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04/07/2024 | FRANCE | N°21/14013

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/4 social, 04 juillet 2024, 21/14013


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :




1/4 social


N° RG 21/14013
N° Portalis 352J-W-B7F-CVG6Y


N° MINUTE :


Assignation du :
04 Novembre 2021

Renvoi devant le
JMEE
C.D






ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 04 Juillet 2024

DEMANDEUR

Monsieur [O] [B]
[Adresse 2]
[Localité 1]

représenté par Maître Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0480


DEFENDERESSE

L’[7

]
[Adresse 5]
[Localité 3]

représentée par Maître Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #T0010


PARTIE INTERVENANTE

S.A. [10]
[Adresse 6]
[Localité 4]

représentée par Maître Laurence ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :

1/4 social

N° RG 21/14013
N° Portalis 352J-W-B7F-CVG6Y

N° MINUTE :

Assignation du :
04 Novembre 2021

Renvoi devant le
JMEE
C.D

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 04 Juillet 2024

DEMANDEUR

Monsieur [O] [B]
[Adresse 2]
[Localité 1]

représenté par Maître Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0480

DEFENDERESSE

L’[7]
[Adresse 5]
[Localité 3]

représentée par Maître Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #T0010

PARTIE INTERVENANTE

S.A. [10]
[Adresse 6]
[Localité 4]

représentée par Maître Laurence MAILLARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0169

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Catherine DESCAMPS, 1er Vice-Président

assistée de Elisabeth ARNISSOLLE, Greffier

DEBATS

A l’audience du 23 Mai 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 04 Juillet 2024.

ORDONNANCE

Prononcée publiquement par mise à disposition
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Le 1 er juillet 1994 Monsieur [O] [B] a été embauché en qualité de commercial par la société [12], spécialisée dans la fabrication d’appareils de mesure, contrôle, régulation et détection.

Selon procès-verbal d’assemblée générale ordinaire en date du 28 juin 2013, Monsieur [O] [B] a été nommé en qualité de Président de cette même société en remplacement du président démissionnaire, sans rémunération.
Son contrat de travail de directeur commercial s’est poursuivi.

L’[7] ([7]) a été créée en 1979 à l’initiative de trois organisations syndicales patronales, le [14], la [8] et l’[15], pour élaborer et mettre en oeuvre un régime de garantie sociale au sein des entreprises membres de l’une de ses trois organisations en cas de perte involontaire d’activité des chefs d’entreprise en nom personnel et des dirigeants d’entreprise mandataires sociaux.
L’association a souscrit un contrat d’assurance groupe auprès d’un pool d’assureurs, ayant pour apériteur la société [11] qui détient la part la plus importante dans ce système de co-assurance et gère le régime.
[13] est venu aux droits de [11] et a délégué cette gestion à sa filiale [10].

Le 15 novembre 2013, la société [12] a souscrit une demande d’affiliation à la Convention d’Assurance Chômage [7] ([7]) rattachée commercialement à la compagnie [10], au bénéfice de Monsieur [O] [B] son président.

Monsieur [B] a été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre du 16 mai 2018.
La révocation de ses fonctions de président a été publiée au BODACC le le 19 juillet 2018.

Par lettre du 23 octobre 2018 Pôle Emploi a notifié à Monsieur [B] l’ouverture de ses droits à l’allocation d’aide au retour à l’emploi d’un montant journalier de 219,64 € à compter du 24 janvier 2019.

Par lettre du 21 novembre 2018 le service [7] du [10] en réponse à la demande de prestations de Monsieur [B] lui a répondu que sa situation de perte d’emploi indemnisée par Pôle Emploi ne lui permettait pas de bénéficier du versement de l’indemnité annuelle.

Par une assignation signifiée le 4 novembre 2021, Monsieur [B] a fait citer l’[7] devant le tribunal aux fins suivantes, au visa de l’article 1240 du code civil

- Condamner l’[7] à verser à Monsieur [B] la somme de 90.499,20 € au titre des indemnités journalières prévues au contrat d”assurance - chômage des dirigeants d'entreprises souscrit en date du 15 novembre 2013 ;
- Condamner l’[7] à verser à Monsieur [B]:
La somme de 1.000 € au titre de la résistance dolosive dont elle s'est rendue coupable ;
La somme de 5.000 € à titre de préjudice financier puisqu’ayant eu à vivre pendant près de 3 ans sans la somme de 90.499,20 € qui lui été promise ;
La somme de 3.000 € sur le fondement de Particle 700 du Code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens.

