusion entre les signes qu'elle utilise et la marque no4226920 ;
A titre infiniment subsidiaire,
- rejeter les demandes d'indemnisation, de droit à l'information et d'interdiction formées par M. [M] comme disproportionnées et abusives ;
En tout état de cause,
- débouter M. [M] de toutes ses demandes,
- le condamner aux dépens dont distraction au profit du cabinet Gowling WLG avocats et à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

8. Dans ses dernières conclusions signifiées le 18 octobre 2022, M. [M] demande au tribunal de :
À titre principal :
- débouter la société [M] Clothing de toutes ses demandes ;
À titre reconventionnel:
- condamner la société [M] Clothing à lui payer la somme de 15.000 euros au titre du préjudice moral et une provision de 40.000 euros à valoir sur son préjudice financier subis du fait des actes de contrefaçon de sa marque no 4226920 ;
- ordonner à la société [M] Clothing d'avoir à produire sous astreinte tous les documents et informations nécessaires à l'évaluation du préjudice subi ;
- renvoyer l'affaire à la mise en état pour contrôler la communication d'information et la reddition de comptes et statuer sur le préjudice après conclusions sur ce point ;
- condamner la société [M] Clothing aux dépens dont distraction au profit de Me [Z] et à lui payer la somme de 15. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

9. L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 octobre 2022.

MOTIVATION

I . Sur la validité de la marque verbale française [M] no4226920

1 . Sur le dépôt frauduleux

10. La société [M] Clothing soutient que les circonstances dans lesquelles la marque no4226920 a été déposée le 18 novembre 2015 (peu après le dépôt de sa marque américaine du 26 février et publiée le 1er septembre 2015, alors qu'il était déjà titulaire de six marques antérieures portant son prénom ou l'initiale de celui-ci et son nom et pour les mêmes produits et services, premier dépôt portant sur son nom seul et marque jamais été exploitée) ainsi que les actions menées sur son fondement constituent un détournement de la fonction du droit des marques pour l'empêcher d'étendre ses activités au territoire français.
Dès lors, elle doit être annulée sur la base :
- du principe selon lequel la fraude corrompt tout,
- de la décision du 11 juin 2009 de la CJCE (C-529/07 Lindt) qui pose que l'enregistrement d'une marque "sans intention de l'utiliser, uniquement en vue d'empêcher l'entrée d'un tiers sur le marché" caractérise la mauvaise foi du demandeur,
- de la jurisprudence française et européenne selon laquelle la mauvaise foi est caractérisée par le détournement du droit des marques, notamment par un dépôt destiné à éviter une sanction de déchéance.

11. M. [M] fait valoir que les conditions d'un dépôt frauduleux ne sont aucunement remplies. Il conteste avoir eu connaissance des marques américaines de la société [M] Clothing - qui ne sont pas connues en France et n'ont commencé à être exploitées qu'en octobre 2015 - et avoir eu l'intention d'empêcher son commerce ou effectué le dépôt de sa marque pour pallier un risque de déchéance - le dépôt ayant été effectué afin de mieux protéger ses droits.

Sur ce,

12. L'article 4, paragraphe 2, de la directive no 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques, transposé en droit français par les articles L.711-2 et L.714-3 du code de la propriété intellectuelle, dispose que "Une marque est susceptible d'être déclarée nulle si sa demande d'enregistrement a été faite de mauvaise foi par le demandeur" et l'article L. 714-3 du même code prévoit que "L'enregistrement d'une marque est déclaré nul par décision de justice ou par décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, en application de l'article L. 411-4, si la marque ne répond pas aux conditions énoncées aux articles L. 711-2, L. 711-3, L. 715-4 et L. 715-9".

13. Saisie de questions préjudicielles en interprétation de la notion de mauvaise foi, qui constituait un cas susceptible d'entraîner la nullité dans la directive antérieure no 2008/95, la CJUE (27 juin 2013, MalaysiaDiary Industries, C-320/12) a dit pour droit que :
- il s'agit d'une notion autonome du droit de l'Union qui doit être interprétée de manière uniforme en son sein,
- pour établir l'existence de la mauvaise foi du demandeur au sens de cette disposition, il convient de prendre en considération tous les facteurs pertinents propres au cas d'espèce et existant au moment du dépôt de la demande d'enregistrement.

