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03/09/2024 | FRANCE | N°22/02026

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 6ème chambre 1ère section, 03 septembre 2024, 22/02026


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




6ème chambre 1ère section

N° RG 22/02026 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CWBC5

N° MINUTE :




Assignation du :
04 février 2022




JUGEMENT
rendu le 03 septembre 2024
DEMANDERESSE

S.C.I. BELA
[Adresse 4]
[Localité 6]

représentée par Maître Charles GUIEN de la SCP GUIEN LUGNANI & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0488










DÉFENDERE

SSES

S.A.R.L. [Localité 10] CONSTRUCTION SERVICES
[Adresse 1]
[Localité 9]

représentée par Maître Elisabeth BENSAID, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0841

Décision du 03 septembre 2024
6ème chamb...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

6ème chambre 1ère section

N° RG 22/02026 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CWBC5

N° MINUTE :

Assignation du :
04 février 2022

JUGEMENT
rendu le 03 septembre 2024
DEMANDERESSE

S.C.I. BELA
[Adresse 4]
[Localité 6]

représentée par Maître Charles GUIEN de la SCP GUIEN LUGNANI & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0488

DÉFENDERESSES

S.A.R.L. [Localité 10] CONSTRUCTION SERVICES
[Adresse 1]
[Localité 9]

représentée par Maître Elisabeth BENSAID, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0841

Décision du 03 septembre 2024
6ème chambre 1ère section
N° RG 22/02026 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CWBC5

S.E.L.A.R.L. SELARL FIDES Prise en la personne de Maître [V] [J] -- Ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [Localité 10] CONSTRUCTIONS SERVICES
[Adresse 5]
[Localité 8]

non représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Céline MECHIN, vice-président
Marie PAPART, vice-président
Clément DELSOL, juge

assisté de Catherine DEHIER, greffier,

DÉBATS

A l’audience du 28 mai 2024 tenue en audience publique devant Marie PAPART, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Réputé contradictoire
en premier ressort
Décision publique
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Céline MECHIN, président et par Catherine DEHIER greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******************
EXPOSE DU LITIGE :

En qualité de maître d’ouvrage, la SCI BELA a entrepris la construction d’un immeuble collectif de 13 logements, sur un terrain situé [Adresse 3] et [Adresse 2] – [Localité 7].

La maîtrise d'œuvre avec mission complète a été confiée à Monsieur [Z] [T], architecte DPLG.

Par contrat du 27 janvier 2020 et avenant du 10 septembre 2020, la SCI BELA a confié à la société [Localité 10] CONSTRUCTIONS SERVICES (ci-après " la société PCS "), un marché de travaux tous corps d’état moyennant un prix global et forfaitaire de 1 536 000 euros HT soit 1 872 000 euros TTC.

La SCI BELA a versé à la société PCS une avance de démarrage d’un montant global de 156 000 euros HT (187 200 euros TTC) entre le 1er avril et le 09 octobre 2020.

Le 13 octobre 2020, la société PCS a transmis au maître d'œuvre la demande d’agrément de son sous-traitant, la société PIEUX OUEST, pour la réalisation de micropieux, lequel l’a validée et transmise à la SCI BELA le même jour.

Par lettres en recommandé avec accusé de réception de son conseil datées des 04 et 26 février 2021, la SCI BELA a mis en demeure la société PCS d’avoir à fournir notamment la caution bancaire due à la société PIEUX OUEST en garantie du paiement intégral des travaux sous-traités.

Un procès-verbal de constat a été dressé par huissier de justice à la demande de la SCI BELA le jeudi 18 février 2021.

La société PCS a répondu par lettre en recommandé avec accusé de réception datée du 08 mars 2021.

La SCI BELA a notifié à la société PCS la résiliation de son marché par courrier en recommandé avec accusé de réception daté du 09 mars 2021 et l’a convoquée à un constat contradictoire de ses travaux exécutés prévu le mardi 16 mars 2021 à 14 heures, dressé selon procès-verbal par huissier de justice.

Dans le même courrier, la SCI BELA a notifié à la société PCS le « mémoire définitif valant décompte général et définitif » du marché, lequel arrête le montant des travaux exécutés à une somme de 140 870,51 euros TTC, après vérification de la dernière situation de travaux n° 4 de l’entreprise.

Après déduction de l’avance de démarrage, des sommes versées directement par le maître d’ouvrage au BET structure OREGON et au BET électricité JH INGENIERIE, d’une provision au titre des sommes qui sont réclamées à l’entreprise principale par son sous-traitant la société PIEUX OUEST, des frais d’électricité du chantier et des frais bancaires, des pénalités de retard contractuelles, et de deux retenues au titre de l’estimation des taxes de voirie et des frais de remise en état de la voirie, le décompte fait apparaître un solde négatif, c’est-à-dire un trop versé à la société PCS d’un montant de 112 550,77 euros TTC.

