TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
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1/2/2 nationalité B
N° RG 22/06015 - N° Portalis 352J-W-B7G-CW75W
N° PARQUET : 22-846
N° MINUTE :
Assignation du :
19 Avril 2022
A.F.P.
[1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
JUGEMENT
rendu le 05 Juillet 2024
DEMANDEUR
Monsieur [B] [A] [E] [F]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Tassadit ACHELI, avocat au barreau de VAL D’OISE, avocat plaidant, vestiaire 148, Me Harald INGOLD, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #G0788
DEFENDERESSE
LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 5]
[Localité 2]
MULLER-HEYM Isabelle, substitut
Décision du 05/07/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N° RG 22/06015
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation
Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs
assistées de Madame Hanane Jaafar, Greffière lors des débats et Madame Manon Allain, Greffière lors de la mise à disposition.
DEBATS
A l’audience du 24 Mai 2024 tenue publiquement
JUGEMENT
Contradictoire,
En premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente et par Manon Allain, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,
Vu l'assignation délivrée le 18 août 2021 par M. [B] [A] [E] [F] au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Pontoise,
Vu l'ordonnance du 19 avril 2022 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Pontoise se déclarant incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris ;
Vu les dernières conclusions de M. [B] [A] [E] [F] notifiées par la voie électronique le 21 mars 2024,
Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 13 juin 2023,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 22 mars 2024 ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 24 mai 2024,
MOTIFS
Sur la procédure
Le tribunal rappelle toutefois qu'aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.
En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 13 mars 2023. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.
Sur l'action déclaratoire de nationalité française
Sur le fond
M. [B] [A] [E] [F], se disant né le 21 novembre 1991 à [Localité 6] (Cameroun), revendique la nationalité française par filiation paternelle, sur le fondement de l'article 18 du code civil, en faisant valoir que son père, M. [X] [G] [H], né le 19 mai 1954 à [Localité 4] (Martinique), est de nationalité française.
Son action fait suite à la décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française qui lui a été opposée le 21 septembre 2020 par la directrice des services de greffe judiciaire du tribunal de proximité de Sannois au motif qu'il ne présentait aucun titre à la nationalité française (pièces n°12 du demandeur).
En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code.
Conformément à l'article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée par le demandeur, sa situation est régie par les dispositions de l'article 18 du code civil selon lequel est français, l'enfant dont l'un des parents au moins est français.
Ainsi, la nationalité française de l’enfant doit résulter, d'une part, de la nationalité française du parent duquel il la tiendrait, et, d’autre part, d’un lien de filiation légalement établi a l’égard de celui-ci, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.
Il appartient donc au demandeur, non titulaire d'un certificat de nationalité française, de démontrer d’une part la nationalité française de son père revendiqué, et d’autre part, l’existence d’un lien de filiation légalement établie à l’égard de celui-ci par des actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil.
Aux termes de l’article 47 du code civil en effet, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et le Cameroun, les actes et décisions judiciaires de l'état civil sont dispensés de légalisation par l'article 22 de l'accord de coopération en matière de justice signé le 21 février 1974 et publié le 17 décembre 1975 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer et certifiés conformes à l'original par ladite autorité.
Enfin, il sera rappelé que nul ne peut revendiquer la nationalité française s'il ne justifie pas d'un état civil fiable et certain au sens de l'article 47 du code civil.
En l’espèce, M. [B] [A] [E] [F] verse aux débats la copie de son acte de naissance n°2019/CE7401/N/D83, selon lequel il est né le 21 novembre 1991 à [Localité 6] (Cameroun), de [I][W] [V] [Z], née le 10 février 1977 à [Localité 6], élève, de nationalité camerounaise, l'acte ayant été dressé le 6 août 2019 par l 'officier d'état civil de [Localité 6].
L'acte comporte la mention d'un jugement supplétif d'acte de naissance n° 0561 DCL du 25 mars 2019, rendu par le tribunal de première instance de Yaounde (pièces n°2 du demandeur).