14. A nouveau saisie de questions préjudicielles en interprétation de la notion de mauvaise foi, au sens de la première directive 89/104, la CJUE (29 janvier 2020, C-371/18, Sky plc ea) a dit pour droit que "doivent être interprétés en ce sens qu'une demande de marque sans aucune intention de l'utiliser pour les produits et les services visés par l'enregistrement constitue un acte de mauvaise foi, au sens de ces dispositions, si le demandeur de cette marque avait l'intention soit de porter atteinte aux intérêts de tiers d'une manière non conforme aux usages honnêtes, soit d'obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d'une marque. Lorsque l'absence d'intention d'utiliser la marque conformément aux fonctions essentielles d'une marque ne concerne que certains produits ou services visés par la demande de marque, cette demande ne constitue un acte de mauvaise foi que pour autant qu'elle vise ces produits ou services".

15. Critère de nullité absolue, la mauvaise foi du déposant doit être démontrée par celui qui l'allègue mais la présomption de bonne foi attachée au dépôt peut être renversée, auquel cas il revient au titulaire de la marque attaquée de fournir des explications plausibles et de justifier d'intentions légitimes.

16. Dans le cas présent, la demanderesse ne conteste pas que la commercialisation sous sa marque n'a débuté que le 15 octobre 2015 et ne démontre pas que cette toute jeune marque avait reçu, en deux mois et demi, une utilisation telle que M. [M] peut être présumé l'avoir connue, quand bien même il aurait vécu à New-York à cette époque, ni qu'il aurait pu anticiper les velléités de développement de la société [M] Clothing dans l'Union européenne et chercher à l'entraver.

17. Ainsi qu'il a été rappelé supra, à la date du dépôt de la marque verbale no4226920, M. [M] était déjà titulaire de six marques antérieures portant sur quatre signes :
1984 1984 2005 UE no 004373122

[X] [M] 2007 UE no 005620968

classes 3, 14, 16, 18, 22, 24, 25, 28, 32, 37, 41
classes 3, 14, 16, 18, 22, 24, 25, 28, 32, 37, 41
classes 9, 18, 25, 28, 41

classes 18, 25 et 28 pour les marques internationale et de l'Union européenne et classes 3, 14, 16, 18, 24, 25, 28, 38, 41 pour la marque française
Il s'agissait donc d'une marque différente des précédentes, déposée pour certains autres produits et services (des classes 9, 18, 25, 28, 41).

18. Ces dépôts successifs et la coïncidence avec le dépôt de la marque américaine de la demanderesses ne permettent pas de remettre en cause la présomption de bonne foi de M. [M] lors du dépôt le 18 novembre 2015.

19. En toute hypothèse, son explication, selon laquelle un signe verbal offrait une défense plus complète et était mieux adapté à l'évolution de son usage que les signes semi-figuratifs et la marque [X] [M] antérieurs, alors que sa nomination en tant que capitaine de l'équipe française en coupe Davis était susceptible de le relancer médiatiquement, est plausible.
Une telle stratégie n'est pas contraire aux usages honnêtes ni destinée à des fins autres que celles relevant des fonctions d'une marque.

20. Enfin, il n'existe aucun élément de preuve à l'appui de l'allégation selon laquelle, à la date du dépôt, le défendeur n'avait pas l'intention d'exploiter la marque.
Au contraire, il justifie avoir donné, en 2013, une licence exclusive d'exploitation de la marque pour les chaussures, textiles et bagages à la société LCS International BV (Le coq sportif), dont les attestations du 3 octobre 2019 et du 6 mai 2022 attestent d'un "chiffre d'affaire, marques [X] [M]", faisant apparaître la vente de 3.348 vêtements et 3.430 chaussures sur tous territoires entre 2015 et 2019 ainsi que de ventes en France de polos, sweaters, vestes, pantalons et chaussures de 2017 à 2022, ce qui démontre une exploitation continue avant et après le dépôt de la marque querellée.

