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23/07/2024 | FRANCE | N°19/01513

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 18° chambre 1ère section, 23 juillet 2024, 19/01513


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :





18° chambre
1ère section


N° RG 19/01513
N° Portalis 352J-W-B7D-CO5F3

N° MINUTE : 5

Assignation du :
01 Février 2019

contradictoire













JUGEMENT
rendu le 23 Juillet 2024



DEMANDERESSE

S.A.S. TEAMTO
représentée par Monsieur [N] [Y]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentée par Maître André JACQUIN de la SELAS JACQUIN MARUANI & AS

SOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0428



DÉFENDERESSE

S.C.I. LES FLEURS DE DAMREMONT
[Adresse 3]
[Adresse 3]

représentée par Maître Christophe DENIZOT de l’ASSOCIATION AARPI NICOLAS DENIZOT TRAUTMA...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

18° chambre
1ère section


N° RG 19/01513
N° Portalis 352J-W-B7D-CO5F3

N° MINUTE : 5

Assignation du :
01 Février 2019

contradictoire

JUGEMENT
rendu le 23 Juillet 2024

DEMANDERESSE

S.A.S. TEAMTO
représentée par Monsieur [N] [Y]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentée par Maître André JACQUIN de la SELAS JACQUIN MARUANI & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0428

DÉFENDERESSE

S.C.I. LES FLEURS DE DAMREMONT
[Adresse 3]
[Adresse 3]

représentée par Maître Christophe DENIZOT de l’ASSOCIATION AARPI NICOLAS DENIZOT TRAUTMANN ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0119

Décision du 23 Juillet 2024
18° chambre 1ère section
N° RG 19/01513 - N° Portalis 352J-W-B7D-CO5F3

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Sophie GUILLARME, 1ère Vice-présidente adjointe,
Monsieur Jean-Christophe DUTON, Vice-président,
Madame Diana SANTOS CHAVES, Juge,

assistés de Monsieur Christian GUINAND, Greffier principal,

Rédacteur : Jean-Christophe DUTON

DEBATS

A l’audience du 23 Avril 2024, tenue en audience publique , avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 23 Juillet 2024.

JUGEMENT

Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

Par acte sous seing privé du 31 mai 2012, la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT a donné à bail commercial à la SAS TEAMTO, des locaux sis [Adresse 5] dans le [Adresse 2], à compter du 15 septembre 2012 pour se terminer le 14 septembre 2021.

La destination est la suivante : exclusivement à usage de bureaux.

Par courrier du 1er mars 2018, la SAS TEAMTO a délivré congé au bailleur pour le 14 septembre 2018 (terme de la seconde période triennale).

Par courrier du 27 avril 2018, la société IMODAM, mandataire de la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT a adressé un courrier à la SAS TEAMTO pour solliciter la remise en état des locaux au départ du locataire, selon chiffrage effectué par la société NPR à hauteur de 99.560,83 euros.

Par courrier du 6 août 2018, la SAS TEAMTO a indiqué s’opposer au chiffrage effectué par la société MPR des travaux de remise en état des lieux à son départ considérant que les éléments dont la réparation était sollicitée relevaient des dispositions de l’article 606 du code civil demeurant à la charge du bailleur et/ou étaient simplement devenus vétustes.

Par acte extrajudiciaire du 14 septembre 2018, la SCI FLEURS DE DAMREMONT a fait dresser un constat d’état des lieux, lors de la remise des clefs ledit jour.

Par exploit d’huissier du 1er février 2019, la SAS TEAMTO a fait assigner la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT devant le tribunal de grande instance de Paris (devenu tribunal judiciaire de Paris) aux fins d’obtenir en substance la somme de 105.650,08 euros, en restitution du dépôt de garantie.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 4 juillet 2022, la SAS TEAMTO demande au tribunal judiciaire de Paris de :

A titre liminaire,

juger irrecevable la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT en sa demande de résiliation ou de résolution du bail,
A titre principal,

juger qu’elle a réalisé les travaux d’entretien des lieux loués,
juger que les travaux de remise en état sollicités par la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT relèvent de la vétusté des lieux loués ou de l’article 606 du code civil, qui ne peuvent être mis à sa charge,
débouter la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT de ses demandes à ce titre,

