TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
3ème chambre
3ème section
No RG 19/10207 -
No Portalis 352J-W-B7D-CQTHG
No MINUTE :
Assignation du :
09 août 2019
JUGEMENT
rendu le 14 juin 2023 DEMANDEURS
S.A.S. WAFF
[Adresse 2]
[Localité 4]
Monsieur [O] [P]
intervenant volontaire
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentés par Maître Matthieu DHENNE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1957
DÉFENDERESSES
Société DECATHLON SE
anciennement dénommée DECATHLON SA
[Adresse 1]
[Localité 3]
S.A.S. DECATHLON FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentées par Maître Michel-Paul ESCANDE de la SELEURL CABINET M-P ESCANDE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0266
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint
Linda BOUDOUR, juge
Arthur COURILLON-HAVY, juge
assistés de Lorine MILLE, greffière,
DÉBATS
A l'audience du 24 novembre 2022 tenue en audience publique devant Jean-Christophe GAYET et Linda BOUDOUR, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir donné lecture du rapport, puis entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 22 mars 2023, puis prorogé en dernier lieu au 14 juin 2023.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
___________________________
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
1. La PSCV, désormais dénommée société par actions simplifiée (ci-après SAS) Waff, fondée le 21 juin 2001 et immatriculée le même jour au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Melun, a pour activité le développement et la commercialisation de tous produits et en particulier de coussin gonflable.
2. M. [O] [P] est le président de la SAS Waff et se présente comme l'inventeur du coussin gonflable commercialisé par sa société. Il est titulaire du brevet français FR 2 825 249 (ci-après FR 249), déposé le 1er juin 2001 et délivré le 26 septembre 2003 intitulé siège gonflable.
3. Le 28 mai 2002, la SAS Waff a déposé un brevet européen EP 1 262 125 (ci-après EP 125), sous priorité du brevet français précité, délivré le 5 avril 2006, intitulé siège gonflable.
4. Ces brevets portent sur un siège gonflable de forme annulaire, constitué d'une chambre toroïdale pouvant être remplie d'air lui donnant l'aspect d'une bouée. L'espace laissé par l'axe de révolution du tore est comblé perpendiculairement par deux parois planes placées de chaque côté, en surface de l'espace axial. L'aspect symétrique du coussin permet de s'y assoir ou de s'y tenir sur chaque face alternativement.
5. La société européenne Décathlon (ci-après Décathlon SE), immatriculée au RCS de Lille le 16 novembre 1984, a pour activité la vente au détail d'articles de sport et d'équipement de la personne, la vente au détail d'armes de chasse, de tir sportif et leurs munitions. La SAS Décathlon France, immatriculée au RCS de Lille le 23 octobre 2007, a pour activité, notamment, la fabrication, le négoce en gros, demi-gros et détail de tous articles et services utiles aux sportifs et à leur famille et l'équipement de la personne de façon générale.
6. La SAS Waff et M. [P] indiquent avoir découvert, en mai 2019, que les sociétés Décathlon commercialisaient un coussin intitulé Gym Pillow Mini, sous la marque "Domyos", lequel reproduirait les caractéristiques des brevets EP 125 et FR 249.
7. Le 9 juillet 2019, à la suite de deux requêtes du même jour, la SAS Waff a été autorisée à faire procéder à des mesures de saisie-contrefaçon dans les locaux des sociétés Décathlon SA (devenue Décathlon SE) et Décathlon France.
8. Les opérations de saisie-contrefaçon ont été réalisées le 17 juillet 2019 au sein du siège social des sociétés Décathlon à [Localité 3] ainsi que dans un magasin attenant.
9. C'est dans ces conditions que la SAS Waff a, par courrier du 25 juillet 2019, mis en demeure les sociétés Décathlon de cesser les actes de contrefaçon allégués.
10. Estimant que ses demandes n'avaient pas été satisfaites, la SAS Waff a, par acte d'huissier du 9 août 2019, fait assigner les sociétés Décathlon SA et Décathlon France devant le tribunal judiciaire de Paris, en contrefaçon de la partie française du brevet no EP 1 262 125.
11. M. [P] est intervenu volontairement à l'instance par conclusions du 15 juin 2021.
12. Par conclusions séparées du 10 septembre 2020, les sociétés Décathlon ont soulevé la nullité de l'assignation évoquée, puis s'en sont désistées le 13 octobre 2020. Par ordonnance du 20 novembre 2020, le juge de la mise en état a pris acte de ce désistement et condamné les sociétés Décathlon pour procédure abusive, considérant que cet incident poursuivait un objectif dilatoire. Les sociétés Décathlon ont interjeté appel de cette décision le 9 décembre 2020. Aux termes d'un arrêt du 23 novembre 2021, la cour d'appel de Paris a toutefois confirmé l'ordonnance dans la totalité de ses dispositions.
13. L'instruction a été close par ordonnance du 17 février 2022 et l'affaire fixée à l'audience du 24 novembre 2022 pour être plaidée.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
14. Dans ses dernières conclusions au fond, notifiées par voie électronique le 3 mars 2022, la SAS Waff et M. [P] demandent au tribunal, au visa des articles L.611-10, L.614-12, L.615-5, L.615-7, L.613-25, R.615-2 du code de la propriété intellectuelle, 1240 du code civil, 32-1, 699, et 700 du code de procédure civile et de l'ordonnance no 45-2592 du 2 novembre 1945, de :
- débouter les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France de toutes leurs demandes
- Dire et juger que la partie française du brevet no EP 1 262 125 est contrefaite par le coussin Gym Pillow Mini de marque Domyos importé et commercialisé par les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France
- dire et juger que le brevet no FR 2 825 249 est contrefait par le coussin Gym Pillow Mini de marque Domyos importé et commercialisé par les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France
- dire et juger que le brevet no EP 1 262 125 implique une activité inventive
- dire et juger que la description du brevet no EP 1 262 125 est suffisante pour réaliser l'invention
- en conséquence, débouter les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France de leur demande d'annulation du brevet no EP 1 262 125
- dire et juger que le brevet no FR 2 825 249 implique une activité inventive
- dire et juger que la description du no FR 2 825 249 est suffisante pour réaliser l'invention
- en conséquence, débouter les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France de leur demande d'annulation du brevet no FR 2 825 249
- dire et juger que le procès-verbal de constat dressé par Maître [U] [F] le 9 décembre 2019 est nul, car l'huissier ne se contente pas de faire des constatations purement matérielles, exclusives, de tout avis
- en conséquence, annuler ledit procès-verbal
- dire et juger que le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé par Maître [G] [W] le 17 juillet 2019 est valable
- dire et juger que le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé par Maître [J] [E] le 17 juillet 2019 est valable
- en conséquence, débouter les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France de leurs demandes d'annulation desdits procès-verbaux
- débouter les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France de leur demande en vue de faire condamner la SAS Waff pour abus de procédure
-en conséquence :
- interdire, et ce de manière permanente et définitive, aux sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France la poursuite de tels actes de contrefaçon et ce sous astreinte de 10 000 € (dix mille euros) par infraction constatée, et 50 000 € (cinquante mille euros) par jour de retard, lesdites astreintes devant être liquidées par le tribunal
- condamner in solidum les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France pour les faits de contrefaçon qu'elles ont commis à payer une indemnité provisionnelle à parfaire de 435 000 € (quatre-cent-trente-cinq-mille euros) à la SAS Waff en raison de la contrefaçon de son brevet noEP 1 262 125 et de 435 000 € (quatre-cent-trente-cinq-mille euros) à Monsieur [P] en raison de la contrefaçon de son brevet no FR 2 825 249
- condamner in solidum les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France pour les faits de parasitisme qu'elles ont commis à payer une indemnité provisionnelle à parfaire de 300 000 € (trois-cent-mille euros) à la SAS Waff
- ordonner la publication du jugement à intervenir dans cinq journaux au choix de la SAS Waff et de Monsieur [P] aux frais des sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France avancés par celles-ci à hauteur de 20 000 € (vingt mille euros) HT par insertion
- ordonner, à titre principal, sous astreinte de 10 000 € (dix mille euros) par jour de retard passé un délai de 30 jours après la signification du jugement à intervenir, la production de tous documents ou informations détenues par les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France utiles pour déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits contrefaisants et concernant l'exploitation en France ainsi que les bénéfices réalisés, et notamment :
etgt; les nom et adresse des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des produits contrefaisants et de tous les produits de même forme, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants
etgt; les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que le prix obtenu pour ces produits
etgt; la marge brute réalisée pour ces produits ; sous la certification d'un expert-comptable ou d'un commissaire aux comptes, détaillant les éléments retenus dans le calcul de la marge brute, et renvoyer l'affaire à telle audience qui plaira au tribunal, afin de permettre à la SAS Waff et à Monsieur [P] de conclure sur le montant total des dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon
- ordonner, à titre subsidiaire, une mesure d'expertise pour une détermination précise de l'origine et de l'étendue du préjudice subi par la SAS Waff et par Monsieur [P]
- désigner pour y procéder tel expert agréé qu'il plaira au tribunal, avec pour mission de se faire communiquer par les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France :
etgt; les éléments permettant de déterminer la provenance des produits contrefaisants
etgt; les chiffres d'affaires des ventes des produits contrefaisants qu'elle a réalisés jusqu'à la date à laquelle l'expert les réclamera et depuis le cinquième anniversaire précédant l'assignation introductive de cette instance
