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10/11/2023 | FRANCE | N°22/06063

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Ct0196, 10 novembre 2023, 22/06063


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




3ème chambre
2ème section




No RG 22/06063
No Portalis 352J-W-B7G-CW5XB


No MINUTE :




Assignation du :
18 Mai 2022






























JUGEMENT
rendu le 10 Novembre 2023
DEMANDERESSE


S.A.R.L. GAIATREND
[Adresse 2]
[Localité 3]


représentée par Maître Pierre GREFFE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0617






DÉFENDER

ESSE


S.A.S. GROUP DATA
[Adresse 4]
[Localité 1]


représentée par Maître Nicolas MONNOT de la SELARL GASTAUD LELLOUCHE - HANOUNE MONNOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0430


Copies délivrées le :
- Maître GREFFE #E617 (ccc)
- Maître MONNOT #G430 (exécutoi...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
2ème section

No RG 22/06063
No Portalis 352J-W-B7G-CW5XB

No MINUTE :

Assignation du :
18 Mai 2022

JUGEMENT
rendu le 10 Novembre 2023
DEMANDERESSE

S.A.R.L. GAIATREND
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Maître Pierre GREFFE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0617

DÉFENDERESSE

S.A.S. GROUP DATA
[Adresse 4]
[Localité 1]

représentée par Maître Nicolas MONNOT de la SELARL GASTAUD LELLOUCHE - HANOUNE MONNOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0430

Copies délivrées le :
- Maître GREFFE #E617 (ccc)
- Maître MONNOT #G430 (exécutoire)COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Irène BENAC, Vice-Présidente
Madame Anne BOUTRON, Vice-présidente
Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge

assistée de Quentin CURABET, Greffier

DEBATS

A l'audience du 07 Juillet 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile.

Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2023.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

1. Par jugement de ce tribunal du 14 décembre 2021 (19/8769), signifié le 13 janvier 2022, la société Group data a notamment été condamnée, à raison d'une contrefaçon de la marque européenne Malawia (no13 842 794), à payer 3 200 euros de dommages et intérêts à la société Gaiatrend pour les faits antérieurs au 1er janvier 2020 et une provision de 2 000 euros pour les faits postérieurs, ainsi qu'à
1) « remettre à la société Gaïatrend [au titre du droit d'information] l'intégralité des factures qu'elle-même a reçues ou émises pour l'achat ou la vente de produits dont le nom, la description ou tout autre élément contient « Malawia » ou « Malawi », concernant des ventes réalisées depuis le 1er janvier 2020, certifiées par expert-comptable ; dans un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement puis sous astreinte de 200 euros par jour de retard, qui courra au maximum pendant 180 jours ; »

2) rappeler les produits contrefaisants des circuits commerciaux et les détruire, à ses frais, « dans un délai de 30 jours puis sous astreinte de 500 euros par jour de retard [...] qui courra au maximum pendant 180 jours ; »

3) à ne pas « faire fabriquer, fabriquer, commercialiser sur le territoire de l'Union européenne des arômes, concentrés d'arômes et liquides aromatisés pour cigarettes électroniques marqués ‘Malawia' ou ‘Malawi' (précédés ou non d'un article) », et ce « sous astreinte de 100 euros par infraction constatée passés 15 jours suivant la signification du présent jugement », « chaque unité de produit fabriquée ou offerte à la vente étant une infraction distincte » ;

le tribunal se réservant la liquidation des astreintes.

2. La société Gaiatrend, estimant que les factures transmises le 24 janvier 2022 étaient insuffisantes et que des produits contrefaisants étaient toujours commercialisés par des revendeurs de la société Group data, a assigné celle-ci en liquidation des astreintes 1) et 2) et nouvelle astreinte, le 18 mai 2022. Au cours de l'instance, elle a formé une demande incidente en contrefaçon à raison de nouveaux faits, et la société Group data, estimant le préjudice réel inférieur à la provision accordée par le jugement du 14 décembre 2021, en a demandé reconventionnellement la restitution partielle. L'instruction a été close le 12 janvier 2023.

Prétentions des parties

3. Dans ses dernières conclusions (3 janvier 2023), la société Gaiatrend résiste aux demandes reconventionnelles et demande la condamnation de la société Group data à lui payer 36 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte sur le droit d'information (1) avec fixation d'une nouvelle astreinte définitive de 1 500 euros par jour, 90 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte sur le rappel et la destruction des produits (2), 15 000 euros de dommages et intérêts au titre des nouveaux faits de contrefaçon et 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

4. Dans ses dernières conclusions (11 janvier 2023), la société Group data résiste à l'ensemble des demandes ainsi qu'à l'exécution provisoire et demande elle-même, en substance, de fixer à 126 euros le préjudice au titre des ventes postérieures au 1er janvier 2020 et condamner la société Gaiatrend à lui restituer en conséquence 1 874 euros de trop-perçu, ainsi qu'à lui payer 50 000 euros pour procédure abusive et 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre le recouvrement des dépens par son avocat, « sous sa due affirmation ».

