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03/09/2024 | FRANCE | N°18/14205

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 9ème chambre 1ère section, 03 septembre 2024, 18/14205


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




9ème chambre 1ère section

N° RG 18/14205

N° Portalis 352J-W-B7C-COM2P

N° MINUTE :


Contradictoire

Assignation du :
15 Novembre 2018







JUGEMENT
rendu le 03 septembre 2024
DEMANDERESSE

Madame [U] [Y] épouse [W]
[Adresse 12]
[Localité 13]

représentée par Maître Virginie VARAS de la SELARL DV AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #EA0204>

DÉFENDEUR

Société CREDIT DU NORD
[Adresse 10]
[Localité 11]

représentée par Me Marie-Christine FOURNIER-GILLE, du cabinet KRAMER LEVIN LPP, avocat au barreau de PARIS, avocat plaida...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

9ème chambre 1ère section

N° RG 18/14205

N° Portalis 352J-W-B7C-COM2P

N° MINUTE :

Contradictoire

Assignation du :
15 Novembre 2018

JUGEMENT
rendu le 03 septembre 2024
DEMANDERESSE

Madame [U] [Y] épouse [W]
[Adresse 12]
[Localité 13]

représentée par Maître Virginie VARAS de la SELARL DV AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #EA0204

DÉFENDEUR

Société CREDIT DU NORD
[Adresse 10]
[Localité 11]

représentée par Me Marie-Christine FOURNIER-GILLE, du cabinet KRAMER LEVIN LPP, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, Vestiaire X1 et par Me Justine FLOQUET, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire E2283

INTERVENANTS

S.A.S [T] [A] ET EMILIE FOURNIER NOTAIRES ASSOCIES, intervenant forcé
[Adresse 1]
[Localité 14]
Décision du 03 Septembre 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 18/14205 - N° Portalis 352J-W-B7C-COM2P

Maître [T] [A], notaire
[Adresse 1]
[Localité 14]

représentés par Maître Thierry KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0090

Monsieur [C] [W], intervenant forcé
[Adresse 12]
[Localité 13]

représenté par Maître Virginie VARAS de la SELARL DV AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #EA0204

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente,
Monsieur Patrick NAVARRI, Vice-président,
Madame Marine PARNAUDEAU, Vice-présidente,

assistés de Madame Sandrine BREARD, Greffière

DÉBATS

A l’audience du 28 mai 2024 tenue en audience publique devant Monsieur Patrick NAVARRI, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

FAITS CONSTANTS

Monsieur [C] [W] et Monsieur [O] ont été associés de la société à responsabilité limitée IMMO INVESTISSEMENT.

Par acte authentique en date du 22 novembre 2005, Monsieur [C] [W] solidairement avec Monsieur [O] se sont portés caution à hauteur d’une somme de 235.000€ de deux prêts consentis par la société CREDIT DU NORD à la SARL IMMO INVESTISSEMENT d’un montant respectif de 459.000 € et de 16.000 € pour l’acquisition par cette dernière société, pour un prix de 530 000 €, d’un bien immobilier situé à [Localité 15], [Adresse 9] (parcelle initiale AS [Cadastre 3]), immédiatement divisé en 4 parcelles (cadastrées AS [Cadastre 4], AS [Cadastre 5], AS [Cadastre 6], et AS [Cadastre 7]).

Le même jour, la société IMMO INVESTISSEMENT a cédé à M. [C] [W] et Mme [U] [Y] épouse [W], qui sont mariés sous le régime de la séparation de biens, la parcelle AS [Cadastre 4] (maison d’habitation) et 1/3 indivis de la parcelle AS [Cadastre 7] constituant le passage commun, pour un prix de 280 000 €.

Le 21 février 2006, la SARL IMMOINVESTISSEMENT vendait à M. [C] [W] la parcelle AS [Cadastre 5] et 2/3 de la parcelle indivise AS [Cadastre 7] pour un prix de 120.000 euros.

