La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/09/2024 | FRANCE | N°20/05899

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 9ème chambre 1ère section, 02 septembre 2024, 20/05899


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :


à
Me RUBINSTEIN
Me PENIN




9ème chambre 1ère section


N° RG 20/05899
N° Portalis 352J-W-B7E-CSJ6U

N° MINUTE : 1


Assignation du :
06 Mai 2020







ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 02 Septembre 2024

DEMANDERESSE

Madame [W], [M], [D] [V]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2] (MAROC)

représentée par Maître Kyra RUBINSTEIN, avocat au barreau de PARIS, ve

stiaire #G0520



DEFENDERESSE

S.A. BNP PARIBAS
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Dominique PENIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0008









MAGISTRAT DE LA MISE ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :

à
Me RUBINSTEIN
Me PENIN

9ème chambre 1ère section

N° RG 20/05899
N° Portalis 352J-W-B7E-CSJ6U

N° MINUTE : 1

Assignation du :
06 Mai 2020

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 02 Septembre 2024

DEMANDERESSE

Madame [W], [M], [D] [V]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2] (MAROC)

représentée par Maître Kyra RUBINSTEIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0520

DEFENDERESSE

S.A. BNP PARIBAS
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Dominique PENIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0008

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Marine PARNAUDEAU, Vice-présidente, juge de la mise en état, assistée de Chloé DOS SANTOS, Greffière.

DEBATS

A l’audience du 13 Mai 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 02 Septembre 2024.

ORDONNANCE

Rendue publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Le 12 janvier 1999, Madame [V] et son époux, Monsieur [N] ont conféré à leurs comptes joints ouverts dans les livres de la BNP PARIBAS un caractère indivis.

Le 29 janvier 1999, ils ont souscrit un mandat de gestion contenant l'option " gestion dynamique ".

Par jugement du 20 novembre 2003, le tribunal de grande instance de Melun a prononcé le divorce des époux [V]-[N].

Par acte d'huissier du 6 mai 2020, Madame [V] a fait assigner la BNP PARIBAS devant le tribunal judiciaire de Paris, recherchant la responsabilité contractuelle de la banque en lui reprochant d'avoir manqué à son obligation contractuelle d'information et à son obligation de bonne gestion.

Dans ses dernières conclusions d'incident notifiées par le biais du RPVA le 17 février 2023, la BNP PARIBAS, demande au juge de la mise en état au visa de l'article 2224 du code civil et de l'article L. 123-22 du code de commerce, de :
“- Juger la demande de Madame [V] partiellement prescrite en ce qu'elle porte sur la prétendue faute dans la communication :
- des compte rendus de gestion semestriels édités avant le 6 mai 2010 ;
- des relevés mensuels de compte de l'année 2005 ;
- des récapitulatifs des relevés de portefeuille de 2005 au 6 mai 2010.
- Juger la demande de Madame [V] partiellement prescrite en ce qu'elle porte sur la prétendue faute dans la perception de frais et commissions au titre des droits de garde et frais de gestion antérieure au 6 mai 2015.
- Juger la demande de Madame [V] partiellement prescrite en ce qu'elle porte sur la prétendue faute s'agissant des retraits du compte indivis opérés avant le 6 mai 2015.
- Condamner Madame [V] à 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile”.

La BNP PARIBAS estime Madame [V] lui reproche d'avoir manqué à une obligation d'information et de bonne gestion du compte indivis. Elle précise que cette action en responsabilité contractuelle, est soumise au délai de prescription quinquennale, le délai de prescription de 10 ans ayant été ramené à 5 ans par l'effet des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008. Elle relève que l'assignation en référé du 11 avril 2012 ne saurait être une cause d'interruption du délai de prescription dès lors que l'action avait pour objet la communication de pièces et non la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de la banque. Elle en conclut que l'assignation ayant été délivrée le 6 mai 2020, l'action en justice initiée par Madame [V] est prescrite pour les faits antérieurs au 6 mai 2015.