Moyens des parties

5. Sur la première astreinte, la société Gaiatrend, en premier lieu, conteste l'exhaustivité des factures communiquées dans le délai, critiquant l'absence d'attestation de l'expert-comptable permettant de s'en assurer, ainsi que le tableau produit par la défenderesse qui est impropre selon elle à prouver cette exhaustivité et est même incomplet par rapport aux factures déjà communiquées. Elle souligne encore que certaines factures ont elles-mêmes été communiquées de façon incomplète et estime la défenderesse incohérente quand elle affirme avoir rappelé les produits dès le 27 juillet 2020 alors qu'il s'agit aussi de la date de sa dernière facture. Quant à l'attestation d'expert-comptable finalement produite par la défenderesse en décembre 2022, elle l'estime hors délai et lui reproche de ne pas comprendre de facture d'achat alors qu'elle certifie reprendre l'intégralité des factures « reçues ou émises pour l'achat ou la vente ».

6. En second lieu, elle reproche à la débitrice de n'avoir pas transmis de factures certifiées relatives à ses achats d'arôme pur entré dans la composition des produits qu'elle a ensuite commercialisés sous les signes contrefaisants, précisant que l'obligation concernait les achats antérieurs au 1er janvier 2020 dès lors qu'ils correspondaient à la fabrication de produits vendus après cette date. Le tableau produit par la défenderesse sur ce point est également inutile, estime-t-elle, faute de certification par un expert-comptable.

7. Sur la seconde astreinte, la société Gaiatrend soutient que l'obligation de rappel et destruction des produits contrefaisants n'a pas été exécutée dès lors que deux sites dont la société Group data est le fournisseur continuaient à commercialiser des flacons revêtus des termes illicites plusieurs mois après le jugement. Elle conteste la force probante et la portée des attestations produites par la débitrice et estime au contraire que celle-ci est restée inactive alors qu'elle aurait dû s'enquérir des quantités restant en stock chez ses clients et les rappeler puis vérifier que ses revendeurs avaient supprimé toute référence aux produits contrefaisants. Elle estime également, à partir du contenu d'un troisième site, que la société Group data incite ses clients à reproduire le signe Malawi dans les annonces de son nouveau produit Blend M.

8. Sur la nouvelle contrefaçon, elle invoque l'usage du signe Malawi dans le code source de la page du site internet de la société Group data consacrée à son nouveau produit, Blend M. Elle estime indifférent que ce signe ne soit pas visible pour le consommateur dès lors que son usage permet de capter une partie de la clientèle du titulaire de droits, ce qui caractérise également selon elle une atteinte à la fonction de la marque et un « usage à titre de marque ».

**

9. En défense, sur la première astreinte, la société Group data fait valoir, à propos des factures de vente, que les parties manquantes de certaines factures sont les pages qui ne concernent pas les produits litigieux, qu'elle communique en tout état de cause un tableau dont son expert comptable certifie qu'il reprend l'intégralité des factures visées au jugement, que l'oubli de 15 flacons (pour 60 euros) dans la première version de ce tableau est indifférente dès lors que la facture correspondante avait bien été communiquée. À propos des factures d'achats, elle explique que celles-ci émanaient toutes de la société Robertet (anciennement Charabot) qui les avait déjà communiquées dans l'instance ayant donné lieu au jugement du 14 décembre 2021 et qui a communiqué ensuite une attestation de son commissaire aux comptes relative à leur exhaustivité. Elle ajoute qu'il n'y a eu aucun achat en 2020.

10. Sur la seconde astreinte, s'appuyant sur l'attestation des gérants des sociétés correspondant aux trois sites cités par la demanderesse, elle affirme avoir contacté ses clients pour rappeler les produits dès le 27 juillet 2020 (date de sa dernière facture, ce qui correspond bien au plus tard à la date de la dernière vente, de sorte qu'elle n'y voit aucune incohérence) et soutient que les faits invoqués ne lui sont pas imputables. Elle rappelle plus généralement l'obligation de vérifier la proportionnalité de l'astreinte à l'enjeu du litige.

