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25/07/2024 | FRANCE | N°22/04186

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 18° chambre 1ère section, 25 juillet 2024, 22/04186


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:





18° chambre
1ère section

N° RG 22/04186
N° Portalis 352J-W-B7G-CWQRJ

N° MINUTE : 6

contradictoire

Assignation du :
30 Mars 2022









JUGEMENT
rendu le 25 Juillet 2024

DEMANDERESSE

Société CBS [Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]

représentée par Maître Jean-Marie JOB de la SELARL JTBB AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0254


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DÉFENDERESSE

S.C.I. DOMI
[Adresse 1]
[Localité 3]
élisant domicile au cabinet de son administrateur de biens, le Cabinet Denise LADOUX, [Adresse 4]

représentée par Me Judith BOURQUELOT, avocat au barre...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

18° chambre
1ère section

N° RG 22/04186
N° Portalis 352J-W-B7G-CWQRJ

N° MINUTE : 6

contradictoire

Assignation du :
30 Mars 2022

JUGEMENT
rendu le 25 Juillet 2024

DEMANDERESSE

Société CBS [Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]

représentée par Maître Jean-Marie JOB de la SELARL JTBB AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0254

DÉFENDERESSE

S.C.I. DOMI
[Adresse 1]
[Localité 3]
élisant domicile au cabinet de son administrateur de biens, le Cabinet Denise LADOUX, [Adresse 4]

représentée par Me Judith BOURQUELOT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E0586

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Sophie GUILLARME, 1ère Vice-présidente adjointe,
Monsieur Jean-Christophe DUTON, Vice-président,
Madame Diana SANTOS CHAVES, Juge,

assistés de Monsieur Christian GUINAND, Greffier principal,

Rédacteur : Jean-Christophe DUTON

DÉBATS

A l’audience du 02 Avril 2024, tenue en audience publique, devant Madame Sophie GUILLARME, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
Avis a été donné aux avocats des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.
Puis, le délibéré a été prorogé jusqu’au 25 juillet 2024.

JUGEMENT

Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

Par acte sous seing privé du 7 juin 2016, la SCI DOMI a donné à bail commercial en renouvellement à la SARL CBS [Adresse 5], un local situé [Adresse 5] dans le [Localité 2] à [Localité 2], pour une durée de neuf années, à compter du 1er juillet 2014, moyennant un loyer annuel de 36.362 euros hors TVA.

La destination est la suivante: bar, brasserie, restaurant, à l’exclusion de tout autre commerce.

Par acte en date du 29 janvier 2018, les parties ont régularisé une acte intitulé « révision de loyer à effet du 1 er juillet 2017 », aux termes duquel il a été convenu que le loyer est fixé à la somme de 37.119 euros hors TVA.

Par acte extrajudiciaire du 1er mars 2022, la SCI DOMI a fait délivrer à la SARL CBS [Adresse 5] un commandement de payer visant la clause résolutoire ayant pour cause, la somme de 31.079,60 euros au titre de la dette locative et 243,84 euros au titre du coût de l’acte.

Par exploit d’huissier du 30 mars 2022, la SARL CBS [Adresse 5] a fait assigner la SCI DOMI devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins substantielles de s’opposer au commandement de payer visant la clause résolutoire, et d’obtenir subsidiairement des délais de paiement.

Par conclusions notifiées le 7 avril 2023, la SARL CBS [Adresse 5] demande au tribunal judiciaire de Paris de :