En vertu d'une ordonnance rendue par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Créteil datée du 27 juillet 2021, la SCI BELA a fait pratiquer deux saisies conservatoires de créance à hauteur de 1 051,28 euros et 8 625,62 euros sur les comptes bancaires de la société PCS.

Par exploit d'huissier daté du 01er juillet 2021, la société PIEUX OUEST a assigné la SCI BELA et la société PCS devant le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins de payement d'une somme provisionnelle d'un montant de 33 250 euros HT. A titre reconventionnel, la SCI BELA a sollicité la condamnation de la société PCS au versement d'une somme provisionnelle limitée à 79 300,77 euros TTC à titre de trop-perçu sur le montant de son marché suivant les montants du décompte et après déduction du montant de la retenue pratiquée au titre du solde des travaux sous-traités à la société PIEUX OUEST.

Par ordonnance en date du 05 janvier 2022, il a été fait droit à la demande de la société PIEUX OUEST à l'encontre de la société PCS ; en revanche, ont été rejetées sa demande formée contre la SCI BELA et la demande reconventionnelle de cette dernière.

Par acte d'huissier de justice délivré le 04 février 2022, La SCI BELA a fait assigner la société PCS devant la présente juridiction aux fins de remboursement du trop-perçu.

La société PCS a constitué avocat le 17 mars 2023. Son conseil a sollicité le juge de la mise en état par voie électronique les 10 mai et 5 septembre 2022 ainsi que le 24 janvier 2023, aux fins de renvoi pour lui permettre de conclure. Par bulletin en date du 08 juin 2023, le juge de la mise en état lui a fait injonction de conclure pour la date du 28 septembre 2023 et a indiqué qu'à défaut de conclusions l'instance serait clôturée.

Le conseil de la société PCS n'a pas conclu.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 septembre 2023, l'audience de plaidoirie fixée au 30 janvier 2024.

L’ordonnance de clôture a été révoquée à la même date en raison de l’ouverture d’une procédure collective de liquidation judiciaire de la société PCS, afin de permettre à la société demanderesse d’attraire à la cause le liquidateur judiciaire.

Par acte de commissaire de justice en date du 05 mars 2024, la société demanderesse a fait assigner en intervention forcée la SELARL FIDES prise en la personne de Me [V] [J], liquidateur judiciaire de la société défenderesse.

Cette instance, enrôlée sous le n° RG 24/03439, a été jointe par mention le 25 mars 2024.

La SCI BELA sollicite de la juridiction :

« Vu les articles 31 et 32 du code de procédure civile,
Vu les articles 1103, 1193, 1225 et 1231-1 du code civil,

• Déclarer la société [Localité 10] CONSTRUCTIONS SERVICES irrecevable, comme forclose, à contester le décompte général et définitif du marché établi par Monsieur [T] et notifié par courrier RAR du 16 avril 2021 ;

• Dire et juger que la résiliation du marché par la société BELA est intervenue aux torts exclusifs de la société [Localité 10] CONSTRUCTIONS SERVICES ;

En conséquence,

• Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société [Localité 10] CONSTRUCTIONS SERVICES la créance de trop versé de la SCI BELA à la somme de 79.300,77 € TTC, suivant les montants du décompte général et définitif du marché, après déduction du montant de la retenue provisionnelle pratiquée au titre du solde des travaux sous-traités à la société PIEUX OUEST (33.250 € HT [TVA en autoliquidation]) ;

• Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société [Localité 10] CONSTRUCTIONS SERVICES la créance de la SCI BELA à la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ou condamner Maître [V] [J], ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société [Localité 10] CONSTRUCTION SERVICES, au paiement de ladite somme ;

• Condamner Maître [V] [J], ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société [Localité 10] CONSTRUCTIONS SERVICES, aux dépens de la présente procédure.