11. Contre la nouvelle demande en contrefaçon, elle explique que le terme Malawi ne figurait que dans les méta-données du produit Blend-M qui remplaçait l'ancien produit Malawi, données visibles uniquement dans le code source de la page, donc invisibles au public, ce dont elle conclut qu'il ne peut y avoir d'atteinte aux fonctions de la marque. Contre l'exécution provisoire, elle indique être une petite entreprise pour qui les condamnations auraient des conséquences excessives et ce d'autant plus, estime-t-elle, que la société Gaiatrend ne subit aucun préjudice.

12. Sur sa demande reconventionnelle en restitution partielle de la provision, la société Group data fait valoir que les factures de vente en 2020 montrent un chiffre d'affaires de 1 269,64 euros, ce qui, en appliquant la même méthode que dans le jugement du 14 décembre 2021, établit un préjudice de 126 euros alors que la provision était de 2 000 euros.

13. Elle estime enfin les demandes abusives, en ce que la société Gaiatrend s'est plainte de ne pas avoir reçu les informations qu'elle avait obtenues dès le 24 janvier 2022 et a saisi le tribunal pour critiquer la présence d'un ancien visuel ou d'un ancien nom du produit sur trois sites internet, ce qui établit selon elle que l'action a été engagée de mauvaise foi, sans même répondre au courrier qu'elle lui avait envoyé avec les pièces. Elle critique également la nouvelle demande en contrefaçon formée sans démontrer une seule commercialisation du liquide Malawi / Malawia. Elle expose que cette procédure s'inscrit dans un « contexte de harcèlement judiciaire ».

Note en délibéré

14. À l'audience, la société Group data a été autorisée à produire en cours de délibéré une preuve de ce que son tableau servant à attester de l'exhaustivité des factures communiquées a bien été signé par son expert-comptable. Elle a communiqué une note et une pièce en ce sens le 24 juillet 2023, expliquant n'avoir pu demander une attestation à son expert-comptable (à cause des congés) mais que la preuve qu'il est l'auteur du tableau ressort du courriel par lequel il le lui avait adressé. La société Gaiatrend n'a pas fait parvenir de note en réponse.

MOTIVATION

I . Astreintes

15. Par application de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, l'astreinte provisoire est liquidée en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. En outre, elle est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

16. Cette mesure, indépendante des dommages et intérêts, a uniquement un but comminatoire, pour contraindre le débiteur à s'exécuter. Elle dépend donc de la capacité de résistance de celui-ci, et sa liquidation nécessite d'apprécier les circonstances qui ont entouré l'inexécution, notamment la bonne ou mauvaise volonté du débiteur comme du créancier de l'obligation.

17. Il est également nécessaire, en application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, d'apprécier, de manière concrète, s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel on liquide l'astreinte et l'enjeu du litige (Cass. 2e Civ., 20 janvier 2022, no20-15.261).

18. Enfin, lorsqu'une astreinte assortit une décision de condamnation à une obligation de faire, il incombe au débiteur condamné de rapporter la preuve qu'il a exécuté son obligation.

1 . Injonction de communiquer les factures

19. L'obligation mise à la charge de la société Group data est de communiquer « l'intégralité des factures qu'elle-même a reçues ou émises pour l'achat ou la vente de produits [sous le signe Malawia ou Malawi], concernant des ventes réalisées depuis le 1er janvier 2020, certifiées par expert-comptable ».

Intégralité des factures émises

20. Il ne s'agit pas, contrairement à ce que semble exiger la société Gaiatrend, d'une obligation de communiquer une attestation d'un expert-comptable sur l'ensemble des achats et des ventes : certes une telle attestation est utile pour prouver l'exhaustivité des factures communiquées et la preuve incombe au débiteur, mais il s'agit seulement d'une question de preuve de l'exécution et non d'une condition à l'exécution elle-même. Il en résulte que la date à laquelle une telle attestation est produite est indifférente sur le respect du délai d'exécution. L'attestation, au cas présent, ne sert qu'à prouver a posteriori que la communication de factures était complète.

21. Dans ce cadre, il est constant que la société Group data a communiqué le 24 janvier 2022, dans le délai, 14 factures de ventes de liquides aromatisés portant le nom Le Malawi (pièces Group data 3 et 4).

22. Ces factures sont toutes revêtues du tampon de la société Fiderco, dont il est constant qu'elle est expert-comptable, ce qui permet de les estimer « certifiées ».

23. La société Group data communique par ailleurs un document (sa pièce 5 bis) contenant d'une part un tableau intitulé « récapitulatif des ventes E-liquides et concentrés ‘Le Malawi' » qui liste les 14 mêmes factures, d'autre part un texte disant « Ce tableau reprend l'intégralité des factures reçues ou émises pour l'achat ou la vente de produits dont le nom, la description ou tout autre élément contient ‘Malawia' ou ‘Malawi', concernant des ventes réalisées depuis le 1er janvier 2020 ». Le document contient le cachet de la société Fiderco et une signature.