Dans ses dernières conclusions d'incident notifiées par le biais du RPVA le 3 mars 2023, Madame [V] demande au juge de la mise en état au visa de l'article 2224 du code civil, des articles 122 et 789 du code de procédure civile et de l'article123-22 du code de commerce, de :
“- Ordonner la recevabilité et le bien fondé de toutes les demandes de Madame [W] [V].
En conséquence :
- Débouter la société BNP Paribas de toutes ses demandes relatives à la prescription partielle des demandes de Madame [W] [V].
- Condamner la société BNP Paribas à payer à Madame [W] [V] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la société BNP Paribas aux entiers dépens”.

Madame [V] affirme avoir régulièrement interrompu le délai de prescription décennale par l'action en justice qu'elle a initiée le 11 avril 2012 contre la banque en l'absence de communication des relevés de compte de l'année 2005, des récapitulatifs des relevés de portefeuille de 2005 à 2010 et de la documentation contractuelle complète (à savoir notamment celle relative aux apports et retraits) pour les années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2017 à 2021. Compte tenu de la date de délivrance de son assignation en justice, elle affirme que son action en responsabilité pour manquement de la BNP PARIBAS à son obligation d'information n'est pas prescrite.

Elle ajoute qu'ayant eu connaissance des relevés de compte litigieux durant la procédure en référé, soit entre 2016 et 2018, elle a été dans l'impossibilité d'agir en remboursement des opérations de retrait querellées avant 2016 si bien que son action en remboursement initiée le 6 mai 2020 est recevable.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties visées ci-dessus quant à l'exposé du surplus de leurs prétentions et moyens.

L'incident a été examiné à l'audience du 13 mai 2024.

EXPOSE DES MOTIFS

Les demandes tendant à voir le juge de la mise en état "dire et juger", "constater", " juger que " "dire que" ou "donner acte" ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais de simples moyens ou arguments, le juge de la mise en état n'est dès lors pas saisi de ces demandes.

Sur la recevabilité des demandes formées par Madame [V] à l'égard de la BNP PARIBAS

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'action en responsabilité contractuelle formée par Madame [V] à l'encontre de la banque est soumise au délai de prescription prévu à l'article L.110-4 du code de commerce pour les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants.

Ce délai, de dix ans avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, a été réduit à 5 ans par cette nouvelle loi.

En application de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Conformément à l'article 26 II de la loi du 17 juin 2008, " les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ".

Il en résulte que le délai de prescription quinquennale ne court à compter du 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi susvisée, qu'à la condition que la prescription n'était pas déjà acquise à cette date en application de la loi ancienne et, en tout état de cause, dans la limite du délai qui restait à courir pour l'acquisition de la prescription prévue au titre de la loi ancienne lorsque ce délai résiduel était inférieur à cinq ans.

La prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il a été révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

En l'espèce, s'agissant d'une action en responsabilité contractuelle engagée contre le banquier en raison du manquement de celui-ci à ses obligations, c'est au moment de la manifestation du dommage causé par ce manquement contractuel que se situe le point de départ du délai de prescription de l'action.

Sur la prescription de l'action en responsabilité fondée sur le manquement de la banque à son obligation d'information

Aux termes de l'article 2231 du code civil, " l'interruption efface le délai de prescription acquis. Elle fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien ".

Aux termes des articles 2241 et 2242 du code civil, la demande en justice interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion jusqu'à extinction de l'instance.

Il résulte de ces textes que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent aux mêmes fins, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.

En l'espèce, le délai de prescription de dix ans a commencé à courir au jour où la demanderesse a eu connaissance du dommage dont elle se plaint, à savoir à compter de la date à laquelle Madame [V] a fait état d'un manquement de la banque à son devoir d'information en délivrant une assignation devant le tribunal de grande instance de Paris le 6 juillet 2007 à l'égard de la banque. Ce délai de prescription a été interrompu jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 8 septembre 2011. A cette date, un nouveau délai de prescription - d'une durée réduite à cinq ans en application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 - a commencé à courir. Ce délai de prescription a été interrompu le 11 avril 2012, date de délivrance de l'assignation par Madame [V] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris. Ainsi, un nouveau délai de prescription quinquennale a commencé à courir à compter de l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Paris du 22 août 2012, l'assignation en référé relative à une demande de production de pièces et l'assignation au fond en responsabilité poursuivant un seul et même but.

