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03/09/2024 | FRANCE | N°22/09601

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 9ème chambre 1ère section, 03 septembre 2024, 22/09601


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :




9ème chambre 1ère section

N° RG 22/09601

N° Portalis 352J-W-B7G-CXQHX

N° MINUTE :

Assignation du :
28 Juillet 2022

Contradictoire






ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 03 septembre 2024

DEMANDERESSE

Madame [R] [O]
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Me Arnaud DELOMEL, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant et par Me Emilie CHANDLER, avocat au barreau de PARI

S, avocat postulant, vestiaire #E0159

DEFENDERESSES

BRED BANQUE POPULAIRE
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Me Jean-philippe GOSSET, avocat au barreau de PARIS, ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :

9ème chambre 1ère section

N° RG 22/09601

N° Portalis 352J-W-B7G-CXQHX

N° MINUTE :

Assignation du :
28 Juillet 2022

Contradictoire

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 03 septembre 2024

DEMANDERESSE

Madame [R] [O]
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Me Arnaud DELOMEL, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant et par Me Emilie CHANDLER, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E0159

DEFENDERESSES

BRED BANQUE POPULAIRE
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Me Jean-philippe GOSSET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0812

Etablissement BANCO BPI
[Adresse 6]
[Localité 3]

représentée par Me Mari-carmen GALLARDO ARDOUIN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1981

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Monsieur Patrick NAVARRI, Vice-président, juge de la mise en état,
assisté de Madame Sandrine BREARD, Greffière.

DEBATS

A l’audience du 14 mai 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 03 septembre 2024.

ORDONNANCE

Rendue publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
Susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [R] [O] est cliente auprès de l’établissement bancaire BRED BANQUE POPULAIRE.
 
En juin 2019, Madame [R] [O] a été contactée par une entité dénommée KAUFMAN CORP pour investir ses fonds dans des livrets d’épargne afin d’acquérir et de revendre de la crypto-monnaie.
 
En date des 7, 20 et 28 août 2019, Madame [R] [O] procédait à trois versements respectivement de 50.000 euros, 30.000 euros et 30.000 euros chacun à partir de son compte ouvert auprès de la BRED BANQUE POPULAIRE.

Les fonds étaient transférés sur un compte bancaire ouvert au nom d’ une société dénommée JDATA STORAGE & PROTECTION UNIPESSOL LDA ,ayant pour IBAN le numéro PT50 0010 0000 5736 5040 00121, domicilié au Portugal au sein de l’établissement bancaire BANCO BPI S.A. 
 
Le 6 novembre 2019, Madame [R] [O] a  déposé  plainte  auprès de la gendarmerie de [Localité 7].
 
Par actes d’huissier de justice, Madame [R] [O] a  assigné  le 28 juillet 2022 la  société BRED BANQUE POPULAIRE et le 1er août 2022 la société la BANCO BPI S.A. devant le tribunal de  céans, aux fins d’indemnisation du  préjudice subi  résultant du manquement de vigilance des établissements bancaires. 

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 29 avril 2024 la BANCO BPI demande de :
Vu les articles 11, 138, 142, 788 et 789 du Code de procédure civile,
Vu les articles L561-5 et suivants et R561-5 et suivants du Code Monétaire et Financier,
Vu la jurisprudence et les pièces versées aux débats,

• Condamner la société BANCO BPI S.A. à communiquer à Madame [O] les informations relatives au compte ayant pour IBAN les numéros [XXXXXXXXXX08] :

- Tout document attestant de la vérification d’identité de sa cliente, la société JDATA - STORAGE & PROTECTION, UNIPESSOAL LDA, et de son représentant légal lors de l’ouverture du compte bancaire :
- Les statuts de la société JDATA - STORAGE & PROTECTION, UNIPESSOAL LDA,
- Une déclaration de résidence fiscale de la société,
- Une copie de la carte d’identité ou du passeport du représentant légal de la société et du bénéficiaire effectif ;
- La déclaration de bénéficiaire effectif.

- Tout document attestant de la nature professionnelle du compte ouvert :
- La justification économique déclarée par le client ou le fonctionnement envisagé du compte bancaire.

- Les relevés de compte bancaire intégraux de la société JDATA - STORAGE & PROTECTION, UNIPESSOAL LDA pour les mois de juillet, août et septembre 2019 ;

- Les factures émises par la société JDATA - STORAGE & PROTECTION, UNIPESSOAL LDA pour justifier des prestations fournies au titre de l’encaissement des fonds de Madame [O].

- Le cas échéant, tout document attestant de l’exercice du devoir de vigilance de la société BANCO BPI lors du fonctionnement du compte de la société JDATA - STORAGE & PROTECTION, UNIPESSOAL LDA.

Sous astreinte définitive de 5.000 € par jour de retard, passé un délai de 15 jours après la
signification de l’ordonnance à intervenir, durant 2 mois.

• Condamner la société BANCO BPI S.A. à verser à Madame [O] la somme de 1.000 € au titre
des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

• Condamner la même aux entiers dépens.

