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03/09/2024 | FRANCE | N°22/01615

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 1ère section, 03 septembre 2024, 22/01615


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




8ème chambre
1ère section

N° RG 22/01615 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CVV5L


N° MINUTE :


Assignation du :
16 Décembre 2021






JUGEMENT
rendu le 03 Septembre 2024
DEMANDEURS

Madame [R] [C] née [I]
[Adresse 2]
[Localité 1]

Madame [D] [J]
[Adresse 8]
[Localité 11]

Madame [X] [B]
[Adresse 3]
[Localité 9]

Madame [W] [K] née [A]
[Adresse 7]
[Loca

lité 9]

Monsieur [S] [K]
[Adresse 7]
[Localité 9]

tous représentés par Maître Benoît JORION, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1758


DÉFENDERESSE

S.C.I. ALICE SPRINGS
[Adresse 10]
[Localité 12]

rep...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

8ème chambre
1ère section

N° RG 22/01615 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CVV5L

N° MINUTE :

Assignation du :
16 Décembre 2021

JUGEMENT
rendu le 03 Septembre 2024
DEMANDEURS

Madame [R] [C] née [I]
[Adresse 2]
[Localité 1]

Madame [D] [J]
[Adresse 8]
[Localité 11]

Madame [X] [B]
[Adresse 3]
[Localité 9]

Madame [W] [K] née [A]
[Adresse 7]
[Localité 9]

Monsieur [S] [K]
[Adresse 7]
[Localité 9]

tous représentés par Maître Benoît JORION, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1758

DÉFENDERESSE

S.C.I. ALICE SPRINGS
[Adresse 10]
[Localité 12]

représentée par Maître Marie-Christine ALIGROS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0140
Décision du 03 Septembre 2024
8ème chambre 1ère section
N° RG 22/01615 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVV5L

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
Monsieur Julien FEVRIER, Juge
Madame Muriel JOSSELIN-GALL, Vice-Présidente

assistés de Madame Justine EDIN, Greffière,

DÉBATS

A l’audience du 15 Mai 2024 tenue en audience publique devant Madame Laure BERNARD, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Mme [R] [I] épouse [C], Mme [D] [J], Mme [X] [B] ainsi que M. [S] [K] et Mme [W] [A] épouse [K] (ci-après " les consorts [C]- [J]- [B] et [K] ") sont propriétaires de lots au sein de l'immeuble en copropriété sis [Adresse 3], [Localité 9].

M. et Mme [K] sont également propriétaires d'un pavillon d'habitation situé [Adresse 7], à [Localité 9].

Ces propriétés sont voisines de la propriété de la SCI Alice Springs, située [Adresse 4], et [Adresse 5], à [Localité 9].

Elles sont séparées par une ruelle pavée étroite, qui constitue une des voies de la [Adresse 17] reliant la [Adresse 16] à l'[Adresse 13] située dans [Adresse 14].

Ces voies privées, fermées à la circulation du public, sont gérées par une association syndicale libre " ASL [Adresse 17] ", dont l'immeuble sis [Adresse 3] est membre, non-régularisée en l'état en l'absence de publication des statuts après leur mise en conformité avec les dispositions de l'ordonnance du 1er juillet 2004.

Par acte d'huissier délivré le 6 janvier 2022, les consorts [C]- [J]- [B] et [K] ont assigné la SCI Villa Springs devant la juridiction de céans, afin d'obtenir à titre principal sa condamnation à faire retirer l'ensemble des containers de déchets d'ordures ménagères installés sur sa parcelle.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 19 juillet 2023, les consorts [C]- [J]- [B] et [K] demandent au tribunal de :
" Vu l'article 544 du code civil,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les moyens qui précèdent et les pièces versées aux débats,
- Enjoindre à la SCI Alice Springs de retirer l'ensemble des containers de déchets d'ordures ménagères installés sur la parcelle cadastrée section AI n°[Cadastre 6] située [Adresse 5], et [Adresse 4], [Localité 9], dont elle est propriétaire, dans un délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 500 euros par jours de retard ;
- Condamner la SCI Alice Springs à verser à chaque demandeur à savoir Mme [C], Mme [J], Mme [B], M. et Mme [K] la somme de 5.500 euros chacun à parfaire à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis,
- Dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- Condamner la SCI Alice Springs à verser la somme de 5.620 euros à l'ensemble des demandeurs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la SCI Alice Springs, aux dépens. "

Au soutien de leur demande principale, les consorts [C]- [J]- [B] et [K] prétendent que l'emplacement actuel des containers poubelles des immeubles collectifs de la voie privée contrevient à différentes prescriptions légales et sanitaires, notamment l'article 77 du règlement sanitaire de la Ville de [Localité 15], les articles R.1336-4 et suivants du code de la santé publique, ainsi que le Plan local d'urbanisme.