etgt; les documents utiles permettant d'évaluer la marge brute qu'elle a réalisée sur la vente des produits contrefaisants
etgt; analyser lesdits chiffres et documents pour donner les éléments ou critères permettant ensuite à la juridiction du fond d'évaluer le préjudice subi par la SAS Waff et Monsieur [P] à raison de ces ventes illicites
etgt; rapporter toute autre constatation utile à l'examen des prétentions des parties
etgt; mettre en temps utile, aux termes des opérations d'expertise, les parties en mesure de faire valoir leurs observations, qui seront annexées à son rapport
- ordonner une réouverture des débats lorsque la SAS Waff et Monsieur [P] détiendront l'ensemble des éléments résultants de l'exercice du droit d'information ou de l'expertise pour permettre aux parties de conclure à nouveau sur l'indemnisation
- en tout état de cause :
- condamner in solidum les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France à payer 135 386 € (cent-trente-cinq-mille-trois-cent-quatre-vingt-six euros) à la SAS Waff au titre de l'article 700 du CPC
- condamner les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France aux entiers dépens dans les modalités prévues à l'article 699 du CPC
- condamner les sociétés Décathlon S.E. et Décathlon France à une amende civile 1 € (un euro) symbolique pour abus de procédure, en raison des manoeuvres dilatoires usées durant la présente instance
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
15. Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 mars 2022, les sociétés Décathlon SE et Décathlon France demandent au tribunal de :
1) sur le brevet Waff EP 1 262 125 :
a) juger que les revendications 4 et 5 du brevet Waff déposé le 28 mai 2002 sous le no02291294.3 et délivré le 5 avril 2006 sous le no EP 1 262 125 décrivent insuffisamment l'invention et sont elles-mêmes en tout état de cause dépourvues d'activité inventive
b) juger que le brevet Waff déposé le 28 mai 2002 sous le no02291294.3 et délivré le 5 avril 2006 sous le no EP 1 262 125 est dépourvue d'activité inventive
c) en conséquence, annuler les revendications 1, 2, 3, 4, 5 et 6 du brevet Waff déposé le 28 mai 2002 sous le no 02291294.3 et délivré le 5 avril 2006 sous le no EP 1 262 125
2) sur le brevet [P] FR 01 07263 :
a) juger que le brevet [P] déposé le 1er juin 2001 sous le no 2 825 249 et délivré le 26 septembre 2003 sous le no FR 01 07263 est nul pour insuffisance de description
b) juger que le brevet [P] FR 01 07263 déposé le 1er juin 2001 sous le no 2 825 249 et délivré le 26 septembre 2003 sous le no FR 01 07263 est nul pour défaut de nouveauté
c)juger que le brevet [P] déposé le 1er juin 2001 sous le no 2 825 249 et délivré le 26 septembre 2003 sous le no FR 01 07263 est nul pour défaut d'activité inventive
d) en conséquence, annuler la revendication 1, 2, 3, 4, 5 et 6 du brevet [P] déposé le 1er juin 2001 sous le no 2 825 249 et délivré le 26 septembre 2003 sous le no FR 01 07263 pour défaut d'activité inventive, défaut de nouveauté et insuffisance de description
3) sur le procès-verbal de Maître [G] [W] du 17 juillet 2019 :
a) juger que les constatations de Maître [G] [W], huissier de Justice à [Localité 6], relatées au sein du procès-verbal de saisie-contrefaçon qu'il a dressé le 17 juillet 2019 au siège de la société Décathlon SA (devenue Décathlon SE) sont inexactes et incomplètes
b) qu'il résulte de son procès-verbal qu'il n'a pas dirigé les opérations de saisie-contrefaçon et a repris les remarques de Monsieur [K], conseil en propriété industrielle de la SAS Waff, sans les vérifier
d) en conséquence, annuler le procès-verbal de Maître [G] [W] du 17 juillet 2019 qui comporte des erreurs matérielles graves
4) sur le procès-verbal de Maître [E] du 17 juillet 2019 :
a)juger que les constatations de Maître [E], huissier de Justice à [Localité 6], relatées au sein du procès-verbal de saisie-contrefaçon qu'il a dressé le 17 juillet 2019 au siège de la société Décathlon SAS ne permettent pas aux concluantes de vérifier les constatations personnelles de l'huissier
b) en conséquence, annuler le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé par Maître [E], huissier de justice à [Localité 6], au siège de la société Décathlon SAS le 17 juillet 2019
5) sur le procès-verbal de Maître [F] en date du 3 décembre 2019 :
a) juger que le procès-verbal de Maître [F] en date du 3 décembre 2019 est valable
b) en conséquence, débouter la demande en annulation du procès-verbal de Maître [F] en date du 3 décembre 2019
6) sur la matérialité de la contrefaçon :
a) juger que le coussin Gym Pillow Mini Domyos de Décathlon ne contrefait pas le brevet [P] FR 01 07263 dont la délivrance a été publiée le 26 septembre 2003
b) juger que le coussin Gym Pillow Mini Domyos de Décathlon ne contrefait pas le brevet Waff EP 1 262 125 dont la délivrance a été publiée le 5 avril 2006
c) juger que les sociétés Décathlon SA (devenue Décathlon SE) et Décathlon SAS n'ont pas commis de faits distincts de ceux qui leur sont reprochés au titre de la contrefaçon de brevet et que les demandes de la société Waff et de Monsieur [P] au titre de la concurrence déloyale et/ou parasitaire est infondée
d) débouter la société Waff et Monsieur [P] de leurs demandes de ces chefs
7) sur la matérialité de la concurrence parasitaire :
a) juger que les sociétés Décathlon n'ont commis aucun fait de concurrence parasitaire vis-à-vis de la société Waff
b) débouter la société Waff de sa demande de ce chef
A titre subsidiaire,
8) sur l'indemnisation du préjudice subi au titre de la contrefaçon et de la concurrence parasitaire :
a) juger que la société Waff et Monsieur [P] sollicitent une double réparation du préjudice qu'ils invoquent
b) juger que la société Waff et Monsieur [P] ne justifient absolument pas le montant de leurs différentes demandes indemnitaires, basées sur des faits commis sur le territoire français
c) débouter la société Waff et Monsieur [P] de leurs demandes indemnitaires
d) par conséquent, débouter la société Waff et Monsieur [P] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions
En tout état de cause,
a) débouter la société Waff et Monsieur [P] de toutes leurs demandes indemnitaires portant sur la vente de produits Gym Pillow Mini en dehors du territoire français
b) débouter la société Waff et Monsieur [P] de leur demande en condamnation pour procédure abusive
c) débouter la société Waff et Monsieur [P] de toutes demandes d'information et d'expertise
d) condamner la société Waff et Monsieur [P] à payer aux sociétés Décathlon la somme totale de 60 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
e) condamner la société Waff et Monsieur [P] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les procès-verbaux de constat que les sociétés Décathlon ont fait dresser les 2 et 3 décembre 2019, dont distraction au profit de la SELARL M-P Escande conformément aux articles 699 et suivants du code de procédure civile.
MOTIFS DU JUGEMENT
I - Présentation des brevets FR 249 et EP 125
I.1 - Le brevet FR 249
16. Le brevet FR 249, déposé le 1er juin 2001 et délivré le 26 septembre 2003, décrit un siège gonflable dont l'effet technique principal est une stabilité améliorée et dont l'utilisation serait facile, adaptée à différentes utilisations de repos et de loisir, et permettant d'être produit à faible coût (pièce Waff et [P] no4).
17. Le brevet présente l'art antérieur comme constitué par le document US 4 687 452 qui décrit un siège gonfable flottant comportant un ballast à eau afin d'en améliorer la stabilité. L'invention propose de résoudre, notamment, le problème technique de la nécessité de disposer d'eau à proximité du lieu d'utilisation et de vider l'eau contenue dans le siège gonflable après utilisation, tout en assurant la stabilité du siège gonflable (même pièce no4).
18. Ce brevet se compose d'une revendication principale et de cinq revendications dépendantes :
"1 : Siège gonflable comprenant un corps annulaire (2) formant une chambre toroïdale (3), comprenant une extrémité axiale supérieure (8) et une extrémité axiale inférieure (9), la chambre toroïdale (3) pouvant être remplie d'air, le siège comprenant en outre deux parois planes (10, 11) s'étendant perpendiculairement à l'axe de révolution (4) du corps annulaire (2), une chambre centrale (12) coaxiale au corps annulaire (2) étant formée par une portion intérieure (6) du corps annulaire (2) et par lesdites deux parois planes (10, 11) fixées sur la portion intérieure (6) du corps annulaire (2), caractérisé par le fait que les parois planes (10, 11) sont situées axialement à distance des extrémités axiales supérieure et inférieure (8, 9) du corps annulaire (2) de façon à laisser libre des espaces (13, 14) à proximité des extrémités axiales supérieure et inférieure (8, 9) du corps annulaire (2).
2 : Siège selon la revendication 1, caractérisé par le fait que les parois planes (10, 11) sont symétriques par rapport à un plan équatorial du corps annulaire (2).
3 : Siège selon l'une quelconque des revendications 1 ou 2, caractérisé par le fait que les parois planes (10, 11) définissent avec la portion intérieure (6) du corps annulaire (2), une chambre centrale (12) pouvant être remplie d'air au moyen d'une valve.
4 : Siège selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé par le fait que le rayon (r) du cercle section de la chambre toroïdale (3) est compris entre 25% du rayon (R) du cercle de révolution de la chambre toroïdale (3), et 85% du rayon (R) du cercle de révolution de la chambre toroïdale (3).
5 : Siège selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé par le fait que la distance axiale (d) entre une extrémité axiale (8, 9) du corps annulaire (2) et la paroi plane (10, 11) adjacente est comprise entre 25% du rayon (R) du cercle de révolution de la chambre toroïdale (3), et 85% du rayon (R) du cercle de révolution de la chambre toroïdale (3).
6 : Siège selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé par le fait que les différentes parois sont thermosoudées entre elles.
I.2 - Le brevet EP 125
19. Le brevet EP 125, déposé le 28 mai 2002 et délivré le 5 avril 2006, revendique la priorité du brevet FR 249 du 1er juin 2001. Il concerne également un siège gonflable destiné à répondre au problème technique d'amélioration de la stabilité, de facilité d'utilisation, d'adaptation à différentes utilisations et d'obtention à faible coût (pièce de la SAS Waff et de M. [P] no5).