En tout état de cause,

juger que la « société TEAMTO » [sic] n’a subi aucun préjudice du fait du coût des travaux de remise en état et du temps de réalisation de ces travaux, du fait de la relocation des lieux loués à la société NUXEO,
débouter la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT de ses demandes au titre de la réalisation des travaux de remise en état, et de paiement d’une indemnité d’immobilisation durant ces travaux,
juger que la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT retient le montant du dépôt de garantie qui lui est dû de manière injustifiée,
condamner la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT à lui payer la somme de 105.650,08 euros en restitution du dépôt de garantie, outre les intérêts à compter de la date de remise des clés, qui seront capitalisés,
ordonner, le cas échéant, la compensation des sommes dues entre les parties en application de l’article 1347-1 du code civil,
condamner la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT à lui payer la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts, en application de l’article 1231-1 du code civil,
débouter la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT de l’ensemble de ses demandes,
condamner la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT aux dépens dont distraction au profit de la SCP JACQUIN MARUANI ASSOCIES, représentée par André JACQUIN , en application de l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’à lui payer la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du même code.
ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Au soutien de ses prétentions, la SAS TEAMTO énonce:
qu’elle a remis les clefs et délivré congé pour la deuxième période triennale , et que de ce fait, le bail s’est terminé le 14 septembre 2018 ; que la demande de résiliation est donc irrecevable, pour défaut d’intérêt ;que l’absence de lien contractuel actuel entre les parties prive le bailleur de la possibilité de se prévaloir d’une stipulation lui permettant de conserver le montant du dépôt de garantie, en cas de résiliation du bail ; qu’elle a réglé les montants des dettes locatives, et qu’en atteste ainsi la mainlevée du 30 juin 2021 de la saisie-attribution de la somme de 50.206,55 euros, saisie qui avait été opérée le 30 avril 2018 ; qu’elle produit des factures attestant de la réalité de l’entretien des lieux (groupe froid, maintenance de chaufferie, armoires électriques, extincteurs, notamment) ;que s’agissant des travaux, l’obligation de restitution en parfait état n’exige pas la remise à neuf des locaux, qu’en effet la vétusté constitue une cause étrangère exonératoire ; que le bailleur ne rapporte pas la preuve que les travaux sollicités ne relèvent ni de la vétusté, ni de l’article 606 du code civil ; que l’objet du devis de la société MPR prévoit une réfection à neuf de l’ensemble de la peinture des murs, des gardes corps, des sanitaires, de l’ensemble des étages de l’immeuble ; que le bailleur était tenu de travaux au titre de l’article XV « clause particulière travaux » du bail, et qu’il ne justifie pas avoir satisfait à ses obligations par la production de simples devis ; que le bailleur ne peut solliciter la remise en état à neuf des locaux, alors même qu’il n’a pas satisfait à ses propres obligations de travaux ; que le bailleur ne produit aucune pièce justifiant la demande de révision de la chaudière, le contrôle ascenseur, et la réparation de la verrière ; qu’au surplus, la réparation d’une verrière est régulièrement jugée comme relevant des travaux de l’article 606 du code civil ; que le bailleur ne démontre nullement la réalité d’un préjudice alors que les lieux ont fait l’objet d’une relocation à la société NUXEO, et ce dès la remise des clés; qu’il a été jugé par la cour de cassation que l’absence de remise en état « ne constituait pas en soi un préjudice pour le bailleur car, d'une part, celui-ci avait reloué les locaux à une société qui les avait entièrement réaménagés à ses frais et, d'autre part, le nouveau bail n'avait pas été conclu à des conditions plus défavorables que si les lieux avaient été restitués en bon état » ; qu’il y a en effet un risque d’enrichissement sans cause si le bailleur pouvait d’une part, solliciter au locataire sortant le paiement des travaux de remise en état, et d’autre part, les faire payer et réaliser en sus au nouveau locataire ;

Par conclusions récapitulatives notifiées le 4 juillet 2022, la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT demande au tribunal judiciaire de Paris de :

