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03/09/2024 | FRANCE | N°20/00682

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 1ère section, 03 septembre 2024, 20/00682


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




8ème chambre
1ère section


N° RG 20/00682 -
N° Portalis 352J-W-B7E-CRP64


N° MINUTE :


Assignation du :
15 Janvier 2020







JUGEMENT
rendu le 03 Septembre 2024


DEMANDERESSE

Madame [E] [L] née [O]
Ayant élu domicile au cabinet de son administrateur de biens le cabinet Denise LADOUX :
[Adresse 6]
[Localité 4]

représentée par Maître Judith BOURQUELOT, av

ocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0586



DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] et [Adresse 3] à [Localité 7], représenté par son syndic, le cabinet PAUTRAT
...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

8ème chambre
1ère section

N° RG 20/00682 -
N° Portalis 352J-W-B7E-CRP64

N° MINUTE :

Assignation du :
15 Janvier 2020

JUGEMENT
rendu le 03 Septembre 2024

DEMANDERESSE

Madame [E] [L] née [O]
Ayant élu domicile au cabinet de son administrateur de biens le cabinet Denise LADOUX :
[Adresse 6]
[Localité 4]

représentée par Maître Judith BOURQUELOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0586

DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] et [Adresse 3] à [Localité 7], représenté par son syndic, le cabinet PAUTRAT
[Adresse 1]
[Localité 5]

représenté par Maître Nathalie BUNIAK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1260

Décision du 03 Septembre 2024
8ème chambre 1ère section
N° RG 20/00682 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRP64

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
Monsieur Julien FEVRIER, Juge
Madame Muriel JOSSELIN-GALL, Vice-Présidente

assistés de Madame Justine EDIN, Greffière,

DÉBATS

A l’audience du 15 Mai 2024 tenue en audience publique devant Madame Laure BERNARD, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Mme [E] [O] épouse [L] est propriétaire du lot n°1, consistant en un local commercial en rez-de-chaussée et sous-sol, au sein de l'immeuble sis [Adresse 2] et [Adresse 3] à [Localité 7], soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis.

A la suite de signes de faiblesse du plafond de la cave lui appartenant, signalés par Mme [L] au syndic au mois de septembre 2014 - septembre 2016 et juillet 2017, l'architecte de la copropriété a été mandaté dans le courant de l'année 2018 et, à la suite de sa visite sur place, des étais ont été posés au mois d'août 2019.

Lors de l'assemblée générale du 13 novembre 2019, des travaux afférents à la démolition et à la reconstruction du plancher haut de la cave de Mme [L], ont été soumis au vote des copropriétaires et rejetés.

Par acte d'huissier délivré le 15 janvier 2020, Mme [L] a saisi la juridiction de céans afin, principalement, d'obtenir l'annulation des résolutions n°3 - 4 et 5 de l'assemblée générale du 13 novembre 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 12 janvier 2023, Mme [L] demande au tribunal de :
" Vu les articles 14, 26 et 42 de la loi du 10 juillet 1965,
- Prononcer l'annulation des résolutions n° 3, 4 et 5 de l'assemblée générale extraordinaire des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] - [Adresse 3] du 13 novembre 2019 ;

- Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] - [Adresse 3] à payer à Mme [E] [L] la somme de 30.000 € en réparation du préjudice que lui cause le refus réitéré des copropriétaires de voter la réalisation des travaux de structure indispensables portant sur le plancher haut de la cave dont elle est propriétaire ;
- Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] - [Adresse 3] à payer à Mme [E] [L] la somme de 6.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] - [Adresse 3] aux entiers dépens ;
- Dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir. "

Mme [L] soutient que le rejet des résolutions querellées, et donc la non-exécution des travaux, ont entraîné le maintien des étais installés dans sa cave en août 2019, constitutif d'une atteinte importante aux modalités de jouissance de son lot, et ce alors qu'il s'agit de travaux urgents indispensables à la conservation et à l'entretien de l'immeuble.

Elle argue également de ce que le rejet de ces travaux constituent un abus de majorité, compte tenu des risques que fait peser, sur la sécurité tant des exploitants du local commercial et de la cave, que de leur clientèle et de leurs salariés, le maintien du plancher séparatif en son état actuel, ainsi que de la violation des termes du règlement de copropriété qui prévoit que les sols sont des parties communes, et que " la salubrité et la sécurité de l'immeuble devront toujours être intégralement respectées et sauvegardées ".