Ainsi, lors de la délivrance de l'assignation du 6 mai 2020, les demandes de dommages-intérêts formées par Madame [V] contre la BNP PARIBAS au titre des comptes rendus de gestion sur la période allant du 1er janvier 2008 au 6 mai 2015, au titre des relevés de compte mensuels de l'année 2005, au titre des récapitulatifs des relevés de portefeuille du 1er janvier 2005 au 6 mai 2015, au titre de la documentation contractuelle complète (relative aux droits de garde et frais de gestion) du 1er janvier 2008 au 6 mai 2015, sont irrecevables comme prescrites.

Sur la prescription de l'action en responsabilité fondée sur le manquement de la banque à son obligation de bonne gestion

L'article 2234 du code civil dispose que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.

Il appartient à celui qui se prévaut d'une impossibilité d'agir de l'établir. En ce cas, la prescription ne commence à courir que du jour où l'impossibilité cesse.

En l'espèce, par assignation du 7 juillet 2016, Madame [V] a sollicité du juge des référés de condamner la BNP Paribas à lui communiquer la documentation contractuelle, en ce compris les comptes rendus de gestion, pour la période allant de février 2005 jusqu'au prononcé de l'ordonnance à intervenir. Toutefois, par arrêt du 12 octobre 2018, la cour d'appel de Paris a infirmé l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Paris du 16 décembre 2016, en ce qu'elle a ordonné la communication de relevés sous astreinte, et a rejeté les demandes de Madame [V] au motif que celles-ci ne pouvaient être formées sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile. N'ayant initié postérieurement à cette dernière décision de justice, aucune autre action en justice aux fins d'obtenir la communication desdites pièces, Madame [V] ne saurait donc affirmer avoir été dans l'impossibilité d'agir et se prévaloir de la suspension du délai de prescription prévue par l'article 2234 du code civil.

L'assignation ayant été délivrée le 6 mai 2020, la demande formée contre la banque par Madame [V] au titre des retraits opérés avant le 6 mai 2015 est donc prescrite en application du délai de la prescription quinquennale et irrecevable.

Sur les demandes accessoires

Les dépens de l'incident seront réservés.

L'équité commande de dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les demandes formées sur ce point seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, susceptible de recours dans les conditions énoncées par l'article 795 du code de procédure civile et mise à disposition au greffe :

DÉCLARONS irrecevables les demandes formées par Madame [W] [V] contre la BNP PARIBAS au titre des comptes rendus de gestion sur la période allant du 1er janvier 2008 au 6 mai 2015, au titre des relevés de compte mensuels de l'année 2005, au titre des récapitulatifs des relevés de portefeuille du 1er janvier 2005 au 6 mai 2015, au titre de la documentation contractuelle complète (relative aux droits de garde et frais de gestion) du 1er janvier 2008 au 6 mai 2015 et au titre des retraits opérés avant le 6 mai 2015 ;

RENVOYONS l'affaire et les parties à l'audience de mise en état du lundi 25 novembre 2024 à 9H30 pour conclusions au fond de Madame [W] [V] ;

REJETONS la demande de la BNP PARIBAS au titre des frais irrépétibles ;

REJETONS la demande de Madame [W] [V] au titre des frais irrépétibles ;

RÉSERVONS les dépens de l'incident.

Faite et rendue à Paris le 02 Septembre 2024.

LA GREFFIERE LA JUGE DE LA MISE EN ÉTAT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 9ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 20/05899
Date de la décision : 02/09/2024
Sens de l'arrêt : Renvoi à la mise en état

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-09-02;20.05899 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award