A titre principal,

Sur la demande de remboursement du dépôt de garantie :
prononcer la résolution judiciaire du bail du 31 mai 2012 aux torts exclusifs de la SAS TEAMTO pour manquements graves du preneur à compter du 20 octobre 2015,

En conséquence,
débouter la SAS TEAMTO de sa demande de remboursement du dépôt de garantie, celui-ci étant en effet conservé à titre de pénalité contractuelle, en application de l’article V du bail du 31 mai 2012,
sur les demandes reconventionnelles :
condamner la société TEAMTO à verser à la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT la somme de 50.263,44 euros correspondant à l’arriéré locatif,
condamner la SAS TEAMTO à lui verser la somme de 143.542,18 euros correspondant au montant des travaux de remise en état, les locaux situés [Adresse 4] dans le [Adresse 2] n’ayant pas été restitués en parfait état, en violation des clauses du bail,
condamner la SAS TEAMTO à lui verser la somme de 125.032,04 euros au titre de l’immobilisation du local, faute d’avoir réalisé les travaux de remise en état lui incombant conformément aux clauses du bail,
condamner la SAS TEAMTO à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile, en raison de sa demande frauduleuse de remboursement d’une somme qui ne fait pas l’objet d’une saisie,
A titre subsidiaire, dans l’hypothèse d’un refus de résolution du bail pour manquement grave du preneur :
ordonner la compensation entre les sommes dues par la SAS TEAMTO et le dépôt de garantie d’un montant de 104.193,37 euros, à défaut pour la présente juridiction de faire droit à la demande de conservation du dépôt de garantie à titre de pénalité,
En toute hypothèse :
débouter la SAS TEAMTO de l’ensemble de ses demandes,
condamner la SAS TEAMTO à lui verser la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens dont distraction au profit de Maître DENIZOT sur le fondement de l’article 699 du même code.
Au soutien de ses prétentions, la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT énonce :
qu’il doit être fait application des termes de l’article V du bail qui stipule que «si le bail est résilié pour inexécution des conditions ou pour toute cause imputable au preneur, ce dépôt de garantie restera acquis au bailleur à titre de clause pénale en réparation du préjudice subi » ; que la restitution amiable des locaux ne fait pas obstacle au prononcé ultérieur de la résiliation judiciaire du bail ; que les juges du fond sont libres de retenir comme date de résiliation la date qui leur paraît la plus justifiée ; que dans la mesure où la société TEAMTO ne paye plus régulièrement ses loyers, charges et accessoires depuis le 20 octobre 2015, il est demandé la résiliation judiciaire du bail à cette date ; qu’il ressort du relevé de compte locataire que la société TEAMTO est redevable de la somme de 50.263,44 euros TTC au titre du bail échu ; qu’ il doit être fait application de la clause selon laquelle « Le preneur s’engage à tenir les lieux loués en bon état de réparations pendant toute la durée du bail et effectuer le cas échéant, toutes réparations, petites ou grosses, sans distinction, sauf celles prévues par l’article 606 du code civil, de telle sorte que les lieux soient restitués en fin de jouissance, en parfait état de réparation et d’entretien » ; qu’il ressort du procès-verbal du 14 septembre 2018 que les locaux n’ont pas été restitués en parfait état ; que les dégradations relèvent d’un mauvais usage du locataire ou d’un défaut d’entretien et de réparations ; que l’état des locaux ne découle pas de la vétusté mais d’une action ou inaction du preneur, la vétusté supposant un usage normal de la chose ; qu’il ne revient pas au bailleur de prouver le défaut d’entretien du preneur, puisque celui-ci doit restituer les locaux en parfait état ; qu’ aux termes d’un devis du 18 janvier 2018, la remise en état a été estimée à 99.560,83 euros hors taxe ; qu’après ajustement (retrait et décotes sur certains postes), l’estimation a été fixée comme suit : 87.970,46 euros hors taxes ; que les travaux visés à l’article XV du bail à la charge du bailleur sont des travaux d’aménagement sans lien avec les remises en état ; que les travaux de remise en état demandés ne concernent pas le clos, le couvert ni la structure des locaux loués, et ne peuvent donc être considérés comme des travaux relevant de l’article 606 du code civil ; qu’il est constant que la demande d’indemnisation du bailleur n’est pas subordonnée à la preuve de l’exécution des travaux par le bailleur ; que dès lors, il n’y a pas lieu de démontrer un préjudice, la relocation auprès d’un tiers étant à cet égard indifférente.
La clôture a été prononcée le 5 juillet 2022.