24. La pièce produite par la société Group data en délibéré est un courriel envoyé d'une adresse au nom de cette société (fiderco.fr) vers l'adresse du gérant de la société Group data, ayant pour objet « Urgent procès » et disant lui envoyer « le tableau dûment signé. » Cette pièce prouve que la société Fiderco a bien adressé un tableau à la société Group data pour les besoins du procès, mais évidemment pas qu'il s'agit du même tableau que celui produit en pièce 5 bis. Toutefois, elle corrobore l'existence de la société Fiderco, son implication dans l'exécution du jugement, et ainsi la réalité du tampon et de la signature figurant au bas de la pièce 5 bis. En l'absence d'une contestation expresse de la réalité de ce document et de la portée du courriel communiqué en délibéré, ces éléments suffisent à prouver que la pièce 5 bis émane de la société Fiderco.

25. Il en résulte que l'expert-comptable de la société Group data certifie que les 14 factures communiquées dans le délai imposé par le jugement représentent l'intégralité des factures de vente de produits Malawia ou Malawi. Le fait qu'une ancienne version de ce tableau fût erronée est indifférente dès lors d'une part que l'erreur ne portait que sur une partie du contenu d'une facture qui, elle, était bien mentionnée au tableau et avait bien été communiquée, erreur ainsi décelable aisément et sans portée sur la fiabilité du tableau quant au nombre total de factures, d'autre part que cette erreur est isolée au sein d'un ensemble par ailleurs correct.

26. Il en résulte également que ce tableau, fiable hormis cette erreur marginale, permet de confirmer le contenu des factures, mêmes lorsque celles-ci n'ont pas été communiquées en entier : il confirme en effet, indirectement, que les pages omises ne concernaient pas les produits litigieux. Le tribunal observe néanmoins que cette omission volontaire de certaines pages des factures témoigne d'une franche mauvaise volonté dans l'exécution ou a minima d'une désinvolture fautive, laissant le créancier dans le doute face à des éléments volontairement expurgés d'une partie de leur contenu sans qu'aucun effort ne soit fait pour expliquer, justifier ou corroborer ce choix.

27. Le fait, encore, que la pièce 5 bis affirme porter sur l'intégralité des factures d'achat et de vente concernant des ventes réalisées depuis le 1er janvier 2020, alors qu'elle ne contient aucune facture d'achat, n'est pas davantage susceptible d'affecter sa crédibilité. Il n'est pas contesté, en effet, que la société Group data n'a acquis aucun produit identifié par les signes litigieux après le 1er janvier 2020. La société Gaiatrend donne certes un autre sens à l'expression « concernant des ventes réalisées depuis le 1er janvier 2020 », mais indépendamment de l'interprétation correcte à donner à cette expression (qui est examinée ci-dessous au titre des factures reçues), il était évidemment possible d'y lire, comme l'a fait l'expert comptable, que seules étaient concernées les factures relatives à des ventes réalisées depuis le 1er janvier 2020, quelle que soit l'identité du vendeur (Group data ou son fournisseur). Il n'en résulte donc aucun doute sur la fiabilité du document.

28. Ainsi, la pièce 5 bis suffit à prouver que les 14 factures certifiées communiquées dans le délai concernent l'intégralité des factures émises par la société Group data pour la période considérée.

Intégralité des factures reçues

29. La société Group data estime avoir respecté l'obligation de communiquer l'intégralité des factures « d'achat », c'est-à-dire les factures qu'elle a reçues, dès lors qu'elle n'a pas acheté de produits litigieux depuis le 1er janvier 2020, donc qu'il n'y avait aucune facture à communiquer. La société Gaiatrend estime à l'inverse que l'injonction concerne les achats, quelle que soit leur date, dès lors qu'ils ont servi à la fabrication de produits dont la vente a été réalisée depuis le 1er janvier 2020, et que la société Group data devait alors lui remettre les factures antérieures.

30. Cette lecture n'est toutefois pas compatible avec le sens et la construction grammaticale de l'injonction prononcée par le tribunal, à savoir, pour mémoire :

« remettre à la société Gaïatrend [au titre du droit d'information] l'intégralité des factures qu'elle-même a reçues ou émises pour l'achat ou la vente de produits dont le nom, la description ou tout autre élément contient « Malawia » ou « Malawi », concernant des ventes réalisées depuis le 1er janvier 2020, certifiées par expert-comptable ; dans un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement puis sous astreinte de 200 euros par jour de retard, qui courra au maximum pendant 180 jours » (soulignement ajouté).