Par jugement du Tribunal de commerce d’EVRY en date du 22 Janvier 2007, la société IMMO INVESTISSEMENT a été placée en liquidation judiciaire.

Le 2 septembre 2015, Monsieur et Madame [W] ont vendu leur résidence principale située à [Localité 15], [Adresse 9] au profit de Monsieur [D] et de Madame [J] moyennant le prix de 440.000 € se décomposant comme suit :
- 425.000 € pour l’immeuble ;
- 15.000 € pour les meubles.

Le 19 mars 2019, la société [A] ET FOURNIER, notaire, a établi un décompte précis mentionnant que la vente du bien immobilier pour une somme de 440.000 euros avait été répartie de la façon suivante :
- versement au profit du CREDIT DU NORD d’une somme de 59 415,05 € ;
- versement d’une somme de 302 833,11 € aux époux [W] ;
- séquestre de la somme de 77.153,84 €, en l’absence d’accord entre les parties.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par acte d’huissier en date du 15 novembre 2018, Mme [U] [W] a assigné en justice devant le tribunal de céans le CREDIT DU NORD, dont la SOCIETE GENERALE vient aux droits.

Par actes d’huissier en date des 29 et 30 juin 2021, le CREDIT DU NORD a assigné respectivement M. [C] [W] devant le tribunal de céans et la SCP [A] et FOURNIER, notaire.

Par ordonnance en date du 19 octobre 2021, la jonction de ces affaires a été prononcée.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 9 mai 2023, Mme [U] [W] demande de :
Vu les articles 1302 et 1302-1 du Code civil,
Vu l’article 1240 du Code civil,
Vu l’acte authentique en date du 22 novembre 2005,
Vu le contrat de mariage conclu entre Monsieur [C] [W] et Madame [U] [Y], épouse [W], en date du 16 février 2004,
Vu l’acte de vente entre les époux [W] et les consorts [J] [D] du 2 septembre 2015,
Vu l’opposition du CREDIT DU NORD,
A titre principal,
- Condamner la société CREDIT DU NORD à restituer à Madame [U] [Y] épouse [W] la somme de 68 584 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de blocage des fonds par la banque, soit depuis le 2 septembre 2015, au titre de la part lui revenant sur le prix de vente du bien immobilier situé [Adresse 9] à [Localité 15],
- En conséquence, dire et juger que ce versement s’effectuera par une main levée partielle donnée par la banque CREDIT DU NORD à l’étude [A] ET FOURNIER du séquestre de la somme de 77.153,84€, et ce sous 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 € par jour de retard,
- Dire et juger que la société CREDIT DU NORD a engagé sa responsabilité à l’égard de Madame [Y] épouse [W] en percevant la part de cette dernière sur le prix de vente du bien immobilier susvisé,
- En conséquence, condamner la société CREDIT DU NORD à payer à Madame [U] [Y] épouse [W] la somme de 15.000 €, à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi.
A titre subsidiaire,
- Ordonner la désignation de tel expert qu’il plaira au Tribunal de nommer avec pour mission de :
* Identifier les différents actes de prêts, les cautionnements et autres garanties, les titres de propriété et actes de vente souscrits et/ou intervenus entre 2005 et 2015 concernant la société IMMO INVESTISSEMENT, M. [W], Mme [Y] épouse [W] et le CREDIT DU NORD ;
* Identifier les dettes respectives de M. [W], M. et Mme [W] en indivision, et la société IMMO INVESTISSEMENT à l’égard de CREDIT DU NORD durant cette période ;
* Identifier les versements intervenus au profit de CREDIT DU NORD émanant de M. [W], de M. et Mme [W], soit directement soit via les études notariales et le liquidateur judiciaire de la société IMMO INVESTISSEMENT, le cas échéant en se rapprochant de ce dernier ;
* Déterminer les sommes restant dues à Mme [Y] épouse [W], au titre de sa part dans l’indivision matrimoniale avec M.[W], à la suite des ventes de biens identifiées;
En tout état de cause,
- Débouter la société CREDIT DU NORD de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles, fins et prétentions,
- Condamner la société CREDIT DU NORD à payer à Madame [U] [W] la somme de 5.000 € par application des dispositions de l’article 700 du CPC,
- La condamner aux entiers dépens, par application de l’article 699 du CPC,
- Juger que l’exécution provisoire, de droit, n’a pas lieu d’être écartée en l’espèce.