20. Ce brevet se compose d'une revendication principale et de cinq revendications dépendantes :
"1 : Siège gonflable comprenant un corps annulaire (2) formant une chambre toroïdale (3), comprenant une extrémité axiale supérieure (8) et une extrémité axiale inférieure (9), la chambre toroïdale (3) pouvant être remplie d'air, le siège comprenant en, outre deux parois planes (10, 11) s'étendant perpendiculairement à l'axe de révolution (4) du corps annulaire (2), une chambre centrale (12) coaxiale au corps annulaire (2) étant formée par une portion intérieure (6) du corps annulaire (2) et par lesdites deux parois planes (10, 11) fixées sur la portion intérieure (6) du corps annulaire (2), les parois planes (10, 11) étant situées axialement à distance des extrémités axiales supérieure et inférieure (8, 9) du corps annulaire (2) de façon à laisser libre des espaces (13, 14) à proximité des extrémités axiales supérieure et inférieure (8, 9) du corps annulaire (2), la distance entre la paroi plane inférieure (11) et l'extrémité inférieure du corps annulaire délimitant un espace libre, caractérisé en ce que la distance axiale (d) entre l'extrémité axiale inférieure (9) du corps annulaire (2) et la paroi plane inférieure (11) est supérieure à 25% du rayon (R) du cercle de révolution de la chambre toroïdale (3), cet espace libre présentant un volume suffisant pour qu'un mouvement de l'utilisateur initialement assis sur le siège s'accompagne d'une augmentation du volume de l'espace libre ainsi ménagé et d'une dépression correspondante dans l'espace libre, laquelle dépression tend à plaquer le siège sur la surface sur laquelle il est posé.
2 : Siège selon la revendication 1, caractérisé par le fait que les parois planes (10, 11) sont symétriques par rapport à un plan équatorial du corps annulaire (2).
3 : Siège selon l'une quelconque des revendications 1 ou 2, caractérisé par le fait que les parois planes (10, 11) définissent avec la portion intérieure (6) du corps annulaire (2), une chambre centrale (12) pouvant être remplie d'air au moyen d'une valve.
4 : Siège selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé par le fait que le rayon (r) du cercle section de la chambre toroïdale (3) est compris entre 25% du rayon (R) du cercle de révolution de la chambre toroïdale (3), et 85% du rayon (R) du cercle de révolution de la chambre toroïdale (3).
5 : Siège selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé par le fait que la distance axiale (d) entre une extrémité axiale (8, 9) du corps annulaire (2) et la paroi plane (10, 11) adjacente est comprise entre 25% du rayon (R) du cercle de révolution de la chambre toroïdale (3), et 85% du rayon (R) du cercle de révolution de la chambre toroïdale (3).
6 : Siège selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé par le fait que les différentes parois sont thermosoudées entre elles.
21. Les brevets FR249 et EP125 sont accompagnés de la même figure suivante :
II - Sur la définition de l'homme du métier
Moyens des parties
22. La SAS Waff et M. [P] définissent l'homme du métier comme "le spécialiste des coussins gonflables" (leurs conclusions page 122).
23. Les sociétés Décathlon SE et Décathlon France définissent l'homme du métier comme "concerné par les coussins gonflables, qui recherche à obtenir une solution technique au problème de stabilité" (leurs conclusions page 16).
Réponse du tribunal
24. L'homme du métier est celui du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet du brevet, se propose de résoudre (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 20 novembre 2012, pourvoi no11-18.440).
25. En l'occurrence, les brevets FR 249 et EP 125 ont pour objet un "siège gonflable" (pièces de demandeurs no4 et 5, pièces des défenderesses no4 et 6) en sorte que l'homme du métier se définit comme un spécialiste des sièges gonflables.
III - Sur la validité du brevet FR 249
III.1 - S'agissant de la validité du brevet FR 249 au regard de sa description
Moyens des parties
26. Les sociétés Décathlon SE et Décathlon France soutiennent que le brevet FR 249 doit être annulé pour insuffisance de description de ses revendications 1, 2 et 4 à 6, qui ne permettent pas à l'homme du métier de parvenir à réaliser l'invention. Selon elles, l'homme du métier ne pourrait pas reproduire l'effet ventouse qui solutionnerait le problème technique de stabilité du coussin, du fait de l'absence de précision de la distance à appliquer entre les extrémités axiales supérieure, inférieure et les parois planes. Elles soutiennent qu'à défaut de précision des dimensions du siège, l'invention est dénuée de tout effet technique. Elles affirment que c'est également ce qu'a conclu l'examinateur de l'Office européen des brevets (OEB) lorsqu'il a étudié la recevabilité de la demande de brevet EP125, identique au brevet FR249. Elles ajoutent qu'à défaut pour les revendications de préciser à quel niveau le coussin doit être gonflé, sa mise en oeuvre est rendue impossible pour l'homme du métier.
27. La SAS Waff et M. [P] répondent que la lecture des revendications 1, 2 et 4 à 6 du brevet FR 249 à la lumière de la description introductive et des figures permet facilement à l'homme du métier de réaliser l'invention, notamment parce que la description explique que l'espace délimité par les deux parois planes permet de créer une dépression et de plaquer le siège sur le sol ou une surface liquide.
Réponse du tribunal
28. Aux termes de l'alinéa 1 de l'article L.612-5 du code de la propriété intellectuelle, "l'invention doit être exposée dans la demande de brevet de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter".
29. Selon l'article L.612-6 du même code, "les revendications définissent l'objet de la protection demandée. Elles doivent être claires et concises et se fonder sur la description".
30. L'article L.613-25 du même code prévoit que "le brevet est déclaré nul par décision de justice : [?] b) S'il n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter".
31. L'exigence de suffisance de description est satisfaite, dès lors que l'homme du métier, avec l'aide de ses connaissances et par des opérations matérielles ne revêtant pas de difficultés excessives, est en mesure de reproduire l'invention (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 5 juillet 2017, no15-20.554).
32. En outre, l'homme du métier peut s'aider de la description et des dessins pour reproduire l'invention (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 20 mars 2007, pourvoi no05-12.626).
33. Au cas présent, il n'est pas contesté par les demandeurs que la revendication 1 du brevet FR 249 ne comporte pas de précision relativement à la distance que doit appliquer l'homme du métier entre les extrémités axiales et les parois planes pour produire la dépression d'air à l'origine de l'effet stabilisant du siège gonflable.
34. Toutefois, l'homme du métier comprend, à la lecture de la description, que "la distance axiale entre une extrémité axiale du corps annulaire et la paroi plane adjacente est comprise entre 25% du rayon du cercle de révolution de la chambre toroïdale et 85% du rayon du cercle de révolution de la chambre toroïdale" (page 2 du brevet FR 249, lignes 16 à 19), ce qui lui permet d'obtenir "une assise confortable et un siège stable, tout en permettant la création, dans l'espace libre à proximité de l'extrémité axiale inférieure du corps annulaire, d'une dépression suffisante pour améliorer la stabilité du siège gonflable" (page 2 du brevet FR 249, lignes 19 à 22).
35. De plus, ces précisions sont l'objet de la revendication 4 précitée de ce brevet.
36. Le résultat technique recherché est donc clairement identifiable et peut être facilement reproduit par l'homme du métier qui dispose des proportions optimales à donner au siège pour améliorer sa stabilité.
37. De même, s'agissant de la revendication 2 du brevet FR 249, la description précise que la symétrie revendiquée permet au siège gonfable d'être utilisé "indifféremment en utilisant une première paroi plane comme assise ou la seconde paroi plane" (page 2 du brevet FR 249 lignes 5 à 7). Il s'en déduit, sans difficulté excessive pour l'homme du métier, que le siège gonflable peut être utilisé d'un côté ou de l'autre.
38. S'agissant des revendications 4 et 5 du brevet FR 249, la lecture de la description et de la figure permet à l'homme du métier de comprendre que le siège doit être gonflé de façon à "obtenir une structure d'ensemble du siège gonflable plus rigide, [et] pouvoir adapter le confort souhaité de l'assise centrale du siège gonflable" (page 2, lignes 10 à 12). L'homme du métier en déduit, sans difficulté excessive, à quel niveau il doit gonfler le siège pour obtenir l'effet technique de stabilisation recherché.
39. Comme pour la revendication 1, l'homme du métier comprend, également, que les rapports de distance revendiqués ont pour objet d'obtenir "une assise confortable et un siège stable, tout en permettant la création, dans l'espace libre à proximité de l'extrémité axiale inférieure du corps annulaire, d'une dépression suffisante pour améliorer la stabilité du siège gonflable" à la lecture de la description (page 2 du brevet FR 249, lignes 19 à 22).
40. S'agissant de la revendication 6, selon laquelle "les différentes parois sont thermosoudées entre elles", son libellé permet à lui seul d'en déterminer le résultat technique, à savoir la solidarité entre l'ensemble des pièces du siège gonfable.
41. Ainsi, grâce aux revendications et en s'aidant de la description et de la figure, l'homme du métier avec ses connaissances générales peut, sans difficulté excessive, exécuter l'invention, qui est suffisamment décrite.
42. Le moyen d'insuffisance de description du brevet FR 249 sera, en conséquence, écarté.
III.2 - S'agissant de la validité du brevet FR 249 au regard de sa nouveauté
III.2.1 - Présentation de l'art antérieur
43. Le brevet présente l'art antérieur comme constitué par le document US 4,687,452 (ci-après US 452 Hull), brevet américain déposé le 21 juillet 1986. Il est intitulé "siège portable flottant gonflable à gaz" et comporte une revendication principale et neuf revendications dépendantes (pièces Waff et [P] no10, Décathlon no9-1 et 9-2).
44. La revendication 1 de ce document , seule invoquée, est rédigée comme suit, d'après la traduction libre et non contestée des sociétés Décathlon (leur pièce no9-2) :
"1. Un siège portable, flottant, gonflable au gaz pour supporter une personne sur l'eau, ledit siège comprenant :
- une première chambre de flotteur gonflable inférieure, de forme généralement annulaire, définissant un compartiment pour ladite personne et adaptée pour fournir une flottabilité lorsqu'elle est gonflée et placée dans l'eau ;
- un compartiment de lest d'eau à l'intérieur de ladite chambre de flotteur inférieure
- une deuxième chambre de flotteur gonflable supérieure, de forme généralement annulaire, montée sur le dessus de ladite première chambre de flotteur, formée avec un segment ouvert sur un côté arrière de celle-ci et formant des accoudoirs sur les côtés opposés dudit segment ouvert
- un coussin de siège gonflable séparément adapté pour être monté de manière amovible sur ladite chambre de flotteur inférieure adjacente audit segment ouvert de ladite chambre de flotteur supérieure, ledit coussin de siège pouvant être utilisé comme un coussin lorsqu'il est détaché de ladite chambre de flotteur
- un dossier de siège gonflable vertical faisant saillie vers le haut de ladite première chambre flottante, monté dans ledit segment ouvert et fixé à ladite première chambre flottante et
- des moyens de fixation pour fixer de manière détachable ledit coussin de siège en place sur ladite chambre de flotteur inférieure adjacente audit segment ouvert de ladite chambre de flotteur supérieure".