L’[7] a constitué avocat le 12 novembre 2021.

Par conclusions signifiées par RPVA le 13 décembre 2021, la société [10] a déclaré intervenir volontairement à la procédure, au motif qu’elle est l’assureur concerné par l’éventuelle mise en œuvre des garanties souscrites.

Puis par conclusions d’incident signifiées le 17 mars 2022 la société [10] a demandé au Juge de la mise en état de bien vouloir:
-lui donner acte de son intervention volontaire dans la présente instance;
-déclarer irrecevable l’action de Monsieur [B] pour prescription,
-condamner Monsieur [O] [B] à verser à la Cie [10] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Elle faisait valoir en substance qu’en vertu de l’article L.114-1 alinéa 1 du Code des assurances selon lequel les actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance ; qu’en l’espèce, Monsieur [B] sollicitant les indemnités journalières prévues au contrat [7], il s’agit à l’évidence d’une action dérivant du contrat d’assurance ; que la Cie [10] ayant opposé un refus de garantie par courrier du 21 novembre 2018, c’est à cette date que la prescription biennale a commencé à courir, qu’elle était donc acquise au plus tard le 21 novembre 2020, et que l’assignation intervenue le 4 novembre 2021 apparait nécessairement tardive.

Par conclusions d’incident signifiées le18 mars 2022, l’[7] a également demandé au juge de la mise en état de bien vouloir :
au visa de l’article L.114-1 alinéa 1 du Code des Assurances ;

- Juger que l’évènement à l’origine de la présente action est le refus de prise en charge de la [7] notifi é le 21 novembre 2018 ;
- Juger qu’aucun acte à compter de cette date n’est venu interrompre la prescription ;
En conséquence,
- Déclarer irrecevable comme prescrite l’action formée par Monsieur [B] à l’encontre de la [7] ;
- Condamner Monsieur [B] à verser à la [7] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du CPC
- Condamner Monsieur [B] aux entiers dépens.

L’incident a été fixé pour plaidoiries à l’audience du 14 juin 2022.

Maître Bourdalle avocat plaidant de Monsieur [B] a sollicité le renvoi de l’affaire par message du 13 juin.
Par message adressé le 14 juin à 8 heures l’avocat postulant en demande a transmis les conclusions de son correspondant en précisant qu’il ne se présenterait pas à l’audience.

C’est dans ces conditions que l’affaire a été retenue à l’audience du 14 juin 2022.

Le conseil de [10] a demandé le rejet des conclusions et pièces de Monsieur [B] au motif qu’elles avaient été transmises trop tardivement.

Le juge de la mise en état a fait droit à cette demande et a écarté des débats les conclusionsdu conseil de Monsieur [B] qui n’avait déposé aucun dossier de plaidoiries.

Par ordonnance rendue le 13 septembre 2022, le juge de la mise en état aux motifs que Monsieur [B] avait déclaré exercer une action de nature délictuelle, a :

-Débouté l’[7] et la société [10] de leur fin de non recevoir tirée de la prescription biennale de l’article L.114-1 du code des assurances ;

-Condamné l’[7] et la société [10] aux dépens de l’incident ;

-Renvoyé l’affaire à la mise en état du 8 novembre 2022 notamment aux fins de conclusions de l’[7] sur le fond et de conclusions de Monsieur [B] sur la recevabilité de l’intervention volontaire du [10].

L’[7] a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt rendu le 13 septembre 2023 la cour d’appel de Paris a :

-dit que le juge de la mise en état avait méconnu la procédure applicable à la fin de non-recevoir qui nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond ;
-annulé l’ordonnance rendue le 13 septembre 2022 par le juge de la mise en état du tribunaljudiciaire de Paris ;
-condamné Monsieur[B] aux dépens d’appel.

La [7] puis le [10] ont respectivement transmis de nouvelles conclusions d’incident les 30 novembre 2023 et 29 janvier 2024.