L’audience de plaidoirie s’est tenue le 23 avril 2024.
La décision a été mise en délibéré au 23 juillet 2024.

MOTIVATION

A titre liminaire, le tribunal rappelle qu’en application de l’article 4 du code de procédure civile, les demandes tendant à “dire”, ”juger” et “constater” ne constituent pas des prétentions en ce qu’elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi, ces demandes n’étant que le rappel des moyens invoqués.

Sur la fin de non-recevoir

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En l’espèce, le bailleur justifie d’un intérêt à agir en sollicitant une résiliation judiciaire à une date antérieure au congé, il incombe au tribunal d’examiner le caractère bien ou mal fondé de la demande. En conséquence, cette demande sera jugée recevable.

Sur la demande de résiliation du bail

Il résulte de l’article L.145-4 du code de commerce que la durée du bail commercial ne peut être inférieure à neuf ans. Toutefois, le preneur a la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, au moins six mois à l'avance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte extrajudiciaire.
Il est constant que le juge qui constate que la convention des parties a pris fin avant que ne soit formée une demande tendant à sa résiliation, en déduit exactement que cette demande en résiliation d'un bail expiré en vertu d'un congé accepté devait être rejetée (cass. civ.3 19 mai 2010 N°09-13.296). En l’espèce, la SAS TEAMTO a adressé un courrier daté du 1er mars 2018 délivrant congé au bailleur pour le 14 septembre 2018. Si l’avis de réception n’est pas produit, la notification n’est pas contestée par les parties, le mandataire du bailleur en accusant d’ailleurs réception par courrier du 27 avril 2018 par les termes suivants « Nous faisons suite à votre congé des locaux que vous louez à l’adresse en référence », soit l’adresse des lieux pris à bail.
La remise des clefs n’est en outre pas contestée, pas plus que l’état des lieux de sortie qui ressort du procès-verbal du 14 septembre 2018 dressé par acte extra-judiciaire à l’initiative du bailleur, soit exactement au jour du terme du bail.
En conséquence, au regard du respect du texte susmentionné, le tribunal ne peut que constater que le bail a pris fin au 14 septembre 2018, par l’effet d’un congé valide du preneur, que le bailleur a accepté, ce dont il faut en déduire que la demande de résiliation judiciaire formée par la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT doit être rejetée.

Sur les demandes en paiement au titre de l’absence de remise en état des lieux loués
II résulte de la combinaison des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, 1732 du même code, et du principe de la réparation intégrale du préjudice, que le locataire qui restitue les locaux dans un état non conforme à ses obligations découlant de la loi ou du contrat commet un manquement contractuel et doit réparer le préjudice éventuellement subi de ce chef par le bailleur. Ce préjudice peut comprendre le coût de la remise en état des locaux, sans que son indemnisation ne soit subordonnée à l'exécution des réparations ou à l'engagement effectif de dépenses. Tenu d'évaluer le préjudice à la date à laquelle il statue, le juge doit prendre en compte, lorsqu'elles sont invoquées, les circonstances postérieures à la libération des locaux, telles la relocation, la vente ou la démolition.
Ainsi, l'inexécution des réparations par le locataire ne saurait suffire à fonder une condamnation à payer au bailleur des dommages-intérêts équivalents au coût de la remise en état des locaux, sans qu’il soit constaté un préjudice pour le bailleur résultant de la faute contractuelle du preneur. Tel n’est pas le cas, lorsqu’une relocation rapide des locaux a lieu à des conditions plus favorables, sans que le bailleur ait effectué de travaux.