45. Ce brevet comprend six figures, parmi lesquelles la figure 3 est invoquée :
46. Les sociétés Décathlon opposent également le document US 6,217,401 (ci-après US 401 Peterson), brevet américain déposé le 15 mai 2000. Il est intitulé "véhicule tractable gonflable" et comporte une revendication principale et neuf revendications dépendantes (leurs pièces no10-1 et 10-2).
47. La revendication 1 de ce document, seule invoquée, est rédigée comme suit, d'après la traduction libre et non contestée des sociétés Décathlon SE et Décathlon France (leur pièce no10-2) :
"1. Véhicule tractable gonflable, comprenant :
- un élément de corps gonflable comprenant un fond, une paroi extérieure, un sommet et une paroi intérieure définissant une cavité au centre ayant un diamètre intérieur
- une coque de corps flexible disposée pour couvrir le fond, la paroi extérieure, le sommet et la paroi intérieure de l'élément de corps, la coque ayant une ouverture d'extrémité disposée de manière lâche à une partie inférieure de la paroi intérieure
- un siège comprenant un fond, une paroi extérieure et un sommet, le siège étant dimensionné pour s'adapter à l'intérieur de la cavité de l'élément de corps de telle sorte que la paroi extérieure du siège s'engage dans l'enveloppe corporelle disposée sur la paroi intérieure de l'élément de corps au-dessus de l'ouverture d'extrémité et tire l'enveloppe corporelle tendue lorsque le siège est inséré dans la cavité".
48. Ce brevet comprend cinq figures, parmi lesquelles les figures 3, 4 et 5 sont invoquées :
III.2.2 - Sur le défaut de nouveauté au regard du brevet US 452 Hull
Moyens des parties
49. Les sociétés Décathlon SE et Décathlon France estiment que la revendication 1 du brevet FR 249, seule revendication principale, n'est pas nouvelle, car toutes ses caractéristiques se retrouvent à la lecture du brevet US 452 Hull : l'invention est un siège comprenant deux parois planes s'étendant perpendiculairement à l'axe de révolution du corps annulaire, une chambre centrale coaxiale au corps annulaire étant formée par une portion intérieure du corps annulaire et par lesdites deux parois planes fixées sur la portion intérieure du corps annulaire. Elles précisent que ces deux parois planes sont situées axialement à distance des extrémités axiales supérieure et inférieure du corps annulaire et laissent libre des espaces à proximité des extrémités axiales supérieure et inférieur du corps annulaire. Elles s'appuient sur l'examen opéré par l'OEB de la demande de brevet EP 125, pour relever que la description du brevet US 452 Hull indique qu'il est possible d'introduire de l'eau dans le compartiment central, mais que cela n'est pas nécessaire, tout comme l'indique également la description du brevet FR 249.
50. La SAS Waff et M. [P] répliquent que le brevet US 452 Hull décrit un siège constitué de plusieurs parties, dont la chambre centrale ne forme pas l'assise, mais une simple structure distincte du siège qui assure une fonction de stabilisation, à la différence de la revendication 1 du brevet FR 249. Ils exposent que l'invention du brevet US 452 Hull consiste à prévoir une chambre de ballast à une extrémité inférieure de la chambre de flottaison, le ballast étant situé aussi bas que possible pour être réellement efficace. Ils considèrent qu'il n'existe aucun espace entre la paroi inférieure et l'extrémité axiale inférieure. Selon eux, l'invention objet de la revendication 1 du brevet FR 249, en ce que les deux parois planes sont situées à distance axialement des extrémités du corps annulaire, de façon à laisser libres des espaces à proximité des extrémités axiales et en ce que le brevet US 452 Hull exige qu'un ballast soit rempli d'eau pour que le coussin soit équilibré, l'en distingue.
Réponse du tribunal
51. Selon l'alinéa 1er de l'article L.611-10 du code de la propriété intellectuelle, "sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle".
52. Aux termes des alinéas 1 et 2 de l'article L.611-11 du même code "une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique.
L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen".
53. Il résulte de ces textes que pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y retrouver tout entière, dans une seule antériorité au caractère certain avec les éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat technique (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 12 mars 1996, no94-15.283 et jurisprudence constante depuis).
Pas de nouveauté revendication 1 à 4 et 6 car divulgué par figure 3 US Hull distance est existante et mise ne oeuvre de la chambre toroïdale est comprise entre , nouveau pour 5
54. En l'espèce, le siège décrit par le brevet US 452 Hull est constitué de plusieurs parties : une chambre inférieure de forme annulaire, un compartiment pouvant être rempli d'eau, une deuxième chambre de forme annulaire formée avec un segment ouvert et comprenant des accoudoirs sur les côtés, un coussin et un dossier de siège.
55. La revendication 1 du brevet FR 249 est caractérisé en ce que "les parois planes (10, 11) sont situées axialement à distance des extrémités axiales supérieure et inférieure (8, 9) du corps annulaire (2) de façon à laisser libre des espaces (13, 14) à proximité des extrémités axiales supérieure et inférieure (8, 9) du corps annulaire (2)".
56. Or, il ressort de la figure 3 du brevet US 452 Hull (pièce Décathlon no9-1) et de sa description, selon la traduction non contestée produite par les sociétés Décathlon (leur pièce no9-2) que la partie inférieure du siège gonflable, dite chambre de ballastage d'eau, est constituée d'un corps annulaire et comporte des parois supérieure et inférieure pour fermer les extrémités de la chambre de flottaison inférieure.
57. Toutefois, contrairement à ce que soutiennent la SAS Waff et M. [P], la figure 3 du brevet US 452 Hull suggère que les parois supérieure et inférieure sont planes et qu'elles se situent à distance des extrémités axiales supérieure et inférieure du corps annulaire. Cette caractéristique apparaît également sur la figure 1 du document US 452 Hull sur laquelle est représentée "une structure de paroi de fond flexible (16)" située à distance de l'extrémité axiale supérieure du corps annulaire inférieur. Il en résulte que des espaces à proximité des extrémités axiales supérieure et inférieure du corps annulaire sont divulgués.
58. Dès lors, ce document décrit l'ensemble des caractéristiques de la revendication 1 du brevet FR 249.
59. La revendication 2 du brevet FR 249 est également divulguée par le document US 452 Hull, les parois planes étant symétriques par rapport à un plan équatorial du corps annulaire, représentés sur les figures 2, 3 et 4 (pièce Décathlon no9-1).
60. La revendication 3 du brevet FR 249 est divulguée par le document US 452 Hull qui mentionne que "les parois de fond supérieure et inférieure définissent entre elles un espace de lestage qui peut être complètement ou partiellement rempli d'eau par l'intermédiaire d'une vanne de commande", ces parois étant "fixées au tour des préimètres extérieures avec un joint étanche à la surface intérieure de la chambre de flottaison inférieure" (pièce Décathlon no9-2). Il s'en déduit que ces parois de fond forment une chambre centrale, laquelle, si elle peut être remplie d'eau au moyen d'une vanne, peut être remplie d'air au moyen d'une valve.
61. Le document US 452 Hull ne mentionne aucune indication relative à la proportion du rayon du cercle de section de la chambre toroïdale par rapport à celui du cercle de révolution de cette chambre, objet de la revendication 4 du brevet FR 249.
62. A cet égard, les sociétés Décathlon affirment que le rayon du cercle de section de la chambre toroïdale est nécessairement compris entre 25% et 85% du rayon du cercle de révolution de la chambre toroïdale. Elles ne développent, toutefois, aucune démonstration au soutien de cette affirmation, se référant aux observations de l'Office européen des brevets (leurs pièces no8 et 13), lesquelles ne la contiennent pas.
63. Il en va de même de la revendication 5 du brevet FR 249 pour laquelle les sociétés Décathlon prétendent que la distance entre les extrémités axiales du corps annulaire et la paroi plane adjacente est nécessairement comprise entre 15% et 85% du rayon du cercle de révolution de la chambre toroïdale, sans que cette affirmation ne soit étayée.
64. A l'inverse, le document US 452 Hull enseigne que "les poignées peuvent être formées de matières plastiques moulées avec des bases ovales, thermosoudées ou fixées d'une autre manière aux surface supérieures de la chambre de flottaison", en sorte que la revendication 6 du FR 249 est également divulguée.
65. En conséquence, les revendications 1 à 3 et 6 du brevet FR 249 seront annulées pour défaut de nouveauté.
III.2.3 - Sur le défaut de nouveauté au regard du brevet US 401 Peterson
Moyens des parties
66. Les sociétés Décathlon SE et Décathlon France avancent que la description et la figure 4 du document US 401 Peterson divulgue toutes les caractéristiques de la revendication 1 du brevet FR 249, en ce qu'elles présentent un siège comprenant deux parois planes s'étendant perpendiculairement à l'axe de révolution du corps annulaire ; une chambre centrale coaxiale au corps annulaire étant formée par une portion intérieure du corps annulaire et par les dites deux parois planes fixées sur la portion intérieure du corps annulaire ; les deux parois planes intérieures viennent se placer au centre du siège et sont situées axialement à distance des extrémités axiales supérieure et inférieur du corps annulaire, laissant libre des espaces à proximité des extrémités axiales supérieure et inférieur du corps annulaire.
67. La SAS Waff et M. [P] objectent que le domaine technique du brevet US 401 Peterson est trop éloigné de celui des sièges gonflables pour constituer une antériorité opposable au brevet FR 249. Ils en tirent que l'homme du métier souhaitant obtenir l'invention du brevet litigieux ne consultera pas un document relatif à une bouée gonflable tractable pour résoudre le problème technique de la stabilité d'un siège gonfable.
Réponse du tribunal
68. En application des articles L.611-10 et L.611-11 du code de la propriété intellectuelle précités, il est rappelé que pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit se retrouver tout entière, dans une seule antériorité au caractère certain avec les éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat technique.
69. Le brevet US 401 Peterson divulgue une bouée gonflable dont le résultat technique est de "fournir un véhicule gonflable tractable simple, efficace et pratique dont la coque est fixée à l'élément de corps sans l'utilisation de fermetures à glissière" (pièce Décathlon no10-2).