Ils prétendent également subir, du fait de cette situation, des troubles anormaux du voisinage, consistant en des nuisances sonores (lors du déplacement des containers et lors de jets de bouteilles de verre, à toute heure du jour et de la nuit), mais également olfactives et visuelles (les containers étant ouverts, exposés à l'air libre et stockés dans un espace non-couvert).

Ils en déduisent être fondés à solliciter la réparation matérielle, par la cessation du système actuel d'entreposage des containers litigieux et financière, par l'allocation de dommages-intérêts, de leurs préjudices.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 29 août 2023, la société Alice Springs demande au tribunal de :
" Débouter Mme [C], Mme [J], Mme [B], M. et Mme [K] de toutes leurs demandes, fins et prétentions,
En tout état de cause :
- Condamner in solidum Mme [C], Mme [J], Mme [B], M. et Mme [K] à payer à la SCI Alice Springs une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner in solidum Mme [C], Mme [J], Mme [B], M. et Mme [K] en tous les dépens. "

La société Alice Springs conteste le bien-fondé des prétentions des consorts [C]- [J]- [B] et [K], affirmant qu'en agissant de la sorte ces derniers essaient de remettre en cause la résolution n° 4 adoptée par l'ASL [Adresse 17], lors de l'assemblée générale du 22 juin 2017, qui avait autorisé le déplacement du local poubelles à l'endroit litigieux, qu'elle n'a pas eu d'autre choix que d'exécuter.
Elle prétend que cette installation a été mise en œuvre dans l'intérêt collectif de l'ensemble des occupants de la [Adresse 17], dont les demandeurs font partie, et qu'il n'y a en l'état pas d'autres alternatives pour la gestion des déchets des immeubles concernés.

La société Alice Springs conteste en outre les prétendues infractions aux dispositions légales et réglementaires alléguées par les demandeurs.

Enfin, elle réfute l'existence de troubles anormaux du voisinage subséquents à l'utilisation des containers poubelles litigieux, soulignant la carence probatoire des demandeurs sur ce point et le fait que la plupart d'entre eux ne sont pas occupants des biens dont ils sont propriétaires au sein de la Villa.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, il convient de renvoyer aux termes de leurs dernières écritures susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 02 octobre 2023.

L'affaire, appelée à l'audience du 15 mai 2024, a été mise en délibéré au 03 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il doit être relevé à titre liminaire qu'aux termes de ses dernières écritures la société Alice Springs ne se prévaut plus de l'irrecevabilité des demandeurs à agir, de sorte que le tribunal n'a pas à examiner les moyens allégués en réponse sur ce point par les consorts [C]- [J]- [B] et [K].

Sur le bien-fondé des demandes des consorts [C]- [J]- [B] et [K]

Un trouble anormal de voisinage est constitué dès lors qu'existe une nuisance excédant les inconvénients normaux de la cohabitation dans un immeuble collectif en fonction des circonstances et de la situation des lieux.

L'article 544 du code civil dispose que "la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements".

La responsabilité résultant de troubles qui dépassent les inconvénients normaux de voisinage, lesquels doivent être prouvés par celui qui les invoque, est établie objectivement, sans que la preuve d'une faute soit exigée.

L'article 9 du code de procédure civile dispose que " il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. "

Enfin, rappelons que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude.

Sur ce,

S'agissant de la demande de retrait des containers poubelles

Il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale de l'ASL [Adresse 17] du 22 juin 2017 qu'a été soumise au vote et adoptée la résolution n°4, intitulée " à la demande de M. [N], déplacement du local poubelles suivant plan joint " et selon laquelle il a été accordé à la succession [N] de supprimer le local poubelles actuel avec remise en état initial de la zone concernée, et il a été accepté " la proposition de la succession [N] consistant en l'occupation dans les termes à définir (cession, droit d'occupation, servitude...) d'une parcelle d'un linéaire suffisant (environ 3,15 mètres) pour loger les conteneurs actuels sur son terrain dans le prolongement du local ERDF (...) ".

Il s'en évince ainsi que dès 2017 un accord est intervenu quant à la disposition des containers poubelles de la Villa, par le biais de l'adoption de cette résolution par l'assemblée générale, qui s'impose à la société Alice Springs, dont il n'est ni prétendu ni établi qu'elle a fait l'objet d'une quelconque contestation, de sorte qu'elle doit être considérée comme définitive.

Dans ces conditions, les consorts [C]- [J]- [B] et [K] échouent à justifier, en droit, le bien-fondé de leur demande de faire injonction à la société Alice Springs de faire retirer les containers poubelles de leur emplacement actuel, alors que cette organisation résulte d'une décision non-contestée de l'assemblée générale de l'ASL de la Villa, souveraine dans ses prises de décisions.

Cette demande doit donc être rejetée pour ce seul motif, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les griefs tenant aux prétendues violations de dispositions légales et réglementaires applicables en la matière.