21. En conséquence, la demande en nullité de la marque no 4226920 sur le fondement du dépôt frauduleux est rejetée, ainsi que la demande à titre de dommages et intérêts formée à ce titre par la société [M] Clothing.

2 . Sur la déchéance pour défaut d'usage sérieux

22. La société [M] Clothing soutient que la marque verbale [M] n'a fait l'objet d'aucune exploitation et que sa déchéance doit, dès lors, être prononcée pour la totalité des produits et services qu'elle désigne.
Elle soutient en particulier que l'usage du signe semi-figuratif no 005620968 et de la signature manuscrite de M. [M] ne constituent pas des usages de cette marque sous une forme non modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif, comme l'ont jugé la division d'annulation et la chambre des recours de l'EUIPO, car l'absence de l'élément figuratif co-dominant de la marque semi-figurative et la forte stylisation du nom dans la signature altèrent le caractère distinctif de la marque.
Elle ajoute que les usages démontrés sont purement symboliques.

23. M. [M] demande au tribunal de rejeter la demande de déchéance qu'en ce qu'elle porte sur les produits suivants : "vêtements, vêtements de sport, maillots, chemisettes, habits, tee-shirts, chaussures, chaussures de sport" en classe 25.
Il fait valoir que :
- les usages de la marque semi-figurative no 005620968 et de sa signature valent usage de la marque verbale no 4226920,
- ces usages n'altèrent pas le caractère distinctif de cette dernière dès lors que l'élément dominant de sa signature reste le nom, malgré l'ajout du Y et la typographie différente, de même dans la marque semi-figurative, malgré l'ajout de l'élément figuratif purement décoratif,
- son exploitation est réalisée par le biais de la licence accordée à la société LCS International BV qui a édité des collection capsule, c'est-dire pour de faibles quantités disponibles durant un temps limité, en 2016, 2018 et le fera en 2023 à l'occasion du 40ème anniversaire de sa victoire au tournoi de Roland Garros et que des produits ont été commercialisés de 2016 à 2019.

Sur ce,

24. L'article 18 du règlement 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne (figurant auparavant, dans des termes équivalents, à l'article 15 du règlement no 40/94 du 20 décembre 1993et également dans les directives rapprochant les législations des États membres sur les marques) prévoit : "1. Si, dans un délai de cinq ans à compter de l'enregistrement, la marque de l'Union européenne pas fait l'objet par le titulaire d'un usage sérieux dans l'Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque communautaire est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage.
Constituent également un usage au sens du premier alinéa :
a) l'emploi de la marque de l'Union européenne sous une forme qui diffère par des éléments n'altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle ci a été enregistrée que la marque soit ou non enregistrée sous la forme utilisée au nom du titulaire".

25. L'article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle dispose : "Encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l'enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d'Etat.
Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa : (...)
3o L'usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ; (...)" et l'article L. 716-3-1 : "La preuve de l'exploitation incombe au titulaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens".

26. Saisie de questions préjudicielles en interprétation de la notion d'usage sérieux, la CJUE (11 mars 2003, Ansul, C-40/01) a dit pour droit que :
"une marque fait l'objet d'un usage sérieux lorsqu'elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l'exclusion d'usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. L'appréciation du caractère sérieux de l'usage de la marque doit reposer sur l'ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l'exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l'étendue et la fréquence de l'usage de la marque",
précisant que "il n'est pas nécessaire que l'usage de la marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux, car une telle qualification dépend des caractéristiques du produit ou du service concerné sur le marché correspondant".