70. Le résultat technique de ce brevet se distingue, de ce fait, de celui du brevet FR 249 ayant pour objet un siège gonflable dont l'effet technique principal est une stabilité améliorée et dont l'utilisation serait facile, adaptée à différentes utilisations de repos et de loisir, et permettant d'être produit à faible coût (pièce de la SAS Waff et de M. [P] no4).
71. De plus, contrairement à l'une des caractéristiques de la revendication 1 du brevet FR 249, aucune des informations du brevet US 401 Peterson ne décrit d'espace libre entre l'extrémité axiale inférieure et la paroi plane inférieure de la bouée, outre que ses figures 4 et 5 montrent que sa surface inférieure est plane. La revendication 1 de ce brevet mentionne, au contraire, que le véhicule tractable gonflable comprend "une coque de corps flexible disposée pour couvrir le fond (...) de l'élément de corps".
72. Ainsi, n'ayant ni le même fonctionnement, ni les mêmes propriétés et ne répondant pas au même problème technique, l'invention du document US 401 Peterson ne constitue pas une antériorité de la revendication 1 du brevet FR 249 et ne la prive donc pas de nouveauté, non plus que, par voie de conséquence, les revendications dépendantes 2 à 6 de ce brevet.
III.3 - S'agissant de la validité du brevet FR 249 au regard de son activité inventive
Moyens des parties
73. Les sociétés Décathlon SE et Décathlon France font valoir que les caractéristiques structurelles et fonctionnelles du brevet FR 249 étaient déjà connues de l'homme du métier grâce aux brevets US 452 Hull, US 401 Peterson et US 674 Ando et divulgaient un tore caractérisé par une chambre interne dont les extrémités supérieure et inférieure sont situées axialement à distance des extrémités supérieure et inférieure du tore et dont la forme toroïdale permet de dégager un espace libre inférieur générant un espace de décompression assurant la stabilité du siège gonflable.
74. La SAS Waff et M. [P] contestent que les caractéristiques structurelles et fonctionnelles du brevet FR 249 se retrouvent dans les documents opposés. Ils estiment, notamment, que ce brevet se distingue des antériorités invoquées, y compris dans leur combinaison, en ce que les parois planes sont situées axialement à distance des extrémités axiales supérieure et inférieure du corps annulaire, de façon à laisser libre des espaces à proximité des extrémités axiales supérieure et inférieure du corps annulaire pour produire l'effet technique de stabilisation par décompression.
Réponse du tribunal
75. L'article L.611-14 du code de la propriété intellectuelle dispose qu'une invention est considérée comme impliquant une activité inventive "si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique (?)".
76. L'élément ou les éléments de l'art antérieur ne sont destructeurs d'activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à l'homme du métier, ils lui permettaient à l'évidence d'apporter au problème résolu par l'invention la même solution que celle-ci (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 15 novembre 1994, no93-12.917 et jurisprudence constante depuis).
77. En conséquence de l'annulation, pour défaut de nouveauté, des revendications 1 à 3 et 6 du brevet FR 249, seules seront analysées l'activité inventive des revendications 4 et 5 de ce brevet.
78. Au titre du défaut d'activité inventive, les sociétés Décathlon, outre les deux documents précédents, invoquent le document US 3,712,674 (ci-après US 674 Ando), brevet américain déposé le 19 avril 1971. Il est intitulé "chaise gonflable" ("inflatable chair") et comporte une revendication principale et six revendications dépendantes (pièces Décathlon no15-1 et 15-2).
79. Elles se prévalent, notamment, des lignes 13 à 24 de la description de ce brevet, ainsi libellées d'après la traduction libre et non contestée des sociétés Décathlon (leur pièce no15-2) : "lorsque la chaise est occupée, et que le poids est ainsi exercé sur la partie siège 2, un effet de ventouse se produit entre la partie gonflée 3 et le sol, de sorte que même lorsque le poids de l'occupant est exercé contre la partie dossier 1a de la partie 1, la chaise ne bascule pas".
80. Ce brevet comprend trois figures, parmi lesquelles la figure 1 est invoquée :
81. Le problème technique que propose de résoudre le brevet FR 249 est celui d'obtenir un siège gonflable facile d'utilisation, gonflable manuellement, adapté à différentes utilisations, possédant une stabilité améliorée et, l'ensemble, à faible coût (conclusions Waff et [P] page 156).
82. Or, ainsi qu'il a été analysé au titre de la nouveauté du brevet FR 249, le document US 452 Hull divulgue un corps annulaire, ou tore, dont le centre est fermé par deux parois supérieure et inférieure planes, situées à distance des extrémités axiales supérieure et inférieure du corps annulaire, symétriques par rapport à un plan équatorial du corps annulaire, définissant à l'intérieur du corps annulaire une chambre centrale pouvant être remplie d'air au moyen d'une valve et dont les différentes parois sont thermosoudées entre elles.
83. Le document US 674 Ando divulgue dans sa revendication 1 une "section constituant un élément d'engagement au sol qui, lorsqu'il est gonflé, a la forme d'un tore creux, ayant un diamètre extérieur supérieur au diamètre" de la section du siège qui lui est supérieure, selon sa traduction non contesté (pièce Décathlon no15-2). Ainsi, selon ce document, le résultat technique de la stabilité du siège gonflable est obtenu, dès lors que le tore creux a un diamètre supérieur à celui du siège situé en son centre.
84. La combinaison de l'enseignement de ce document et des caractéristiques du document US 452 Hull aboutissent à concevoir, pour l'homme du métier doté de ses connaissances générales, un corps annulaire, ou tore creux, dont le siège situé au centre est constitué de deux parois supérieure et inférieure planes fermant cet espace, lesquelles sont situées à distance des extrémités axiales supérieure et inférieure du corps annulaire, afin d'obtenir l'effet de dépression permettant la stabilisation du siège.
85. Toutefois, la circonstance que les revendications 4 et 5 du brevet FR 249 caractérisent que ce résultat technique est obtenu, pour le siège gonflable objet de l'invention, par des rapports de proportion compris entre 25% et 85% du cercle de révolution de la chambre toroïdale, tant pour le rayon du cercle de section de la chambre toroïdale que pour la distance axiale entre une extrémité axiale du corps annulaire et la paroi plane adjacente, n'a pas pour effet de les priver de caractère inventif.
86. En effet, d'abord, aucune proportion de distance n'est décrite dans les documents opposés.
87. Ensuite, la lecture de la figure 3 du document US 452 Hull, compte tenu de la très faible distance qui sépare les parois planes de la chambre centrale des extrémités axiales du corps annulaire, n'invite pas l'homme du métier doté de ses connaissances générales, à en déduire que cette distance est propre à contribuer à un résultat technique.
88. Concernant le véhicule présenté par le brevet US 401 Peterson, sa forme diffère de l'invention du brevet FR 249. En effet, dans le silence de la description et des revendications du brevet US 401 Peterson à ce sujet, il apparaît, à l'étude de ses figures et notamment de ses figures 4 et 5, que la surface inférieure de la bouée est parfaitement plane et que contrairement au siège du brevet FR 249, aucun espace libre n'existe entre l'extrémité axiale inférieure et la paroi plane inférieure.
89. Le brevet US 401 Peterson ne présente donc pas les mêmes caractéristiques structurelles que le brevet FR 249 et n'invite pas l'homme du métier doté de ses connaissances générales à prévoir une distance minimale ou maximale entre les parois planes de la chambre centrale et les extrémités axiales du corps annulaire.
90. Il en va de même du document US 674 Ando qui enseigne que l'effet de stabilisation est obtenu dès lors que le tore creux inférieur est d'un diamètre supérieur au siège qui lui est supérieur. Ce document, dont la structure se distingue de celui du brevet FR 249 en ce qu'il est constitué de plusieurs corps annulaires, précise qu'en raison de cette séparation structurelle "les déplacements de poids n'auront pour effet que d'amener la section 3 (le tore inférieur) à s'agripper plus fermement au sol et à améliorer la stabilité de la chaise" (pièce Décathlon no15-2). Cette description, associée à la figure 3 de ce document, n'invite en rien l'homme du métier doté de ses connaissances générales, à prévoir des distances minimale ou maximale entre les deux tores que sont le siège et celui servant au résultat technique de l'effet ventouse.
91. La combinaison de ces documents ne divulgue pas plus les proportions caractérisantes des revendications 4 et 5 du brevet FR 249. Si l'effet ventouse est connu de l'homme du métier doté de ses connaissances générales, il ne découle pas, toutefois, tant à la lecture de ces documents que grâce à ses connaissances générales, les valeurs précises permettant d'obtenir ce résultat, lequel, selon les propres conclusions des sociétés Décathlon (pages 42 à 44), peut être obtenu en deça de 25% ou au-delà de 85% des distances caractérisantes.
92. En conséquence, le moyen tiré du défaut d'activité inventive des revendications 4 et 5 du brevet 249 sera rejeté.
IV - Sur la validité du brevet EP 125
Moyens des parties
93. Au soutien de leur demande de nullité des revendications 1 à 6 du brevet EP 125 pour défaut d'activité inventive, les sociétés Décathlon SE et Décathlon France développent les mêmes moyens et arguments que ceux analysés au titre de la validité du brevet FR 249 (leurs conclusions pages 32 à 45). Elles ajoutent que la revendication 1 du brevet EP 125, en l'absence de toute indication de valeur maximale, confère à cette revendication une portée qui va au-delà de l'existence de son résultat technique, dans la mesure où, si la chambre centrale est trop large et la dépression trop profonde, l'air présent dans la partie inférieure du coussin sera totalement chassé lors de la pression d'un corps et l'effet ventouse sera absent.
94. La SAS Waff et M. [P] font valoir que le brevet EP 125 présente une activité inventive dans la mesure où il résoud un problème technique ancien auquel aucune autre invention n'avait apporté de solution, ce que son succès commercial confirme. Ils développent que ce brevet ne revendique pas l'effet ventouse invoqué en défense et qu'aucun des trois documents opposés ne permet à l'homme du métier de parvenir à l'invention parce qu'ils ne contiennent aucune suggestion en ce sens.
Réponse du tribunal
95. L'article 52 de la convention de Munich du 5 octobre 1973 sur le brevet européen dispose que "les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle".
96. L'article 56 de cette convention précise que "une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique. Si l'état de la technique comprend également des documents visés à l'article 54, paragraphe 3, ils ne sont pas pris en considération pour l'appréciation de l'activité inventive".