A l’appui de ses demandes elle fait valoir :
- que n’étant pas tenue de la dette de son mari dont elle est séparée de biens, elle doit percevoir sa part dans la vente du bien immobilier qu’ils détenaient en commun soit 50% du prix de vente alors que sur la somme de 302.833 euros qui leur a été versée, elle n’a reçu que 50% de cette somme soit 151.416 euros ; que le bien ayant été vendu pour 440.000 euros elle aurait dû percevoir la somme de 220.000 euros ; que la différence entre 151.416 euros et 220.000 euros est égale à 68.584 euros qui est la somme dont elle demande le versement ;
- que la créance qui a été admise au passif de la société IMMO INVESTISSEMENT ne la concerne pas ; qu’en outre cette créance n’est que de 155.000 euros ; que la banque a déjà perçu la somme de 123.850,28 euros lors de la procédure collective ; que la somme de 59.415,05 euros perçue par la banque proviendrait d’un prêt accordé par le CREDIT DU NORD en 2006 alors qu’aucun contrat n’est versé aux débats ; que la banque ne prouve pas avoir accordé un tel prêt et ne justifie pas du solde dû ;
- que la banque a prélevé sur le prix de vente de leur bien immobilier des dettes personnelles de son mari auxquelles elle est totalement étrangère ;
- que concernant les garanties souscrites par la banque dont l’inscription d’hypothèque, elle n’est concernée avec son mari qu’à hauteur de 50% pour l’acquisition de la parcelle AS [Cadastre 4] outre sa quote-part dans la parcelle AS [Cadastre 7] ;
- que si elle a renoncé à la somme de 151.416 euros pour permettre le remploi de cette somme par son mari afin de lui permettre d’acheter un bien immobilier, elle n’a jamais renoncé à la somme détenue en séquestre par le notaire ;
- que c‘est seulement les parcelles AS [Cadastre 4] et AS [Cadastre 7] qui ont été cédées en septembre 2015 aux consorts [J] [D] et non pas toutes les parcelles achetées en 2005 par IMMO INVESTISSEMENT ;
- que le débat à la suite des différentes opérations immobilières étant particulièrement confus, une expertise doit être ordonnée par le tribunal.

Par dernières conclusions en date du 28 novembre 2022, M. [C] [W] demande de :
Vu l’article 1302 du Code civil,
Vu l’acte authentique en date du 22 novembre 2005,
Vu l’acte de vente entre les époux [W] et les consorts [J] [D] du 2 septembre 2015,
Vu l’opposition du CREDIT DU NORD,
Vu la déclaration de créance de CREDIT DU NORD au passif de la société IMMO INVESTISSEMENT et le règlement à son profit de la somme de 123 850,28 € dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire,
Vu le versement au CREDIT DU NORD de la somme de 59 415,05 € dans le cadre de la vente [J] [D],
A titre principal,
- Juger mal fondée la société CREDIT DU NORD dans ses prétentions visant au versement à son profit de la somme de 72 113,25 € séquestrée entre les mains de la SAS [A] ET FOURNIER, au titre d’une prétendue créance contre M. [C] [W],
- Débouter la société CREDIT DU NORD de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
A titre reconventionnel,
- Condamner la société CREDIT DU NORD à restituer à Monsieur [C] [W] la somme de 28.265 €, au titre de l’indu perçu par la banque dans le cadre du recouvrement de ses créances.
- Condamner la société CREDIT DU NORD à payer à Monsieur [C] [W] la somme de 3 000€ par application des dispositions de l’article 700 du CPC,
- La condamner aux entiers dépens, par application de l’article 699 du CPC,
- Juger que l’exécution provisoire, de droit, n’a pas lieu d’être écartée en l’espèce.