A titre principal,

juger qu’elle n’est redevable d’aucun loyers, charges et taxes au titre des périodes suivantes: du 15 mars 2020 au 2 juin 2020, et du 31 octobre 2020 au 19 mai 2021 ;
juger que, pour la période comprise entre le 2 juin 2020 et le 30 octobre 2020, elle n’est redevable de son loyer qu’à hauteur de 30% de son montant contractuel ;
débouter la SCI DOMI de l’intégralité de ses demandes ;
A titre subsidiaire,

constater que la SCI DOMI a agi de mauvaise foi en lui délivrant un commandement de payer, et paralyser en conséquence le jeu de la clause résolutoire ;
A titre infiniment subsidiaire,

reporter de deux années à compter du jugement à intervenir le paiement des causes du commandement éventuellement impayées et dues à ce jour et des loyers ultérieurs arriérés ou, à tout le moins, lui accorder les délais les plus larges pour s’en acquitter ;

suspendre en conséquence les effets de la clause résolutoire ;
En tout état de cause,
condamner la SCI DOMI à lui régler la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL JTBB AVOCATS, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions d’actualisation notifiées le 19 mars 2024, la SARL CBS [Adresse 5], modifie sa demande infiniment subsidiaire comme suit :
A titre infiniment subsidiaire,
constater qu’au 31 mars 2024, sa dette, soit une somme de 8.124,56 euros, représente moins des deux tiers d’un trimestre de loyer. Au soutien de ses prétentions, la SARL CBS [Adresse 5] énonce:
qu’en vertu de l’article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ; qu’en délivrant un commandement de payer au sortir de deux années d’une crise sanitaire qui a très fortement impacté l’activité des restaurants, la SCI DOMI a manifestement fait preuve de mauvaise foi dans la mise en œuvre de la clause résolutoire ;qu’en raison de ce qui précède, le commandement de payer du 1er mars 2022 est dépourvu de cause ;qu’outre l’obligation de bonne foi, selon l’article 1194 du code civil, les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi ; que dans le contexte de la crise sanitaire, ces dispositions doivent incontestablement conduire bailleurs et preneurs à tenir compte de l’impossibilité pour l’une des parties à un bail commercial d’exécuter ses obligations à raisons d’événements imprévus et à adapter temporairement le contrat ou à en suspendre l’exécution ; que des dispositions incitatives ont été mises en place en faveur des bailleurs, pour qu’ils puissent octroyer des franchises de loyers ; que la SCI DOMI n’a pas rempli son obligation contractuelle de lui garantir la jouissance paisible des locaux donnés à bail ; qu’il a été régulièrement admis qu’un trouble émanant de l'administration pouvait être constitutif d’un trouble de droit ; que les mesures administratives de fermeture des magasins, bars et restaurants, de confinement de la population, adoptées en application de l’article L.3131-1 du code de la santé publique et de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 ont été régulièrement édictées et sont dès lors susceptibles de constituer un trouble de droit ; que l’exception d’inexécution peut être invoquée, notamment lorsque l’une des parties est empêchée d’exécuter sa prestation en raison d’une nouvelle législation ; que ces éléments la dispensent du paiement des loyers pour la période du 15 mars 2020 au 2 juin 2020, et pour celle du 31 octobre 2020 au 19 mai 2021 ;que s’agissant de la période comprise entre le 2 juin et le 30 octobre 2020, elle a vu sa capacité d’accueil diminuée en raison des protocoles sanitaires imposés par les pouvoirs publics, et il convient de la décharger de son loyer à concurrence de 30% de son montant contractuel ; que s’agissant des délais de paiement, dans le contexte de la crise sanitaire, le recours au chômage partiel et le fonds de solidarité n’ont que partiellement compensé les conséquences financières de la fermeture administrative des restaurants ; qu’elle a, en sus du règlement de ses loyers et charges courantes qu’elle paie à échéance depuis le 1er janvier 2022, réglé une somme de 12.041,52 euros au mois de janvier 2023, manifestant ainsi sa bonne foi ; que le 1er février 2024, elle a adressé au gestionnaire du bailleur, deux chèques pour un montant total de 40.710,10 euros ; que suite à ces règlements, le montant de l’arriéré s’est trouvé ramené à 8.124,56 euros selon le propre décompte du gestionnaire du bailleur ; que cette somme qui représente moins des deux tiers d’une échéance trimestrielle (12.830,10 euros) a été payée par chèque en date du 18 mars 2024 ; qu’ainsi, l’arriéré est aujourd’hui intégralement apuré et c’est à bon droit qu’elle demande rétroactivement des délais et la suspension des effets de la clause résolutoire.
Par conclusions notifiées le 8 mars 2023, la SCI DOMI demande au tribunal judiciaire de Paris de :
constater l’acquisition de la clause résolutoire à la date du 1er avril 2022 ;
subsidiairement, prononcer la résiliation du bail pour manquement grave du locataire à son obligation au paiement des loyers et charges ;
ordonner l’expulsion de la SARL CBS [Adresse 5] des lieux loués ainsi que de tous occupants de son chef, dans l’immeuble sis [Adresse 5]: «boutique au rez-de-chaussée avec arrière-boutique, composée d’une pièce et d’un grand sous-sol numéro 16, relié à la boutique par un escalier intérieur » avec si besoin, l’assistance de la force publique et d’un serrurier ;
dire que le sort des objets mobiliers restant dans les lieux sera soumis aux dispositions de l’article R.433-1 du code des procédures civiles d’exécution;