97. Le brevet EP 125 revendique la priorité du brevet FR 249.
98. La revendication 1 du brevet EP 125 mentionne que le siège est "caractérisé en ce que la distance axiale (d) du corps annulaire et la paroi plane inférieure est supérieure à 25% du rayon (R) du cercle de révolution de la chambre toroïdale, cet espace libre présentant un volume suffisant pour qu'un mouvement de l'utilisateur initialement assis sur le siège s'accompagne d'une augmentation du volume de l'espace libre ainsi ménagé et d'une dépression correspondante dans l'espace libre, laquelle dépression tend à plaquer le siège sur la surface sur laquelle il est posé" (pièce Waff et [P] no5).
99. Cette rédaction consiste à intégrer dans la revendication 1 du brevet EP 125, une partie de la revendication 5 du brevet FR 249 et à décrire l'effet de stabilisation qui en résulte, contrairement à ce que soutiennent la SAS Waff et M. [P].
100. Or, il n'est pas contesté que ce résultat technique ne peut être obtenu sans qu'un volume d'air minimal ne réside dans l'espace libre situé entre la paroi plane inférieure du centre du corps annulaire et l'extrémité axiale inférieure du corps annulaire.
101. Toutefois, contrairement à ce qu'invoquent les sociétés Décathlon, la revendication 1 de ce brevet précise non seulement que la distance entre la paroi plane du centre du corps annulaire et l'extrémité axiale de ce corps doit être supérieure à 25% du rayon du cercle de révolution de la chambre toroïdale, mais également que "cet espace libre présent[e] un volume suffisant" pour obtenir le résultat technique décrit, ce dont il se déduit que cette distance doit comporter un maximum que l'homme du métier doté de ses connaissances générales est en mesure de mettre en oeuvre.
102. De plus, ainsi qu'il a été démontré au titre de l'activité inventive du brevet FR 249, les documents US 452 Hull, US 401 Peterson et US 674 Ando ne divulguent ni isolément, ni dans leur combinaison, le fait que la distance entre la paroi plane du centre du corps annulaire et l'extrémité axiale de ce corps doit être supérieure à 25% du rayon du cercle de révolution de la chambre toroïdale, dès lors qu'elle peut être inférieure pour mettre en oeuvre les inventions objets de ces documents.
103. Ainsi, la revendication 1 du brevet EP 125 n'est pas dépourvue d'activité inventive s'agissant des rapports de distance entre la paroi plane du centre du corps annulaire et l'extrémité axiale de ce corps. Les revendications 2, 3, 4, 5 et 6 du brevet EP 125 étant dépendantes de la revendication 1 du brevet EP 125, elles ne sont pas, non plus, dépourvues d'activité inventive.
104. La demande d'annulation du brevet EP 125 sera, en conséquence, rejetée.
V - Sur la validité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon
105. Les sociétés Décathlon SE et Décathlon France sollicitent la nullité des deux procès-verbaux de saisie-contrefaçon dressés le 17 juillet 2019, le premier au siège social de la société Décathlon France et le second dans le magasin Décathlon situé à la même adresse, [Adresse 1], qui seront analysés successivement.
V.1 - S'agissant de la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 17 juillet 2019 au siège social de la SA Décathlon France
Moyens des parties
106. Les sociétés Décathlon SE et Décathlon France concluent à l'annulation du procès-verbal dressé le 17 juillet 2019 suite à la saisie-contrefaçon opérée au siège social de la SA Décathlon France, au motif que, contrairement à ce qui est indiqué au titre des modalités de remise de l'acte, le procès-verbal n'a pas pu être remis au saisi le 17 juillet 2019 à 10h25, cette date et cette heure correspondant à celles du début des opérations de saisie-contrefaçon, alors, selon eux, que la rédaction d'un procès-verbal de saisie-contrefaçon ne peut être daté qu'au moyen de la "fiche de tournée", celle annexée à ce procès-verbal étant datée du 19 juillet 2019.
107. La SAS Waff et M. [P] considèrent que le procès-verbal est valable, la fiche de tournée indiquant la date du 19 juillet 2019, date à laquelle le procès-verbal a été remis au saisi, dans la mesure où il ne pouvait être rédigé sur place. Ils soulignent que si les défenderesses considéraient que le procès-verbal était un faux, elles auraient dû engager une procédure en inscription de faux, ce qu'elles n'ont pas fait et ce qui constitue la preuve que leur argumentation est infondée.
Réponse du tribunal
108. Conformément à l'article 114 du code de procédure civile, "aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public".
109. En application de l'article 648 du code de procédure civile, "tout acte d'huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs :
1. Sa date ;
2. a) Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
b) Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement.
3. Les nom, prénoms, demeure et signature de l'huissier de justice ;
4. Si l'acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social.
Ces mentions sont prescrites à peine de nullité".
110. Toutefois, les dispositions précitées de l'article 648 du code de procédure civile sont sans application lorsque la contestation porte non pas sur l'irrégularité ou l'omission d'une des mentions exigées, mais sur sa véracité (en ce sens Cour de cassation, 2ème chambre civile, 3 février 1977, Dalloz 1977 IR 229).
111. La nullité sanctionnant l'absence de date sur un acte d'huissier de justice est une nullité de forme qui ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité (en ce sens Cour de cassation, 2ème chambre civile, 12 décembre 1990, no89-18.876).
112. Au cas présent, il résulte du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 17 juillet 2019 au siège de la SA Décathlon France que la mention "l'an deux mille dix neuf et le dix sept juillet à 10h25" critiquée est portée à la suite du titre de ce procès-verbal (pièce Waff et [P] no17 page 5), ainsi qu'à la suite du titre "modalités de remise de l'acte" (même pièce page 15), tandis que la dénonciation de ce procès-verbal a été opérée par l'huissier instrumentaire le 19 juillet 2019, ainsi qu'il résulte de la fiche de signification (même pièce page 18).
113. Ainsi, la mention de la date de ce procès-verbal de saisie-contrefaçon ne fait pas défaut, non plus que celle de sa signification à la SA Décathlon France.
114. La circonstance que la date figurant sous le titre "modalités de remise de l'acte" soit celle de la saisie-contrefaçon et non de sa signification ne relève, dès lors, pas des nullités de forme, mais de la force probante de l'acte.
115. Au surplus, la SA Décathlon France ne fait état d'aucun grief au soutien de sa demande de nullité, laquelle sera, en conséquence, rejetée.
V.2 - S'agissant de la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 17 juillet 2019 au magasin Décathlon de [Localité 3]
Moyens des parties
116. Les sociétés Décathlon SE et Décathlon France demandent l'annulation du procès-verbal du 17 juillet 2019 dressé suite aux opérations de saisie-contrefaçon réalisées au magasin Décathlon de [Localité 3], au premier motif que le coussin argué de contrefaçon présente des différences avec le siège breveté : il n'est pas un tore, par définition circulaire, mais un carré ; il ne comprend pas de parois planes internes, ses parois internes étant arrondies ; la mesure du rayon (R) du cercle de révolution de la chambre toroïdale est inexacte, de même que celle de la distance axiale (d) entre le corps annulaire et la paroi plane inférieure. Elles ajoutent que l'huissier n'a pas dirigé seul les opérations comme il aurait dû le faire et qu'il n'a pas vérifié lui-même les éléments matériels inscrits dans le procès-verbal, qui ont été dictés par le conseil en propriété industrielle assistant l'huissier.
117. La SAS Waff et M. [P] objectent que la distinction faite entre ses propres constatations et celles du conseil en propriété industrielle prouvent que l'huissier ne lui a jamais confié la conduite des opérations, ce conseil en propriété industrielle n'ayant assisté l'huissier que pour des aspects à propos desquels ce dernier n'avait pas les compétences techniques requises et l'huissier ayant systématiquement distingué entre ses propres constatations et les dires de cet expert. Ils considèrent que la circonstance que le procès-verbal serait "manifestement faux" aux dires des défenderesses ne peut être établie que par une procédure en inscription de faux qu'elles n'ont pas initiée.
Réponse du tribunal
118. L'article L.615-5 du code de la propriété intellectuelle dispose que "la contrefaçon peut être prouvée par tous moyens.
A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou procédés prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant. L'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits ou procédés prétendus contrefaisants en l'absence de ces derniers.
La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits ou pour mettre en oeuvre les procédés prétendus contrefaisants (?)"
119. En application de l'article 1er de l'ordonnance no45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, dans sa version applicable au procès-verbal du 17 juillet 2019, les huissiers de justice "peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter. Sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, ces constatations font foi jusqu'à preuve contraire".
120. Il résulte du premier de ces textes que l'huissier peut être assisté d'un expert désigné par le demandeur pour l'aider dans la description de l'objet argué de contrefaçon, l'huissier devant néanmoins veiller, dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon, à bien faire apparaître l'origine de ses constatations, en séparant ses constatations personnelles des observations d'un expert ou encore des informations provenant d'une documentation technique (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 21 mars 2000, no97-18.914).
121. Le fait que le conseil en propriété industrielle de la partie saisissante ait, à l'initiative de celle-ci, établi un rapport décrivant les caractéristiques du produit incriminé ne fait pas obstacle à sa désignation ultérieure, sur la demande du saisissant, en qualité d'expert pour assister l'huissier dans le cadre d'une saisie-contrefaçon de brevet, sa mission n'étant pas soumise au devoir d'impartialité et ne constituant pas une expertise au sens des articles 232 et suivants du code de procédure civile (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 27 mars 2019, no18-15.005).
122. Il résulte du second de ces textes que les constatations qu'a fait l'huissier de justice ont force probante jusqu'à preuve contraire et que leur contestation ne relève pas de la procédure d'inscription de faux (en ce sens Cour de cassation, 2ème chambre civile, 6 juin 2013, no12-17.771).
123. En premier lieu, les moyens soulevés par les sociétés Décathlon au soutien de l'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 17 juillet 2019 dans le magasin Décathlon de [Localité 3] portant sur la forme du coussin Gym Pillow Mini argué de contrefaçon ou l'inexactitude des constatations de l'huissier sont inopérants à ce titre et, constituant une défense au fond, ne sauraient avoir de portée qu'au titre de la force probante de cet acte.