S'agissant des demandes indemnitaires

Relevons en premier lieu que les violations des dispositions réglementaires alléguées en demande, à les supposer avérées, sont inopérantes à elles seules à caractériser un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, de sorte que ce moyen sera écarté.

Il en est de même de l'argument excipé en demande selon lequel la question des nuisances engendrées par la présence de containers poubelles avait pu faire l'objet de discussions au cours d'assemblées des années 2001 et 2002 dès lors qu'il ressort des procès-verbaux de ces assemblées qu'il était fait état uniquement de nuisances potentielles et à venir.

Il s'avère en deuxième lieu que les attestations produites au débat pour justifier des troubles allégués émanent, pour la majorité d'entre elles, des demandeurs de sorte que leur valeur probante doit être pondérée ; au demeurant et en toute hypothèse la lecture combinée de ces écrits ne permet nullement d'établir le caractère anormal des nuisances dénoncées, qu'elles soient olfactives ou sonores, étant rappelé que la proximité d'un lieu de stockage des containers poubelles, qui sont des équipements obligatoires dans tout ensemble immobilier d'habitation urbain et dont la localisation doit se faire en fonction de la configuration des lieux, est mécaniquement génératrice d'odeurs et de bruits.

Comme relevé supra, si les demandeurs critiquent l'organisation actuelle de la gestion des containers poubelles, force est de constater qu'ils n'ont pas, en temps utile, contester la décision à l'origine de cette organisation décriée, d'une part, et qu'ils ne prétendent ni ne démontrent avoir été à l'origine, depuis 2017, de propositions concrètes au bénéfice de la Villa pour une organisation différente, avec cette donnée objective qu'un tel espace de regroupement d'habitations ne peut envisager de se passer de tels équipements de collecte d'ordures ménagères.

Il est également produit un rapport d'une société d'ingénierie acoustique, daté du 18 juillet 2023, qui indique qu'il a été procédé " à des mesures de niveaux de pression acoustique (…) le mardi 27 juin 2023 entre 12h et 13h environ " et qui conclut ainsi :
" Dans les conditions de mesure et d'analyse décrites dans le présent rapport, les dispositions du code de la santé publique ne seraient donc pas respectées, qu'il s'agisse des bruits engendrés par les jets de bouteilles dans le conteneur à verre à son emplacement actuel ou à son emplacement initial ou des bruits engendrés par le déplacement de ce conteneur " ;
" compte tenu de leur audibilité et de leur répétition dan le temps, les bruits engendrés par les jets de bouteilles dans le conteneur à verre ou par le déplacement de ce conteneur sont de nature à engendrer une gêne aux points de mesure considérés ".

Or ces constats ont été faits après des opérations de mesurage effectuées dans une courte période de temps (une heure), ce qui ne permet pas de caractériser l'anormalité du trouble de manière pérenne, à l'encontre de chacun des demandeurs, outre qu'il s'agit d'une analyse réalisée de façon non contradictoire.

Par conséquent ces éléments ne sont pas davantage probants.

A l'inverse, les photographies des containers litigieux incluses dans ce rapport montrent des containers fermés, dans un espace clos et propre, contrebalançant les photographies produites en pièce 16 en demande, non datées, qui laissent apparaître des containers à l'air libre.

Enfin et en toute hypothèse, aucune pièce des débats n'est de nature à justifier les préjudices dont chaque demandeur sollicite réparation, tant dans leur principe que dans leur quantum fixé pourtant à un montant significatif de 5.000 euros.

Mme [J] se contente ainsi, dans son attestation datée du 24 juin 2021, d'affirmer avoir dû consentir à sa locataire une réduction de loyer de 200 euros " du fait des nuisances sonores ", sans verser d'autre pièce, et alors que sa locataire Mme [T] n'en fait nullement état dans sa propre attestation, où elle se contente d'écrire que la vue et l'odeur des poubelles " la dérangent ".

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les consorts [C]- [J]- [B] et [K] succombant dans l'administration de la preuve qui leur incombe tant de l'anormalité du trouble de voisinage que des préjudices allégués, leurs demandes indemnitaires seront rejetées.

Sur les demandes accessoires

Parties succombantes au litige, les consorts [C]- [J]- [B] et [K] seront condamnés in solidum aux dépens ainsi qu'à verser à la société Alice Springs une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 514 modifié par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Il n'y a pas lieu en l'espèce d'écarter l'exécution provisoire de droit.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

DEBOUTE Mme [R] [I] épouse [C], Mme [D] [J], Mme [X] [B] ainsi que M. [S] [K] et Mme [W] [A] épouse [K] de l'ensemble de leurs prétentions,

CONDAMNE in solidum Mme [R] [I] épouse [C], Mme [D] [J], Mme [X] [B] ainsi que M. [S] [K] et Mme [W] [A] épouse [K] aux dépens ainsi qu'à payer à la SCI Alice Springs une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 03 Septembre 2024.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 22/01615
Date de la décision : 03/09/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-09-03;22.01615 ?
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