31. En effet, l'interprétation de la société Gaiatrend implique que la proposition « concernant des ventes réalisées depuis le 1er janvier 2020 » s'applique à « l'achat ou la vente de produits » et exprime l'idée que cet achat « concerne des ventes » quand il porte sur un élément utilisé dans la fabrication du produit vendu, ce qui est doublement erroné : d'une part, il s'agit d'une extension considérable, que rien ne justifie dans le contexte, du sens du verbe « concerner », d'autre part le thème de la phrase est « les factures », qui sont l'objet du verbe principal (« remettre »), celui de la subordonnée relative « qu'elle-même a reçues ou émises... », celui de la proposition verbale « certifiées par expert-comptable », et donc logiquement celui de la proposition « concernant des ventes réalisées depuis le 1er janvier 2020 ». Il est ainsi impossible de conclure que « les factures qu'elle-même a reçues ou émises pour l'achat ou la vente de produits dont le nom (...) contient ‘Malawia' (...), concernant des ventes réalisées depuis le 1er janvier 2020 » veut dire « les factures d'achat (et de vente) portant sur des produits entrés dans la composition de produits vendus depuis le 1er janvier 2020 » (les parties en italique marquent les éléments ajoutés in fine dans le chef de dispositif selon le sens que lui donne la société Gaiatrend. »

32. L'impossibilité d'une telle interprétation ressort également de ce qu'elle revient à faire reposer la portée de l'obligation sur un élément interne, potentiellement secret et surtout extrêmement difficile à vérifier en pratique : le fait qu'un produit ait été fabriqué à partir d'un arôme lui-même vendu sous le signe litigieux. Pour le vérifier, il faudrait savoir si, pour chaque lot fabriqué par le débiteur, l'ingrédient utilisé à ce moment-là était désigné sous le signe litigieux ou non, ce qui impose au débiteur de l'obligation une charge probatoire particulièrement lourde, difficilement prévisible au regard de la lettre du texte de l'injonction voire impossible à atteindre pour des fabrications ayant eu lieu avant son prononcé et donc incompatible avec une astreinte.

33. Au demeurant, cette interprétation ne se justifie pas par l'objectif poursuivi par l'injonction faite à la société Group data. En effet, le jugement avait relevé (p. 22, 4e §) que sur l'ensemble de l'arôme vendu par la société Charabot à la société Group data sous un signe contrefaisant, une partie avait été utilisée pour fabriquer des produits non contrefaisants, ce dont il résulte que la quantité d'arôme contrefaisant achetée par la société Group data n'est pas corrélée au préjudice causé spécialement par celle-ci. Connaitre cette quantité achetée n'a donc d'intérêt que pour déterminer indirectement les quantités vendues par le fournisseur, la société Charabot. Or le jugement a retenu à l'égard de celle-ci qu'il était nécessaire d'obtenir des informations relatives à ses ventes depuis 2015, et non seulement depuis 2020. Si l'objectif de l'injonction faite à la société Group data était de vérifier le préjudice causé par la société Charabot, alors l'injonction de remettre les factures d'achat n'aurait pas été limitée à 2020. Par ailleurs, le jugement aurait également fait la même injonction aux autres clients de la société Charabot partie au procès, ce qui n'est pas le cas.

34. À l'inverse, l'interprétation selon laquelle les « ventes réalisées depuis le 1er janvier 2020 » s'entendent au sens large de toutes les ventes quelle que soit l'identité du vendeur (les ventes réalisées par la société Group data ou les ventes réalisées vers la société Group data) est la lecture la plus immédiate, la plus simple et la seule grammaticalement correcte. Elle fixe une limite temporelle aisée à vérifier et permet d'atteindre l'objectif de l'injonction, qui est de connaitre la masse contrefaisante et les fournisseurs éventuels du contrefacteur pendant la période concernée.

35. Dans ce cadre, la pièce 5 bis de la société Group data suffit à confirmer qu'aucune facture n'a été reçue par celle-ci depuis le 1er janvier 2020 pour l'achat ou la vente de produits contrefaisants. L'obligation, qui n'impliquait évidemment une remise que si de telles factures existaient, est donc respectée.

36. Par conséquent, l'obligation assortie d'une astreinte ayant été entièrement exécutée dans le délai imposé, les demandes en liquidation d'astreinte et en nouvelle astreinte doivent être rejetées.

2 . Rappel et destruction des produits contrefaisants

37. La société Group data affirme avoir procédé au rappel des produits, dès avant le jugement, par téléphone. Le jugement n'imposait pas de procéder au rappel par écrit mais le choix d'une méthode orale impose à la débitrice de prouver rétrospectivement le respect de son obligation.