A l’appui de ses demandes il fait valoir :
- que la banque ne justifie pas du quantum de la créance qu’elle allègue ; qu’elle ne justifie pas des montants reçus dans le cadre de la procédure collective ;
- que la créance de la banque n’a été admise au passif de la société IMMO INVESTISSEMENT que pour une somme de 155.000 euros et la créance de 40.963,53 euros qui a été admise concerne un solde débiteur de compte courant pour lequel M. [W] ne s’est pas porté caution ; que la banque qui a déjà perçu la somme de 183.265 euros soit 123.850,28 euros dans le cadre de la procédure collective puis celle de 59.415,05 euros lors de la vente du bien commun des époux [W] en 2015, n’a aucun droit à percevoir la somme séquestrée auprès du notaire ;
- que la créance de la banque soit 155.000 euros étant inférieure à celle perçue par la banque soit 183.265 euros, la banque devra lui restituer le différentiel soit la somme de 28.265 euros.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 9 octobre 2023, la société [T] [A] et Emilie FOURNIER, notaires associés, demandent de :
Vu les dispositions de l'article 1240 du Code Civil,
DONNER ACTE à la SCP notariale de ce qu’elle s’en remet à la sagesse du tribunal sur le bienfondé de la créance de la société CREDIT DU NORD ;
DONNER ACTE à la société [T] [A] et Emilie FOURNIER de ce qu’elle se tient à la disposition du Tribunal de céans pour verser la somme séquestrée soit 72.113,25 € entre les mains de la société CREDIT DU NORD.
DONNER ACTE à la SCP notariale de ce qu’elle s’en remet à la sagesse du tribunal sur la demande d’expertise formée par Madame [W].
DIRE et JUGER la société CREDIT DU NORD tant irrecevable que mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société [T] [A] et Emilie FOURNIER,
L’en DEBOUTER.
CONDAMNER in solidum les époux [W] au paiement d'une somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC.
CONDAMNER la demanderesse en tous les dépens dont distraction au profit de Maître KUHN, conformément aux dispositions de l'Article 699 du CPC.

A l’appui de ses demandes elle fait valoir qu’elle se tient à la disposition de la justice pour verser la somme de 72.113,25 euros qu’elle détient et qu’elle n’a commis aucune faute dans la gestion du séquestre.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 22 juin 2023, la SOCIETE GENERALE demande de :
Vu la fusion-absorption du CREDIT DU NORD par la SOCIETE GENERALE intervenue le 1er janvier 2023,
Donner acte à la SOCIETE GENERALE venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD de
ce qu’elle reprend à son compte les moyens développés par son absorbée, la société CREDIT DU NORD,
En conséquence et y faisant droit :
-Déclarer Madame [U] [Y] épouse [W] aussi irrecevable que mal fondée en ses prétentions,
Décision du 03 Septembre 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 18/14205 - N° Portalis 352J-W-B7C-COM2P