condamner la SARL CBS [Adresse 5] au paiement de la somme de 36.124,56 euros correspondant à la dette locative arrêtée après appel du terme du 4ème trimestre 2022;
assortir cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du commandement de payer et de la sommation de payer du 1er mars 2022 ; GSJ’ai rajouté les intérêts dans la condamnation

condamner la SARL CBS [Adresse 5] au paiement d’une indemnité d’occupation trimestrielle de 12.830,10 euros, jusqu’à parfaite libération des lieux ;
débouter la SARL CBS [Adresse 5] de toutes ses demandes ;
subsidiairement, assortir tout éventuel délai d’une clause de déchéance automatique du terme en cas de retard ou défaut de paiement d’un terme courant ou d’une échéance de la dette ;
condamner la SARL CBS [Adresse 5] à lui payer la somme de 6.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
condamner la SARL CBS [Adresse 5] en tous les dépens, qui comprendront notamment le coût du commandement de payer, celui de la sommation de payer du 1er mars 2022, et le droit proportionnel de l’huissier.
Par conclusions d’actualisation notifiées le 29 mars 2024 la SCI DOMI modifie sa demande de condamnation au paiement comme suit :
condamner la SARL CBS [Adresse 5] au paiement de la somme de 8.124,56 euros, correspondant à la dette locative arrêtée après appel du terme du 4ème trimestre 2023 selon décompte au 26 mars 2024.
Au soutien de ses prétentions, la SCI DOMI énonce :
que le preneur s’est montré gravement défaillant dans son obligation de paiement ;que le preneur a refusé la proposition d’apurement échelonné qu’elle avait pris l’initiative de lui transmettre dès le 10 juillet 2020 ; qu’elle a appliqué une franchise d’un mois de loyer TTC, soit l’abandon de la somme de 4.031,90 euros créditée sur le compte du locataire le 1er juin 2020, alors même que le preneur refusait de prendre en contrepartie un engagement sur l’apurement de l’arriéré ; qu’en raison l’absence de violation de l’obligation de bonne foi, il n’y a pas lieu de neutraliser le jeu de la clause résolutoire ; que les éléments comptables produits par le preneur soulignent qu’en 2020, il a perçu 27.500 euros de subventions et bénéficié de 9.863,30 euros de « transferts de charges d’exploitation, activité partielle » ; qu’en 2021, il a perçu 53.744 euros de subventions et bénéficié de 41.000,59 euros de « transferts de charges d’exploitation, activité partielle» ;que les arrêts rendus par la 3ème chambre civile de la cour de cassation le 30 juin 2022 (P21-19889 ; 21-20127 et 21-20190) mettent un terme à toute discussion sur l’exigibilité du loyer d’un bail commercial portant sur un local dont la fermeture administrative a été ordonnée en raison de l’épidémie de Covid 19, la cour ayant retenu que la mesure générale et temporaire d’interdiction de recevoir du public n’entraine pas la perte de la chose louée et n’est pas constitutive d’une inexécution, par le bailleur, de son obligation de délivrance, et qu’un locataire n’est pas fondé à s’en prévaloir au titre de la force majeure pour échapper au paiement de ses loyers ;que le preneur ne démontre pas une situation de trésorerie justifiant les délais de paiement sollicités.
La clôture a été prononcée le 13 avril 2023.
L’audience de plaidoirie s’est tenue le 2 avril 2024.
La décision a été mise en délibéré au 20 juin 2024, prorogé au 25 juillet 2024.