38. En ce sens, elle démontre, par l'attestation du dirigeant de la société Ziklop stor, qui distribue ses produits (sa pièce 12), qu'elle a informé celle-ci avant le jugement du 14 décembre 2021 que les produits Malawia devaient être détruits et remplacés par des produits référencés Blend M.

39. Moins précis, le dirigeant d'un autre client de la société Group data, la société Eurovape (pièce Group data no14) confirme avoir été informé dès 2019 du remplacement du nom Malawi par Blend-M. Cette date est certes douteuse dans la mesure où des factures de la société Group data mentionnaient encore des produits Malawi en 2020, mais en l'absence de tout élément indiquant le contraire, il peut quand-même en être déduit avec suffisamment de certitude que la société Group data a bien informé la société Eurovape de la nécessité de remplacer les produits contrefaisants (ce qui implique de ne pas les vendre et de les détruire).

40. Si la société Gaiatrend met en doute la réalité du rappel de produits, en particulier à l'égard de cette société Eurovape, c'est en raison du maintien, sur les pages du site de celle-ci consacrées aux nouveaux produits Blend M, de l'image des anciens produits sur lesquels le signe Le Malawi est visible (pièce Gaiatrend 6, pp. 28-31). Dans le même sens, elle critique la présence, dans l'annonce du nouveau produit Blend M sur le site de la société Ziklop stor, du signe Malawi. Elle invoque en second lieu le maintien, sur un site pos.capvap.com, de produits Le Malawia (sa pièce 6, p. 10).

41. Toutefois, en premier lieu, la société Eurovape, dans son attestation, explique qu'il s'agit d'un oubli lors de la modification de la référence du produit. Quelle qu'en soit la cause, le seul maintien de l'image de l'ancien produit Le Malawi sur la fiche du nouveau produit Blend-M est secondaire par rapport au changement de dénomination qui prouve à lui seul que la société Group data a notifié à son client un remplacement de produit dont il peut être déduit l'arrêt de toute vente du précédent dans le délai prévu par le jugement.

42. De même, la présence du signe Malawi dans l'annonce du produit intitulé Blend M sur le site de la société Ziklop stor n'indique pas que le produit effectivement vendu est toujours un produit siglé Malawi. Elle est certes fautive, mais outre que rien ne permet d'imputer cette annonce à une autre personne que la seule société Ziklop stor qui édite le site, elle ne fait que confirmer la réalité d'une substitution de produit en rappelant au consommateur le produit illicite substitué.

43. En second lieu, la société Group data allègue que le site pos.capvap.com était celui d'une société dissoute depuis 2018 et communique pour le confirmer l'attestation du dirigeant d'une (nouvelle) société Capvap qui affirme que le produit litigieux se trouvait sur un ancien site qui n'est plus en fonctionnement (pièce Group data no11). Cette attestation, qui montre qu'une activité existe toujours sous le nom Capvap, ne permet pas de démontrer que le site litigieux était réellement inactif. En revanche, rien ne contredit l'attestation lorsqu'elle affirme ensuite que ce produit n'était pas disponible ni au magasin ni en ligne, ce qui est corroboré par l'explication donnée par la société Group data et non contredite selon laquelle le visuel du site litigieux est un ancien visuel (étiquette blanche) alors que depuis plusieurs années l'étiquette de ses produits est noire (comme le confirment par exemple les visuels litigieux du site eurovape). La présence sur le site pos.capvap.com d'un produit siglé Le Malawi est donc le maintien d'une annonce ancienne, qui n'est pas imputable à la société Group data et ne permet pas de mettre en doute la réalité du rappel de ses produits que les attestations citées ci-dessus aux points 37 et 38 et la preuve du changement de dénomination du produit sur les sites eurovape.fr et ziklopstore.fr permettent de démontrer.

44. L'obligation de rappel et destruction des produits a donc été exécutée dans le délai, et la demande de liquidation de l'astreinte est rejetée.

II . Contrefaçon

45. Le droit d'agir de la société Gaiatrend, licenciée de la marque, n'est pas contesté.

46. Le droit conféré par la marque de l'Union européenne, auquel l'atteinte est qualifiée de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, par l'article L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle, est prévu par l'article 9 du règlement 2017/1001, rédigé en ces termes :

« 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.

2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :

a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée;

b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque;

(...) »

47. La Cour de justice de l'Union européenne a précisé que le droit exclusif du titulaire de la marque, qui n'est pas absolu, ne l'autorise à s'opposer à l'usage d'un signe par un tiers en vertu de l'article 9, dans les conditions énumérées au paragraphe 2, sous a) et b), que si cet usage porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, et notamment à sa fonction essentielle, qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service (CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal football club, C-206/01, point 51 ; plus récemment, CJUE, 25 juillet 2018, Mitsubishi, C-129/17, point 34).