Elle fait valoir que le rejet des résolutions litigieuses est le fait de l'opposition systématique de certains copropriétaires, qui avaient déjà par le passé refusé d'autres types de travaux sans raison valable et au détriment de l'intérêt collectif.

Enfin, elle se prévaut de ce qu'il y a une rupture d'égalité entre copropriétaires, dès lors que par ces rejets elle est maintenue volontairement dans l'impossibilité de jouir de son bien conformément à l'usage des parties privatives prévu à l'article 7 du règlement de copropriété, à l'inverse des autres copropriétaires.

Mme [L] forme une demande additionnelle indemnitaire, prétendant qu'en faisant obstruction à la réalisation des travaux litigieux, le syndicat des copropriétaires lui a causé un préjudice consistant en l'impossibilité de jouir normalement de ses biens, soulignant notamment ne pas pouvoir en l'état effectuer des travaux de modernisation des installations de la brasserie et occasionnant ainsi un frein au développement de l'activité commerciale exploitée dans le local.

Mme [L] indique enfin avoir agi en annulation de la résolution n°4 adoptée lors de l'assemblée générale du 21 décembre 2020, concernant les travaux litigieux.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 31 mars 2023, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal de :
" Débouter Mme [L] de sa demande d'annulation des résolutions n° 3, 4 et 5 de l'assemblée générale extraordinaire du 13 novembre 2019,
- Constater que Mme [L] n'apporte pas la preuve de son prétendu préjudice,
- Débouter Mme [L] de sa demande de condamnation à la somme de 30.000 euros,
- Condamner Mme [L] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner Mme [L] au paiement des entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Nathalie Buniak, avocat à la Cour, en vertu de l'article 699 du code de procédure civile ".

Le syndicat des copropriétaires critique le bien-fondé de la demande principale en annulation des résolutions querellées, se prévalant de ce que ces résolutions n'ont pas été appliquées, d'une part, et de ce que dès lors qu'elles ont été rejetées Mme [L] ne peut se prévaloir utilement d'une quelconque modification des modalités de jouissance de ses parties privatives, d'autre part.

Il se prévaut des dispositions de l'article 17 de la loi du 10 juillet 1965 et soutient que l'assemblée générale a rejeté les résolutions litigieuses en raison d'un manque d'information sur les modalités et les conséquences des travaux, sans que cela constitue un abus de majorité, l'assemblée générale étant souveraine , outre que lesdits travaux ont été adoptés au cours de l'assemblée générale postérieure de 2020.

Il souligne enfin que le commerce exercé au sein des locaux de Mme [L] est à l'origine de multiples nuisances et désordres affectant l'immeuble.

Le syndicat des copropriétaires conclut également au rejet de la demande additionnelle indemnitaire, excipant de l'absence de caractérisation par Mme [L] du préjudice dont elle sollicite réparation.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, il convient de renvoyer aux termes de leurs dernières écritures susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 02 octobre 2023.

L'affaire, appelée à l'audience du 15 mai 2024, a été mise en délibéré au 03 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande principale en annulation des résolutions n°3-4 et 5 de l'assemblée générale du 13 novembre 2019

Aux termes de l'article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965, " Les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d'assemblée sans ses annexes. "

Une décision d'assemblée générale peut être annulée pour abus de majorité s'il est établi qu'elle est contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires, ou qu'elle a été prise dans le seul but de favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires, au détriment de ceux minoritaires.

Il appartient au copropriétaire qui demande la nullité d'une décision fondée sur l'abus de majorité de démontrer que celle-ci a été adoptée sans motif valable, et notamment dans un but autre que la préservation de l'intérêt collectif de l'ensemble des copropriétaires (Civ. 3ème, 8 février 1989, n° 87-14322) ou dans le seul but de favoriser les intérêts personnels de copropriétaires majoritaires au détriment des autres copropriétaires minoritaires (Civ. 3ème, 17 décembre 2014, n°13-25.134).

Le tribunal ne peut être saisi d'une demande de contestation d'une décision d'assemblée générale pour le seul motif qu'elle serait inéquitable ou inopportune (CA Paris, 23è. Chb A, 27 janvier 1999).

Sur ce,

Les résolutions contestées avaient pour objet principal des travaux de réfection totale du plancher affaissé, ayant entraîné la pose d'étais en août 2019 au sein de la cave dépendant du lot de la demanderesse.