Sur l’obligation de remise en état
Aux termes de l’article 1134 alinéa 1er , les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En l’espèce, le bail stipule que : « Le preneur s’engage à tenir les lieux loués en bon état de réparations pendant toute la durée du bail et effectuer le cas échéant, toutes réparations, petites ou grosses, sans distinction, sauf celles prévues par l’article 606 du code civil, de telle sorte que les lieux soient restitués en fin de jouissance, en parfait état de réparation et d’entretien ». Il ressort de la présente clause que la commune intention des parties était de poser une obligation d’entretien des locaux incluant la réparation et l’entretien des équipements qui auraient été dégradés par la jouissance des lieux, afin que ceux-ci soient restitués en parfait état de réparation et d’entretien.

Sur la réalité des dégradations

Aux termes de l’article 1731 du code civil, s'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire.

Pour établir un défaut d’entretien, le bailleur produit un procès-verbal de constat du 14 septembre 2018, dont il ressort un état dégradé d’un certain nombre d’éléments d’équipements du sous-sol au 4ème étage.

Le preneur produit en outre des factures sur la période d’occupation des lieux démontrant, conformément à son obligation, l’entretien d’équipements, tels que le groupe froid, l’entretien de la chaufferie, la vérification des armoires électriques, la vérification des extincteurs, le remplacement des joints d’étanchéité, et la rénovation des maçonneries, menuiserie, et de la peinture.

Toutefois le preneur avait l’obligation de restituer les locaux en parfait état selon le bail, ce qu’il n’a pas fait au regard du procès-verbal d’état des lieux de sortie qui présente des dégradations qui ne relèvent pas de la vétusté (graffiti, notamment). Le preneur a donc manqué à ses obligations contractuelles.

Cependant, le bailleur ne démontre nullement la réalité d’un préjudice alors qu’il n’est pas contesté que les lieux ont fait l’objet d’une relocation immédiate à la société NUXEO, dès la remise des clés. C’est ainsi à tort que la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT allègue que la relocation auprès d’un tiers et les conditions de celles-ci sont indifférentes au litige, alors que l'inexécution des réparations par le locataire ne saurait suffire à fonder une condamnation à payer au bailleur des dommages-intérêts équivalents au coût de la remise en état des locaux, sans qu’il soit constaté un préjudice pour le bailleur résultant de la faute contractuelle du preneur. En l’espèce, une relocation rapide des locaux a eu lieu, et le bailleur ne produit aucun élément sur les conditions de cette relocation, dès lors, il n’établit pas le caractère défavorable ou moins avantageux des conditions de cette relocation du fait des dégradations alléguées.

En conséquence, il y a lieu de rejeter la demande formée par la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT de dommages-intérêts au titre de la remise en état des locaux.

En l’absence de démonstration d’un préjudice résultant de la violation de l’obligation d’entretien, la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT ne saurait obtenir une indemnité d’immobilisation au titre de travaux dont elle n’a pas démontré que l’origine soit imputable au preneur, ce d’autant plus qu’il n’est pas contesté que la relocation a été immédiate, et que de ce fait, la conduite de travaux n’a pas immobilisé l’immeuble, en la privant d’une opportunité de relocation immédiate.

Sur l’arriéré locatif et la restitution du dépôt de garantie

Aux termes de l'article 1315 devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

La SCI LES FLEURS DE DAMREMONT produit un décompte arrêté au 1er juillet 2019 faisant apparaître un solde créditeur en sa faveur de 50.263 euros TTC.

La SAS TEAMTO produit un relevé de compte édité le 22 janvier 2021 laissant apparaître une saisie de 50.206 euros opérée le 30 avril 2018, au demeurant établi par un procès-verbal de saisie-attribution du 30 avril 2018 à la demande de la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT.

La SCI LES FLEURS DE DAMREMONT produit la mainlevée pure et simple de ladite saisie attribution qui a été effectuée le 29 octobre 2021.

Il faut donc en déduire que la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT a pu s’estimer désintéressée du paiement de cette somme. En l’absence de preuve de paiement direct par le preneur, ce désintéressement n’a pu avoir lieu que par déduction de ladite somme dans le dépôt de garantie.