- Débouter en conséquence Madame [U] [Y] épouse [W] de l’intégralité de ses demandes, y compris de sa demande d’expertise judiciaire qui ne pourrait en tout état de cause être ordonnée qu’aux frais avancés de la demanderesse,
- Débouter Monsieur [C] [W] de l’intégralité de ses demandes dirigées contre le CREDIT DU NORD aux droits et obligations duquel vient désormais la SOCIETE GENERALE
- Déclarer la SOCIETE GENERALE, venant aux droits et obligations du CREDIT DU NORD recevable et bien fondée en ses demandes reconventionnelles,
Et y faisant droit :
- Dire et juger que le CREDIT DU NORD a valablement reçu de l’étude notariale [A] ET FOURNIER la somme de 59.415,05 € au titre du solde du prêt immobilier du 21 février 2006 garanti par un privilège de prêteur de deniers inscrit sur la parcelle AS [Cadastre 5] dont Monsieur [W] était seul et unique propriétaire, montant que ce dernier a expressément admis être redevable vis à vis de son banquier, et que Madame [W] n’a aucun droit à faire valoir sur ce montant,
- Dire et juger que la SOCIETE GENERALE est encore créancière de Monsieur [W] à hauteur de 54.711,27 € au titre du cautionnement notarié que ce dernier avait souscrit le 22 novembre 2005 en garantie des dettes de la SARL IMMO INVESTISSEMENT, montant résiduel incontestable et garanti par une hypothèque judiciaire grevant les seuls droits indivis qui appartenaient à Monsieur [W] sur les parcelles AS [Cadastre 4] et AS [Cadastre 7] et qui est actuellement séquestré entre les mains de l’étude notariale [A] ET FOURNIER,
- Condamner en conséquence la SAS [A] ET FOURNIER à verser à la SOCIETE GENERALE ladite somme de 54.711,27 € par prélèvement sur les fonds séquestrés en son étude,
- Condamner in solidum Monsieur et Madame [W] à verser à la SOCIETE GENERALE une somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
- Condamner Madame [U] [Y] épouse [W] et Monsieur [C] [W] à payer chacun à la SOCIETE GENERALE une somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
- Condamner Madame [U] [Y] épouse [W] et Monsieur [C] [W] in solidum aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Justine FLOQUET, Avocat au Barreau de Paris, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

A l’appui de ses demandes elle fait valoir :
- que Mme [W] n’a aucun intérêt à agir en justice dès lors qu’elle a fait une donation à son époux de la totalité du prix de vente du bien immobilier querellé ;
- que le bien immobilier vendu en septembre 2015 n’appartenait pas en indivision à 50% entre les époux [W] ; que, par conséquent, Mme [W] ne peut pas percevoir 50% du prix de vente ; qu’il appartient à Mme [W] d’établir la quote-part exacte du prix de cession selon les différentes parcelles vendues ; qu’en tout état de cause ce débat est stérile dès lors que Mme [W] a été remplie de ses droits puisqu’elle a accepté que la somme qu’elle a reçue soit donnée à son mari pour lui permettre d’acheter un bien immobilier ; qu’elle n’a donc aucun intérêt pour engager cette action en justice puisqu’elle a cédé ses droits ;
- qu’elle bénéficie d’une inscription d’hypothèque prise en 2007 et qu’elle n’a jamais porté atteinte aux droits de Mme [W] ;
- que M. [W] s’est porté caution des deux prêts de 459.000 euros et de 16.000 euros ; que ces prêts ont été admis au passif de la société soit 155.000 euros et 23.561,55 euros soit un total de 178.561,55 euros ; qu’elle n’a perçu de la procédure collective que la somme de 123.850,28 euros et que le différentiel soit la somme de 54.711,27 doit lui être versée ;
- que la somme de 59.415,05 euros qu’elle a perçue provenait d’un versement relatif à un autre prêt d’un montant de 100.000 euros et qui a été soldé lors de la vente en 2015, ce que M. [W] a d’ailleurs reconnu ;
- que la demande d’expertise doit être rejetée.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 21 mai 2024.

MOTIVATION

Les demandes tendant à voir le tribunal « dire et juger », « juger que » ou « dire que » ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile mais de simples moyens ou arguments, le tribunal n’est dès lors pas saisi de ces demandes.

Sur l’absence d’intérêt à agir en justice

L’article 31 du Code de procédure civil dispose que « L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ».

L’étude notariale produit un document daté du 2 septembre 2015 établi par Mme [W] qui mentionne :
« Je soussignée, Madame [U] [K] [G] [Y] (…)
Autorise Monsieur [C] [I] [W], mon époux, à remployer les fonds du prix de vente de notre bien immobilier de[Localité 15]) [Adresse 9], dont l’acte de vente a été reçu par Maître [X], notaire à [Localité 17], le 2 septembre 2015, pour l’acquisition par mon époux seul pour la totalité en pleine propriété d’un bien immobilier sis à [Localité 13] [Adresse 12], moyennant le prix de vente de 295.000 €, une commission d’agence de 10.000 € et une provision sur frais de 21.700 € sans faire de déclaration de remploi dans l’acte de vente ».