48. La Cour de justice a, dans ce cadre, indiqué

- d'une part, que l'usage par un tiers d'un mot-clé identique à une marque dans le cadre d'un service de référencement pour une annonce payante sur un moteur de recherche en ligne, que ce soit (1) pour présenter ses produits comme une alternative à ceux du titulaire ou (2) pour induire les internautes en erreur, était un usage « pour des produits ou des services » au sens du règlement ou de la directive sur les marques (CJUE, 23 mars 2010, Google, C-236/08, points 69 à 73) ;

- d'autre part que cet usage portait atteinte à la fonction essentielle d'indication d'origine de la marque lorsque l'annonce du tiers (1) suggérait l'existence d'un lien économique entre lui et le titulaire de la marque ou (2) qu'un internaute normalement informé et raisonnablement attentif ou avisé n'était pas en mesure de savoir, sur la base du lien promotionnel et du message commercial qui y était joint, si l'annonceur était un tiers par rapport au titulaire de la marque ou bien, au contraire, économiquement lié à lui (CJUE, Google, précité, points 89, 90).

49. Il en va également ainsi lorsque le signe utilisé par l'annonceur est seulement similaire à la marque, et même s'il n'apparait pas dans l'annonce (CJUE, 25 mars 2010, BergSpechte, C-278/08, dispositif, et point 19)

50. Cette analyse, menée pour des annonces payantes sur un moteur de recherche, a été appliquée à l'usage d'un signe identique à la marque dans des mots-clés pour influencer le référencement naturel d'un moteur de recherche, même si le signe n'est pas visible par l'internaute, lorsque le résultat de la recherche propose à celui-ci une alternative aux produits ou services du titulaire de la marque (première condition à l'usage « pour des produits ou des services ») et qu'il ne lui permet pas, ou seulement difficilement, de savoir si les produits ou services visés par ce référencement proviennent du titulaire de la marque, d'une entreprise ayant un lien économique avec celui-ci ou d'un tiers (Cass. Com., 18 octobre 2023, no20-20.055, points 15 à 17 ; étant observé que bien que cet arrêt ne le rappelle pas, il faut, pour être illicite, que l'usage soit fait dans la vie des affaires, ce qui implique un usage volontaire visant un avantage économique, ce qui suppose que la présence du signe dans le code-source ne soit pas une simple coïncidence mais ait pour objet d'influencer le référencement ; cf CJUE, Google, précité, points 50 à 55).

51. Ces critères peuvent ainsi, par analogie, être appliqués à l'usage d'un signe non pas identique mais seulement similaire à la marque, comme mot-clé invisible non pas pour une annonce payante mais seulement pour le référencement sur Internet, lorsqu'il a le même objet, à savoir présenter les produits de l'utilisateur comme une alternative à ceux du titulaire, et qu'il cause un risque de confusion dont résulte une atteinte à la fonction essentielle de la marque.

52. Dans la présente espèce, l'usage litigieux est l'usage invisible d'un mot-clé, Malawi, similaire à la marque, Malawia, ayant non pas pour objet et pour effet d'influencer le référencement naturel sur un moteur de recherche en ligne, mais ayant pour effet d'influencer les résultats de recherche internes au site internet de la société Group data (datasmoke.com).

53. Il est en effet établi (pièce Gaiatrend 6, pp. 39-43) qu'une recherche avec le mot-clé Malawi dans la barre de recherche interne au site datasmoke.com renvoie à deux résultats, qui sont les deux versions (« e-liquide » et concentré d'arôme) de sa nouvelle gamme Blend-M dont il est constant qu'elle remplace l'ancienne référence contrefaisante, Le Malawi. Il est en outre admis par la société Group data que le signe Malawi était présent dans le code source de la page de chacun de ces deux produits (ce qu'elle explique par la subsistance des méta-données de l'ancien produit après son changement de nom).

54. Néanmoins, à supposer que le signe Malawi ait été utilisé volontairement par la société Group data dans le but d'influencer le résultat de recherches pour ses produits, rien, dans le résultat de cette recherche, n'est susceptible de conduire le public pertinent, normalement informé et raisonnablement attentif, à avoir un doute sur l'entreprise à l'origine des produits et son lien éventuel avec le titulaire de la marque : outre que la recherche a été faite depuis le site de la société Group data (ce qui réduit l'attente du public de trouver d'autres origines commerciales pour les produits qui s'y trouvent), les produits ne contiennent, ni dans leur nom, ni dans leur description, ni dans leur représentation visuelle, aucun signe évoquant la marque, ni la société Gaiatrend ni aucune autre marque de celle-ci, de sorte que face à ces produits, le public pertinent n'est pas susceptible de les croire issus du titulaire de la marque ou d'une entreprise liée économiquement à celui-ci. Aucun risque de confusion entrainant une atteinte à la fonction essentielle de la marque n'est donc caractérisé.