Si le rejet de ces travaux a, logiquement, eu pour conséquence le maintien en l'état des étais au sein de cette cave, Mme [L] ne saurait utilement soutenir que cela caractérise une atteinte à ses modalités de jouissance de son lot ainsi qu'une rupture d'égalité entre les copropriétaires compte tenu de ce que tout copropriétaire doit supporter, au sein de son lot, des travaux concernant les parties communes, en application de l'article 9 de loi du 10 juillet 1965, ce qui est le cas en l'espèce, le caractère commun du plancher défectueux n'étant pas contesté.

Il doit en outre être relevé que la présence des étais au sein de la cave de Mme [L] était préexistante à la tenue de l'assemblée générale du 13 novembre 2019 et au rejet critiqué des résolutions objets du litige, de sorte que, à supposer les griefs allégués, il ne saurait être retenu utilement qu'ils trouvent leur origine dans les décisions de refus des travaux.

Concernant le prétendu abus de majorité, l'ancienneté de l'état défectueux du plancher, signalé une première fois en 2014, et la nécessité de mener des travaux de reprise et de confortement ne sont pas contestés.

Pour autant et d'une part, ces éléments de contexte sont insuffisants à établir que le rejet des travaux est constitutif d'un abus de majorité et venant à l'encontre des intérêts de la copropriété et/ou en violation des termes du règlement de copropriété, le tribunal relevant que ces travaux ont été soumis au vote des copropriétaires pour la première fois lors de cette assemblée générale, au motif allégué par le syndicat des copropriétaires d'un défaut d'information, mais qu'ils ont été adoptés lors de l'assemblée générale postérieure de 2020.

Si, dans un écrit daté du 28 novembre 2018, la société de syndic Desrue Immobilier, en charge de la gestion de l'immeuble au moment de l'assemblée générale querellée, dépeint une atmosphère de tensions au cours de cette assemblée de novembre 2019, faisant état de ce que le travail de l'architecte de la copropriété " a été remis en cause ainsi que le nôtre par M. [Z], porteur de plusieurs pouvoirs, entraînant avec lui une majorité de copropriétaires présents et représentés qui ont voté contre des résolutions présentées et critiquant le " désordres de cette AGE ", il ne peut être déduit de ce contexte que le rejet des résolutions objets du litige est abusif.

De même, si elle le prétend, Mme [L] succombe à démontrer que, au cours d'assemblées générales antérieures des 06 avril 2017 et 27 juin 2018, d'autres types de travaux auraient été refusés sous l'influence de certains copropriétaires et sans raison valable.

Enfin et surabondamment, il ne saurait être fait grief à l'assemblée générale le délai de traitement du sinistre antérieurement à 2019 et à la première mise au vote des copropriétaires les travaux de réfection nécessaires.

Par conséquent et pour l'ensemble de ces éléments, la demande de Mme [L] tendant à l'annulation des résolutions n°3-4 et 5 de l'assemblée générale du 13 novembre 2019 sera rejetée.

Sur la demande additionnelle indemnitaire

Aux termes de l'article 1240 du code civil, " tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. " Sur ce fondement, il incombe à la partie demanderesse, de rapporter la triple preuve de l'existence, d'une faute d'un préjudice et d'un lien causal entre les deux.

Sur ce,

Compte tenu des développements précédents, ayant été retenu que le rejet des résolutions querellées n'était pas abusif ni constitutif d'une atteinte de ses modalités de jouissance de son lot, ni d'une rupture d'égalité, la prétention indemnitaire de Mme [L] ne saurait prospérer, étant en outre souligné qu'elle ne justifie, ni dans son principe ni dans son quantum, du préjudice dont elle réclame réparation à hauteur d'un montant conséquent de 30.000 euros.

Mme [L] doit donc être déboutée de sa demande à ce titre.

Sur les demandes accessoires

Succombant à la procédure, Mme [L] doit être condamnée aux dépens, dont distraction au profit de Maître Buniak, ainsi qu'à régler au syndicat des copropriétaires une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 514 modifié par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
Il n'y a pas lieu en l'espèce d'écarter l'exécution provisoire de droit.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

DEBOUTE Mme [E] [O] épouse [L] de l'ensemble de ses prétentions,

CONDAMNE Mme [E] [O] épouse [L] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] et [Adresse 3] à [Localité 7], représenté par son syndic en exercice, une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [E] [O] épouse [L] aux dépens, dont distraction au profit de Maître Nathalie Buniak,

RAPPELLE que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes,

Fait et jugé à Paris le 03 Septembre 2024.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 20/00682
Date de la décision : 03/09/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-09-03;20.00682 ?
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