• Ordonner l’exécution provisoire ; »

A l'appui de ses prétentions, la SCI BELA expose que :

- sur la validité de la résiliation du marché :

*la SCI BELA a été contrainte de résilier de manière anticipée le marché de la société PCS en raison du refus de cette dernière de fournir la caution bancaire due à son sous-traitant, et parce qu’elle a abandonné le chantier dès qu’il lui a été demandé de fournir cette caution bancaire ; cette résiliation a été effectuée dans le respect des règles, à savoir, des dispositions de l'article 1225 du code civil et des stipulations de l'article 29.2 du CCAG du marché contenant une clause résolutoire ; cet article prévoit également que la société PCS est tenue d’assumer les frais causés au maître d’ouvrage par la résiliation de son marché et que ces frais seront prélevés sur les sommes lui restant dues ; la société PCS n'a déféré à aucune des mises en demeure effectuées les 04 et 26 février 2021 ;
*au surplus, même en l'absence de clause résolutoire, il a déjà été jugé que le maître d’ouvrage, pour se prémunir du risque d’engagement de sa responsabilité délictuelle à l’égard du sous-traitant sur le fondement de l’article 14-1 de la loi de 1975, était fondé à résilier unilatéralement le marché aux torts exclusifs de l’entreprise principale, dans l’hypothèse où celle-ci n’aurait pas déféré aux mises en demeure qu’elle a reçues à ce titre ;
*en outre, il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation que le maître d’ouvrage, victime d’un abandon de chantier, est toujours en droit de réclamer à l’entreprise, sur le fondement de sa responsabilité civile, le versement d’une indemnité en réparation du préjudice résultant de la rupture brutale du marché de travaux (Civ. 3e, 11 octobre 2000, n° 98-20.652) ;

- sur la créance :

*le décompte général définitif a été établi conformément à la procédure prévue aux articles 23.2.1 et 23.2.4 du CCAG du marché ; il en découle que la société PCS est réputée avoir accepté sans réserve le décompte faute de contestation dans le délai de 15 jours contractuellement prévu pour ce faire ;
*il ressort de ce décompte que le montant du trop-perçu par la société PCS est détaillé et expliqué, de telle sorte que la concluante apporte la preuve de la créance de trop versé qu'elle détient sur la société défenderesse, à telle enseigne que le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Créteil a fait droit à la requête de la concluante aux fins de saisie conservatoire ;

-sur les moyens de défense invoqués par la société PCS en référé :

*elle conteste tout abandon de chantier au motif que le constat dressé le 18 février 2021 l'a été à 12h, heure du déjeuner, alors que la cessation d'activité est démontrée dès la semaine du 08 février par courrier daté du 11 février du maître d'œuvre, et par son compte-rendu n°24 daté du 16 février non contesté par la société défenderesse ;

*elle invoque des difficultés et manquements importants notamment :
-la présence sur le chantier de M. [X] dont elle dit ne pas savoir le rôle réel alors que celui-ci est l'architecte qui assiste le maître d'œuvre ;
-la validation tardive des plans d'exécution par le bureau de contrôle alors qu'il résulte du courrier de résiliation daté du 09 mars 2021 envoyé par la concluante que ce retard lui est imputable ;

*sur la résiliation du marché : contrairement à ce qu'elle avance, l’exercice ou non d’une action en nullité du sous-traité par le sous-traitant sur le fondement de l’article 14 de la loi de 1975 est sans incidence sur la validité de la décision de résiliation du marché principal prise par le maître d’ouvrage sur le fondement de l’article 14-1 de cette même loi.

Le liquidateur judiciaire de la société PCS n’a pas constitué avocat, aussi celle-ci doit-elle être considérée comme défaillante.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 mars 2024, l'audience de plaidoirie fixée au 28 mai 2024 et l'affaire mise en délibéré au 03 septembre 2024, date du présent jugement.

MOTIVATION :

Préalables :

A titre liminaire, il convient de préciser que les demandes des parties tendant à voir « dire et juger » ou « constater » ne constituent pas nécessairement des prétentions au sens des dispositions des articles 4 et 30 du code de procédure civile dès lors qu'elles ne confèrent pas de droit spécifique à la partie qui en fait la demande. Elles ne feront alors pas l'objet d'une mention au dispositif.

I – Sur la défaillance de la société défenderesse :

Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile : « Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée. »

En l'espèce, il ressort de la signification de l’assignation que le liquidateur judiciaire de la société défenderesse a été cité à personne morale.

Il convient dès lors d'examiner le bien-fondé des demandes formées à l’encontre de la société défenderesse.

II – Sur l’incidence de la procédure de liquidation judiciaire ouverte contre la société défenderesse :

Aux termes de l'article L. 622-22 alinéa 1 du code de commerce : « Sous réserve des dispositions de l'article L.625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L.626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. »

Il convient de rappeler qu'en application des dispositions susvisées, la juridiction saisie reste compétente pour constater l'existence de la créance et pour en fixer le montant, dans la limite du montant déclaré, sans toutefois pouvoir condamner le débiteur à payer son créancier.

En l'espèce, compte tenu de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société défenderesse postérieurement à son assignation, par jugement du tribunal de commerce de Créteil le 11 octobre 2023, il ne pourra être fait droit à quelque demande de condamnation que ce soit.