27. Elle a également précisé que "Quant à la finalité de l'article 10, paragraphe 2, sous a), de la directive 89/104, il y a lieu de relever que cette disposition, en évitant d'exiger une conformité stricte entre la forme utilisée dans le commerce et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, vise à permettre au titulaire de cette dernière d'apporter au signe, à l'occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l'adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés"(CJUE, 25 octobre 2012, C-553/11, Rintisch) et dit pour droit que"la condition d'usage sérieux d'une marque, au sens de l'article 15, paragraphe 1, du règlement no 40/94 peut être remplie lorsqu'une marque enregistrée, qui a acquis son caractère distinctif par suite de l'usage d'une autre marque complexe dont elle constitue un des éléments, n'est utilisée que par l'intermédiaire de cette autre marque complexe, ou lorsqu'elle n'est utilisée que conjointement avec une autre marque, la combinaison de ces deux marques étant, de surcroît, elle-même enregistrée comme marque"(18 avril 2013, C-12/12, Colloseum holding, point 36).

28. La marque ayant été enregistrée le 1er avril 2016, le titulaire de la marque française no 4226920 doit prouver que, à l'issue de la période de grâce soit depuis le 1er avril 2021, il en a fait un usage sérieux au cours des 5 années précédent la demande en déchéance pour les produits et services visés l'enregistrement.

29. La marque française [M] no4226920 a été déposée pour de nombreux produits et services en classes 9, 18, 28 et 41, ainsi que pour tous les produits de la classe 25.

30. En l'absence de preuve d'usage, la déchéance de la marque sera prononcée pour tous les produits et services visés à l'enregistrement dans les classes 9, 18, 28 et 41, ainsi que pour les produits suivants en classe 25 : vêtements de gymnastique, vêtements en cuir, vêtements en imitation du cuir, vêtements en fourrure, ceintures (habillement), gants (habillement), écharpes, maillots de bain, costumes de plage, combinaisons (vêtements de sport), caleçons de bain, peignoirs, saris, bandanas, boas, étoles, foulards, bandeaux pour la tête (habillement), bonneterie, bas, bavoirs non en papier, bretelles, cache-col, camisoles, capuchons, châles, chandails, chasubles, supports de chaussettes, chemises, collets, cols, combinaisons, pantalons, costumes, tabliers, couvre-oreilles, cravates, empeignes, empiècements de chemises, gabardines, gaines, mitaines, gilets, pull-overs, tricots, imperméables, manteaux, parkas, pèlerines, pelisses, vareuses, vestes, jambières, jupes, costumes de mascarade, sous-vêtements, lingerie de corps, slip, body, soutien-gorge, culottes, corselets, vêtements de nuit, pyjamas, robes de chambre, chapellerie, bonnets, casquettes, bonnets de bain, calottes, bérets, coiffes, chaussettes, chaussons, bottes, bottines, brodequins, chaussures de football, chaussures de plage, crampons de chaussures de sport, espadrilles, galoches, pantoufles, sandales, chaussures de ski, souliers.

31. S'agissant des autres produits (vêtements, vêtements de sport, maillots, chemisettes, habits, tee-shirts, chaussures, chaussures de sport), il est constant que l'exploitation a été réalisée dans le seul cadre de la licence exclusive confiée à la société LCS International BV pour les deux marques précitées no 004373122 (aujourd'hui déchue) et no 005620968.

32. Les pièces no 10 à 14 montrent que les articles "[M]" distribués par la licenciée portent soit une étiquette portant soit le signe suivant, soit la mentionstylisée suivante.

33. Le signe comporte deux éléments co-dominants : l'élément verbal "[X] [M]" et le logo qui en occupe la majeure partie. Il n'en demeure pas moins que l'élément distinctif de la marque est son élément verbal, associé à une personnalité célèbre en tant que champion de tennis et chanteur, figurant en lettres capitales très lisibles sous l'élément figuratif à caractère d'initiale.
Dès lors, il y a lieu de retenir que les usages de ce signe valent usage de la marque verbale no 4226920 [M] sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif.