Monsieur [B] a conclu en défense le 25 mars 2024.

Le [9] a répliqué le 16 mai 2024.

Aux termes de leurs dernières conclusions d’incident les demandes des parties se récapitulent comme suit :

La [7] demande au juge de la mise en état de bien vouloir :

- SUR LA NATURE DE L’ACTION EN RESPONSABILITE INTENTEE PAR MONSIEUR [B] :

JUGER que l’assignation de Monsieur [B] à l’encontre de la [7] ne fait que reprendre les dispositions contractuelles et les conditions de mise en œuvre de la garantie [7] ;
En conséquence,
JUGER l’action de Monsieur [B] à l’encontre de la [7] est une action en responsabilité contractuelle ;

- SUR LA FIN DE NON-RECEVOIR SOULEVEE PAR LA [7] :

CONSTATER que l’évènement à l’origine de la présente action est le refus de prise en charge de la [7] notifié le 21 novembre 2018 ;
CONSTATER qu’aucun acte à compter de cette date n’est venu interrompre la prescription ;
En conséquence,
DECLARER irrecevable comme prescrite l’action formée par Monsieur [B] à l’encontre de la [7] ;

En tout état de cause,
DEBOUTER Monsieur [B] de l’ensemble de ses prétentions ;
CONDAMNER Monsieur [B] à verser à la [7] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER Monsieur [B] aux entiers dépens.

Le [9] demande au juge de la mise en état de :

DONNER ACTE à la Cie [10] de son intervention volontaire dans la présente instance ;
DECLARER IRRECEVABLE l’action de Monsieur [B] pour prescription,
DEBOUTER Monsieur [B] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
CONDAMNER Monsieur [O] [B] à verser à la Cie [10] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Monsieur [B] demande pour sa part de :

- DECLARER l’action de Monsieur [B] comme étant recevable ;
- DEBOUTER la SA [10] et l’association [7] de leur moyen tiré de la prescription de l’action ;
- DEBOUTER la SA [10] et l’association [7] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;
- CONDAMNER solidairement la SA [10] et l’association [7] à verser à Monsieur [B] une somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre au paiement des entiers dépens.

Les plaidoiries de l’incident ont été fixées à l’audience tenue par le juge de la mise en état le 23 mai 2024.
Le conseil de Monsieur [B] a déposé son dossier et ne s’est pas déplacé pour plaider.

Le conseil du [10] invité à faire préciser la nature de l’intervention de son client, à titre accessoire ou principal, a répondu que le [10] intervenait à titre accessoire au soutien de l’argumentation en défense de l’[7] sur la prescription de l’action.

MOTIFS

L’article 789 du code de procédure civile dispose :

Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour:
1o Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance;
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge;
2o Allouer une provision pour le procès;
3o Accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l'exécution de sa décision à la constitution d'une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5, 517 et 518 à 522;
4o Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées;
5o Ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction;
6o Statuer sur les fins de non-recevoir.
Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire.
Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l'ordonnance ou du jugement. La formation de jugement statue sur la fin de non-recevoir même si elle n'estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l'affaire devant le juge de la mise en état.
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

L’article 122 du code de procédure civile dispose que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

En l’espèce la question de fond qui doit être préalablement tranchée avant d’examiner lafin de non recevoir tirée de la prescription de l’action, et qui concerne la nature de l’action exercée par le demandeur, est identifiée depuis les premières conclusions d’incident prises par le [10] le 17 mars 2022 , qui faisait valoir que Monsieur [B] qui sollicitait les indemnités journalières prévues au contrat [7] exerçait à l’évidence une action dérivant du contrat d’assurance.

Cette argumentation a été reprise par la [7] dans ses conclusions du 18 mars 2022, laquelle après avoir rappelé les dispositions précitées du 6° de l’article 789 avait spécialement conclu sur la compétence du juge de la mise en état pour connaître de ce moyen.

La cour d’appel a néanmoins annulé l’ordonnance du 13 septembre 2022 au motif que le juge de la mise en état ne justifiait pas avoir donné aux parties la faculté de s’opposer à ce qu’il tranche cette question de fond préalable à la prescription.