Le demandeur verse aux débats une copie du jugement supplétif d'acte de naissance n° 0561 DCL du 25 mars 2019, rendu par le tribunal de première instance de Yaounde, ordonnant l'établissement par l'officier d'état civil de la Mairie de [Localité 6] III des actes de naissance de [E] [F] [B] [A], né le 21 novembre 1991 à [Localité 6], de PND et de [I] [W] [V] [Z], [J] [F] [Y] et [D] [F] [L] , nés le 7 octobre 1992 à [Localité 6], de PND et de [I] [W] [V] [Z] (pièce n°1 du demandeur).
Toutefois, le tribunal relève que l'acte de naissance n'est produit qu'en simple photocopie.
Or, lors du premier bulletin de procédure comme le bulletin ordonnant la clôture et fixant la plaidoirie, rappelait la nécessité de produire des pièces en original. Le demandeur doit, en effet, s'assurer qu'il détient bien une copie intégrale en original de son acte de naissance, mais également de tous les actes de l’état civil du dossier de plaidoirie.
De telle photocopie ne présente aucune garantie d’intégrité et d’authenticité et partant, n'est pas de pièce probante au sens de l’article 47 du code civil.
De plus, le tribunal rappelle qu'un acte de naissance dressé en exécution d'une décision de justice est indissociable de celle-ci. Il en résulte que les mentions contenues dans l'acte de naissance doivent être identiques aux mentions telles qu'ordonnées dans le dispositif du jugement supplétif d'acte de naissance.
Or, il ressort du dispositif du jugement n° 0561 DCL du 25 mars 2019, rendu par le tribunal de première instance de Yaoundé que [E] [F] [B] [A], né le 21 novembre 1991 à [Localité 6], de PND et de [I] [W] [V] [Z].
Le tribunal constate que dans la copie de l'acte de naissance n° n°2019/CE7401/N/D83 de M. [B] [A] [E] [F], censé transcrire le dispositif du jugement supplétif de naissance, des mentions concernant le domicile, la profession, le niveau d'instruction et la nationalité de la mère, non précisés dans le dispositif du jugement, ont été rajoutées.
Dès lors, au regard des mentions de l'acte de naissance de M. [B] [A] [E] [F] et des irrégularités du jugement supplétif de naissance, support pourtant nécessaire de cet acte, l'acte de naissance de celui-ci ne peut se voir reconnaître aucun caractère probant au sens des dispositions de l'article 47 du code civil.
Les décisions judiciaires rendues en matière d'état civil et indiquées en mentions marginales dans les actes d'état civil, étant le support nécessaire de ceux-ci, leur production en copies originales, au même titre que l'acte d'état civil auxquelles elles se rapportent, est indispensable pour garantir le caractère fiable et probant dudit acte.
Dès lors, l’acte de naissance qui comporte des mentions qui ne figurent pas dans le dispositif du jugement en exécution duquel il est dressé, ne présente aucune force probante au sens de l’article 47 du code civil.
Ainsi, ces pièces étant dépourvues de toute force probante, le demandeur ne justifie pas d'un état civil fiable et certain de sorte qu'il ne peut revendiquer la nationalité française à quelque titre que ce soit.
Au regard de ces éléments, il y a lieu de débouter M. [B] [A] [E] [F] de ses demandes et de juger qu'il n'est pas de nationalité française.
Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil
Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.
Sur les dépens
En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. [B] [A] [E] [F] qui succombe, sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS :
LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :
Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;
Dit que M. [B] [A] [E] [F], se disant né le 21 novembre 1991 à [Localité 6] (Cameroun), n'est pas de nationalité française ;
Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;
Condamne M. [B] [A] [E] [F] aux dépens ;
Rejette toute autre demande.
Fait et jugé à Paris le 05 Juillet 2024
La GreffièreLa Présidente
M. ALLAIN A. FLORESCU-PATOZ