124. En second lieu, il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon litigieux que l'huissier a pris le soin de mentionner chaque action effectuée par le conseil en propriété industrielle choisi pour l'assister de manière distincte de ses propres constatations, mentionnant, par exemple : "je constate alors que Monsieur [K] gonfle un exemplaire en soufflant dans la valve et découpe un autre exemplaire en deux, dans la longueur", "je constate ensuite que Monsieur [K] [C] pointe à l'aide d'un stylo l'axe de symétrie au milieu du coussin", "sur la partie inférieure, Monsieur [K] matérialise à l'aide d'un stylo le centre de la partie centrale et la demi-largeur de la chambre en forme de tore", "Monsieur [K] [C] appuie ensuite le coussin contre un mur pour simuler l'utilisation effectuée par un utilisateur" (pièce Waff et [P] no16). Il ressort également de ces mentions que le conseil en propriété industrielle n'est intervenu que pour assister l'huissier dans l'exercice de sa mission.
125. De même, l'huissier a indiqué : "je constate que ce coussin gonflable comporte (?)", "je note que les deux parois sont perpendiculaires (?)", "je constate alors que la distance entre l'extrémité supérieure du coussin (?)" (même pièce). Il ressort des termes utilisés par l'huissier, qu'il a constaté lui-même l'apparence extérieure du coussin.
126. De plus, l'huissier précise qu'il a constaté lui-même les mesures du coussin qui sont inscrites dans son procès-verbal : "je constate alors que la distance entre l'axe de symétrie et le milieu de la chambre toroïdale est de 10,50 centimètres à l'aide d'une règle", "je relève que la distance entre la paroi inférieure et l'extrémité inférieure de la chambre est de 2,80 centimètres toujours à l'aide de cette même règle" (même pièce).
127. Ainsi, l'huissier a veillé à mentionner de manière distincte ses propres constatations des observations de l'expert qui l'assistait au cours des opérations de saisie-contrefaçon du 17 juillet 2019, il a constaté par lui-même les éléments matériels inscrits dans le procès-verbal litigieux en sorte qu'il avait, seul, la direction des opérations de saisie-contrefaçon.
128. La demande des sociétés Décathlon en nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 17 juillet 2019 au magasin Décathlon de [Localité 3] seront, en conséquence, rejetées.
VI - Sur la validité du procès-verbal de constat d'huissier du 3 décembre 2019
Moyens des parties
129. La SAS Waff et M. [P] concluent à l'annulation du procès-verbal d'huissier de justice du 3 décembre 2019 produit par les défenderesses, au motif que l'huissier a fait procéder à une véritable expertise guidée par les instructions de celles-ci, effectuant des mesures constituant des opérations intellectuelles, alors qu'il aurait dû s'en tenir à des constatations purement matérielles exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter. Ils contestent l'origine du coussin objet du constat, affirmant qu'aucun constat d'achat n'a été fait au préalable.
130. Les sociétés Décathlon SE et Décathlon France affirment que l'huissier, qui a effectué un constat d'achat, n'a opéré aucune déduction quant à la signification des mesures qu'il a prises sur le coussin, ces mesures constituant de simples constatations matérielles.
Réponse du tribunal
131. Selon l'alinéa 2 de l'article 1er de l'ordonnance no45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice, dans sa rédaction applicable au constat du 3 décembre 2019, les huissiers de justice "peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter".
132. En vertu de ce texte, l'huissier de justice doit se borner à faire des constatations purement matérielles et ne peut pas s'engager activement pour obtenir une preuve objet de son constat (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 20 mars 2014, no12-18.518).
133. En l'espèce, concernant l'origine du coussin objet du constat, l'huissier indique clairement en page 1 du constat du 3 décembre 2019 "que pour la sauvegarde de ses droits, la requérante me demande de dresser diverses constatations sur le coussin gonflable Gym Pillow Mini dont l'achat a été constaté au magasin Décathlon de [Adresse 5] par acte de mon ministère du 2/12/2019" (pièce Décathlon no3.1, page 1), outre que ce constat d'achat est produit en pièce no2.1 par les défenderesses. L'origine du coussin objet du constat n'est donc pas inconnue.
134. En revanche, en indiquant qu'il a gonflé le coussin d'une certaine façon, appuyé le coussin contre un mur, dégonflé légèrement le coussin, appuyé fortement sur le mètre pour faire une mesure, l'huissier s'est engagé activement pour l'obtention d'une situation qu'il a ensuite constatée.
135. En agissant ainsi, l'huissier a outrepassé les pouvoirs qu'il détenait du texte précité en n'effectuant pas seulement des constatations purement matérielles.
136. En conséquence, le procès-verbal de constat de Me [U] [F], huissier de justice, du 3 décembre 2019 sera annulé.
VII - Sur la contrefaçon des brevets FR 249 et EP 125
Moyens des parties
137. La SAS Waff et M. [P] soutiennent que le coussin Gym Pillow Mini commercialisé par les défenderesses reproduit toutes les caractéristiques des revendications 1 de leurs brevets FR 249 et EP 125, ce coussin constituant, selon eux, un siège gonflable formant une chambre toroïdale pouvant être remplie d'air et comportant deux parois planes situées axialement à distance des extrémités axiales supérieure et inférieure. Ils en tirent la conclusion que les autres revendications de leurs brevets sont également contrefaites du fait de la reproduction des caractéristiques des revendications 1 desdits brevets.
138. Les sociétés Décathlon SA et Décathlon France opposent que le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 17 juillet 2019 ne permet pas d'établir de manière certaine la matérialité de la contrefaçon, notamment parce que l'huissier a commis une erreur quant à la constatation de la forme du coussin litigieux, en ce qu'il ne peut pas comporter une chambre en forme de tore à base carrée, une telle forme n'existant pas. Elles invoquent, également, que contrairement à ce que l'huissier a constaté, les parois de la chambre centrale ne sont pas planes mais arrondies. Elles contestent l'exactitude des mesures prises par l'huissier, qui ne correspondent pas, selon elles, à la réalité.
Réponse du tribunal
139. L'article L.613-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que "sont interdites, à défaut de consentement du propriétaire du brevet :
a) La fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement, ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet ;
b) L'utilisation d'un procédé objet du brevet ou, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que l'utilisation du procédé est interdite sans le consentement du propriétaire du brevet, l'offre de son utilisation sur le territoire français ;
c) L'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement ou la détention aux fins précitées du produit obtenu directement par le procédé objet du brevet".
140. Selon l'article 9 du code de procédure civile, "il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention".
141. Il sera précisé liminairement qu'en conséquence de l'annulation pour défaut de nouveauté des revendications 1, 2, 3 et 6 du brevet FR 249, seule sera analysée la demande de la SAS Waff et M. [P] en contrefaçon des revendications 4 et 5 du brevet FR 249 et du brevet EP 125.
142. S'agissant du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 17 juillet 2019 au magasin Décathlon de [Localité 3], il mentionne que le cousin litigieux comporte "un corps avec une chambre en forme de tore à base carrée" (pièce Waff et [P] no16).
143. Or, un tore est un volume créé par un cercle qui tourne autour d'un axe situé dans son plan et qui ne passe pas par son centre. Son usage le plus répandu est probablement le bracelet.
144. Dès lors, une chambre en forme de tore ne peut qu'avoir une forme circulaire et non une base carrée, outre qu'un volume à base carrée est un cube, fût-il évidé en son centre.
145. Par ailleurs, toutes les photographies du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 17 juillet 2019 au magasin Décathlon de [Localité 3] établissent que le coussin Gym Pillow Mini litigieux n'a pas une forme circulaire, mais une forme cubique avec des coins arrondis. L'huissier ne peut donc pas affirmer, sans incohérence, qu'il est constitué d'une "chambre en forme de tore à base carrée".
146. De plus, la forme cubique du coussin a une conséquence sur la mesure de la distance entre l'axe de symétrie et le milieu de la chambre extérieure. En effet, l'huissier a mentionné sur le procès-verbal de saisie-contrefaçon avoir constaté que "la distance entre l'axe de symétrie et le milieu de la chambre toroïdale est de 10,50 centimètres à l'aide d'une règle" (même pièce no16). Cependant, la distance entre l'axe de symétrie et le milieu de la chambre du coussin litigieux ne peut pas être constante, du fait que la chambre n'est pas en forme de tore mais de forme cubique. Ainsi, la valeur de cette distance entre l'axe de symétrie et le milieu de la chambre extérieure varie selon que la mesure est prise sur un axe horizontal ou un axe diagonal : la mesure prise sur la diagonale du cube est supérieure à celle prise sur l'axe horizontal. En conséquence, il est erroné d'affirmer de façon générale que le milieu de la chambre toroïdale est de 10,50 centimètres, alors que cette mesure ne correspond qu'à la distance entre l'axe de symétrie et le milieu de la chambre, mesurée sur l'axe horizontal du cube et non sur son axe diagonal. Les constatations de l'huissier relatives à la distance entre l'axe de symétrie et le milieu de la chambre sont donc dénuées de force probante.
147. Ensuite, l'huissier indique que les parois supérieure et inférieure centrales "sont planes par rapport aux côtés arrondis de la partie périphérique" (même pièce). Cependant, il ressort de la quasi-totalité des photographies de ce procès-verbal, que ces parois supérieures et inférieures ne sont pas planes, mais légèrement bombées. L'huissier instrumentaire se contredit donc, de sorte que la constatation relative à la forme des parois inférieure et supérieure est dénuée de force probante.
148. De même, puisque les parois ne sont pas planes, mais bombées, c'est-à-dire formant un arc de cercle, elles ne peuvent pas être perpendiculaires à l'axe de symétrie du coussin, un axe étant une ligne droite, contrairement à ce que l'huissier a inscrit dans son procès-verbal de saisie-contrefaçon.
149. En conséquence, la mesure de la distance entre la paroi inférieure et l'extrémité inférieure de la chambre en est affectée. Ainsi, le procès-verbal de saisie-contrefaçon rapporte que l'huissier "relève que la distance entre la paroi inférieure et l'extrémité inférieure de la chambre est de 2,80 cm toujours à l'aide de cette même règle" (même pièce no16). Néanmoins, comme le relèvent les sociétés Décathlon et comme il est visible sur la quatorzième photographie de ce procès-verbal, la mesure est prise à partir de l'extrémité de la partie centrale du coussin litigieux, à proximité de la thermosoudure avec sa chambre cubique extérieure, cette partie formant un creux par rapport à l'arc de cercle de la paroi centrale de ce coussin. Il en résulte que si la mesure avait été prise à partir du centre de la paroi inférieure centrale, c'est-à-dire au plus haut de l'arc de cercle de cette paroi, la distance aurait moindre que celle constatée.