La SOCIETE GENERALE fait valoir que depuis cet acte, Mme [W] n’a aucun intérêt à agir en justice car elle a fait une donation à son époux de la somme qu’elle a reçue, provenant de la vente de leur bien immobilier.

Les époux [W] ne contestent pas que Mme [W] a bien consenti une donation à M. [W] en autorisant à remployer les fonds provenant de la vente de leur bien immobilier pour permettre à M. [W] l’acquisition en pleine propriété de la totalité du bien immobilier sis à [Localité 13] [Adresse 12]. Mais ils contestent que cela entraine la renonciation au reliquat de la somme qui est séquestrée par le notaire.

Quand bien même Mme [W] a autorisé le remploi d’une partie de la somme provenant du prix de vente du bien immobilier querellé et détenue par les deux époux, il n’est pas établi que Mme [W] renonce à solliciter le reliquat du prix de vente qu’elle n’a pas perçu et qui est séquestré auprès du notaire.

Dès lors Mme [W] ayant un intérêt à agir en justice, il y a lieu de la déclarer recevable à agir en justice.

Sur la demande d’expertise

L’article 146 alinéa 2 du Code de procédure civile dispose que « Une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver.
En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve ».

Mme [W] a assigné en justice la banque par acte d’huissier en date du 15 novembre 2018 soit depuis presque 6 ans.

L’expertise, qui n’est pas destinée à pallier la carence des parties dans la charge de la preuve, porterait selon la demande des époux [W] sur les dettes professionnelles de M. [W], et notamment sur la liquidation de la société IMMO INVESTISSEMENT dont le liquidateur n’a pas été assigné dans la présente procédure, et pour lesquelles ils éprouvent des difficultés à établir certains faits. Or les époux [W] ne peuvent pas suppléer leur absence de preuve par une expertise.

Dès lors il y a lieu de rejeter la demande d’expertise.

Sur les demandes de donner acte

Il y a lieu de donner acte à la SOCIETE GENERALE qu’elle vient aux droits et obligations du CREDIT DU NORD.

Il y a lieu de donner acte à la SCP [T] [A] et Emilie FOURNIER de ce qu’elle s’en remet au tribunal sur le bienfondé de la créance de la société CREDIT DU NORD.

Sur la demande de Mme [W] portant sur le versement de la somme de 68 584 euros

L’article 1538 du Code civil dispose que « Les biens sur lesquels aucun des époux ne peut justifier d'une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié. »

L’article 1302 du Code civil dispose que « Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution. »

L’article 1302-1 du Code civil dispose que « Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu. »

Le 2 septembre 2015, Monsieur et Madame [W] ont vendu leur résidence principale située à [Localité 15], [Adresse 9] au profit de Monsieur [D] et Madame [J] moyennant le prix de 440.000 €.

Les époux [W] soutiennent que sur les parcelles cadastrées AS [Cadastre 4] et AS [Cadastre 7] qui ont été vendues ils sont en indivision à hauteur de 50%. Dès lors Mme [W] doit percevoir la moitié du prix soit 220.000 euros.

Toutefois, il ressort de l’acte de vente qui est versé aux débats par Madame [W] aux pages 4, 11 et 12 que les parcelles vendues étaient cadastrée section AS [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 7] et [Cadastre 8] et appartenaient :
- AS [Cadastre 4] et 1/3 indivis de la parcelle AS [Cadastre 7], à Monsieur et Madame [W] à concurrence de la moitié chacun ainsi qu’il résulte de l’acte d’acquisition reçu par Maître [F] [P] le 22/11/2005.
- AS [Cadastre 5] et les 2/3 de la parcelle AS [Cadastre 7], à Monsieur [W] suivant acte reçu par Maître [F] [P], Notaire à [Localité 16], le 21 février 2006.
- AS [Cadastre 8], à Monsieur [W] suivant acte reçu par Maître [H] [V], notaire à [Localité 14], le 29 avril 2011.