MOTIVATION

A titre liminaire, le tribunal rappelle qu’en application de l’article 4 du code de procédure civile, les demandes tendant à “dire”, ”juger” et “constater” ne constituent pas des prétentions en ce qu’elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi, ces demandes n’étant que le rappel des moyens invoqués.

Sur l’exigibilité des loyers
Sur l’exigibilité des loyers du 15 mars 2020 au 2 juin 2020, et du 31 octobre 2020 au 19 mai 2021

Il résulte du 3° de l'article 1719 du code civil que le bailleur est obligé par la nature du contrat d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

En l’espèce, la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n’est pas constitutive d’une inexécution par le bailleur de son obligation d’assurer la jouissance paisible, en ce que cette interdiction était générale et temporaire, avait pour seul objectif de préserver la santé publique, et était sans lien direct avec la destination du local loué telle que prévue par le contrat.

Surabondamment, le trouble de jouissance allégué a résulté du fait d’un tiers, lequel tiers est l’autorité investie du pouvoir réglementaire disposant de prérogatives de puissance publique et tirant toutes les conséquences du cadre posé par le législateur, de sorte que le bailleur n’avait dès lors aucun moyen de faire cesser le trouble allégué.

En conséquence, la SARL CBS [Adresse 5] ne peut se prévaloir du mécanisme de l’exception d’inexécution tiré du trouble de jouissance pour suspendre le paiement de des loyers pour les périodes concernées.

Sur la réduction du loyer à hauteur de 30% de son montant contractuel, pour la période comprise entre le 2 juin 2020 et le 30 octobre 2020

Aux termes de l’article 1722 du code civil, si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement.
Il est constant que l’interdiction de recevoir du public en période de crise sanitaire ne peut être assimilée à une perte de la chose louée, même partielle, au sens de l’article 1722 du code civil, était générale et temporaire, avait pour seul objectif de préserver la santé publique et était sans lien direct avec la destination du local loué telle que prévue par le contrat.
En l’espèce, le bailleur a maintenu dans les mains du preneur l’intégralité des locaux pris à bail conformes à leur destination pendant la période du 2 juin 2020 au 30 octobre 2020, la demande de réduction du loyer à hauteur de 30% du montant contractuel ne reposant sur aucun fondement sera donc rejetée.

Sur la bonne foi du bailleur dans la délivrance du commandement de payer

Selon l'article L.145-41 du code de commerce, le commandement de payer visant la clause résolutoire du bail ne peut produire effet que s’il a été délivré de bonne foi, conformément à l’exigence de l’article 1134 devenu 1104 du code civil, les parties étant tenues, en cas de circonstances exceptionnelles, de vérifier si ces circonstances ne rendent pas nécessaire une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations.
Aux termes de l’article 2274 du code civil, la bonne foi est toujours présumée, et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver.
En l’espèce, il ressort du projet de protocole d’accord et des décomptes produits par le bailleur que, compte tenu des circonstances exceptionnelle liées à la crise sanitaire, le bailleur a proposé un apurement échelonné et a appliqué une franchise d’un mois de loyer au principal, soit 3.359,92 euros et 671,98 euros au titre de la TVA.
En conséquence, la SARL CBS [Adresse 5] n’apporte pas la preuve de la violation de l’obligation de bonne foi de la SCI DOMI dans la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire du 1er mars 2022.