55. Par conséquent, la demande en contrefaçon est rejetée.

III . Demande reconventionnelle en fixation du préjudice et restitution partielle de la provision

56. La réparation du dommage causé par la contrefaçon est prévue par l'article L. 716-4-10 du code de propriété intellectuelle selon lequel, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en compte distinctement les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée, le préjudice moral causé à cette dernière, et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Cette disposition s'inscrit dans le cadre de la réparation intégrale du préjudice, en vertu duquel la partie lésée doit se trouver dans la situation qui aurait été la sienne en l'absence des faits litigieux, sans perte ni profit pour elle.

57. Le jugement du 14 décembre 2021 avait retenu que les ventes de produits contrefaisants avaient causé à la société Gaiatrend un préjudice économique correspondant à environ 10% du chiffre d'affaires des contrefacteurs (en tenant compte de l'estimation du taux de report des clients, du bénéfice marginal de la société Gaiatrend sur ses produits et du bénéfice du contrefacteur), à laquelle s'ajoutait un préjudice environ deux fois plus important, qualifié de « moral » et correspondant en réalité à l'incidence de la contrefaçon sur la valeur de la marque.

58. La société Group data ne conteste pas le calcul suivi dans ce jugement ; elle oublie seulement de tenir compte du préjudice que celui-ci qualifiait de « moral ». La société Gaiatrend, quant à elle, n'a pas conclu sur cette demande.

59. L'intégralité des factures émises par la société Group data permet d'établir un chiffre d'affaires total sur les produits contrefaisants, à partir du 1er janvier 2020, de 1 269,64 euros HT (pièce Group data 5 bis).

60. Il en résulte pour la société Gaiatrend un préjudice total de 400 euros.

61. Il est constant que la provision de 2 000 euros a été payée. La société Gaiatrend doit donc restituer 1 600 euros à la société Group data.

IV . Abus et dispositions finales

Abus

62. En application de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

63. Le droit d'agir en justice dégénère en abus lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant l'autre partie à se défendre contre une action ou un moyen que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté.

64. Les demandes de la société Gaiatrend consistent, ici, à appliquer sans prudence (en s'abstenant notamment de toute discussion préalable) une analyse rapide de la portée du jugement du 14 décembre 2021 puis à invoquer une contrefaçon reposant sur de nouveaux faits très minimes mais posant une question juridique complexe et en partie nouvelle qu'elle n'a pas pour autant estimé nécessaire d'étudier sérieusement.

65. Néanmoins, la légèreté de la société Gaiatrend a été, en partie, provoquée par la propre désinvolture de la société Group data, dont il a été démontré ci-dessus qu'elle avait exécuté le jugement d'une façon volontairement ambigüe et suscitant la suspicion.

66. Cette légèreté n'est donc pas inexcusable, et l'abus, dès lors, n'est pas caractérisé.

Dispositions finales

67. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie.

68. La société Group data gagne le procès ; néanmoins, étant elle-même, par sa faute, en partie à l'origine du litige et ainsi d'une partie des frais qu'elle a dû exposer à ce titre, l'équité justifie de ne faire droit à sa demande d'indemnité de procédure qu'à hauteur de 2 000 euros.

69. L'exécution provisoire est de droit et rien ne justifie ici d'y déroger.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal :

Rejette la demande en liquidation de l'astreinte assortissant l'obligation de remettre des factures et la demande en fixation d'une nouvelle astreinte à ce titre ;

Rejette la demande en liquidation de l'astreinte assortissant l'obligation de rappel et destruction des produits ;

Rejette la demande de la société Gaiatrend en dommages et intérêts pour contrefaçon ;

Fixe à 400 euros le préjudice causé à la société Gaiatrend par les faits de contrefaçon objet du jugement du 14 décembre 2021, à partir du 1er janvier 2020 ;

Condamne la société Gaiatrend à restituer à ce titre 1 600 euros à la société Group data ;

Rejette la demande reconventionnelle pour abus ;

Condamne la société Gaiatrend aux dépens (recouvrables par Me Monnot pour ceux dont il aurait fait l'avance sans en recevoir provision) ainsi qu'à payer 2 000 euros à la société Group data au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Fait et jugé à Paris le 10 Novembre 2023

Le Greffier La Présidente
Quentin CURABET Irène BENAC


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 22/06063
Date de la décision : 10/11/2023

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire.paris;arret;2023-11-10;22.06063 ?
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