Dès lors que certaines parcelles vendues appartiennent seulement à M. [W], Mme [W] ne peut pas percevoir 50 % du prix de vente. En outre Mme [W] ne verse pas d’évaluation de la valeur de chaque parcelle permettant d’effectuer une répartition du prix de vente entre les différentes parcelles.

M. et Mme [W] font valoir que la banque ne verse aucune preuve pour établir l’existence d’un prêt qui aurait été conclu le 21 février 2006 pour un montant de 100.000 euros. Par conséquent la somme de 59.415,05 euros que la banque a perçue doit être imputée sur la somme réclamée par la banque.

La SOCIETE GENERALE mentionne qu’un prêt immobilier de 100.000 euros a bien été accordé à M. [W] puis a été soldé. Les époux [W] font valoir que la banque ne prouve pas l’existence de ce prêt.

Dans l’acte notarié de vente en date du 2 septembre 2015, il est mentionné que les parcelles cadastrées AS [Cadastre 5] et AS [Cadastre 7], qui appartiennent à M. [W], ont été financées par un prêt de 100.000 euros consenti par le CREDIT DU NORD. En outre, dans un mail en date du 2 septembre 2015 en répondant au rappel de la banque sur la nécessité de rembourser le reliquat du prêt de 100.000 euros dès lors que le bien immobilier était vendu, M. [W] précisait que pour le remboursement de ce prêt il n’y avait « aucun problème » et le prêt a d’ailleurs été soldé par le versement de la somme de 59.415,05 euros.

Dès lors la demande de Mme [W] de lui verser une somme de 68.584 euros doit être rejetée

Sur la demande de M. [W] de lui restituer la somme de 28.265 euros

L’article 1302 du Code civil dispose que « Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution. »

M. [W] fait valoir que la créance de la banque qui bénéficiait de la caution de M. [W] et de son associé M. [O] a été acceptée au passif de la société IMMO INVESTISSEMENT pour la somme de 155.000 euros et la créance de 40.963,53 euros qui est relative au compte courant de la société IMMO INVESTISSEMENT ne bénéficiait pas de sa caution. Or la banque a déjà perçu les sommes de 123.850,28 euros plus 59.415,05 euros soit un total de 183.265,33 euros. La banque n’ayant droit qu’à la somme de 155.000 euros, M. [W] sollicite le versement de la différence soit 28.265 euros.

La SOCIETE GENERALE fait valoir que cette créance était bien cautionnée par M. [W] et elle s’oppose donc à toute restitution.

Sur ce,

Lors de la liquidation de la société IMMO INVESTISSEMENT, par courriers du greffe du tribunal de commerce d’Evry, adressé au CREDIT DU NORD et réceptionné le 21 septembre 2007, les créances de 155.000 euros et de 40.963,53 euros cette dernière représentant deux créances de 16.675,07 euros et de 23.561,55 euros, ont été admises au passif de la société. Il est indiqué que la somme de 23.561,55 euros est relative au compte n° [XXXXXXXXXX02] au titre du solde débiteur du compte marchand de biens.

Dans l’acte notarié établi le 22 novembre 2005 pour l’acquisition du bien immobilier querellé, un prêt d’acquisition d’un montant de 459.000 euros et un crédit d’accompagnement de 16.000 euros utilisé sur un compte n° [XXXXXXXXXX02], au taux de 5,07 % et au TEG de 7,44 %, ont été accordés à la société IMMO INVESTISSEMENT. Dans le même acte, M. [W] et M. [O] se sont portés cautions solidaires de ces deux prêts à hauteur de 235.000 euros.