En conséquence, il y a lieu de condamner la SAS TEAMTO au paiement de la somme de 50.263 euros.

Contrairement à ce qu’indique la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT, la SAS TEAMTO ne formule aucune demande de restitution de la somme saisie, dont elle reconnaît la mainlevée, de sorte que sa demande de condamnation de la SAS TEAMTO en raison d’une action ou demande dilatoire ou abusive devra être rejetée.

Aux termes du bail échu, l’article V relatif au dépôt de garantie permet de conserver celui-ci « jusqu’au règlement de toute indemnité que le preneur pourrait devoir au bailleur à l’expiration du bail » ou à titre de clause pénale « si le bail est résilié pour inexécution ». En l’espèce, une dette locative n’a pas une nature indemnitaire, et le bail est arrivé à échéance par l’effet d’un congé du preneur, et non d’une résiliation pour inexécution. Les stipulations du bail échu ne trouvent donc pas à s’appliquer pour permettre la conservation du dépôt de garantie par le bailleur.

La SCI LES FLEURS DE DAMREMONT sera donc condamnée à restituer le dépôt de garantie à la SAS TEAMTO, soit la somme de 105.650,08 euros, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 1er février 2019, avec capitalisation des intérêts.

Sur la compensation

Aux termes de l’article 1347 du code civil, la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes. Elle s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies.
Il y a lieu d’ordonner la compensation entre la créance de la SAS TEAMTO au titre du dépôt de garantie et la créance de la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT au titre de la dette locative arrêtée au 1er juillet 2019.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de la résistance abusive formée par la SAS TEAMTO

Aux termes de l’article 1147 ancien du code civil, applicable au bail litigieux (devenu 1231-1 du code civil), le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En l’espèce, la SAS TEAMTO ne démontre pas le caractère abusif de la non restitution du dépôt de garantie, au regard notamment des contestations sérieuses pouvant avoir une incidence indemnitaire portant sur la nécessité ou non de remise en l’état des locaux. Sa demande de dommages-intérêts de ce chef sera rejetée.

Sur les autres demandes

L’article 696 du code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l’espèce, la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT ayant succombé dans l’essentiel de ses demandes sera condamnée aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP JACQUIN MARUANI ASSOCIES, représentée par André JACQUIN, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

L’article 700 du code de procédure civile prévoit que la partie condamnée aux dépens ou qui perd son procès peut être condamnée à payer à l’autre partie au paiement d’une somme destinée à compenser les frais exposés pour le procès et non compris dans les dépens. Dans ce cadre, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique des parties.

En l’espèce, la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT sera condamnée à payer à la SAS TEAMTO la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe à la date du délibéré,

Déclare recevable, la demande de résiliation judiciaire formée par la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT ;
Rejette la demande de résiliation judiciaire formée par la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT ;
Rejette la demande formée par la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT tendant à l’octroi de dommages-intérêts au titre de la remise en état des locaux ;

Rejette la demande formée par la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT tendant à l’octroi d’une indemnité d’immobilisation au titre de la remise en état des locaux ;

Rejette la demande formée par la SAS TEAMTO de dommages-intérêts au titre de la résistance abusive ;

Condamne la SAS TEAMTO à payer à la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT la somme de 50.263 euros TTC au titre de la dette locative arrêtée au 1er juillet 2019 ;

Condamne la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT à restituer à la SAS TEAMTO le dépôt de garantie d’un montant de 105.650,08 euros, avec intérêts au taux légal, à compter de la date d’assignation, soit à compter du 1er février 2019 et capitalisation des intérêts ;

Ordonne la compensation des créances réciproques ;

Condamne la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP JACQUIN MARUANI ASSOCIES, représentée par André JACQUIN, en application de l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI LES FLEURS DE DAMREMONT à payer à la SAS TEAMTO la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes ;

Rappelle que l’exécution provisoire est de droit.

Fait et jugé à Paris le 23 Juillet 2024.

Le Greffier Le Président

Christian GUINAND Sophie GUILLARME


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 18° chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 19/01513
Date de la décision : 23/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-23;19.01513 ?
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