Sur l’acquisition de la clause résolutoire

Selon l'article L.145-41 du code de commerce, un contrat de bail commercial peut contenir une clause prévoyant la résiliation de plein droit si elle ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer ou une sommation d'exécuter infructueux, le commandement devant, à peine de nullité, mentionner ce délai.
La clause résolutoire insérée dans le bail est d'interprétation stricte.

En l’espèce, le bail pose la clause résolutoire suivante : « Il est expressément convenu qu’à défaut de paiement d’un seul terme de loyer, ou du montant des accessoires à son échéance ainsi que du montant de tous frais de poursuites dus en vertu du présent contrat ou de la loi comme en cas d’inexécution d’une seule des conditions du bail et un mois après un commandement de payer ou quinze jours après une sommation d’exécuter, demeurés infructueux le bail sera résilié de plein droit, si bon semble au bailleur sans qu’il soit besoin de remplir de formalités judiciaire nonobstant toutes consignations ou offres réelles postérieures au délai ci-dessus. ».

Par acte extrajudiciaire du 1er mars 2022, la SCI DOMI a fait délivrer un commandement de payer visant la clause susmentionnée ayant pour cause la somme de 31.079,60 euros au titre des dettes locatives et de 243,84 euros au titre du coût de l’acte. Il a été précédemment indiqué que celui-ci a été délivré de bonne foi.

Il n’est pas contesté par la SARL CBS [Adresse 5] qu’elle n’a pas réglé les causes du commandement de payer dans le délai prescrit. Partant, l’acquisition de la clause résolutoire du fait du commandement de payer du 1er mars 2022 ne peut être que constatée au 1er avril 2022.

Sur la demande de condamnation au paiement des dettes locatives

Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Dans leurs conclusions d’actualisation, les parties s’entendent sur le solde de la dette locative de 8.124,56 euros arrêtée après appel du terme du 4ème trimestre 2023 selon décompte au 26 mars 2024.

Le preneur indique que cette somme a été réglée et verse aux débats un chèque de ce montant, émis le 18 mars 2024.
En l’absence de certitude sur l’encaissement effectif de ce chèque, il y a lieu de prononcer une condamnation en deniers ou quittance.
La société CBS [Adresse 5] sera donc condamnée à payer à la SCI DOMI, en deniers ou quittance et sans tenir compte du versement de la somme de 8.124,56 euros effectuée par chèque du 18 mars 2024, la somme de 8.124,56 euros.
Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2022, date de signification du commandement de payer valant mise en demeure.

Sur les délais de paiement

L'article L.145-41 du code de commerce dispose, dans son dernier alinéa, que «Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues aux articles 1244-1 et 1244-3 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.» 

L'article 1343-5 du même code dispose, dans son premier alinéa que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l’espèce, la SARL CBS [Adresse 5] justifie par ses comptes avoir été éligibles à des dispositifs d’aides publiques relatives à la crise sanitaire. Ces éléments démontrent que la SARL CBS [Adresse 5] a été réellement atteinte par les effets de la crise sanitaire.

Par ailleurs, elle a poursuivi les paiements et est sur le point d’apurer l’intégralité de sa dette locative, ce qui démontre sa bonne foi, et sa capacité à honorer sa dette.

En conséquence, il y a lieu d’accorder à la SARL CBS [Adresse 5] des délais de paiement dans les termes fixés au présent dispositif et de suspendre la clause résolutoire au titre du commandement la visant délivré le 1er mars 2022.

En cas de non-respect du délai ainsi accordé à la SARL CBS [Adresse 5], la dette deviendra immédiatement exigible, la clause résolutoire prévue au bail sera acquise à la SCI DOMI, et l’expulsion de la SARL CBS [Adresse 5] sera ordonnée ; cette dernière sera également condamnée à payer à la SCI DOMI , à compter de la déchéance du terme, une indemnité d’occupation mensuelle égale au dernier loyer contractuel, charges et taxes en sus.