Le crédit d’accompagnement de 16.000 euros a donc été accordé sous le numéro de compte [XXXXXXXXXX02] et c’est ce même compte qui a été admis au passif de la société IMMO INVESTISSEMENT pour la somme de 23.561,55 euros.

Dès lors il ne s’agit pas d’un compte courant de la société IMMO INVESTISSEMENT mais bien du compte [XXXXXXXXXX02] qui était affecté au crédit d’accompagnement pour l’achat du bien immobilier querellé et qui bénéficiait de la caution de M. [W]. Par conséquent, la demande de remboursement de ce dernier doit être rejeté.

Sur la demande de la SOCIETE GENERALE

Lors de la liquidation de la société IMMO INVESTISSEMENT, par courriers du greffe du tribunal de commerce d’Evry adressé au CREDIT DU NORD et réceptionné le 21 septembre 2007, les créances notamment de 155.000 euros et de 23.561,55 euros ont été admises au passif de la société. Comme il a déjà été mentionné, ces créances bénéficient de l’engagement de caution solidaire de M. [W] soit un total de 178.561,55 euros.

Me [L], liquidateur de la société IMMO INVESTISSEMENT, a déjà versé à la SOCIETE GENERALE une somme de 123.850,28 euros.

La différence entre ces deux sommes soit 54.711,27 euros constitue le montant de la créance de la SOCIETE GENERALE à l’encontre de M. [C] [W] et il y a lieu de condamner la SCP [A] ET FOURNIER, notaire en charge du séquestre, à verser cette somme à la SOCIETE GENERALE.

Sur les autres demandes

La SOCIETE GENERALE ne prouve pas que le refus des époux [W] de lui verser la somme séquestrée auprès du notaire constitue une résistance abusive. Par conséquent il y a lieu de rejeter la demande de dommages et intérêts de la SOCIETE GENERALE sur ce fondement.

En l’absence de préjudice subi, il y a lieu de débouter Mme [W] de sa demande de dommages et intérêts.

M. et Mme [W] étant les parties perdantes, il y a lieu de les condamner aux dépens sans prononcer de condamnation in solidum dès lors qu’ils n’ont pas agi ensemble dans cette procédure, dont distraction au bénéfice de Maître Floquet et à verser chacun une somme de 2.000 euros à la SOCIETE GENERALE sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société [A] et FOURNIER ayant été assignée par la SOCIETE GENERALE il y a lieu de la débouter de sa demande de condamnation des époux [W] sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi que de ses dépens.

L’exécution provisoire étant nécessaire et compatible avec la présente affaire, l’exécution provisoire doit être ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par mise à disposition au greffe par jugement contradictoire et en premier ressort :

REÇOIT l’action de Madame [U] [Y] épouse [W] ;

DONNE ACTE à la SOCIETE GENERALE qu’elle vient aux droits et obligations du CREDIT DU NORD ;

DÉBOUTE Madame [U] [Y] épouse [W] et Monsieur [C] [W] de leur demande d’expertise ;

DÉBOUTE Madame [U] [Y] épouse [W] et Monsieur [C] [W] de toutes leurs demandes ;

DONNE ACTE à la société [T] [A] et Emilie FOURNIER de ce qu’elle s’en remet au tribunal sur le bienfondé de la créance de la SOCIETE GENERALE ;

CONDAMNE la société [T] [A] et Emilie FOURNIER à verser à la SOCIETE GENERALE la somme de 54.711,27 € par prélèvement sur les fonds séquestrés dans son étude ;

DÉBOUTE la SOCIETE GENERALE de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

CONDAMNE Madame [U] [Y] épouse [W] à payer à la SOCIETE GENERALE une somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE Monsieur [C] [W] à payer à la SOCIETE GENERALE une somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE Madame [U] [Y] épouse [W] et Monsieur [C] [W] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Justine FLOQUET ;

REJETTE toute demande plus ample ou contraire ;

ORDONNE l’exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 03 septembre 2024.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 9ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 18/14205
Date de la décision : 03/09/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-09-03;18.14205 ?
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