150. En outre, l'observation de la règle sur la quatorzième photographie du même procès-verbal de saisie-contrefaçon laisse apparaître que cette distance entre la paroi inférieure et l'extrémité inférieure de la chambre n'est pas de 2,80 cm, mais de 2,50 cm. En effet, cette photographie montre le centimètre utilisé par l'huissier accolé à une planche bleue destinée à matérialiser l'extrémité axiale inférieure de la chambre cubique du coussin litigieux et la mesure de 2,80 cm correspond à la hauteur incluant l'épaisseur de cette planche bleue, tandis que la valeur de cette mesure devait être relevée à l'extrémité inférieure de cette planche dont l'épaisseur devait être exclue de la mesure. Ainsi, cette mesure constatée par l'huissier est dénuée de force probante en ce qu'elle est contredite par la quatorzième photographie du procès-verbal.
151. Pour être reproduite, les revendications 4 et 5 du brevet FR 249 et la revendication 1 du brevet EP 125 impliquent que le coussin litigieux comprenne au moins un corps annulaire formant une chambre toroïdale comprenant deux parois planes s'étendant perpendiculairement à son axe de révolution et si la distance entre son extrémité axiale inférieure et sa paroi plane inférieure est supérieure à 25% du rayon du cercle de révolution de sa chambre toroïdale.
152. Or, il résulte des observations précédentes que le coussin Gym Pillow Mini litigieux, qui a une forme cubique, n'est pas un corps annulaire formant une chambre toroïdale, de même que ses parois ne sont pas planes et ne peuvent donc pas être perpendiculaires à l'axe de révolution. Enfin, la preuve n'est pas rapportée que la distance entre l'extrémité axiale inférieure du coussin Gym Pillow Mini litigieux et sa paroi plane inférieure est supérieure à 25% du rayon du cercle de révolution de sa chambre, qui n'est d'ailleurs pas une chambre toroïdale.
153. Pour toutes ces raisons, le coussin Gym Pillow Mini litigieux ne reproduit pas les revendications 4 et 5 du brevet FR 249 et 1 du brevet EP 125. Il en résulte que les moyens tirées de la contrefaçon des revendications dépendantes du brevet EP 125 par la seule reproduction des caractéristiques de la revendication 1 de ce brevet sont inopérants.
154. En conséquence, la SAS Waff et M. [P] seront déboutés de l'ensemble de leurs demandes en contrefaçon des revendications 4 et 5 du brevet FR 249 et du brevet EP 125 et, par suite, de leurs demandes en réparation y afférentes.
VIII - Sur la demande en parasitisme
Moyens des parties
155. La SAS Waff et M. [P] prétendent qu'en commercialisant le coussin Gym Pillow Mini, les défenderesses ont commis un ensemble d'actes, indépendants de la contrefaçon, qui leur ont permis de profiter des investissements de la SAS Waff et de s'immiscer dans son sillage sans bourse délier. Selon eux, ces actes consistent à commercialiser un coussin dont la similarité visuelle avec le coussin de la société Waff est indéniable et dont la dénomination Gym Pillow Mini est similaire au produit Waff Mini qu'elle vend. Ils reprochent également aux défenderesses de commercialiser le coussin litigieux dans un packaging qui rappelle les publications sur les réseaux sociaux de célèbres sportifs où le coussin de la société Waff apparaît et d'avoir utilisé les mêmes éléments de langage que la société Waff, notamment le terme "proprioception".
156. Les sociétés Décathlon SE et Décathlon France invoquent que les demandeurs n'apportent aucune preuve d'investissements que la SAS WAFF aurait consacré à la commercialisation de son coussin. Elles considèrent qu'ainsi, en l'absence de toute démonstration des investissements économiques liés au développement intellectuel, commercial et promotionnel qui auraient été détourné, ils sont infondés à agir en parasitisme. Elles ajoutent que les demandeurs ne démontrent aucune faute, en l'absence de ressemblance visuelle entre le coussin Gym Pillow Mini litigieux et le siège gonflable commercialisé par la SAS Waff.
Réponse du tribunal
157. Aux termes de l'article 1240 du code civil, "tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer".
158. Conformément à l'article 9 du code de procédure civile, "il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention".
159. Le parasitisme, qui n'exige pas de risque de confusion, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale économique et financière, 10 juillet 2018, pourvoi no16-23.694).
160. En l'occurrence, la société Waff et M. [P] ne font qu'alléguer les investissements, qu'ils disent représenter plusieurs millions d'euros, que la société Waff aurait prétendument engagés pour promouvoir son siège gonflable, notamment en payant des sportifs professionnels pour qu'ils publient des photos et vidéos d'eux utilisant ce siège gonflable sur les réseaux sociaux. En effet, aucune pièce ne corrobore ces allégations de partenariat rémunéré conclu avec ces sportifs ou un quelconque autre investissement réalisé par la société Waff.
161. De plus, la commercialisation d'un coussin gonflable d'un aspect visuel distinct, sur l'emballage duquel figure le terme "Mini" ou celui de "proprioception" sur le site internet des défenderesses, lesquels ne sont pas appropriables, n'est pas constitutif d'une quelconque faute commise par les sociétés Décathlon SE ou Décathlon France.
162. En conséquence, la SAS Waff et M. [P] seront déboutés de leur demande en parasitisme.
IX - Sur la demande d'amende civile
Moyens des parties
163. La SAS Waff et M. [P] réclament la condamnation des défenderesses à une amende civile symbolique compte tenu de leur attitude générale au cours de la procédure.
164. Les sociétés Décathlon SE et Décathlon France répondent que s'agissant de l'aspect procédural de l'affaire, la cour d'appel de Paris y a statué par arrêt du 23 novembre 2021.
Réponse du tribunal
165. L'article 1240 du code civil prévoit que "tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer".
166. En application de l'article 32-1 du code de procédure civile, "celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 € sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés".
167. Toutefois, l'amende civile ne saurait être mise en oeuvre que de la propre initiative du tribunal saisi, les parties ne pouvant avoir aucun intérêt au prononcé d'une amende civile à l'encontre de l'adversaire.
168. Les circonstances de l'espèce ne justifiant pas la condamnation des défenderesses à une amende civile, la demande de la SAS Waff et de M. [P] à ce titre ne peut qu'être rejetée.
X - Sur les autres demandes
X.1 - S'agissant des dépens
169. Selon l'article 695 du code de procédure civile, les dépens afférents aux instances, actes et procédures d'exécution comprennent, notamment, les débours tarifés et les émoluments des officiers publics ou ministériels.
170. En application de cette disposition les frais d'un expert non désigné à cet effet par décision de justice ne sont pas inclus dans les dépens (en ce sens Cour de cassation, 2ème chambre civile, 12 janvier 2017, no16-10.123).
171. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie.
172. L'article 699 du même code prévoit que "les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.
La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens".
173. La SAS Waff et M. [P], qui succombent à l'instance, seront condamnés aux dépens avec distraction au profit de l'avocat des sociétés Décathlon.
174. En revanche, le procès-verbal de constat du 3 décembre 2019 dressé par Me [U] [F] étant annulé et celui du 2 décembre 2019 n'étant pas imposé par les dispositions procédurales et n'ayant pas été préalablement autorisé par décision de justice, la demande des sociétés Décathlon d'en inclure les frais dans les dépens sera rejetée.
X.2 - S'agissant des frais non compris dans les dépens
175. L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.
176. La SAS Waff et M. [P], condamnés aux dépens, seront condamnés à payer 40 000 euros aux sociétés Décathlon au titre des frais qu'elle ont exposées et non compris dans les dépens.
177. La demande de la SAS Waff et M. [P] à ce titre sera, en conséquence, rejetée.
X.3 - S'agissant de l'exécution provisoire
178. Selon l'article 515 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à la date de l'assignation, "hors les cas où elle est de droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi.
Elle peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation".
179. L'exécution provisoire sera ordonnée, étant nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, en raison de son ancienneté.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
DÉBOUTE les sociétés Décathlon SE et Décathlon France de leur demande d'annulation des brevets FR 2 825 249 et EP 1 262 125 pour insuffisance de description ;
ANNULE les revendications 1, 2, 3 et 6 du brevet français FR 2 825 249 pour défaut de nouveauté ;
DÉBOUTE les sociétés Décathlon SE et Décathlon France de leur demande d'annulation des revencations 4 et 5 du brevet français FR 2 825 249 pour défaut d'activité inventive ;
DÉBOUTE les sociétés Décathlon SE et Décathlon France de leur demande d'annulation de la partie française du brevet européen EP 1 262 125 pour défaut d'activité inventive ;
DÉBOUTE les société Décathlon SE et Décathlon France de leur demande d'annulation des procès-verbaux de saisie contrefaçon du 17 juillet 2019 ;
ANNULE le procès-verbal de constat du 3 décembre 2019 dressé par Me [U] [F] ;
DÉBOUTE la SAS Waff et M. [O] [P] de leurs demandes en contrefaçon des revendications 4 et 5 du brevet FR 249 et du brevet EP 1 262 125 ;
DÉBOUTE la SAS Waff et M. [O] [P] de leur demande en parasitisme ;
DÉBOUTE la SAS Waff et M. [O] [P] de leur demande de condamnation des sociétés Décathlon SE et Décathlon France au paiement d'une amende civile ;
DÉBOUTE les sociétés Décathlon SE et Décathlon France de leur demande d'inclure les frais de constats d'huissier des 2 et 3 décembre 2019 dans les dépens ;
DÉBOUTE la SAS Waff et M. [O] [P] de leur demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS Waff et M. [O] [P] aux dépens, avec droit pour Maître Michel-Paul Escande, avocat au barreau de Paris, de recouvrer ceux dont il a fait l'avance sans recevoir provision ;
CONDAMNE la SAS Waff et M. [O] [P] à payer la somme totale de 40 000 euros aux sociétés Décathlon SE et Décathlon France, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision.
Fait et jugé à Paris le 14 juin 2023
La greffière Le Président