En revanche, une déclaration de créance d'un montant total de 122 550,77 euros TTC de la société demanderesse au passif de la procédure collective ouverte à l'égard de la société défenderesse a été effectuée auprès du liquidateur et ce dernier a été assigné devant la présente juridiction.

En conséquence, les conditions sont réunies afin de constater, le cas échéant, l'existence d'une créance de la société demanderesse sur la société défenderesse, et d'en fixer le montant.

III – Sur la créance au titre du trop-perçu consécutive à la résiliation du marché :

Aux termes de l'article 1217 du code civil : « La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter. »

Aux termes de l'article 1224 du même code : « La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. »

Aux termes de l’article 1225 du même code : « La clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat.
La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire. » 

Aux termes de l'article 1226 du même code : « Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution. »

En l’espèce, si les parties ont conclu un marché de travaux versé aux débats, signé quoique non daté, dont l’article 29.2 prévoit les cas de résiliation de plein droit autres que ceux de résiliation de plein droit pour force majeure, il sera fait observer que ni les courriers de mise en demeure à peine de résiliation datés des 04 et 26 février 2021 ni le courrier de résiliation daté du 09 mars 2021 envoyé à la société défenderesse ne font aucune mention de cet article du marché, mais se réfèrent au non-respect de l’article 14 de la loi du 31 décembre 1975 ainsi qu’à l’abandon de chantier par la société défenderesse pour motiver cette résiliation ; il s’en déduit que la résiliation du marché conclu entre les parties s’analyse non pas en résiliation sur le fondement de la clause résolutoire de plein droit prévue à l’article 29.2 du marché, mais en résiliation unilatérale pour inexécution suffisamment grave sur le fondement de l’article 1226 du code civil, dont la société demanderesse doit justifier.

Il ressort en page 10 de l’ordonnance rendue par le juge des référés le 05 janvier 2022 que si la société défenderesse a justifié lors de cette instance d'une demande effectuée auprès de BTP BANQUE le 11 février 2021 au titre de la caution bancaire en garantie de paiement de son sous-traitant la société PIEUX OUEST, ce que la société demanderesse ne conteste pas dans ses écritures, la société défenderesse ne démontre pas avoir justifié de cette démarche auprès de la société demanderesse suite aux multiples mises en demeure et avant la résiliation du marché 15 jours après l’envoi de la dernière mise en demeure. Néanmoins, en l’absence d’éléments permettant d’évaluer l’ampleur des travaux confiés au sous-traitant par rapport à la totalité du marché de travaux confié à la société défenderesse, la gravité de l’inexécution du contrat justifiant la résiliation de ce marché dans son intégralité n’est pas démontrée.

Concernant l’abandon de chantier, il résulte du procès-verbal d’huissier effectué le 18 février 2021 à midi les constats suivants :
-l’absence de toute personne sur le chantier ;
-la présence de palissades provisoires métalliques de chantier avec banderoles au nom de la société défenderesse, et la présence de palissades jaunes, à différents endroits du chantier ;
-la présence d’électricité au niveau du sous-sol, lequel est inondé ;
-l’absence de calfeutrement des percements de la dalle entre le rez-de-chaussée et le sous-sol.

Il sera fait observer que ce constat a été réalisé à l’heure de la pause méridienne, et qu’il ne peut se déduire de l’absence de personnel sur le chantier à cette heure quelque élément de preuve que ce soit d’un abandon de chantier.

Il ne sera pas tenu compte au titre de la preuve d’un abandon de chantier du second constat d’huissier versé aux débats, lequel date du 16 mars 2021 et est donc postérieur à la résiliation, dans la mesure où il correspond à un constat contradictoire des travaux consécutif à cette résiliation.

Enfin, s’il ressort du courrier du maître d’œuvre daté du 11 février 2021 et du compte-rendu de chantier n°24 daté du 16 février 2021 versés aux débats que ce dernier constate une cessation d’activité du personnel de la société défenderesse sur le chantier, il sera fait observer que par courrier daté du 08 mars 2021, la société défenderesse explique que sa prestation ne se limite pas à des interventions sur le chantier mais inclut également des phases d’études, de préparation ou d’organisation préalables aux interventions lesquelles nécessitent la validation du maître d’œuvre et du bureau de contrôle, validation qu’elle dit avoir des difficultés à obtenir ce qui impacte l’exécution du chantier.

Or, il ressort du marché de travaux que de telles phases d’études et de validations avant interventions étaient effectivement prévues au marché de travaux confié à la société défenderesse.