A l’appui de ses demandes Mme [O] fait valoir :
- que selon les différents articles du Code monétaire et financier, la banque doit avant d’entrer en relations avec son client, disposer d’informations sur les revenus et le patrimoine de son client ;
- que si le secret bancaire peut être opposé par la banque, en revanche on peut lui demander de produire tous les documents fournis lors de l’ouverture du compte ainsi que ceux relatifs à son devoir de vigilance comprenant la totalité des relevés de compte.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 6 mai 2024, la BANCO BPI demande de :

Vu notamment la Convention de La Haye du 18 mars 1970 sur l’obtention des preuves à l’étranger en matière civile et commerciale, le Règlement (UE) 2020/1783 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relatif à la coopération entre les juridictions des Etats membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile ou commerciale (obtention de preuves), l’article 4.1 du Règlement n° 864/200 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (« Règlement Rome II »),

Juger irrecevable la demande de communication de pièces formulée par Madame [R] [O] à l’encontre de la société BANCO BPI SA,

Subsidiairement,

Juger que c’est la loi portugaise qui est applicable aux relations extracontractuelles existantes entre la société BANCO BPI SA et Madame [R] [O],

Débouter Madame [R] [O] de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner Madame [R] [O] à payer à la société BANCO BPI SA une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

A l’appui de sa demande elle fait valoir :
- que Mme [O] est irrecevable à demander au juge de la mise en état d’ordonner à la banque de lui transmettre les documents détenus au Portugal ;
- que Mme [O] ne peut pas se fonder sur le Code monétaire français pour solliciter sa demande de communication de pièces dès lors que c’est le droit portugais qui s’applique ;
- que selon la loi portugaise elle ne peut pas communiquer les documents sollicités qui sont couverts par le secret bancaire.

Sur l’incident, la BRED BANQUE POPULAIRE n’a pas conclu.

MOTIVATION

Dès lors qu’une banque est partie à un litige, quand bien même la banque a son siège à l’étranger et détient des documents dans ce pays, le juge peut lui imposer de produire ces documents sans solliciter l’intervention de l’Etat étranger. Dès lors, il y a lieu de recevoir Mme [O].

C'est à juste titre que la société BANCO BPI SA, pour faire valoir que la loi portugaise est applicable, se fonde sur l'article 4 du Règlement CE n° 867/2007 Rome II du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles dit Rome II qui dispose que : 'Sauf dispositions contraires du présent règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent'.

En l'espèce, le lieu de survenance du dommage est le Portugal où l'appropriation des fonds s'est produite et la seule circonstance que les effets de cette appropriation ont été ressentis par Mme [O] en France à raison de ce que les fonds investis l'ont été par l'intermédiaire d'un ordre de virement à partir de ses comptes ouverts en France, en l'absence de tout autre élément de rattachement produit attestant de liens plus étroits de nature à concourir à la désignation de la loi française, est insuffisante à justifier l'application de la loi française alors que, tout au contraire, ce sont les obligations de la banque portugaise à l'égard de sa propre cliente détenant un compte dans ses livres au Portugal qui sont invoqués.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la loi applicable à l'action intentée par Mme [O] à l'encontre de la société BANCO BPI SA est la loi portugaise.

Il y a donc lieu de déclarer que la loi portugaise s'applique à cette action en responsabilité. Or Mme [O] se fonde sur les dispositions de la loi françaises pour trancher son litige.

Il est de jurisprudence constante qu'il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger d'en rechercher, soit d'office, soit à la demande de la partie qui l'invoque, la teneur, avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger (Com., 24 juin 2014, n°10-27646 ; Civ. 1ère, 28 juin 2005, n°00-15734 ; Civ. 1ère 11 février 2009, n°07-13088 ; Civ. 1ère, 20 février 2008, n° 06-19936).

En l’espèce, il est constant que les relations entre une banque portugaise et son client sont couverts par le secret bancaire. Or Mme [O] ne justifie pas d’éléments suffisants permettant de demander à une banque de produire tous les documents fournis lors de l’ouverture du compte bancaire ainsi que ceux relatifs à son devoir de vigilance comprenant la totalité des relevés de compte qui sont couverts par le secret bancaire.

Dès lors, il y a lieu de rejeter la demande de Mme [O] de production de pièces.

Il y a lieu également de réserver les autres demandes ainsi que les dépens et l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état statuant publiquement, par ordonnance mise à la disposition au greffe, contradictoirement et susceptible d'appel dans les conditions prévues par l’article 795 du Code de procédure civile,

RECEVONS l’action de Mme [R] [O] ;

DÉBOUTONS Mme [R] [O] de sa demande d’injonction à l’encontre de la société BANCO BPI SA ;

RENVOYONS l’affaire à l’audience de mise en état en date du mardi 15 octobre 2024 pour clôture ;

RÉSERVONS les autres demandes ainsi que les dépens et l’article 700 du Code de procédure civile.

Faite et rendue à Paris le 03 Septembre 2024.

La Greffière Le Juge de la mise en état


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 9ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 22/09601
Date de la décision : 03/09/2024
Sens de l'arrêt : Autres décisions ne dessaisissant pas la juridiction

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-09-03;22.09601 ?
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