34. La mention stylisée est, semble-t-il, la transcription de "y noah" en écriture cursive. Pour autant, si les minuscules centrales sont à peu près clairement n, o et a, les lettres d'attaque et de clôture sont, pour la première, plus proche de g ou S que de y et, pour la dernière, d'un l ou un f que d'un h, de sorte qu'on lit plutôt "gnoal" ou Snoaf" que "y noah".
Elle altère donc considérablement l'effet distinctif de la marque verbale no 4226920 et ne saurait donc en constituer un usage sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif.

35. S'agissant des preuves d'usage, M. [M] produit une attestation du 3 octobre 2019 (sa pièce 9) de la LCS International BV intitulée "chiffre d'affaire, marques [X] [M]", de 2015 à 2019 faisant apparaître la vente de 3.348 vêtements (5 modèles de polos, 4 de sweaters, 2 de vestes et 1 de pantalon) et 3.430 chaussures (13 modèles) sur tous territoires.
Il produit une deuxième attestation du 6 mai 2022 (sa pièce 35), moins détaillée, faisant apparaître le chiffre d'affaires en France des ventes de 6 modèles de polos, 4 de sweaters, 2 de vestes et 1 de pantalon ainsi que 9 modèles de chaussures pour la période de 2017 à 2022.

36. Quoiqu'interpellé sur ce point par les écritures adverses, M. [M] ne produit pas de photographies de ces modèles permettant d'examiner la marque apposée sur chacun des produits, à l'exception de la pièce 10 qui montre trois modèles de polos, portant une étiquette représentant le signe évoqué supra.
Il produit en revanche des fiches techniques de produits (pièces 11 à 14) permettant de constater que 5 modèles de vêtements ([M] polo SS M optical white, [M] polo SS M light heather grey, [M] 86 retro polo MCH marshmallow, TRI SL LC23 sweater M marshmallow /dress, TRI SL LC23 polo no2 M) ainsi qu'un modèle de chaussures ( CMF club [M] Supog) ont été conçus pour porter une étiquette avec ce signe.

37. S'il est exact que les pièces justificatives relatives aux vêtements ne démontrent pas comment et où ils ont été offerts à la vente, l'attestation du licencié constitue cependant une preuve suffisante qu'ils ont été commercialisés auprès du public français.
Elle démontre que les six produits précités ont été commercialisés en 2016, 2017, 2018 et 2020 et ont généré un chiffre d'affaires total de 5.540,52 euros pour les vêtements et 27.368,85 pour les chaussures.

38. La marque française no4226920 est donc exploitée pour les vêtements et chaussures à un niveau quantitatif faible mais non symbolique et en vue de la conservation d'un débouché pour les produits concernés.

39. L'usage sérieux de marque française no4226920 pour les vêtements et chaussures est donc établi et il y a lieu de rejeter la demande de déchéance de la marque pour les produits selon la liste proposée par le défendeur qui n'est pas discutée.

III . Sur la contrefaçon

40. M. [M] fait valoir que :
- la société [M] Clothing a utilisé le signe [M] à titre de marque sa marque pour des produits similaires à ceux visés par sa marque sur son site internet accessible en France et offrant des produits payables en euros avec livraison possible au public français en février 2020,
- ce signe est reproduit à l'identique sur les différents types de vêtements, chaussures et casquettes, et est imité sur d'autres articles par l'ajout d'une croix ou d'une aile rouge ou des lettres NYC ;
- ces signes, très similaires sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, sont de nature à créer une confusion auprès du public d'attention moyenne et notamment de laisser penser que les produits commercialisés sous ces signes font l'objet d'un partenariat entre les parties.

41. La société [M] Clothing soutient que :
- le risque de confusion est exclu par les différences significatives entre les signes,
- le public pertinent a un degré d'attention pus élevé que la moyenne,
- le prénom [M] est le 26ème des prénoms masculins les plus donnés en France en 2018, il est inclus dans de nombreuses marques de vêtements notamment,
- l'ajout de logos rouge vif et des lettres NYC produit un impact visuel distinct du seul élément verbal [M], et sont porteur de sens (spirituel pour la croix, mythologique pour le pied ailé et géographique pour NYC) alors que la marque [M] renvoie à une personne physique,
- la protection de la marque ne saurait s'étendre à d'autres produits que ceux pour lesquels l'usage est sérieux,
- les conditions de commercialisation des produits et les prix sont très différents.