Postérieurement à cet arrêt la [7] et le [10] ont repris des conclusions d’incident aux mêmes fins.

Sur la question préalable de fond tenant à la nature de l’action engagées par Monsieur [B]

La [7] fait valoir que bien que visant les dispositions de l’article 1240 du code civil dans son assignation Monsieur [B] ne procède à aucun développement sur les éléments constitutifs de la responsabilité délictuelle, et que les termes de son dispositif sont non équivoques puisqu’il sollicite la condamnation de la [7] à lui verser le sindemnités journalières prévues au contrat. Elle rappelle qu’en vertu d’une jurisprudence constante relative au contrat d’assurance de groupe visé par l’article L.141-1 du code des assurances l’adhésion crée un lien contractuel direct entre l’adhérent et l’assureur, qui peut opposer au tiers bénéficiaire adhérent les exceptions opposables au souscripteur originaire telle que la prescription biennale ; qu’il est évident que Monsieur [B] sollicite le bénéfice de la convention [7], qu’il demande la réparation des dommages nés de l’inexécution du contrat, et agit en responsabilité contractuelle ; que conformément aux dispositions de l’article 12 du code de procédure civile le juge doit appliquer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée

Le [10] s’associe à l’incident soulevé par la [7] et développe la même argumentation. Il fait plus particulièrement valoir que les termes employés dans l’assignation démontrent qu’il n’est pas question de responsabilité délictuelle mais uniquement de la mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle découlant du contrat d’assurance.

Dans la partie “discussion” de ses conclusions en défense à l’incident Monsieur [B] distingue “A titre principal” le caractère mal fondé du moyen tiré de la prescription biennale, et “A titre subsidiaire” la prescription applicable en matière de responsabilité civile délictuelle.

Il fait ainsi valoir à titre principal que le délai de la prescription biennale n’a commencé à courir que le 6 mai 2020 date à laquelle il a reçu le courrier de [10] daté du 21 novembre 2018, qu’il a agi dans les deux ans et qu’ainsi son action n’est pas prescrite.
A titre subsidiaire il fait valoir qu’il est un tiers au contrat conclu entre la [7] et la société [12] et qu’il ne peut donc agir contre la [7] que sur le fondement de la responsabilité délictuelle, que partant la prescription biennale n’est pas applicable, que seule s’applique une prescription décennale en vertu des dispositions de l’article L.114-1 du code des assurances, qui dispose que la prescription est portée à dix ans dans les contrats d’assurace sur la vie lorsque le bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur (partie soulignée dans les écritures du conseil de Monsieur [B]).

SUR CE,

L’article 12 du code de procédure civile dispose que le juge tranche le litige conformément aux règles qui lui sont applicables, et doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties en vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition , l’ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat.

Les demandeurs à l’incident invoquent ces dispositions pour faire juger que ce sont les règles relatives à la responsabilité contractuelle en matière de contrat d’assurance qui doivent s’appliquer au présent litige, faisant valoir que Monsieur [B] ne peut échapper à la prescription biennale en invoquant un prétendu fondement délictuel.

La question préalable de fond porte sur le véritable fondement juridique de l’action introduite par Monsieur [B] par l’assignation délivrée le 28 octobre 2021, indépendamment du simple visa de l’article 1240 du code civil relatif à la responsabilité délictuelle.

Le 15 novembre 2013, la société [12] (l’entreprise) représentée par Monsieur [B] a sollicité son affiliation et celle de de Monsieur [B] (le participant) à la Convention d’Assurance Chômage [7].
La notice d’information destinée au participant ainsi affilié à la Convention décrit les garanties souscrites et leurs conditions de mise en euvre, précise en son article 11 que la déclaration de perte involontaire d’activité professionnelle incombe au participant, et en son article 13 qu’elle est régie par le code des assurances et notamment par ses article L.141-1 et suivants.

Le tribunal est saisi de la prétention principale suivante énoncée au dispositif de cette assignation :
“Condamner l’association [7] à verser à Monsieur [B] la somme de 90.499,20 € au titre des indemnités journalières prévues au contrat d”assurance - chômage des dirigeants d'entreprises souscrit en date du 15 novembre 2013".