Si la société demanderesse, dans son courrier de résiliation daté du 09 mars 2021, accuse la société défenderesse d’avoir tardé à transmettre les plans de coffrage et de n’avoir pas diffusé ses plans de ferraillage, ce qui selon elle expliquerait la situation d’arrêt et d’abandon de chantier depuis le début du mois de février, elle n’en justifie cependant pas, aucune pièce corroborant ces éléments n’étant versée au dossier.

Dès lors, l’abandon de chantier n’est pas caractérisé.

Par conséquent, la société demanderesse ne justifie pas de la gravité de l’inexécution ayant donné lieu à la résolution unilatérale du contrat à laquelle elle a procédé.

Il n’y a donc pas lieu de dire que la résiliation du marché par la société demanderesse est intervenue aux torts exclusifs de la société défenderesse.

Cependant, le marché de travaux ayant été résilié, il y a lieu de déterminer les sommes éventuellement dues par la société PCS aux termes du décompte général définitif.

La société demanderesse fait valoir que la société PCS n’a pas contesté ce décompte dans le délai prévu contractuellement, de telle sorte que celui-ci est devenu définitif et incontestable.

Il ressort du marché de travaux :
- pris en son article 23.2.3 dans l’hypothèse où l’entrepreneur a adressé son mémoire définitif, qu’il dispose d’un délai de 15 jours à compter de la notification du décompte général établi par le maître d’œuvre avec l’accord du maître d’ouvrage pour présenter, par LRAR uniquement, son acceptation ou ses observations éventuelles au maître d’œuvre et pour en aviser simultanément le maître d’ouvrage ; l’entrepreneur est réputé avoir accepté le décompte général s’il ne l’a pas renvoyé signé dans le délai de 15 jours ou si, l’ayant renvoyé dans ce délai, il n’a pas motivé son refus ou n’a pas exposé en détail les motifs de ses réserves ;
- en son article 23.2.4, dans l’hypothèse où l’entrepreneur n’a pas adressé son mémoire définitif dans le délai de 15 jours à compter de la résiliation de son marché, que le maître d’ouvrage peut le faire établir par le maître d’œuvre aux frais de l’entrepreneur, lequel dispose d’un délai de 15 jours pour le contester à compter de sa notification par LRAR, ce mémoire étant considéré comme accepté sans réserve à défaut de contestation dans ce délai.

En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats que le décompte général établi par le maître d’œuvre a été envoyé par courrier recommandé le 17 avril 2021 à l’entrepreneur ; que si, d’après l’ordonnance rendue par le juge des référés le 05 janvier 2022, ce décompte général applique un certain nombre de retenues discutées par la société PCS, ce que confirme le courrier envoyé en recommandé avec accusé de réception par son conseil en date du 23 juin 2021, il n’est cependant pas justifié de ce que l’entreprise a contesté le décompte général dans les formes et les délais contractuellement prévus, aussi celui-ci doit-il être considéré comme définitif.

Dès lors, il y a lieu de faire droit aux prétentions de la société demanderesse émises sur le fondement du décompte général définitif.

Par conséquent, il y a lieu de constater l’existence d’une créance de la société demanderesse sur la société défenderesse au titre du décompte général définitif pour un montant de 79 300,77 euros TTC.

IV – Sur les demandes accessoires :

Aux termes de l'article 696 alinéa 1 du code de procédure civile: « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. »

Aux termes de l'article 700 alinéas 1 et 2 du même code : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer:
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. »

La société défenderesse succombe, aussi, il y a lieu de constater l'existence d'une créance à son égard au titre des dépens.

En équité, il n’y a pas lieu de faire doit aux demandes formées au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort ;

Dit n’y avoir lieu à résiliation du marché de travaux conclu entre la SCI BELA et la SARL [Localité 10] CONSTRUCTIONS SERVICES représentée par son liquidateur judiciaire la SARL FIDES prise en la personne de Maître [V] [J], aux torts exclusifs de cette dernière ;

Constate l'existence d'une créance de la SCI BELA sur la SARL [Localité 10] CONSTRUCTIONS SERVICES représentée par son liquidateur judiciaire la SARL FIDES prise en la personne de Maître [V] [J] ;

Fixe cette créance à un montant de 79 300,77 euros TTC ;

Constate l'existence d'une créance sur la SARL [Localité 10] CONSTRUCTIONS SERVICES représentée par son liquidateur judiciaire la SARL FIDES prise en la personne de Maître [V] [J] au titre des dépens ;

Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles ;

Rappelle que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile.

Rejette le surplus des demandes.

Fait et jugé à Paris le 03 septembre 2024

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 6ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 22/02026
Date de la décision : 03/09/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-09-03;22.02026 ?
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