Sur ce,

42. L'article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que "est interdit, sauf autorisation du propriétaire, l'usage dans la vue des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dan incluant le risque d'association du signe avec la marque" .

43. L'appréciation de la contrefaçon implique de rechercher si, au regard des degrés de similitude entre les signes et entre les produits et/ou services désignés, il existe un risque de confusion comprenant un risque d'association dans l'esprit du public concerné, lequel doit être apprécié en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce. La similarité des produits et/ou services concernés est examinée au regard des facteurs caractérisant le rapport les unissant du fait de leur nature, de leur destination ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire.

44. L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants.
Au sein d'une marque complexe, le signe verbal est dominant en ce qu'il permet de mémoriser la marque et de la désigner à l'oral.

45. Au cas présent, l'élément verbal [M] est représenté sur la majorité des vêtements et devant des casquettes, ainsi que cela ressort du constat d'huissier du 23 février 2020 sur les sites internet www.ssence.com et noahny.com.
Il est identique à la marque de sorte qu'il y a identité visuelle, phonétique et conceptuelle.

46. La société [M] Clothing ne saurait être suivie lorsqu'elle soutient que le mot [M] est un prénom si répandu et utilisé en France, y compris à titre de marque, qu'il est dépourvu de caractère distinctif s'il n'est accompagné d'un autre signe. En effet, le caractère distinctif d'une marque n'est pas subordonné à l'existence d'un sens fort ou d'une quelconque originalité, du moment qu'il est arbitraire au regard des produits et services auxquels il est associé et apte à être perçu comme une indication de leur origine.
Le mot [M] pour désigner des vêtements et chaussures présente ces caractères.

47. Sur de nombreux articles, deux éléments figuratifs sont alternativement associés à l'élément verbal :
- une croix grecque légèrement pattée, reproduite au point 1 supra, particulièrement sobre, quoique vermillon,
- un pied ailé rouge, reproduit ci-contre suffisamment arbitraire et soigné dans son dessin pour constituer un élément distinctif.
Néanmoins, ces signes occupent une place réduite sous l'élément verbal bien mis en valeur (inscrit en lettres capitales sur fond contrastant) et n'apportent pas de sens particulier à la marque. Ils jouent un rôle décoratif, de sorte qu'ils demeurent accessoires et ne retiendront pas l'attention du public au détriment du mot.

48. Sur le site internet, l'élément verbal utilisé est [M] NYC.
Cet ajout verbal en fin de signe est de nature à affecter la similarité visuelle et conceptuelle.
Néanmoins, les initiales NYC étant très fréquemment apposées sur divers articles, notamment de mode et de maroquinerie, comme signifiant New York city, et venant ici en fin de signe, il n'est pas de nature à atténuer sensiblement la similarité à la marque [M].

49. Il n'est pas discuté que les produits sur lesquels ces signes sont présents sont notamment des produits pour lesquels la marque a été jugée valable.
Les allégations de la société [M] Clothing selon lesquelles il s'agirait de produits nettement distincts ne sont corroborées par aucun élément objectif ; quant aux différences de gamme, de prix ou de qualité, outre qu'elles ne sont pas plus objectivées, ce ne sont pas des éléments pertinents au regard du critère de similarité.

50. La similarité des signes pour la vente de produits similaires est de nature à susciter un risque de confusion dans l'esprit du public pertinent, qui est le grand public d'attention moyenne sur le territoire français.
De plus, les produits portant la marque [M] sont commercialisés dans le cadre d'une licence avec Le coq sportif, dont la marque figurative figure également. Le public est donc accoutumé à voir cette marque associée à un partenaire commercial.

51. Le risque de confusion et d'association entre les signes litigieux et la marque [M] est ainsi établi et la société [M] Clothing a effectué des actes de contrefaçon en reproduisant et imitant le signe de la marque verbale française no 4226920 de M. [M].