Les moyens au soutien de cette prétention invoqués dans la partie discussion de l’assignation reposent sur le refus de la [7] de lui verser l’indemnité prévue par le contrat, alors qu’il avait été privé involontairement de son mandat social et que la [7] avait perçu pendant près de six ans des cotisations assises sur l’ensemble de ses rémunérations, tant au titre de son mandat que de son contrat de travail. Il fait valoir quil incombait à la [7] de répondre de son obligation de paiement et de lui verser les indemnités journalières prévues par l’article 5 du contrat soit 55% de la 365 ème partie des tranches A, Bet C du revenu professionnel défini à l’article 4, s’élevant dans son cas à 164.544 euros, soit une indemnité totale de 90.499, 20 euros.

Il y ajoute une demande en paiement de dommages et intérêts de 1.000 euros pour la résistance dolosive de la [7], et une demande en paiement de dommages et intérêts de 5.000 euros en réparation de son préjudice financier.

L’assignation ne contient aucune discussion sur les éléments constitutifs de la responsabilité délictuelle à savoir la démonstration d’une faute commise par la [7], l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Il résulte de ces énonciations que la prétention dont est saisi le tribunal repose exclusivement sur l’exécution par l’association [7] de ses obligations contractuelles.

Le juge de la mise en état observe par ailleurs que dans ses conclusions d’incident Monsieur [B] se place à titre principal sur le terrain contractuel, pour discuter du point de départ de la prescription biennale prévue par le code des assurances, et évoque à titre subsidiaire le principe de la responsabilité délictuelle, mais pour se prévaloir de la prescription allongée de dix ans prévue par le même article L.114-1 du code des assurances.

L’action étant ainsi de nature contractuelle, il convient d’examiner la fin de non recevoir tirée de la prescription prévue par l’article L.114-1, qui prévoit que toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’évènement qui y donne naissance.

Selon l’article L.114-2, la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d’interruption de la prescription et par la désignation d’experts à la suite d’un sinistre.
L’interruption de la prescription en ce qui concerne le règlement de l’indemnité peut en outre résulter de l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l’assuré à l’assureur.

Tant l’[7] que le [10] considèrent que la prescription a commencé à courir non pas du jour de la perte du mandat social de Monsieur [B] mais le jour où le refus de garantie lui a été opposé soit le 21 novembre 2018 date du courrier lui notifiant ce refus.

Monsieur [B] écrit au point 5 de ses conclusions d’incident que c’est par un envoi de courrier simple en fin du mois d’avril qu’il a été touché, qu’il avait deux ans pour agir à compter du 6 mai 2020, sans préciser à quel évènement se rapporte cette date, et ajoute au point 9 desdites conclusions qu’il n’a reçu le courrier daté du 21 novembre 2018 que le 20 avril 2019.

En supposant que cette lettre n’ait été effectivement reçue que cinq mois après son émission, le délai de deux ans pour agir expirait le 20 avril 2021, or l’assignation a été délivrée le 28 octobre 2021.

La prescription décennale prévue par le même article L.114-1 ne s’applique qu’aux contrats d’assurance sur la vie et aux contrats d’assurance contre les accidents atteignant les personnes, et ne peut donc être invoquée par Monsieur [B].

En conséquence, l’action exercée par Monsieur [B] sera déclarée irrecevable comme prescrite.

Monsieur [B] sera condamné aux dépens et à payer à l’[7] la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société [10] les frais irrépétibles qu’elle a engagés pour intervenir volontairement à l’instance.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire rendue en premier ressort, par mise à disposition des parties au greffe,

Dit que l’action engagée par Monsieur [B] à l’encontre de l’association pour la [7] est une action en responsabilité contractuelle ;

Déclare irrecevable comme prescrite l’action engagée par Monsieur [B] à l’encontre de l’association pour la [7] ;

Déboute la société [10] intervenante volontaire de sa demande en paiement formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [B] aux dépens et à payer à l’association pour la [7] la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Faite et rendue à Paris le 04 Juillet 2024

Le GreffierLe Juge de la mise en état


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/4 social
Numéro d'arrêt : 21/14013
Date de la décision : 04/07/2024
Sens de l'arrêt : Déclare la demande ou le recours irrecevable

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-04;21.14013 ?
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