Sur les autres demandes

L’article 696 du code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l’espèce, la SARL CBS [Adresse 5] ayant succombé dans ses demandes sera condamnée aux entiers dépens qui comprendront notamment le coût du commandement de payer, celui de la sommation de payer du 1er mars 2022, et le droit proportionnel de l’huissier.

L’article 700 du code de procédure civile prévoit que la partie condamnée aux dépens ou qui perd son procès peut être condamnée à payer à l’autre partie au paiement d’une somme destinée à compenser les frais exposés pour le procès et non compris dans les dépens. Dans ce cadre, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique des parties.

En l’espèce, la SARL CBS [Adresse 5] sera condamnée à payer à la SCI DOMI la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe à la date du délibéré;

Rejette la demande formée par la SARL CBS [Adresse 5] tendant à se prévaloir de l’exception d’inexécution pour suspendre le paiement des loyers pour les périodes du 15 mars 2020 au 2 juin 2020, et du 31 octobre 2020 au 19 mai 2021 ;
Rejette la demande formée par la SARL CBS [Adresse 5] tendant au bénéfice d’une réduction du loyer à hauteur de 30% pour la période du 2 juin 2020 au 30 octobre 2020 ;
Condamne la SARL CBS [Adresse 5] à payer à la SCI DOMIS, en deniers ou quittance et sans tenir compte de l’encaissement effectif du chèque émis le 18 mars 2024 pour un montant de 8.124,56 euros, la somme de 8.124,56 euros au titre de l’arriéré locatif, appel du 4ème trimestre 2023 inclus ;
Dit que cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 1er mars 2022 ;
Constate au 1er avril 2022 l’acquisition de la clause résolutoire du fait du commandement de payer du 1er mars 2022 dans le cadre du bail commercial du 7 juin 2016 liant la SCI DOMI à la SARL CBS [Adresse 5] portant sur le local situé [Adresse 5] dans le [Localité 2] à [Localité 2] mais en suspend les effets ;

Accorde à la SARL CBS [Adresse 5] des délais de paiement et dit qu’elle pourra s’acquitter de la dette par un versement devant intervenir dans les quinze jours à compter de la signification du présent jugement ;Dit que si les délais sont respectés, la clause résolutoire sera réputée ne jamais avoir joué ;Dit qu'en revanche, à défaut de paiement de l’arriéré dans le délai sus visé et quinze jours après l'envoi d'une mise en demeure adressée par la SCI DOMI à la SARL CBS [Adresse 5] par lettre recommandée avec accusé de réception :le solde de la dette deviendra immédiatement exigible ; la clause résolutoire sera acquise ; la SARL CBS [Adresse 5] devra quitter les lieux situés [Adresse 5] et à défaut, la SCI DOMI pourra procéder à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ;la séquestration du mobilier trouvé dans les lieux sera effectuée, conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,la SARL CBS [Adresse 5] devra payer à la SCI DOMI, à compter de la déchéance du terme et jusqu'au départ effectif des lieux caractérisé par la restitution des clefs au bailleur, une indemnité d'occupation égale au montant du dernier loyer contractuel convenu entre les parties outre toutes taxes et charges locatives réglementairement exigibles ;Condamne la SARL CBS [Adresse 5] aux entiers dépens qui comprendront notamment le coût du commandement de payer du 1er mars 2022, celui de la sommation de payer du 1er mars 2022, et le droit proportionnel de l’huissier ;
Condamne la SARL CBS [Adresse 5] à payer à la SCI DOMI la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette le surplus des demandes ;
Rappelle que l’exécution provisoire est de droit,

Fait et jugé à Paris le 25 Juillet 2024.

Le Greffier Le Président

Christian GUINAND Sophie GUILLARME


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 18° chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 22/04186
Date de la décision : 25/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-25;22.04186 ?
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