IV . Sur les mesures de réparation et le droit d'information

52. M. [M] fait valoir que la contrefaçon de sa marque ont causé à celle-ci une atteinte de la valeur patrimoniale et lui a causé un manque à gagner ainsi que des bénéfices indus pour la société [M] Clothing et qu'il a droit à un cumul des deux postes ou, à défaut, aux bénéfices indus du contrefacteur.
N'ayant pu réaliser de saisie contrefaçon, il invoque son droit d'information et à une provision avant-dire droit.

53. La société [M] Clothing soutient que :
- la demande d'interdiction est disproportionnée au regard de sa liberté d'entreprendre au regard de la faible exploitation du signe et du dépôt pour de nombreux produits et services où il n'était aucunement utilisé,
- la demande de provision est fantaisiste, repose sur un cumul excédant la réparation du préjudice et n'est le résultat d'aucun calcul,
- le préjudice moral n'a été invoqué qu'au troisième jeu de conclusions alors que le produit n'est pas exploité, et n'existe pas dès lors qu'elle ne peut être à l'origine d'aucune dévalorisation,
- le droit à l'information n'a été invoqué qu'au troisième jeu de conclusions et est disproportionné, la connaissance de son réseau de distribution et de son taux de marge (donnée sensible couverte par le secret des affaires) ainsi que les informations portant sur d'autres territoires que la France étant inutiles à la détermination de son préjudice.

Sur ce,

54. Les dispositions des articles L. 716-4-10, L. 716-4-11 et L. 716-8 à L. 716-13 sont applicables aux atteintes portées au droit du titulaire d'une marque
En application des dispositions de l'article L716-14 du code de la propriété intellectuelle, "Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subie par la partie lésée,
2o Le préjudice moral causé à cette dernière,
3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée".

55. Ces dispositions, issues de la transposition de la directive 2004/48 du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle (considérant 26 et article 13), visent à ce que la détermination du dommage tienne compte de ces différents aspects économiques, qui ne constituent pas des chefs de préjudices cumulables. En particulier, les bénéfices réalisés par les auteurs des atteintes n'ont pas vocation à être captés par la partie lésée mais sont destinés à évaluer objectivement son préjudice réel.

56. La contrefaçon étant établie, il y a lieu de prononcer les mesures d'interdiction comme précisé au dispositif.

57. M. [M] a soutenu dans ses écritures que des produits sous sa marqué étaient commercialisés dans des collections capsule à l'occasion d'événements favorisant son exposition médiatique.
Il n'indique cependant pas quelles collections auraient été lancées depuis le 1er avril 2016 dont les bénéfices auraient pu être détournés du fait des ventes en France de la société [M] Clothing. Enfin, si le chiffre d'affaires moyen annuel de M. [M] a été d'environ 1.000 euros sur les ventes en France de vêtements et de 3.400 euros sur les chaussures, la redevance perçue à ce titre n'est pas connue.

58. Il n'existe aucune information sur les volumes de vente en France de celle-ci ni sur les bénéfices réalisés. La mise en jeu du droit à l'information est donc justifiée pour en permettre la prise en considération.

59. L'usage du signe litigieux est de nature à faire subir au titulaire de la marque une atteinte à sa valeur patrimoniale par dilution de celle-ci ainsi qu'un préjudice moral.
Néanmoins, le préjudice ne peut être estimé ici en l'absence de toute information sur les volumes de vente réels.

60. Aucun élément ne permettant d'estimer le préjudice financier résultant de la contrefaçon, il y a lieu de rejeter la demande de provision à valoir sur la réparation du préjudice et de faire droit à la demande de droit à l'information sur le chiffre d'affaires et la marge réalisés en France sur les produits protégés par la marque selon les termes du dispositif.

V . Dispositions finales

61. Le tribunal ayant vidé sa saisine et ne prononçant aucune condamnation avant-dire droit, il n'a pas lieu de faire droit à la demande de renvoi de l'affaire à la mise en état en vue d'hypothétiques difficultés ou demandes ultérieures.
Il convient de renvoyer les parties à la détermination amiable du préjudice et de ressaisir le tribunal en cas de difficulté qui ne serait pas amiablement résolue.

62. La société [M] Clothing, qui succombe, est condamnée aux dépens de l'instance et à payer à M. [M] la somme de 12. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

Déboute la société [M] Clothing de ses demandes de nullité de la marque française no 4226920 sur le fondement du dépôt frauduleux et à titre de dommages et intérêts pour le préjudice consécutif ;

Rejette la demande de déchéance de la marque française [M] no4226920 pour les produits suivants de la classe 25 : vêtements, vêtements de sport, maillots, chemisettes, habits, tee-shirts, chaussures, chaussures de sport ;

Prononce la déchéance pour défaut d'usage sérieux de la marque française [M] no4226920 à compter du 1er avril 2021 pour tous les produits et services visés à l'enregistrement en classes 9, 18, 28 et 41 ainsi que pour les produits suivants en classe 25 :
vêtements de gymnastique, vêtements en cuir, vêtements en imitation du cuir, vêtements en fourrure, ceintures (habillement), gants (habillement), écharpes, maillots de bain, costumes de plage, combinaisons (vêtements de sport), caleçons de bain, peignoirs, saris, bandanas, boas, étoles, foulards, bandeaux pour la tête (habillement), bonneterie, bas, bavoirs non en papier, bretelles, cache-col, camisoles, capuchons, châles, chandails, chasubles, supports de chaussettes, chemises, collets, cols, combinaisons, pantalons, costumes, tabliers, couvre-oreilles, cravates, empeignes, empiècements de chemises, gabardines, gaines, mitaines, gilets, pull-overs, tricots, imperméables, manteaux, parkas, pèlerines, pelisses, vareuses, vestes, jambières, jupes, costumes de mascarade, sous-vêtements, lingerie de corps, slip, body, soutien-gorge, culottes, corselets, vêtements de nuit, pyjamas, robes de chambre, chapellerie, bonnets, casquettes, bonnets de bain, calottes, bérets, coiffes, chaussettes, chaussons, bottes, bottines, brodequins, chaussures de football, chaussures de plage, crampons de chaussures de sport, espadrilles, galoches, pantoufles, sandales, chaussures de ski, souliers ;

Rejette la demande de déchéance de pour défaut d'usage sérieux de la marque française [M] no4226920 pour les services et produits suivants en classe 25 : vêtements, vêtements de sport, maillots, chemisettes, habits, tee-shirts, chaussures, chaussures de sport ;

Ordonne la transmission de la décision une fois devenue définitive pour inscription par l'INPI au registre national des marques ;

Ordonne à la société [M] Clothing de mettre fin à tout usage, dans la vie des affaires, d'un signe contenant l'élément verbal "[M]", dans un délai de 30 jours suivant la signification présent du jugement, sous astreinte de 300 euros par jour de retard pendant 90 jours ;

Ordonne à la société [M] Clothing d'avoir à produire sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de un mois suivant la signification du présent jugement le chiffre d'affaires et la marge réalisés par la société [M] Clothing en France depuis le 1er avril 2016 pour des vêtements et chaussures sous la marque [M], certifié par expert-comptable ou commissaire aux comptes ;

Renvoie les parties à la détermination amiable du préjudice qui ne serait pas déjà indemnisé par le présent jugement ou, à défaut d'accord, par le tribunal saisi par nouvelle assignation ;

Rejette les demandes de M. [X] [M] à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice du fait des actes de contrefaçon ;

Condamne la société [M] Clothing aux dépens, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la société [M] Clothing à payer à M. [X] [M] la somme de 12. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 12 Mai 2023

Le Greffier La Présidente
Quentin CURABET Nathalie SABOTIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 20/08191
Date de la décision : 12/05/2023

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire.paris;arret;2023-05-12;20.08191 ?
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